B. UNE ÉCONOMIE FORTEMENT AFFECTÉE PAR LA CRISE

1. Des indicateurs virant au rouge

En décembre 2008, le gouvernement japonais a annoncé une contraction du PIB de 0,5 % de juillet à septembre, après une baisse de 1 % d'avril à juin. Le Japon est ainsi officiellement rentré en récession , ce qui ne lui était pas arrivé depuis 2001.

Au quatrième semestre 2008, le Japon a même subi sa pire contraction économique en 35 ans. Le PIB y a chuté de 12,7 % en rythme annuel, son économie s'étant contractée quatre fois plus vite que celle des Etats-Unis. Ce recul, le troisième d'affilée, est le plus fort depuis celui enregistré au premier trimestre 1974, en plein choc pétrolier. Le Japon a annoncé une chute sans précédent de 10 % de sa production industrielle en janvier 2009 et de 41 % de sa production automobile.

Selon un rapport de l'agence de notation financière Standard & Poor's du 26 février 2009, le Japon risque de subir « sa pire récession » depuis 1945, comme l'a d'ailleurs reconnu le gouvernement. L'agence a ainsi anticipé une chute de son PIB qui pourrait atteindre 4 % cette année, après une baisse de 0,7 % en 2008.

Cette récession intervient alors que le pays, qui avait été épargné par le choc des subprimes , semblait « tiré d'affaire » après avoir nettoyé ses créances douteuses à la fin des années 90 et renoué avec la croissance depuis 2003.

En outre, le Japon est menacé d'un retour de la déflation dès la mi-2009. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), un recul de 0,1 % des prix à la consommation dans l'archipel serait attendu pour l'ensemble de l'année 2010.

2. Une baisse des exportations non relayée par la consommation interne

La récession brutale touchant le Japon s'explique à la fois par l'effondrement de ses exportations, en baisse de 45,7 % sur un an, et de la consommation, en recul de 5,9 %.

Source : ministère des finances.

La reprise qui animait le pays depuis 2003 masquait en réalité les déséquilibres persistants de l'économie intérieure, qui reposait entièrement sur les exportations du secteur industriel, et non sur le dynamisme de la demande interne. Ainsi, entre 1996 et 2007, les ventes de produits manufacturés à l'étranger ont augmenté de 20 %, tandis que les achats au Japon ont chuté d'autant.

Or, la crise actuelle a percuté de plein fouet le dynamisme des exportations japonaises, tout en contractant plus encore la demande. En décembre 2008, le Japon a ainsi enregistré une accentuation du recul de ses exportations vers ses principaux partenaires commerciaux, les Etats-Unis (- 37 % en rythme annuel), l'Union européenne (- 42 %) et surtout l'Asie (- 36 %), qui représente habituellement la moitié de ses débouchés.

La faiblesse de la consommation intérieure s'explique d'abord par le repli démographique du Japon. Le vieillissement rapide de sa population sape en effet son marché intérieur. A cela s'ajoute, depuis sept ans, la stagnation du revenu disponible des ménages. Inquiètes quant à leur avenir, les entreprises ne redistribuent plus la richesse comme auparavant et gèlent les salaires. Enfin, le rendement de l'épargne est quasi nul depuis dix ans en raison de la politique de « taux zéro » suivie par la banque centrale.

3. La fragilisation du secteur financier

La bourse japonaise est fortement fragilisée par la crise. En 2008, elle a connu la plus mauvaise année de son histoire, chutant de 42 %. Le 9 mars 2009, l'indice Nikkei a atteint son plus bas niveau depuis 26 ans, en clôturant à un peu plus de 7.000 points.

Les résultats des six principaux groupes bancaires japonais , au premier semestre de l'exercice 2008, s'inscrivaient en net recul de 58 % par rapport à ceux enregistrés à fin septembre 2007, essentiellement par une augmentation marquée du coût du risque.

Les douze principales sociétés d'assurance vie (dont trois étrangères) ont enregistré une baisse de 17 % de leur résultat net. Les sept principales sociétés d'assurance non vie (représentant environ trois quarts du marché local) ont enregistré une chute d'environ 60 % de leur résultat net.

4. Un renforcement du yen pénalisant les exportations

Après avoir baissé, plus ou moins fortement, face au dollar et à l'euro, le yen est reparti à la hausse depuis début 2007, jusqu'à peser sur les exportateurs dans un contexte de crise généralisée.

EVOLUTION DU TAUX DE CHANGE NOMINAL JOURNALIER DU YEN
CONTRE DOLLAR ET CONTRE EURO DE 2000 À 2009

Source : mission économique française au Japon.

Les responsables politiques mettent en cause cette hausse -le yen serait en ce moment surévalué de 34 % par rapport au dollar, selon l'OCDE. Cependant, si l'on s'intéresse au taux de change effectif sur deux ans, la hausse du yen apparaît moins spectaculaire, son cours actuel ne correspondant qu'à la moyenne des 34 dernières années.

Or, une intervention sur le yen, à laquelle sont tentés de recourir les pouvoirs publics, risquerait de déclencher une spirale de dévaluations compétitives de la part, ensuite, de la Chine et des Etats-Unis, ce qui renforcerait d'autant l'effet de contraction économique due à la crise.

5. La dégradation du marché de travail

La situation sur le marché du travail n'a cessé de se dégrader au cours des derniers mois, le taux de chômage atteignant 4,4 % fin décembre 2008. Or, ce taux est traditionnellement faible au Japon, les entreprises préférant généralement réduire les salaires que licencier.

Par ailleurs, des tensions se font jour sur le marché du travail depuis 2006. En effet, après avoir atteint 68,1 millions de personnes en juin 1997, la population active ne cesse de diminuer pour se chiffrer fin janvier 2007 à 66,8 millions de personnes. En conséquence, le ratio « nombre d'offres d'emploi/nombre de demandes d'emploi » est supérieur à l'unité, pour la première fois depuis l'éclatement de la bulle spéculative du début des années 1990.

Cependant, le taux d'activité des japonais reste exceptionnellement élevé , au regard des autres pays occidentaux. Ainsi, le taux d'emploi des personnes âgées de 15 à 64 ans s'élevait à 70 % en 2006, soit 8 points de plus qu'en France et 4 points de mieux que la moyenne des pays membres de l'OCDE.

Un phénomène spécifique dénommé haken choc par les sociologues risque cependant d'altérer un peu plus le modèle social japonais. Il désigne le traumatisme des 3,2 millions de salariés intérimaires, ou haken , embauchés en 2006 pour une durée de trois ans, et dont le contrat arrive à échéance cette année, en pleine crise. Cette catégorie de travailleurs est la première victime du retournement de l'économie, d'autant que leur employeur leur fournissait souvent le logement.

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