CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES

CONTRIBUTION DE M. THIERRY FOUCAUD, VICE PRESIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES, MEMBRE DU GROUPE DES SENATEURS CRC - SPG

Le dossier de la fiscalité environnementale est ouvert depuis plusieurs années, notamment depuis la publication de plusieurs rapports du Conseil national des impôts (devenu depuis Conseil des prélèvements obligatoires) tant sur la fiscalité dérogatoire que sur la fiscalité environnementale stricto sensu.

Les travaux du groupe de travail « fiscalité environnementale » se situent donc dans le droit fil de ces interrogations.

Le rapport édité par le groupe permet d'appréhender les enjeux du débat, nonobstant le positionnement politique de chacun de ses membres dont le présent texte est l'illustration.

Ce débat prend évidemment un tour nouveau après l'annonce de la mise en place de la « contribution climat énergie » à l'échéance du terme de l'actuelle législature, cette contribution étant appelée, de par ses auteurs, à se substituer à d'autres prélèvements, avec une priorité accordée à l'allègement de la taxe professionnelle actuellement due par les entreprises.

Le discours à visée environnementale a pris une tournure particulière ces dernières années, notamment depuis l'adoption de la Charte de l'environnement et la présentation des deux projets de loi tirant les conclusions du Grenelle de l'environnement.

Ce discours dominant fait de la fiscalité l'un de ses éléments clés, une fiscalité largement assise sur la consommation de produits énergétiques d'une part, mais aussi sur un sentiment de culpabilisation assez largement répandu, occultant en particulier les enjeux de la réduction à la source des pollutions de toute origine.

A. FISCALITE ENVIRONNEMENTALE : UNE REALITE DEJA TRES PRESENTE

Contrairement à ce qui est dit très souvent, la fiscalité environnementale constitue un élément important de notre système de prélèvements obligatoires.

Sur la base des travaux du Conseil national des impôts, le volume des différents prélèvements liés à l'environnement (TIPP sur les produits pétroliers, taxes et redevances sur l'eau ou le traitement des ordures ménagères, par exemple) s'élevait en 2005 à près de 50 milliards d'euros, c'est-à-dire un niveau proche du rendement de l'impôt sur le revenu.

Pour l'essentiel, ces prélèvements sont largement sollicités pour faire face aux contraintes budgétaires des autorités qui les décident et qui les votent, à la nuance que la TIPP participe, d'abord, des recettes du budget général quand les taxes et redevances locales sur l'eau ou le traitement des déchets participent du financement de ces services.

On notera que la TIPP est aussi en partie utilisée pour compenser des charges transférées aux collectivités territoriales par les lois de décentralisation, charges dont le lien avec la protection de l'environnement est d'ailleurs assez ténu.

B. LA CRÉATION DE LA TAXE CARBONE : UNE USINE A GAZ FISCALE DE PLUS ?

La mise en place de la « taxe carbone », appelée désormais « contribution énergie climat », constitue l'un des axes majeurs dans la réflexion du groupe de travail.

Motivée par le débat actuel sur la protection de l'environnement, la lutte contre l'effet de serre et le réchauffement climatique, la taxe carbone apparaît cependant de plus en plus comme un instrument fiscal complexe, dont il est fort prévisible qu'elle sera d'autant plus difficilement supportée que les revenus du redevable seront faibles.

La controverse soulevée par les associations de consommateurs, comme l'interprétation fallacieuse des résultats d'enquête d'opinion sur la mise en place de la taxe carbone ne doivent pas faire oublier l'essentiel : une telle taxe risque de relever de manière sensible le prix de l'essence à la pompe, comme celui de la facture domestique de chauffage ou d'électricité.

Sans qu'il soit possible aux plus modestes d'en tirer un quelconque avantage.

Les limites de la taxe carbone sont d'ailleurs évidentes, dans le document rendu par le groupe de travail, au regard des exemples étrangers.

Aucun des pays n'ayant adopté de telles contributions ne « gère » de la même manière cette taxation, et les contreparties accordées aux contribuables (entreprises comme ménages) sont fort variables.

Tantôt, en effet, l'existence de la taxe sert à concevoir des politiques d'exonération incitatives, tantôt elle motive le versement de nouveaux transferts sociaux ou financiers aux contribuables.

Le groupe des sénateurs CRC - SPG n'est donc pas, a priori, favorable à la mise en place d'une contribution de cette nature.

D'autant qu'il apparaît de plus en plus que sa création visera, pour une bonne part, à gager les effets de la réduction de la taxe professionnelle normalement due par les entreprises sur leurs investissements (que ces investissements soient d'ailleurs écologiquement responsables ou pas).

Au demeurant, dans son rapport de 2005, le Conseil national des impôts s'interrogeait lui-même sur la pertinence de l'outil fiscal en matière de protection de l'environnement, les dispositifs réglementaires ayant, sur ces questions, autant de portée, sinon plus, que les mesures fiscales.

Protéger l'environnement impose en fait de « prendre la question par le bon bout », c'est-à-dire de rechercher, autant que faire se peut, les voies et moyens de la réduction des pollutions de toute nature, plutôt que la pénalisation, par la fiscalité, des comportements individuels et collectifs.

Puisque cette fiscalité n'est que la simple application du principe pollueur payeur, principe dont l'ultime manifestation se retrouve toujours dans le prix des produits proposés au consommateur final.

C. QUELQUES ELEMENTS DE PROPOSITION

A la lumière des expériences étrangères, il semble bien que les mesures de fiscalité environnementale mises en oeuvre sont, au-delà du discours à visée écologique, largement utilisées pour offrir l'opportunité d'une remise en cause de l'équilibre des prélèvements obligatoires.

A dire vrai, le discours du Président Sarkozy n'échappe pas à ce principe : l'existence de la contribution climat énergie serait l'opportunité de réduire tantôt la taxe professionnelle, tantôt les cotisations sociales des entreprises, ou encore l'impôt sur le revenu des ménages.

Les dernières propositions du ministère de l'économie et des finances elles - mêmes indiquent clairement que la taxation carbone va permettre l'allégement de la taxe professionnelle.

Avec des effets pervers, puisque les mêmes entreprises bénéficiant de l'allégement de la TP seront probablement, pour une grande part, celles qui paieront la plus nette contribution climat énergie.

Sans compter que, comme prévu, ce sont les ménages qui seront, au titre de la consommation énergétique résidentielle, les plus mis à contribution.

Une telle vision, de notre point de vue, disqualifie toute justification de mise en place d'une nouvelle fiscalité environnementale dont on sait que la première caractéristique sera, de toute manière, d'être un impôt pesant sur la consommation, avec de forts aspects régressifs, de la même manière que ce qui peut être observé en matière de taxe sur la valeur ajoutée, par exemple.

Et que cette fiscalité fondée sur la consommation servira d'autant à réduire la fiscalité fondée sur la création de richesses, dans son lieu naturel : l'entreprise de production de biens et de services.

Une « remise en ordre » de la fiscalité comme de la politique environnementale doit passer par d'autres voies.

Première voie : puisque la fiscalité environnementale existe déjà (notamment la TIPP), autant faire en sorte que sa collecte puisse, d'une manière ou d'une autre, servir la cause de l'environnement.

On peut ainsi très bien concevoir que les collectivités territoriales, bénéficiant aujourd'hui d'une compensation de charges transférées par répartition du produit de la TIPP, disposent demain d'autre(s) recette(s) dédiée(s), que l'on peut escompter plus dynamiques que la taxe intérieure et que le montant aujourd'hui consacré à la compensation soit affecté à un fonds d'investissement écologique.

Ce fonds, géré de manière paritaire, serait habilité à accorder des prêts à faible taux et/ou des quasi subventions à tout organisme, entreprise, collectivité ou encore particulier désireux de réaliser un investissement éco responsable.

Notons, par exemple, que les 5 milliards d'euros attendus de la contribution climat énergie, ou les 8,6 milliards d'euros de la TIPP transférés actuellement aux collectivités locales utilisés sous forme de prêts à faible taux d'intérêt (0 à 2 %) constituent un volume particulièrement intéressant à mobiliser pour atteindre les objectifs de toute politique environnementale.

Seconde voie : s'il faut trouver les voies et moyens pour répondre aux défis de la protection de l'environnement, du réchauffement climatique et de la lutte contre l'effet de serre, nul doute que la fiscalité ne peut constituer le seul outil adapté.

En effet, c'est à la lumière d'une approche critique de l'ensemble des politiques publiques, en matière de transports, de développement d'infrastructures, de logement, des sommes que l'on est prêt, aujourd'hui, à y consacrer, des priorités que l'on paraît devoir retenir que nous trouverons les moyens de répondre aux défis environnementaux.

Vouloir créer la taxe carbone quand on parle de plus en plus d'autoriser la circulation de camions de plus de soixante tonnes et que l'opérateur public de transport ferroviaire supprime une grande partie de ses activités fret est pour le moins contradictoire.

La même observation vaut quand les politiques urbaines, soumises à la spéculation foncière et immobilière, conduisent à l'exclusion des ménages les plus modestes du centre des agglomérations et les contraignent, de fait, à recourir à des modes de transport individuels, plus coûteux pour eux-mêmes comme pour la collectivité.

Ce sont ces enjeux que la présente contribution entend souligner, au terme des travaux du groupe de travail sur la fiscalité environnementale.

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