b) Le marché de quotas doit disposer de règles...

Votre groupe de travail estime tout d'abord qu'il ne faut pas attendre de dysfonctionnements avérés, aux conséquences potentiellement graves, pour agir. Le marché du carbone est un marché de plus en plus mature et, en tant que tel, il doit disposer de règles. Les soupçons de fraude à la TVA sur le marché français, évoqués précédemment, illustrent d'ailleurs cette nécessité.

Il conviendrait donc d'imposer un encadrement du marché du carbone, au niveau européen, fondé sur des principes clairs . L'Europe gagnerait à s'inspirer de la section 401 du projet de loi « Waxman-Markey » précité qui prévoit la mise en place d'une réglementation secondaire dans les 18 mois suivant sa promulgation, laquelle doit répondre aux objectifs suivants :

- la surveillance « efficace » et « globale » du marché du carbone ;

- le fonctionnement « équitable, ordonné et liquide du marché » ;

- la transparence du marché ;

- la limitation des « fluctuations déraisonnables » des prix des quotas ;

- la limitation du pouvoir de marché et du risque de contrepartie, notamment pour les transactions en-dehors des places de marché ;

- l'interdiction de la fraude, des manipulations de marché et de la spéculation « excessive ».

c) ...et d'un « gendarme »

Enfin, pour faire appliquer une telle législation, il faut un « gendarme ». Or, la directive est ambiguë de ce point de vue. Non seulement aucune autorité spécifique n'est désignée, mais la répartition des rôles entre les institutions n'apparaît pas clairement : comme indiqué ci-dessus, « la Commission [européenne] surveille le fonctionnement du marché européen du carbone » (article 10.5 de la directive) mais « elle présente au Parlement européen et au Conseil un rapport sur le fonctionnement du marché du carbone ». Il est difficile, sur cette base, de déterminer à qui revient la responsabilité ultime de l'encadrement des marchés .

Or, ce marché européen émergent pourrait fournir l'occasion de mettre en place une autorité de régulation commune capable d'édicter une réglementation secondaire et dotée d'un pouvoir de sanction des manquements, ce que recommande vivement votre groupe de travail . A défaut, il conviendrait au moins de désigner un ou des responsables disposant de l'autorité nécessaire. En France, l'Autorité des marchés financiers (AMF) paraît naturellement apte à remplir ce rôle au vu des similitudes de fonctionnement entre marché du carbone et marchés financiers.

Bien entendu, quel que soit le schéma finalement retenu, le « gendarme du marché » devra disposer d'un pouvoir de sanction dissuasif à l'égard des opérateurs mal intentionnés. Là encore, la différence entre le vide de la réglementation européenne et les termes du projet de loi « Waxman-Markey » est éloquente. Dans ce dernier texte, la Commission fédérale de régulation de l'énergie (FERC), désignée comme responsable de l'encadrement du marché américain du carbone peut :

- suspendre l'entité incriminée pour une durée pouvant aller jusqu'à 6 mois ou l'interdire purement et simplement de participer aux échanges ;

- l'obliger à restituer les profits indus et à indemniser le préjudice causé ;

- lui infliger une amende civile ou une astreinte pouvant atteindre un million de dollars par jour d'infraction .

Bien entendu, ce projet de loi prévoit également une procédure comportant des droits pour la défense. D'autres contraintes spécifiques s'appliquent aux produits dérivés 99 ( * ) .

Il est regrettable que l'avance européenne incontestable en termes d'établissement des marchés du carbone ne lui ait pas permis de dicter des standards de régulation. Toutefois, la mise en place d'une telle régulation apparaît indispensable le plus rapidement possible et, en tout état de cause, avant le lancement de la troisième phase du SCEQE.

* 99 Notamment un plafond d'emprise de 10 % sur le marché et le passage obligatoire par une bourse d'échanges spécialisée dans les marchés de commodités. En cas de manipulation du marché ou de divulgation d'informations erronées, le coupable encourt une peine de20 ans de prison et une amende de 25 millions de dollars. La suspension des opérations peut atteindre 5 ans.

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