ANNEXE 1 - COMPTE RENDU DES ENTRETIENS

MISSION EN INDE-AFGHANISTAN-PAKISTAN

22 SEPTEMBRE -- 1ER OCTOBRE 2009

I - INDE

Mercredi 23 septembre 2009

1 - Réunion avec l'Ambassadeur, M. Jérôme Bonnafont, M. Hervé Manière, Attaché de défense adjoint (armement), M. Jean Leviol, Chef de la Mission économique, M. Guillaume Bazard, Premier Conseiller, M. Raphaël de Lagarde, Deuxième Conseiller.

M. Jérôme Bonnafont a tout d'abord rappelé les fondements sur lesquels repose l'accord de partenariat stratégique entre la France et l'Inde. Les deux pays ont des vues convergentes sur les grandes questions régionales et internationales. Elles sont toutes deux attachées à la paix et à la sécurité internationales, à la non-prolifération nucléaire et à la lutte contre le terrorisme. La France soutient l'entrée de l'Inde au Conseil de sécurité en qualité de membre permanent, ce qui rendrait les Nations unies plus adaptées aux besoins du XXIe siècle et permettrait à l'Inde de jouer le rôle qui lui correspond dans les affaires du monde. Elle estime également nécessaire que le G8 se transforme à terme en un G13 incluant l'Inde.

Cette coopération inclut également la reconnaissance du statut de l'Inde comme puissance nucléaire civile non proliférante dans laquelle la France a joué un rôle important. L'adoption par le Sénat de la convention entre la France et l'Inde sur le nucléaire civil va permettre de concrétiser cette coopération.

Dans le cadre du partenariat stratégique, la coopération militaire franco-indienne représente un intérêt opérationnel direct pour nos armées du fait de la position centrale de l'Inde en Océan indien qui en fait un acteur incontournable pour la sécurisation des flux maritimes, notamment de nos approvisionnements énergétiques. Notre coopération en matière de lutte contre la piraterie est exemplaire. Puissance régionale, l'Inde joue un rôle déterminant pour la stabilité des Etats fragiles qui l'entourent. La France accompagne la modernisation des forces armées indiennes. En particulier, l'Inde construit une marine de classe mondiale pour sécuriser ses voies maritimes. De très nombreux programmes d'équipement font l'objet d'une concurrence intense. La France est le troisième fournisseur d'équipements de défense de l'Inde, après la Russie et Israël.

Les deux pays sont pleinement conscients des graves dangers que constituent l'extrémisme et le terrorisme dans le monde entier. Afin de faire face à cette menace commune, ils renforcent leur coopération contre le terrorisme international, notamment au moyen de contacts opérationnels accrus.

Les attentats du 26 novembre 2008 à Bombay, au cours desquels deux Français ont perdu la vie, ont constitué un bouleversement de la donne sur la question du terrorisme en Inde. Pour le gouvernement indien et l'opinion publique, le Pakistan a été « pris la main dans le sac » et les liens d'une partie du renseignement militaire (ISI) avec les mouvements terroristes au Cachemire sont avérés. D'aucuns avancent que la tension avec l'Inde sert le Pakistan en contrôlant l'action de celle-ci en Afghanistan, en maintenant l'Inde comme adversaire principal et en montrant à l'opinion publique la nécessité d'une armée puissante.

Après le succès du parti du Congrès aux élections législatives, le Premier ministre, M. Manmohan Singh, a souhaité sortir de l'impasse et a rencontré le Président Zardari en marge du sommet de Charm-el-Cheikh le 16 juillet 2009. Le communiqué issu de cette réunion a pu donner l'impression à l'opinion indienne que le conditionnement de la reprise du dialogue composite à un engagement total du gouvernement pakistanais dans la lutte contre le terroriste et, en particulier, de poursuivre les auteurs de l'attentat de Bombay, avait été abandonné.

Par ailleurs, la mention dans ce communiqué du Baloutchistan constituait une première qui avait été utilisée par les médias pakistanais comme une reconnaissance par l'Inde du soutien qu'elle apporterait à des mouvements anti-pakistanais dans cette province. De vives critiques en étaient résultées auxquelles le Premier ministre avait répondu dans un discours devant la Chambre basse du Parlement. Dans cette intervention ? le premier ministre indien, tout en reconnaissant un certain nombre de points positifs, a souligné que les mesures prises par le Pakistan n'étaient pas suffisantes. Il ne suffit pas en effet que le Pakistan se pose en victime. Il doit faire preuve de la même volonté politique sur sa frontière orientale que sur le front occidental.

L'Inde ne pourra avancer vers une normalisation tant qu'Islamabad ne tiendra pas ses engagements, dans la lettre comme dans l'esprit, d'interdire l'utilisation de son territoire pour des actes terroristes en Inde. De manière très précise, M. Singh a appelé le Pakistan a donné des preuves que les groupes terroristes et leurs couvertures qui continuaient d'opérer à partir du territoire pakistanais sont « mis hors la loi, désarmés et démantelés ». Pour autant, le Premier ministre a réaffirmé avec force qu'il n'y avait pas d'autre solution que de reprendre le dialogue « sauf à vouloir la guerre ».

Il existe deux points de friction irritants pour les Indiens à l'heure actuelle :

• la critique énoncée par le général MacChrystal dans son évaluation de la situation en Afghanistan qui considère que l'Inde est un facteur d'instabilité car elle gêne le Pakistan par sa seule présence. Les Indiens rappellent les liens historiques qu'ils ont avec l'Afghanistan et que leur rôle se limite à l'action humanitaire et à la reconstruction du pays. L'Inde approuve une démarche régionale et sera donc partie prenante de la conférence prévue pour la fin de l'année 2009 ;

• le Cachemire reste un point de friction fondamental, alors même que des discussions très poussées avec le Président Musharraf avaient eu lieu mais que l'armée l'avait désavoué. Cinq points d'accord avaient été identifiés :

o reconnaissance de la ligne de contrôle (LOC) comme frontière de facto ;

o large autonomie des deux Cachemire ;

o porosité de la frontière pour permettre les passages humains et les échanges économiques ;

o démilitarisation progressive ;

o cogestion de l'ensemble de la zone par une commission bilatérale.

Citant l'aphorisme du fondateur du Pakistan, Muhammad Ali Jinnah, qui constatait que tout le monde connaît la différence entre un musulman turc et un musulman égyptien mais qu'entre un pakistanais et hindou il n'y en avait pas, M. Bonnafont a rappelé que le Pakistan s'est construit identitairement sur l'opposition avec l'Inde. Il est dominé par les grands féodaux qui ont plus d'intérêts à l'étranger qu'au Pakistan même. Parmi les sept provinces qui composent le Pakistan, le Pendjab a une certaine hauteur vis-à-vis des autres.

Dans ce contexte, le Nord-Ouest a été abandonné aux taliban, pour peu qu'ils laissent le reste du Pakistan tranquille. C'est cet accord qui explique la sorte de sanctuarisation qu'a connue la vallée de Swat et la reconnaissance de l'application de la charia sur ce territoire. Le problème c'est que les taliban veulent prendre le contrôle du Pakistan.

Le Pakistan est divisé sur la stratégie à suivre pour lutter contre le terrorisme interne car il connaît en fait trois sortes de terrorisme :

• les terroristes du Cachemire dont l'Inde est l'objectif ;

• les terroristes internationalistes liés à Al Qaïda ;

• le terrorisme taliban dont l'objectif est la prise de pouvoir au Pakistan.

Enfin, au Pakistan l'armée ne veut pas le développement du pouvoir civil.

Face au terrorisme la position de la France a été très clairement exprimée après l'attentat de Bombay. Le Pakistan doit lutter sans aucune arrière-pensée contre le terrorisme. La DGSE, la DCRI, le RAID et le GIGN coopèrent avec les services équivalents en Inde.

M. Bonnafont a rappelé les propos du conseiller à la sécurité du Premier ministre indien, M. Narayanan 38 ( * ) , qui soulignait que l'Inde ne craint pas le Pakistan mais seulement certains de ses actes. Selon M. Narayanan, le Pakistan n'est pas une menace mais une nuisance. Le vrai rival de l'Inde, c'est la Chine. C'est cette constatation qui conduit, en particulier, au développement très rapide de la marine indienne pour contrer le « collier de perles » qu'établit la marine chinoise en installant des ports pour sa marine dans différents pays d'Asie. L'opposition politique pense que le gouvernement indien est beaucoup trop complaisant vis-à-vis de la Chine. De plus, en matière économique la balance commerciale Inde-Chine est très déséquilibrée au profit de cette dernière. Les Indiens cherchent donc par des mesures protectionnistes à préserver le développement du marché interne. S'agissant des marchés en cours, M. Bonnafont a rappelé que sur les 59 Mirages que la France avait vendus à l'Inde il en reste 52 qui sont en voie de modernisation. La société Thalès est leader sur ce contrat.

En matière maritime la coopération opérationnelle entre les deux marines est très forte. Un marché portant sur six sous-marins Scorpène est en cours de finalisation avec DCNS mais bute encore sur la question du marché des équipements. Un nouveau contrat portant sur six unités devrait suivre, l'objectif final étant de 24 sous-marins. L'Inde entend par ailleurs fabriquer localement trois porte-avions et une flotte de sous-marins nucléaires. Elle dispose pour l'instant d'un sous-marin lanceur d'engins à propulsion nucléaire d'origine russe.

La coopération en matière aérienne est également très forte et, au-delà de la modernisation de la flotte des Mirage, se profile le marché de 126 avions de combat pour lequel le Rafale de la société Dassault est en lice. Deux Rafale sont en Inde actuellement pour des démonstrations en vol. L'Inde observe avec une grande attention ce qui se passe aujourd'hui au Brésil. Après la phase d'évaluation en vol suivront les avis techniques. L'avion de la société Dassault possède deux atouts. D'une part, l'expérience très positive du Mirage et, d'autre part, le fait qu'il est au sommet des techniques aéronautiques. De plus, la France n'a pas de réticences pour les transferts de technologie et garantit qu'il n'y a pas de verrous à l'emploi. Les Indiens se décideront en termes de souveraineté, en particulier par rapport aux Etats-Unis. En ce qui concerne les hélicoptères, la France avait été techniquement qualifiée en 2007 mais le marché avait été arrêté. Aujourd'hui un autre marché est lancé portant sur 197 appareils à acheter sur étagère. Enfin, en matière d'aviation civile, 150 Airbus ont été achetés par l'Inde en 2005 mais la crise économique a entraîné une interruption des livraisons. En tout état de cause Air India doit reconstituer sa flotte et a des déboires avec Boeing.

Extraits d'un interview du Président Nicolas Sarkosy en marge du sommet Union européenne - Inde (29-30 septembre 2008 Marseille)

Est-ce que vous envisagez davantage de coopération dans le domaine économique ? Dans l'affirmative, dans quels secteurs souhaitez-vous voir plus d'engagement ?

Tout d'abord, j'aimerais rappeler que l'Union européenne est le premier partenaire commercial de l'Inde.

Quant au commerce bilatéral, la croissance de ces dernières années est impressionnante. Les échanges commerciaux globaux entre l'Inde et la France ont atteint près de 6 milliards d'euros, avec un solde équilibré. Avec Airbus et ATR, la France est devenue l'un des partenaires principaux de l'Inde dans le domaine de l'aéronautique.

Et nos relations ne se cantonnent pas au seul commerce. Les entreprises françaises investissent beaucoup en Inde et y emploient déjà 100 000 personnes. Les sociétés indiennes ont de plus en plus conscience du potentiel de la France et je tiens à promouvoir l'investissement indien en France, pays moderne qui se réforme et progresse constamment afin de rester parmi les premières Nations du monde.

Notre objectif commun, fixé en janvier à New Delhi, est ambitieux mais réaliste : 12 milliards d'euros d'échanges commerciaux en 2012 ainsi que le développement des investissements dans les deux sens. Les délégations d'affaires qui se rencontreront à Paris cette semaine seront capables d'établir de nouveaux liens forts. J'accorde beaucoup d'importance au nouveau « forum d'affaires de haut niveau » que nous sommes en train de créer.

Je pense qu'il faut augmenter la présence des entreprises françaises dans plusieurs secteurs :
infrastructures, environnement, énergie, tout d'abord. C'est l'un des atouts de la France au plan mondial.
agriculture et agroalimentaire, un secteur dans lequel la France est un leader mondial et qui est au coeur de la stratégie de développement de l'Inde.
un plus grand effort de la part des PME françaises pour se faire connaître en Inde, pour lesquelles nous avons conçu un plan d'action stratégique.

7- Comment jugez-vous le climat pour les investisseurs en Inde ? Est-ce que vous le trouvez propice ou estimez-vous qu'il faut faire plus pour le rendre plus ouvert et libéral ?


Je suis impressionné par le dynamisme de l'Inde, son ouverture croissante au monde, la montée en puissance de ses entrepreneurs et de la classe moyenne, sa volonté déterminée d'éliminer la pauvreté et d'atteindre des objectifs de développement humain ambitieux. Je connais la volonté forte et délibérée de votre Premier Ministre de mener à bien la modernisation de l'économie. Tout ceci fait de l'Inde l'un des moteurs de la croissance globale et crée un climat d'investissement favorable aux investisseurs.

En revanche, certains domaines exigent des progrès dans l'intérêt de tous. Nous poursuivons les discussions par l'intermédiaire de l'Union européenne et dans le cadre bilatéral, afin de lever les barrières inutiles qui freinent les échanges de biens et de services. Je suis à cet égard confiant dans notre capacité à trouver ensemble des solutions équitables et mutuellement bénéfiques, tout en respectant les choix souverains et démocratiques de l'Inde.

2 - Entretien avec M. Satpal Maharaj, Président de la Commission parlementaire de la Défense

SATPAL MAHARAJ

PRESIDENT DE LA COMMISSION DE LA DEFENSE

LOK SABHA

Né le 21/09/1951 à Haridwar, Uttarakhand (Nord de l'Inde).

S. Maharaj est membre du parti du Congrès. Il a été élu une première fois en 1996 (pour seulement deux ans) dans l'Uttarakhand. Il a été ministre fédéral des chemins de fer en 1996 et des finances en 1997. Il a été réélu en 2009.

Son épouse est également députée du Congrès.

S. Maharaj est le fils aîné de Hans Ji Maharaj, fondateur de la « Divine Light Mission ». Après des conflits au sein de la famille, S. Maharaj est devenu en 1975 le chef pour l'ensemble de l'Inde de ce mouvement religieux rebaptisé « Manav Utthan Seva Samiti », qui prêche les techniques de méditation, revendique des millions d'adhérents et fait de ses dirigeants des « gourous » très respectés dans la pure tradition hindoue.

M. Josselin de Rohan a souligné la qualité des relations entre la France et l'Inde, en particulier en matière de défense aérienne et navale. Il a salué la volonté historique de l'Inde de défendre sa souveraineté et son indépendance. La France est prête à seconder ses efforts dans ce domaine. Les deux pays entretiennent une coopération fructueuse en matière de lutte contre la piraterie, le terrorisme ainsi que par la tenue d'exercices navals communs.

M. Maharaj a relevé le caractère chaleureux et confiant du partenariat stratégique instauré en 1998 à l'occasion de la visite du Président Jacques Chirac. L'Inde est un acteur important dans le monde et cette coopération bilatérale, y compris dans les technologies de l'espace et du nucléaire y contribue. Les deux pays sont conscients des dangers du terrorisme et renforcent leur coopération au travers de contacts opérationnels entre les services. Les visites de haut niveau se sont succédé et, en dernier lieu, celle du Premier ministre indien à Paris à l'occasion du défilé du 14 juillet qui a été un honneur pour l'Inde.

M. Maharaj a ensuite brièvement présenté la commission de défense qu'il préside. Les commissions thématiques sont communes aux deux assemblées et composées, selon une répartition de deux tiers pour la Chambre du Peuple et d'un tiers pour le Conseil des Etats, de membres des deux assemblées. Il existe 24 commissions thématiques dont les compétences recouvrent celles des différents départements ministériels : commerce, affaires intérieures, industrie, agriculture, technologies de l'information, défense, affaires étrangères... La commission de la défense comporte 31 membres dont 21 de la chambre basse. Le ministère de la défense est responsable devant le Parlement. Parmi ces 24 commissions, 8 sont présidées par des membres du Conseil des Etats et 16 par des membres de la Chambre du Peuple. Une autre spécificité du fonctionnement des commissions du Parlement Indien est qu'un nombre significatif d'entre elles sont présidées par des membres de l'opposition.

Interrogé sur l'effort de défense indien, il a rappelé l'objectif, fixé en 2008 par le ministre de la défense A. K. Antony, de poursuivre un ambitieux plan de modernisation des forces armées considéré comme une des plus importantes priorités du gouvernement. Le ministre avait indiqué que « notre budget de la défense atteint juste 1,99 % du PNB, l'un des plus bas du monde. La situation idéale serait d'atteindre 3 % du PNB, qui est le niveau moyen ».

Pour l'exercice fiscal 2009-2010, le budget militaire connaît la plus forte hausse annuelle de son histoire (plus 23,7 %), pour un total de plus de 29 milliards de dollars (environ 20 milliards d'euros).

Les forces armées indiennes comptent environ 1,3 million de personnes. Elles se décomposent ainsi :

• l'armée de terre totalise 1,1 million de personnes actives. Ces forces comprennent près de 4 000 chars d'ages disparates, 2 800 véhicules blindés, 12 000 pièces d'artillerie de tous calibres, 150 hélicoptères de transport, 3 500 missiles sol-air, 1 300 canons antiaériens. Elle se répartit en trois divisions blindées, huit brigades autonomes, 32 divisions d'infanterie.

• La marine rassemble 55 000 personnes. Ses forces sont réparties entre la flotte orientale de Visakhpatnam, dans le golfe du Bengale, et la flotte occidentale de Bombay. Sa taille et la modernité de ses navires -le porte-avions INS Viraat, 63 bâtiments de haute mer, 16 sous-marins, 14 chasseurs de mines- en font l'une des marines les plus importantes du monde. Un autre porte-avions est en construction dans les chantiers navals indiens. Le programme de sous-marins nucléaires national, qui a absorbé une bonne part des crédits de la marine, validé en juillet 2000, est une étape clé avec le lancement officiel de sous-marins d'attaque INS Arihant (premier d'une série de cinq unités) il ne devrait cependant pas être opérationnel avant 2012.

• L'aviation compte 170 000 membres, 852 avions de combat et 280 aéronefs de transport. Plusieurs programmes de renouvellement des matériels sont en cours (aéronavale, hélicoptères de transport, défense aérienne, appareils de supériorité aérienne). Parmi les programmes d'équipements qui ont été lancés pour moderniser l'armée indienne, le plus emblématique est sans doute le Medium multirole Combat Aircraft (MMRCA) qui concerne le renouvellement de 126 avions de combat multi rôle de quatrième génération pour un montant de près de 12 milliards de dollars.

Source : Olivier Zajec (CEIS) in « le monde diplomatique » septembre 2009

M. Jean-Pierre Chevènement a fait remarquer que le développement de la coopération en matière de défense entre la France et l'Inde s'inscrit dans un contexte favorable puisque l'Inde est un des acteurs majeurs dans l'Océan indien et en Asie ainsi que dans les opérations de maintien de la paix et que la France soutient ses ambitions au Conseil de sécurité des Nations unies. Il a souhaité connaître l'opinion du président Maharaj sur les propositions du président Obama concernant la limitation des essais nucléaires et sur le traité «cut of ».

Concernant le CBCT, M. Maharaj a rappelé que, bien que non signataire, l'Inde en respectait les dispositions à travers son moratoire dont l'application revenait à une interdiction volontaire de procéder à des essais nucléaires. Il a rappelé que la position officielle de l'Inde était de promouvoir un désarmement nucléaire mondial.

Le « joint secretary » du ministère des affaires extérieures, interrogé par M. Didier Boulaud sur l'Afghanistan et sur la relation entre l'Inde et le Pakistan, a indiqué que ces deux pays constituent des centres du terrorisme mondial dont l'impact régional frappe l'Inde. L'Inde est très préoccupée par le manque de stabilité au Pakistan où pratiquement rien ne s'est passé après les attentats de Bombay. Les responsables de ces attentats sont libres.

En Afghanistan, la présence de l'Inde est très limitée et uniquement centrée sur la reconstruction, le développement et l'humanitaire afin de remettre le pays en marche. C'est la raison pour laquelle l'appréciation portée par le général MacChrystal sur le rôle déstabilisant de l'Inde en Afghanistan ne peut être acceptée. Le gouvernement indien considère comme inopérante la distinction entre le « bons » et « mauvais » taliban. On ne peut négocier qu'avec ceux prêts à abandonner la violence. L'Inde est préoccupée par l'hypothèse d'un retour des taliban au pouvoir. Aujourd'hui, environ 3 000 Indiens travaillent en Afghanistan. Tout en reconnaissant que sécurité et reconstruction vont de pair, le joint secretary n'a pas souhaité prendre position sur la question du «surge » qui « est une question à apprécier par les généraux ».

À M. Josselin de Rohan, qui faisait remarquer que l'intervention de la coalition occidentale pouvait être perçue comme une occupation et que seule une solution régionale impliquant les pays asiatiques pouvait changer cet état de fait, il a fait remarquer que si l'intervention de l'Inde en matière de reconstruction posait problème, une participation militaire serait encore plus mal perçue. Même si Mme Hillary Clinton, lors de son récent déplacement en Inde, a indiqué que l'Inde et la Chine devaient faire partie de la solution, l'Inde n'entend en aucune façon participer militairement à la coalition.

M. Jérôme Bonnafont a indiqué que toutes les parties ayant intérêt à la résolution du problème devaient participer. C'est la raison pour laquelle la conférence régionale de la Celle-Saint-Cloud avait été très largement ouverte et qu'il a été fait une nouvelle proposition de tenir une conférence fin 2009 dont les objectifs sont de mettre à jour la stratégie économique, politique et militaire en Afghanistan afin de rendre les forces de sécurité afghane autonomes et capables d'assurer la sécurité du pays. En tant qu'acteur régional clé, l'Inde est évidemment une partie de la solution du problème.

M. Josselin de Rohan a confirmé clairement que la France souhaitait la participation politique de l'Inde pour trouver une solution. La forme de cette participation doit évidemment être définie par le gouvernement indien mais l'Inde a une responsabilité régionale et mondiale. Les pays asiatiques sont mieux placés pour discuter que les pays occidentaux. Bien évidemment, l'engagement politique de l'Inde a un impact direct sur la question du terrorisme.

Interrogé par M. Jean-Pierre Chevènement sur le développement des forces nucléaires au Pakistan et en Chine, le président Maharaj a souligné le danger que représentait l'accroissement de la puissance nucléaire pakistanaise au-delà de la simple dissuasion. L'autre menace c'est le terrorisme au cas où l'arme nucléaire tomberait dans d'autres mains.

Sur la question des visas, M. Jérôme Bonnafont a souhaité, en conclusion, préciser que la politique de la France est d'encourager les échanges entre les deux pays. Pour autant, la politique française est déterminée par les accords de Schengen qui concernent 24 pays européens. Normalement les visas sont délivrés en une semaine et le taux d'approbation se situe entre 85 et 90 %. Il existe un régime spécial pour les étudiants et un nouveau système pour les professionnels, prévoyant des visas de longue durée, a été mis en place. Dans le même temps, il convient de continuer à être vigilant pour lutter contre l'immigration illégale. S'agissant enfin des visas de transit qui ont donné lieu à des incidents récents dans les aéroports parisiens, la France les a officiellement regrettés et a assuré qu'ils ne se reproduiraient pas. Le ministère de l'immigration a organisé une réunion spéciale avec la police de l'aéroport de Roissy dans ce but.

3 - Déjeuner donné par M. Kanwal Sibal, Ancien Foreign Secretary.

- M. Yves Guillaume, Directeur d'EADS Inde

- M. Kanwal Sibal, ancien Foreign Secretary ;

- M. Padkaonkar, Consulting Editor du Times of India

- M. Bajpai, Président du National Security Advisory Board

- M. Balveer Arora, professeur de Science politique, Université Jawarhalal Nehru ;

- M. Jean-Marin Schuh, Ministre Conseiller ;

- M. Guillaume Bazard, Premier Conseiller ;

- M. Raphaël de Lagarde, Deuxième Conseiller.

4 - Table ronde au Think Tank ORF (M. Rasgotra)

OBSERVER RESEARCH FOUNDATION

Mission de l'ORF : Construire des partenariats pour une Inde dans un monde globalisé.

Vision de l'ORF : l'Inde, dans les 25 prochaines années, va rejoindre les rangs des plus grandes puissances économiques mondiales et transformer significativement le niveau de vie de son milliard d'habitants.

Objectifs de l'ORF :

- Assister et élaborer les politiques, et développer les alternatives politiques

- Créer un climat favorable à la mise en oeuvre effective de ces politiques

- Renforcer les institutions démocratiques de l'Inde afin de permettre la conduite de politiques cohérentes et argumentées.

- Fournir des données argumentées et consensuelles représentant une large partie de l'opinion afin d'améliorer la gouvernance, accélérer le développement économique et assurer une meilleure qualité de vie à tous les Indiens.

- Surveiller l'environnement stratégique

- Travailler pour atteindre la paix, l'harmonie et la coopération internationales.

- Orienter les objectifs de long terme de la politique étrangère indienne.

Origine

L'ORF a été lancée au début des années 1990, pendant la période de transition au cours de laquelle l'Inde, est passée d'une économie protectionniste à un nouvel engagement dans l'ordre économique international. De sérieuses menaces contre sa sécurité ont rapidement émergé. A ce moment, le besoin s'est fait ressentir d'avoir un forum indépendant, qui examinerait les problèmes critiques auxquels le pays doit faire face et aiderait à développer des réponses politiques cohérentes dans un environnement globalisé et rapidement mouvant. L'ORF a donc été fondé et soutenu par la suite par beaucoup de dirigeants intellectuels, universitaires, personnalités publiques, militants sociaux, chefs d'entreprise et institutions d'enseignement supérieur indiens.

L'ORF a été créée le 5 septembre 1990 comme un groupe de réflexion privé à but non lucratif afin de contribuer l'élaboration des politiques publiques. La Fondation a réuni, pour la première fois, des économistes et des décideurs politiques indiens de premier plan afin de présenter un Agenda pour les Réformes Économiques et d'aider à développer un consensus en leur faveur. Depuis, les spécialistes de l'ORF ont apporté des contributions importantes dans le but d'améliorer les politiques gouvernementales. Les travaux de recherche de l'ORF ont eu un impact immédiat et réel sur les politiques économiques et stratégiques du pays.

1 - Afghanistan

La situation dans le pays s'est progressivement dégradée et, aujourd'hui, de 77 à 80 % du territoire connaissent une insécurité forte due à la présence des taliban. L'OTAN et les Etats-Unis ne peuvent gagner militairement. Sans confiance de la population il ne peut y avoir de succès. On constate une situation de blocage car, sans envoi de troupes supplémentaires (surge) on ne peut contrôler le pays, mais il est politiquement très difficile d'envoyer plus de troupes.

Les Chinois attendent patiemment l'évolution de la situation tandis que le Pakistan continue à jouer un double jeu. La talibanisation s'est répandue jusqu'au sud du Pendjab où la majorité des Jihadistes se recrute pour le Cachemire. L'argent de la drogue finance les mouvements terroristes et permet leur perpétuation. Aux Etats-Unis ont estimé que la présence indienne en Afghanistan inquiète le Pakistan et contribue au déséquilibre. Sans « surge » important, il ne sera pas possible de battre les taliban. En parallèle, il faut mettre en place un important plan de développement économique notamment des infrastructures. Il n'y a pas d'autre solution.

Le problème afghan ne se résoudra pas sans que le Pakistan et son armée se battent résolument contre les taliban. Ce doit être un point important de la conditionnalité de l'aide américaine.

La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne proposent une conférence internationale en décembre 2009 ayant pour objectif de programmer une baisse progressive des forces de l'OTAN et un accroissement de la prise en charge de la sécurité par les Afghans eux-mêmes. Cet objectif doit s'inscrire dans le long terme mais aujourd'hui la nécessité du « surge » est évidente. Pourtant il existe un sentiment occidental croissant favorable au retrait.

M. Josselin de Rohan a confirmé que le sentiment général est que la solution n'est pas militaire. On constate dans les opinions publiques une réticence à envoyer plus de troupes. Le Canada retirera les siennes en 2011 comme l'Allemagne. La France adopte une politique contraire mais le Président de la République a annoncé qu'il n'enverrait pas de nouvelles troupes après l'accroissement décidé en 2008 après le sommet de l'Otan à Bucarest. Il est évident, en conséquence, que les pays d'Asie centrale et les autres pays de la zone ont un rôle important à jouer. La conférence doit définir les moyens de lutter ensemble contre les taliban. Il n'y a pas de compromis possible avec Al Qaïda et le soutien apporté par l'Arabie Saoudite ou par ses ressortissants est inacceptable. Il faut enfin mettre le Pakistan face à ses contradictions : on ne peut dire qu'on est menacé par les taliban et ne pas lutter totalement contre eux. L'aide apportée à ce pays doit être conditionnée à la réalisation de cet objectif.

Selon l'ORF, la France est en bonne position pour faire passer ce message. Diplomatie et actions militaires doivent aller de pair. Il faut réunir une conférence des voisins de l'Afghanistan pour garantir la neutralité et l'indépendance de ce pays. Le problème est que le Pakistan ne partage pas totalement cette approche. Deux aspects sont à prendre en compte au Pakistan : d'une part, ce pays est indispensable en raison de son rôle en matière de logistique et de renseignements, d'autre part, l'armée et l'establishment doivent être contrôlés. En particulier, il semble évident qu'une part significative de l'aide est utilisée à d'autres fins que celles pour lesquelles elle avait été accordée. Les autorités pakistanaises doivent être tenues pour responsables de la bonne utilisation de l'aide.

Les États-Unis ne comprennent que partiellement l'Asie. On ne doit pas parler d'Al Qaïda et des taliban comme d'entités séparées. Si la talibanisation de l'Afghanistan s'étend au Pakistan et à l'Asie centrale, ce sera alors le problème de tous. En conséquence, il faut dans l'immédiat envoyer plus de troupes pour réduire l'insurrection et mettre beaucoup plus de moyens sur le développement du pays.

M. Didier Boulaud a indiqué que les opinions publiques étaient en majorité opposées à une augmentation du nombre des troupes en Afghanistan. L'opposition politique en France restera très vigilante pour contrôler les promesses du Président de la République de ne pas envoyer plus de troupes. La question de la durée se pose néanmoins. Le mandat de 2001 n'a-t-il pas changé de contenu ? Si Al Qaïda a été vaincue en Afghanistan, on ne peut que regarder avec inquiétude le développement de sanctuaires terroristes au Yémen, en Somalie ou encore l'activité d'Al Qaïda au Maghreb qui constitue la première menace pour la France.

L'ORF a rappelé que l'Inde avait été victime du terrorisme depuis plus de 20 ans et que celui-ci trouvait son origine au Pakistan. Al Qaïda se sent protégée par le gouvernement et par l'ISI au Pakistan. Si la coalition se retire de l'Afghanistan, cela apparaîtra comme une défaite et le mouvement de talibanisation se poursuivra. Une meilleure méthode est de rester et d'envoyer plus de troupes en formant parallèlement la police et l'armée afghanes. C'est une vision à court terme que de laisser les taliban prendre le pouvoir dans l'espoir qu'ils nous laisseront tranquilles. Le message serait très négatif dans le monde entier.

M. Josselin de Rohan a rappelé que, pour le gouvernement français, nous livrons une bataille d'attrition. Les taliban peuvent influencer nos opinions par la communication, c'est la faiblesse des démocraties. Le président de la République a rappelé que nous défendons notre sécurité en Afghanistan et qu'il n'était pas question de se retirer. Pour autant, la démocratie suppose qu'on obtienne des résultats et qu'il fallait tenir compte des perspectives électorales (élections en Allemagne, élections présidentielles en France en 2012 etc.) pour trouver une solution politique.

Selon l'ORF la seule solution est d'élargir la démocratie et d'internationaliser. M. Didier Boulaud a rappelé que l'opposition en France n'était pas favorable à un retrait abrupt mais à ce qu'une perspective soit dessinée. Il a souligné la nécessité d'élargir la coalition, notamment en la régionalisant, afin de la désoccidentaliser. De ce point de vue, la participation du contingent turc est symbolique mais insuffisante, d'autant que son intervention est limitée par des caveats.

Abordant les problèmes du changement climatique M. Jean-Pierre Chevènement a remarqué que l'Inde et la Chine pouvaient poser le problème du charbon propre. Dans le cadre de la conférence de Copenhague, on pouvait imaginer que les aides du FMI sous forme de DTS soient attribuées à ceux des pays qui doivent changer radicalement leur mode de production d'énergie. L'autre problème est celui du nucléaire de quatrième génération et des énergies propres. Comme il faut changer le modèle économique, ne faudrait-il pas lier les aides aux réformes.

L'ORF a souhaité qu'on arrête d'associer l'Inde et la Chine qui jouent dans des catégories différentes. La Chine émet de quatre à cinq fois plus de gaz à effet de serre que l'Inde. En Inde, les impératifs de développement consistent à permettre à 700 millions de personnes qui gagnent moins d'un dollar par jour de progresser. Le progrès suppose des développements massifs de l'électrification. Le réchauffement va toucher de manière plus sensible les pays du Sud. La réponse est le développement. Les technologies propres, quelles qu'elles soient, sont disponibles mais très coûteuses. Quand l'Inde va à Copenhague, compte tenu de cette situation, comment le gouvernement va-t-il justifier de renforcer les contraintes et d'augmenter les charges ? Des éléments de réponse se trouvent dans le fait que la communauté internationale doit comprendre les problèmes. Le développement de l'énergie nucléaire ne contribuera que pour 5 ou 6 % d'ici à 2020 ou 2030. Il faut baisser l'intensité en carbone (énergies renouvelables, nucléaire, énergie propre) avec de meilleurs mécanismes d'allocation et une meilleure régulation du marché international. Il est certain que les émissions de gaz à effet de serre augmenteront mais on améliorera la qualité de vie de 700 millions de personnes.

5 - Entretien avec M. Raju, Secrétaire d'Etat à la Défense

M. Mangapati Pallam Raju, Secrétaire d'Etat à la Défense

Ancien élève de l'Hyderabad Public School, Begumpet. Mangapati Pallam Raju est un ingénieur diplômé en électronique et en communication de l'université d'Andhra, Visakhapatnam. Il a également un MBA de Temple University, Philadelphia, États-Unis. Il a travaillé à Philadelphie et Boston ainsi qu'à Oslo dans le domaine de l'informatique et des technologies de l'information.

Il a été élu membre du Parlement indien en 1989 et était le plus jeune parlementaire de la neuvième Lok Sabha. Il était un membre très actif du parti du congrès et a occupé plusieurs positions officielles au niveau national.

M. Raju a salué le soutien de la France qui, au Conseil de sécurité, s'était opposée aux sanctions envisagées en 1998 lorsque l'Inde avait procédé à des essais nucléaires. L'Inde a toujours été une puissance nucléaire responsable et a toujours plaidé pour le désarmement nucléaire mondial, organisant une conférence annuelle sur ce thème. Le programme nucléaire indien est destiné à préserver l'intégrité du pays face au Pakistan et à la Chine, pays avec lesquels l'Inde a eu des conflits armés, qui ont développé leur propre défense nucléaire. La doctrine de non utilisation en premier implique une dissuasion suffisante dans un environnement très instable.

S'agissant du traité d'interdiction, l'Inde ne l'a pas signé mais s'est conformée à ses dispositions. Les essais nucléaires de 1998 étaient destinés à démontrer sa capacité de dissuasion, alors que le Pakistan venait de procéder à des essais nucléaires. La dissuasion repose aussi sur les missiles, alors que le Pakistan a été aidé dans son programme par la Corée du Nord, la Chine et les États-Unis.

Pour autant, l'Inde maintient de bonnes relations avec l'ensemble de ses voisins.

En Afghanistan, l'Inde essaye de jouer un rôle positif mais n'envisage pas une participation militaire du fait de l'existence d'une population à majorité musulmane. Le territoire est principalement contrôlé par les seigneurs de la guerre.

Au Cachemire, le Pakistan a toujours encouragé l'infiltration de terroristes en Inde et a organisé l'instabilité. Pourtant, les diverses élections organisées dans la partie indienne, au Jammu et Cachemire, ont permis de constater une très forte participation de la population et le faible score des partis autonomistes. Malgré les encouragements du Pakistan au terrorisme, l'Inde continue de dialoguer avec ce pays.

L'Inde et la Chine entretiennent une très forte relation économique. La Chine continue à contester la frontière, alors même que l'Inde a reconnu que le Tibet était partie intégrante de la Chine. De plus, l'Inde joue un rôle très responsable pour garantir les voies maritimes d'approvisionnement de la Chine, en particulier en énergie.

Les incidents à la frontière rapportés dans la presse n'étaient pas plus significatifs que ceux de l'an dernier. Ils s'inscrivent dans le cadre des pressions habituelles que la Chine exerce sur l'Inde. L'Inde cherche des relations pacifiques avec la Chine. D'autres incidents sont prévisibles puisque la Chine poursuit une politique de puissance en modernisant son armée dans tous les domaines, mais aussi en ayant une politique de pénétration en Asie centrale et en Afrique pour accéder aux sources de matières premières.

La Chine est une super puissance économique qui dispose de réserves financières colossales mais qui refuse de réévaluer sa monnaie. Selon M. Raju la communauté internationale doit faire pression sur la Chine pour qu'elle réévalue le Yuan Ren-Min-Bi.

En Birmanie, l'Inde encourage les militaires à aller vers plus de démocratie.

L'Iran a le droit de développer une capacité nucléaire civile. Toutefois, il y a sans doute une volonté de rééquilibrer les pouvoirs au sein de la région. On peut craindre que si l'Iran devient un État nucléaire militaire, il aura la tentation de l'utiliser contre Israël. Dans ce contexte, il convient de travailler à la dénucléarisation et d'utiliser la relation proche que la Russie entretient avec ce pays pour trouver une solution diplomatique.

M. Bonnafont a rappelé le que les rapports de l'AIEA ont souligné qu'il n'y avait aucun lien civil avec la production de matières fissibles. Les propositions des négociateurs occidentaux, qui prévoyaient une coopération approfondie contre l'arrêt de la production de matières fissibles, n'ont pas été prises en considération. C'est la raison pour laquelle le Conseil de sécurité a, à trois reprises, adopté des sanctions contre ce pays.

M. Raju a souligné qu'il en allait de même au Pakistan dont le programme va au-delà de la simple dissuasion. Il a estimé qu'il y avait un risque réel que les taliban cherchent un jour à s'approprier les capacités nucléaires pakistanaises. Toutefois, l'existence d'un programme de sécurité garanti par l'armée permet vraisemblablement d'éviter une prise de contrôle des installations par les taliban.

La coopération militaire entre la France et l'Inde se passe très bien depuis l'accord de 2006. Elle est une part importante du partenariat stratégique qui suppose aussi le développement de la lutte contre le terrorisme, la piraterie, le développement de nouveaux systèmes de défense (missiles, sous-marins etc.) dans le respect des obligations internationales mais aussi dans la volonté de l'Inde de devenir une grande puissance.

6 - Entretien avec M. Brajesh Mishra, ancien National Security Advisor ;

M. Brajesh Mishra, ancien National Security Advisor

M. Brajesh Chandra Mishra était le premier conseiller à la sécurité nationale du premier ministre indien M. Atal Bihari Vajpayee .

Le National Security Advisor (NSA) et membre du conseil national de sécurité (NSC) et le premier conseiller du premier ministre, du gouvernement indien et du NSC sur les questions de sécurité nationale et internationale.

Le NSA est par ailleurs l'interlocuteur spécial du premier ministre sur la question des frontières avec la Chine et l'accompagne fréquemment à l'étranger dans les visites d'État.

De septembre 2001 à la fin de l'année 2008 l'administration Bush a donné 12 milliards de dollars au Pakistan destinés à lutter contre les taliban. Récemment des déclarations de l'ancien Président pakistanais, le général Musharraf, ont révélé que ces fonds avaient été détournés en partie au profit de l'effort de défense contre l'Inde 39 ( * ) . Il y a quelques mois le Congrès américain a voté une nouvelle loi promettant de 10 à 12 milliards de dollars au Pakistan. Le projet de loi précisait que cet argent ne devrait pas être utilisé contre l'Inde mais cette disposition ne se retrouve pas dans le texte final. Ce budget devrait être attribué sous condition que le Pakistan l'utilise à la lutte contre les taliban mais il existe des doutes importants que cela soit réellement le cas 40 ( * ) .

Même ce qui se passe dans la vallée de Swat, dans les territoires du Nord-Ouest ou au Wazirstan n'a pas été fait avec 100 % de détermination car l'armée pakistanaise compte environ 35 % de ses soldats qui proviennent de ces régions. L'armée pakistanaise a une stratégie de lutte contre les taliban pakistanais mais les laisse agir en Afghanistan, car elle poursuit encore une ancienne stratégie : celle de s'assurer une profondeur stratégique en cas de guerre avec l'Inde. Les militaires pakistanais ne comprennent pas qu'on a intérêt à vaincre les taliban dans les deux pays.

Le Pakistan a retiré environ 100 000 hommes stationnés sur la frontière indienne pour les déployer à l'ouest. L'Inde n'est pas l'ennemi du Pakistan. Elle devrait dire au gouvernement pakistanais qu'elle est prête à retirer les troupes sauf sur la ligne de contrôle où elles demeurent nécessaires pour empêcher les infiltrations de terroristes. Les États-Unis et la France qui ont la confiance du Pakistan doivent le convaincre de cela.

S'agissant du Cachemire durant les quatre dernières années, de 2003 à 2007, des discussions ont eu lieu. Un accord de cessez-le-feu a été passé sur la ligne de contrôle (LOC) en novembre 2006. Le général Musharraf avait proposé les contours d'un règlement autour de cinq principes :

• la reconnaissance de facto de la ligne de contrôle comme frontière,

• une large autonomie des « deux Cachemire » au sein de chaque État,

• une grande porosité de la frontière permettant le développement des échanges économiques et humains,

• le retrait progressif des troupes stationnées dans la région,

• la mise en place d'un mécanisme conjoint de supervision.

Ces propositions, sur lesquelles le gouvernement indien ne s'est jamais prononcé, avaient été faites au moment où le général Musharraf était confronté aux problèmes intérieurs qui l'ont conduit à la démission. Aujourd'hui ces pourparlers ne peuvent reprendre tant que le paramètre sécuritaire, c'est-à-dire la menace terroriste, n'est pas levé. Les attentats de Bombay ont bloqué la situation et l'Inde met deux conditions à la reprise du dialogue composite :

• que les coupables des attentats de Bombay soient jugés rapidement et qu'ils reçoivent un châtiment exemplaire,

• de plus Islamabad doit donner des preuves que les groupes terroristes et leurs couvertures, qui continuaient d'opérer à partir du territoire pakistanais, sont mis hors la loi, desarmés et démantelés.

• Une normalisation avec l'Inde ne pourrait s'envisager tant qu'Islamabad ne tiendrait pas ses engagements, dans la lettre comme dans l'esprit, d'interdire l'utilisation de son territoire pour des actes terroristes en Inde. Selon M. Mishra, le Pakistan ne fait pas suffisamment d'efforts pour punir les responsables de l'attentat de Bombay. Rien n'a été fait. Au contraire, M. Malik, ministre de l'intérieur pakistanais, a affirmé qu'il ne pouvait garantir qu'il n'y aurait pas d'autres attentats contre l'Inde.

Pour changer la relation entre l'Inde et le Pakistan, il faut au préalable changer l'état d'esprit des forces armées pakistanaises. Ce pays a besoin d'un Jean Monnet pakistanais. Le général Kayani est très prudent. Il n'intervient pas dans la politique civile pakistanaise sauf sur trois questions : le nucléaire, le Cachemire et l'Afghanistan, sur lesquelles il exerce un droit de veto.

Les élections de février 2008 au Pakistan et l'action militaire dans la vallée de Swat ont commencé bien après qu'il fut évident que l'armée était menacée par le développement de la rébellion. Civils et militaires étaient heureusement sur la même ligne et partagaient les mêmes objectifs.

En Afghanistan le président Karzai a affirmé qu'il a confiance dans le président Zardari mais pas dans l'armée. Il est évident que le Pakistan n'assure pas la coopération contre les taliban afghans. La frontière n'existe pas entre le Pakistan et l'Afghanistan puisqu'il y a continuité des zones pachtounes 41 ( * ) . « Tous les taliban sont pachtounes mais tous les pachtounes ne sont pas taliban ». Le meilleur soutien des taliban, c'est Al Quaïda au Baloutchistan.

La coalition occidentale en Afghanistan est majoritairement composée de troupes britanniques et américaines. Le Premier ministre anglais, Gordon Brown, est confronté à des élections générales en 2010 et risque de les perdre s'il ne fait rien sur cette question. Il en va de même pour le président Obama dont la réélection pourrait être menacée par la question de la participation des Etats-Unis à la coalition en Afghanistan. La région risque d'être laissée seule avec un problème très dangereux.

S'agissant de la Chine 42 ( * ) , l'Inde a une relation hostile avec ce pays. La propagande chinoise des deux dernières années n'a jamais été aussi négative et agressive sur la ligne de contrôle. En conséquence, l'Inde a deux frontières à protéger. Le soutien de la Chine au Pakistan a un impact négatif pour l'Inde. Il en va de même de l'aide financière donnée au Pakistan par les Etats-Unis et l'Europe qui, tout en visant un bon objectif, a un effet négatif sur l'Inde.

M. Mishra s'est montré convaincu que si le Pakistan n'aide pas à vaincre les taliban en Afghanistan, ceux-ci reviendront au pouvoir et conquerront ensuite le pouvoir au Pakistan. Il existe de plus un mouvement taliban très violent au Pendjab. On risque d'assister à un effet dominos de l'Afghanistan et du Pendjab sur le Pakistan.

Interrogé sur la stabilisation des forces nucléaires de la Chine (environ 400 ogives), de l'Inde (environ 100 ogives) et du Pakistan (environ 60 ogives), M. Mishra a indiqué que si les Etats-Unis et la Russie avaient l'intention de baisser leurs stocks d'armes nucléaires, la Chine ne ne le ferait pas car elle exige que cette baisse se fasse au niveau qu'elle a atteint. De ce point de vue, l'Inde adopte la même position. À titre personnel, M. Mishra serait plutôt partisan d'augmenter le nombre d'ogives indiennes et de les rendre plus efficaces au niveau des vecteurs. De même, il prône une augmentation des dépenses militaires en général.

Selon M. Mishra, le gouvernement indien minimise volontairement les tensions avec la Chine qui demeure le principal danger pour l'Inde.

Revenant sur la question des problèmes de M. Musharraf, à la demande de M. Boulaud, M. Mishra a indiqué que ces problèmes avaient été créés par lui-même en renvoyant le Chief Justice et en contrôlant entièrement les élections de 2002-2003 dont l'illégitimité a entraîné une réaction de la société civile. Il y avait également un fort mécontentement contre les forces armées et l'ISI qui avaient soutenu le général-président Musharraf. Les élections de février 2008 ont marqué le soutien des forces démocratiques au PPP et un très faible score des intégristes (> à 10 %) y compris dans les territoires du Nord-Ouest.

C'est l'armée qui contrôle l'ISI. Depuis la présidence Zia, le recrutement de l'armée se fait sur une base religieuse, notamment aux postes de responsabilité. Il existe des « soldats taliban » dans les forces armées pakistanaises. Le président Zardari n'est pas De Gaulle qui avait été obéi par l'armée. L'extrémisme au Pakistan a une dimension très grave aujourd'hui. Cela date de la prise de pouvoir de Zia qui a introduit le wahhabisme dans une société pakistanaise qui, avant cela, était plutôt de spiritualité soufie. C'est ce mouvement wahhabite qui explique le développement de l'intégrisme au Pakistan. Il n'a pour l'instant pas d'impact en Inde mais en a au Bangladesh, en Birmanie ou en Indonésie.

S'agissant de l'Iran, il a rappelé que, lorsque les taliban étaient au pouvoir, la Russie, l'Inde et l'Iran travaillaient ensemble contre ce régime. Aujourd'hui encore, l'Iran soutiendrait tout ce qui empêcherait leur retour. Cette opposition est en très large partie due au fait que les taliban sont très opposés aux chiites. Sur cette question, on ne doit pas douter de la sincérité de l'Iran. Le problème est entre les Etats-Unis et l'Iran.

En matière d'équipements militaires, s'il existe un accord entre la Chine et le Pakistan sur les avions et les missiles, la plupart des équipements proviennent des Etats-Unis. M. Mishra avait expliqué à John Kerry que l'armée pakistanaise ne pouvait fonctionner plus de quelques semaines sans l'aide des Etats-Unis. De même, le Pakistan ne peut survivre sans l'aide du FMI. Il existe donc des moyens de pression très importants sur ce pays, mais les militaires américains soutiennent l'armée pakistanaise. C'est une véritable tragédie que les Etats-Unis ne comprennent pas que, si les taliban réussissent en Afghanistan grâce au retrait occidental, le problème va se répandre à toute l'Asie centrale. Il existe pourtant un intérêt stratégique commun à tous les pays y compris la Chine qui ne veut pas la réussite des taliban et la diffusion de l'extrémisme musulman et du terrorisme.

Jeudi 24 septembre 2009

1 - Conférence de presse (journalistes français et indiens) Auditorium de l'Ambassade

2 - Réunion de travail avec les industriels français de l'armement et des secteurs stratégiques

M. Jean Leviol, Ministre conseiller pour des affaires économiques

M. Pascal Carre, Attaché de défense adjoint

Etaient représentés : M. Marc Philippe (GDF-SUEZ), M. Yves Guillaume (EADS), M. Arthur de Montalembert (AREVA), M. Patrick Rousseau (Veolia Water), M. François Dupont (Thales)

M. Jean Leviol a introduit la réunion en indiquant que la part de marché française en Inde est de l'ordre de 1,7 %, ce qui fait de la France le 15 ème fournisseur et le 11 ème client de l'Inde. Après avoir franchi le milliard d'euros en 2001, les exportations françaises ont fortement augmenté en 2004 (+ 29 %) ainsi qu'en 2005 (+ 42 %), pour atteindre un montant total de près de 3 milliards d'euros en 2007. Les biens d'équipement professionnels représentent les deux tiers des ventes françaises en Inde, contre environ 25 % pour les produits destinés à la transformation et 10 % pour les biens de consommation au sens large.

Malgré l'implantation récente en Inde de grands groupes industriels français, la présence économique française est encore limitée, alors même que le marché indien présente des perspectives considérables dans bien des domaines d'excellence des entreprises françaises. Aujourd'hui, plus de 300 entreprises françaises sont implantées en Inde et emploient environ 40 000 personnes. La France se situe au 7 ème rang des investisseurs étrangers en Inde (stock d'environ 750 millions USD).

Lors de sa visite d'Etat en Inde en janvier 2008, le Président de la République et le Premier Ministre indien ont fixé l'objectif d'atteindre, en 2012, 12 milliards d'euros d'échanges commerciaux. Si les grandes entreprises françaises se tournent d'ores et déjà en nombre croissant vers l'Inde, l'objectif est également d'associer les PME à ces efforts et de favoriser leur accès au marché indien. Cet effort passe par la négociation d'un accord  intergouvernemental de sécurité sociale afin de faciliter la mobilité professionnelle, mais aussi la promotion des clubs d'affaires et de contacts entre entrepreneurs français et indiens 43 ( * ) .

M. Pascal Carré, attaché de défense adjoint, a indiqué que la coopération en matière de défense et d'armement était un élément essentiel du partenariat stratégique relancé en 1998 lors de la visite d'État du président Chirac. La France a un intérêt opérationnel direct à cette coopération en raison de la position de l'Inde dans l'Océan indien qui en fait un acteur incontournable pour la sécurisation des flux maritimes, en particulier pour les approvisionnements énergétiques. De plus, l'Inde est pour la France un acteur régional important et un facteur de stabilisation de la crise afghano-pakistanaise.

Les coopérations industrielles sont historiquement denses, en particulier depuis la vente de Mirage 2000 dans les années 1980. Plusieurs projets sont en cours : la construction à Bombay en partenariat avec DCNS de six sous-marins Scorpène et la modernisation de 51 Mirage 2000 par un consortium conduit par Thalès.

Plusieurs importants projets industriels sont par ailleurs en discussion :

• appel d'offres portant sur 126 avions de combat, le Rafale est l'un des six compétiteurs,

• les missiles SR-SAM (projet de co-développement d'un missile à courte portée entre MBDA et l'Inde pour environ 2 000 missiles),

• des avions Multirôles de ravitaillement et de transport dont la proposition faite par Airbus a été retenue mais dont le dossier peine à franchir l'ultime étape de présentation en « conseil de défense »,

• les hélicoptères légers pour lesquels Eurocopter est en compétition pour un marché de 197 machines,

• Les canons pour lesquels Nexter est en lice.

La concurrence est féroce mais ouverte. La Russie voit sa position historique s'effriter et est confrontée à la concurrence frontale des Etats-Unis et d'Israël ainsi que de la France et d'autres pays européens. La France voit sa position se fragiliser depuis quelques années alors qu'Israël effectue une percée spectaculaire, notamment en matière de missiles et de drones. Ces marchés demanderont un effort de longue haleine d'autant que les procédures administratives d'attribution des marchés sont extrêmement longues et compliquées.

Le budget d'équipement de l'armée indienne représente un montant de 6 à 7 milliards d'euros par an sur un budget total de 35 milliards d'euros, soit 2,5 % du PNB. L'effort de réarmement indien correspond à la très forte montée en puissance et à la modernisation de l'armée chinoise dont les chefs d'état-major de l'armée de l'air et de la Marine se sont alarmés. L'Inde ne cherche pas à rattraper la Chine mais à faire en sorte que le delta entre les deux forces n'augmente pas à son détriment.

Le représentant de Thalès a indiqué que, du fait de la lourdeur des procédures administratives, l'armée indienne ne pouvait utiliser chaque année que 40 à 50 % de son budget d'équipement. La mise en oeuvre de la convention OCDE a conduit à une importante baisse des prises de commandes entre 2002 et 2006 qui sont passées de 200 millions à 50 millions d'euros. Ce volume est remonté progressivement pour atteindre aujourd'hui, pour la société Thalès, 100 millions d'euros de prises de commandes annuelles.

La société Thalès est actuellement en train de travailler sur le contrat de mise à niveau des Mirage 2000 qui connaît un certain retard qu'une meilleure coordination du camp français permettrait sans doute de résorber. Cette mise à niveau facilitera le maintien du matériel français au niveau de celui des Russes. La conclusion de ce marché est sans doute une des clés pour le Rafale.

S'agissant de ce dernier, des essais en vol ont lieu à Bengalore et devraient être suivis par une seconde session d'essais à l'automne. Il existe une véritable chance pour l'avion français. La décision portera sur les performances de l'avion, sur le niveau des transferts de technologie et sur l'appui politique. Le Rafale est en concurrence avec l'Eurofighter, le F18, le Mig 35. L'appel d'offres semble aujourd'hui très ouvert.

EADS a indiqué que l'Inde importe 70 % de ses équipements aéronautiques et qu'elle a donc la volonté de développer une industrie nationale 44 ( * ) . En matière de recherche, il a souligné l'opportunité qui existe de s'associer avec le DRDO (Defence Research and Development Organisation 45 ( * ) ) qui dispose dans le domaine aéronautique d'environ 2 milliards de dollars par an.

S'agissant d'Airbus Military, un appel d'offres a été remporté pour le remplacement de six ravitailleurs russes Illiouchine 78. Le contrat est prêt et signé par Airbus depuis le début 2009. C'est un dossier symbolique dans la mesure où les quatre pays européens ont présenté une offre solidaire. Des pressions politiques seraient nécessaires pour qu'il soit définitivement approuvé par la partie indienne.

En matière d'hélicoptères la France a été le partenaire privilégié de l'Inde depuis 1962. Il s'agit à présent de remplacer le parc d'hélicoptères Fennec qui est actuellement de 600 machines. Une première phase porterait sur 197 hélicoptères légers. Les Indiens ont des spécifications particulières en matière de vols en haute altitude. Il existe également des projets en matière d'hélicoptères lourds qui porteraient sur 350 machines et en matière d'hélicoptères de combat (60 machines).

En matière de missiles, l'Inde vise une fabrication sous licence du Milan et un projet de missiles antichars sur hélicoptère portant sur 1 500 unités. La concurrence avec les fabricants israéliens est frontale qui présentent des offres moitié moins chères. Une proposition de co-développement d'un missile a été faite. En matière de drones, Israël a totalement verrouillé le marché. Il existe de plus une très forte coopération entre Israël et l'Inde en matière de renseignement militaire 46 ( * ) .

En matière de nucléaire civil, l'Inde dispose à l'heure actuelle de 17 réacteurs représentant moins de 4 000 MW qui correspondent aux filières uranium naturel et eau lourde importées du Canada. Un surgénérateur est en construction. L'Inde 47 ( * ) , dont les besoins énergétiques sont en très forte augmentation (23 000 MW en 2020 qui feraient passer la production d'électricité d'origine nucléaire de 2 à 3 % en 2009 à 12 %), suit trois étapes de développement :

• réacteurs PHWR fonctionnant au plutonium ;

• surgénérateur ;

• réacteurs au thorium.

Pour atteindre ces objectifs, le concours et l'assistance étrangère sont nécessaires pour introduire des réacteurs de grande taille. C'est la position de la France avec la proposition de réacteurs EPR. Areva a commencé les échanges avec les électriciens nucléaires indiens. Un premier contrat de fourniture d'uranium a été signé ainsi qu'un mémorandum of understanding (MoU) pour la vente et la construction de deux premières unités d'EPR. Cette proposition est en date du 2 juillet 2009. En parallèle, la société effectue un travail de fond pour identifier des fournisseurs locaux pour les réacteurs suivants. Il convient également d'utiliser au mieux la base d'ingénieurs indiens, en particulier en proposant des formations.

Les compétiteurs sont représentés par les Russes qui sont déjà en place avec deux unités en cours de finition, ce qui représente un avantage certain pour l'attribution des quatre réacteurs suivants. La coopération stratégique entre l'Inde et la Russie joue à plein. De plus une proposition nippo-américaine va être présentée (BWR et AB1000) fortement soutenue par le poids politique des Etats-Unis et leur rôle dans l'aboutissement des négociations pour l'ouverture du marché indien. Il y aura donc nécessairement des réacteurs américains en Inde. Il existe cependant une certaine méfiance entre les Etats-Unis et les Indiens y compris sur la question de l'usine de retraitement. En dépit de la position russe et des espoirs américains, la compétition reste néanmoins très vive et ouverte. L'objectif pour Areva serait d'arriver second devant les Etats-Unis.

La ratification de l'accord entre la France et l'Inde sur le nucléaire civil est importante car les Indiens réagissent au donnant-donnant.

Areva poursuit une démarche d'accompagnement en trois volets :

• recherche et développement pour laquelle le Commissariat à l'énergie atomique entretient une coopération de longue date ;

• la coopération en matière de sûreté nucléaire pour laquelle l'organisme français est fortement impliqué ;

• une coopération universitaire et des formations dans le secteur nucléaire.

En matière énergétique, GDF-Suez réalise un chiffre d'affaires annuel d'environ 200 millions d'euros. Par rapport aux 4 000 MW mis en service fin 2009, on estime qu'il manquerait 100 000 MW à l'Inde aujourd'hui. La production d'énergie se répartit en 55 % d'origine charbon, 25 % hydraulique, 2 à 3 % nucléaire et le reste d'origine fioul ou d'énergies renouvelables.

Le groupe Véolia intervient sur les marchés municipaux. La véritable problématique de l'eau est celle de l'agriculture. 40 % des terres sont irriguées mais la ressource est très mal gérée et confisquée par les gros propriétaires terriens. Il y a peu ou pas d'approche institutionnelle. Le problème n'est pas tant la rareté de la ressource que celui de la gestion des réseaux. L'objectif est de mettre en place des contrats de longue durée sur le cycle de l'eau, de la production jusqu'au client. Il existe néanmoins un plan de gestion pour les plus grandes municipalités.

Vendredi 25 septembre 2009

1 - entretien avec M. Vivek Katju, directeur politique du ministère des affaires étrangères

En remplacement de M. Shashi Tharoor, ministre délégué aux affaires extérieures

1 -Afghanistan

La situation en Afghanistan a bien évidemment un impact direct sur la sécurité de l'Inde comme sur celle de son environnement direct.

L'Inde a engagé plus d'un milliard de dollars en dons dans des projets d'aide au développement. En dépit des attentats contre ses ressortissants et contre l'ambassade indienne, cet engagement continu. La spécificité de la coopération indienne est de s'assurer que l'aide correspond bien à ce que les Afghans attendent et désirent.

L'inde n'intervient en aucune façon sur les choix du gouvernement afghan. Les problèmes internes doivent être résolus en interne et les conseils étrangers ne font qu'augmenter les difficultés. Aucune solution ne peut se faire sans progrès en matière de démocratie. Pour être efficace, il convient de s'assurer de la participation de tous les groupes ethniques. S'agissant de la recherche d'une solution, l'Inde n'est pas convaincue que les taliban puissent être des partenaires crédibles et que des distinctions puissent être faites entre « bons » et « mauvais » taliban. Même si les tentatives de rapprochement existent avec l'organisation d'Hekmatyar, le Hezb-e islami Guldudin, celui-ci ne peut être considéré comme un interlocuteur valable. La confiance n'existe pas.

Le retrait des troupes occidentales permettrait un retour très rapide des taliban. La politique suivie par la coalition n'a eu que peu d'effet jusqu'à présent. Les responsables d'Al Qaïda sont toujours là.

Le terrorisme existe depuis plus de 20 ans en Inde et trouve ses origines chez ses voisins de l'Ouest. Il convient de lutter contre le terrorisme dans toutes ses dimensions, y compris la dimension psychologique. Aucun lien avec le terrorisme n'est bon. Il n'y a pas d'autre choix que de lutter.

La fréquence des attentats terroristes a augmenté au cours des dernières années. La lutte contre le terrorisme n'a pas été rendue rendue facile pour le pouvoir fédéral indien pour deux raisons essentielles :

• ce sont les Etats fédérés qui exercent les pouvoirs de police,

• la coordination entre les services de renseignements a été inefficace.

Sous la pression de l'opposition le gouvernement a renforcé les mesures de répression et a créé une « agence nationale d'investigation ».

Outre le terrorisme en provenance du Cachemire, de nombreuses guérillas persistent au Nord-Est du pays. Le gouvernement indien a réussi à passer des accords avec certains groupes indépendantistes (Bodos, Nagaland) mais d'autres se refusent à déposer les armes, comme l'ULFA en Assam, responsables d'attentats à la bombe réguliers, ou comme les Gurkhas de Darjeeling.

Néanmoins, le problème le plus important de terrorisme est celui des Naxalistes. Leur implantation, notamment dans les zones peuplées par les tribus, s'est élargie. Les Etats ont adopté en général une stratégie de répression (milices ou forces spéciales) qui est souvent contre-productive. Le pouvoir fédéral s'est progressivement impliqué en proposant, en particulier, un vaste programme de développement économique.

2 - Népal

L'Inde entretient des liens dans tous les domaines avec le Népal et poursuit trois objectifs qui s'inscrivent dans l'action résolue que New Delhi a menée dans le processus de réconciliation :

• la consolidation du processus démocratique,

• la rédaction de la constitution,

• le dialogue entre les groupes politiques.

L'Inde espère que tous les pays respecteront l'indépendance du Népal. S'il existe des liens idéologiques de la rébellion avec la Chine maoïste, tous les acteurs politiques sont en fait nationalistes.

3 - Pakistan

Le Pakistan doit impérativement changer ses orientations. La clef des problèmes se trouve à Islamabad.

L'armée pakistanaise est soumise à une très forte pression et a commencé à réagir en intervenant dans la vallée de Swat et à présent au Waziristan. C'est une armée professionnelle qui dispose de moyens d'information et de renseignement sophistiqués mais aussi une armée politique dont l'appareil n'a pas abandonné son objectif principal de contrôler l'Afghanistan. Il n'existe pas de différence entre l'armée et l'ISI qu'elle contrôle totalement.

2 - Table ronde avec le Think tank IDSA (Institute for Defence Studies and Analyses) sur les questions de défense

Institute for Defence Studies and Analyses

IDSA

L'IDSA, créée le 11 novembre 1965, est considéré comme l'un des tous premiers Think Tank indien. Initialement centré sur les études en matière de défense, il a élargi ses horizons pour couvrir les questions de sécurité nationale et internationale en général. L'institut était fondé par le ministère indien de la défense mais dispose d'une large autonomie. Au-delà de ses activités de recherche, l'institut fournit des formations aux responsables militaires et civils du gouvernement indien. De plus, la commission permanente de la défense du Parlement indien recourt fréquemment à son expertise.

L'IDSA est dirigé par un conseil d'administration de 13 membres qui a porté à sa tête l'actuel ministre de la défense, M. A.K. Antony.

La délégation a été reçue par le docteur Arvind Gupta et de nombreux chercheurs de l'institut. M. Arvind Gupta et un diplomate indien qui dirige actuellement la chaire Lal Bahadur Shastri des études stratégiques de défense de l'IDSA.

Avant de rejoindre l'institut, le docteur Gupta était membre du secrétariat du conseil national de sécurité de 1999 à 2008.

3 - Entretien avec M. Hamid Ansari, Vice-président de l'Inde, Président de la Chambre haute (Rajya Sabha) du Parlement ;

M. HAMID ANSARI, VICE-PRÉSIDENT DE L'INDE, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE HAUTE (RAJYA SABHA)

Né le 1er avril 1937 à Calcutta, musulman, M. Ansari appartient à une illustre famille politique de l'Etat de l'Uttar Pradesh : son père a participé au mouvement de non-coopération contre les Anglais en 1921 ; son grand-oncle a été président du parti du Congrès en 1927.

Il fait ses études au Collège Saint Xavier de Calcutta, puis obtient une maîtrise de science politique de l'université musulmane d'Aligarh (Uttar Pradesh).

M. Ansari entame en 1961 une longue carrière diplomatique, pendant laquelle il occupe notamment plusieurs postes dans les pays du Proche et du Moyen Orient : en Iraq, où il débute, puis comme ambassadeur aux Emirats Arabes Unis, en Afghanistan et en Arabie saoudite.

Ambassadeur à Téhéran en 1990, il a la difficile tâche d'améliorer une relation médiocre à cette époque, alors que l'Iran vient d'annuler la visite du Premier ministre I. K. Gujral ; le Pakistan fait alors campagne pour dénoncer les violations des droits de l'homme par New Delhi au Cachemire ; les efforts de M. Ansari portent leurs fruits, puisque l'Iran, en tandem avec la Chine, finit par persuader Islamabad de retirer son projet de résolution au HCR. Son expérience de l'Iran lui permet d'écrire un livre, Iran today, twenty years after the islamic revolution (2005).

Parmi ses autres postes, il est Chef du Protocole d'Indira Gandhi, dans les années 1980, et Haut Commissaire en Australie.

En 1993, M. Ansari devient représentant permanent de son pays aux Nations unies. Il a alors l'occasion, à l'Assemblée générale, de riposter avec brio aux propos belliqueux du représentant pakistanais, Abdus Sattar, en accusant le Pakistan de parrainer le terrorisme au Cachemire.

M. Ansari s'est fait connaître pour des positions parfois différentes de la ligne officielle du gouvernement indien, en particulier sur l'Iraq et l'Iran. Il a ainsi déclaré que le vote de l'Inde à l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) sur le programme nucléaire iranien en septembre 2005 était une erreur et que l'intervention américaine en Iraq était le résultat d'une mauvaise analyse par Washington de ses intérêts stratégiques.

Ces dernières années, il a été président du comité consultatif de la diplomatie pétrolière au Ministère du Pétrole, vice-président de la table ronde Inde-Royaume Uni, puis membre du conseil consultatif de sécurité nationale.

En mars 2006, il préside la commission nationale des minorités.

Le Premier Ministre lui confie par ailleurs la direction du comité de travail sur les mesures de confiance, créé dans le cadre de la table ronde sur le Cachemire.

Candidat de la coalition gouvernementale UPA et des partis de gauche, M. Ansari a été élu vice-Président le 10 août 2007.

M. Ansari a également eu des activités universitaires. Il a notamment été vice-chancelier de l'université musulmane d'Aligarh.

Il a la réputation d'être une personne dotée de solides connaissances historiques et apte à susciter des consensus, ce qui devrait lui faciliter l'exercice de son autre responsabilité, celle de Président de la Chambre haute (Rajya Sabha).

Le vice-président a tout d'abord souligné la qualité de la relation bilatérale qui progresse et qui a identifié un certain nombre de niches technologiques en particulier en matière d'énergie nucléaire civile et de défense. Les deux pays ont une grande convergence de vues en matière internationale pour travailler ensemble à un monde plus stable.

S'agissant des relations de l'Inde avec ses voisins, c'est la voie de la coopération qui a été choisie afin de générer un climat de paix propice au développement du pays.

1 - Afghanistan

Le vice-président de l'Inde a rappelé l'ancienneté des relations indo-afghanes. Depuis l'invasion soviétique, qui avait entraîné l'arrêt de la coopération entre les deux pays, beaucoup de changements ont eu lieu en particulier depuis 2001 et la chute du régime des taliban. En dépit des espoirs de stabilisation qui étaient nés du désarmement des seigneurs de la guerre et de l'établissement d'un régime légitimé démocratiquement par les élections présidentielle et parlementaire, la situation s'était progressivement dégradée.

La recherche d'une solution doit se garder de deux écueils. D'une part, croire qu'une solution extérieure pourrait être imposée à l'Afghanistan, alors même que son histoire enseigne le contraire. D'autre part, demander aux Afghans de trouver une solution par eux-mêmes. La société afghane est très divisée et encore très traditionnelle. Elle ne peut pas « se projeter d'un coup dans le XXIe siècle ». Dans ces conditions, il fallait avoir des objectifs limités et chercher à minimiser les facteurs d'instabilité et maximiser les facteurs de stabilité.

Le vice-président a rappelé la position de l'Inde sur l'Afghanistan :

• compte tenu de la sensibilité régionale, notamment vis-à-vis du Pakistan, l'Inde exclue toute présence militaire en Afghanistan ;

• en revanche, elle intervient en matière civile (reconstruction, humanitaire, développement) à titre bilatéral et à la demande du gouvernement afghan. Depuis 2002, l'Inde a engagé plus de 1,2 milliard de dollars d'aide à la reconstruction. 3 000 ressortissants indiens travaillent à l'heure actuelle dans le pays et l'une des préoccupations principales du gouvernement est d'assurer leur sécurité face aux risques d'attentats et de violences ;

• la communauté internationale doit maintenir sa présence militaire en Afghanistan, faute de quoi le pays risquerait de retourner à la situation de 2001 ;

• la dimension pakistanaise de la résolution du conflit est essentielle ;

• l'Inde est favorable à la concertation internationale sur l'Afghanistan incluant l'ensemble des acteurs régionaux ; elle accueille donc favorablement la proposition d'une conférence qui se tiendrait au mois de décembre 2009, sous réserve que les objectifs et le point d'aboutissement de cette réunion soient clairement identifiés ;

Le vice-président s'est élevé contre les reproches faits dans l'évaluation du général MacChrystal, selon lesquels la présence de l'Inde en Afghanistan contribuait à la déstabilisation en inquiétant le Pakistan. Il a fait valoir que prendre cette position, c'était tomber dans le piège des Pakistanais qui menaient en Afghanistan un combat sur des principes géopolitiques d'un autre temps.

2 - Pakistan

Le vice-président a précisé qu'il était de l'intérêt de l'Inde d'avoir un Pakistan stable et pacifique. Pour l'instant, l'approche retenue par le Pakistan est plus tactique que stratégique et ne permet pas d'écarter les doutes sur ses intentions. Le terrorisme en provenance du territoire pakistanais est une « guerre clandestine » du Pakistan contre l'Inde. Les messages positifs reçus de temps à autre sont-ils représentatifs de la majorité de l'opinion publique pakistanaise ?

Après les attentats de Bombay, l'Inde attend des actions concrètes qui témoignent de la réalité des intentions du Pakistan de lutter efficacement et sans réserve contre le terrorisme.

3 - Chine

La Chine est le premier partenaire commercial de l'Inde et les contentieux qui opposent les deux pays, en particulier le conflit frontalier, doivent être résolus par le dialogue.

4 - Iran

Répondant à une question de M. Didier Boulaud, le vice-président de l'Inde a souligné la bonne qualité des relations entre les deux pays. L'Iran, qui a une longue frontière avec l'Afghanistan, est affecté par la situation dans ce pays. Toute solution suppose qu'on intègre l'Iran dans la négociation.

La démocratisation qui avait fait de grands progrès de 1990 au gouvernement Katami paraît avoir régressé depuis. S'il existe des divisions au sein de la société et des dirigeants iraniens il faut laisser le soin aux contradictions internes de trouver une solution. Cependant, la complexité des centres de pouvoir rend la recherche d'un centre de gravité général très difficile. L'équilibre d'un jour ou sur une question donnée peut être différent un autre jour ou sur une autre question.

5 - Non prolifération

Interrogé par M. Jean-Pierre Chevènement, le vice-président a rappelé la position constante de l'Inde appelant à un désarmement nucléaire général, comme cela avait été déclaré par le Premier ministre Rajiv Gandhi dans son discours de 1988 à l'Assemblée générale des Nations unies.

Ce n'est qu'en réaction à la menace posée par ses voisins pakistanais et chinois que l'Inde avait été obligée de mettre en place une dissuasion nucléaire. Celle-ci repose néanmoins sur deux principes : la doctrine de non-emploi en premier et le dimensionnement de la force à un niveau minimum de crédibilité de la dissuasion.

Le TNP est un traité discriminatoire qui a figé une situation à un moment donné. L'Inde peut en revanche envisager de signer le CTBT si les Etats-Unis le ratifiaient et si la Chine le signait. Cependant, l'Inde applique déjà les dispositions du traité par son moratoire unilatéral. Sur le traité «cut off », l'Inde est favorable au retour des discussions à Genève dans le cadre de la conférence du désarmement.

Enfin, dans une allusion transparente aux marchés d'armement français dans la région, le vice-président a clairement indiqué que des ventes d'armes au Pakistan, dont l'Inde considérerait qu'elles iraient au-delà des besoins concernant la lutte contre le terrorisme, ne manqueraient pas d'avoir des répercussions sur la coopération de défense franco-indienne et sur l'attribution des marchés.

En conclusion, M. Hamid Ansari, Vice-président de l'Inde, Président de la Chambre haute (Rajya Sabha) a invité M. Gérard Larcher, président du Sénat, en visite officielle en l'Inde.

4 - Dîner donné par M. Ashwani Kumar, Membre du Parlement, avocat près la Cour Suprême.

II - AFGHANISTAN

En raison de l'annulation du vol d'Air India, la délégation n'a pas pu rencontrer comme prévu le président Karzai, le ministre de la défense, le général Wardak et les présidents des deux assemblées MM. Mojadeddi et Qanooni. Elle a eu, en revanche, un long entretien avec le général MacChrystal, COMISAF, suivi d'un dîner à la résidence avec les principaux chefs de missions diplomatiques.

La journée du 27 septembre a été entièrement consacrée aux forces militaires françaises. En dépit du tragique incident ayant causé la mort dans la nuit de trois soldats des unités en opération en Kapisa, la mission a été reçue au camp français de Warehouse où le général Druart, RPFRANCE, lui a présenté un tableau d'ensemble de la situation sécuritaire et un bilan de l'action de nos forces en Afghanistan.

La mission s'est ensuite rendue en hélicoptère en vallée de Kapisa, à la FOB Nijrab, auprès du 3 ème RIMA. Le colonel Chanson, chef de corps, a présenté l'action du GTIA. La mission a pu rendre un dernier hommage aux soldats disparus et participer à la prise d'armes en leur honneur.

Samedi 26 septembre 2009

1 - Entretien avec le général MacChrystal

Le général Stanley A. McChrystal (né le 14 août 1954 ) est depuis juin 2009 le commandant de l' ISAF en Afghanistan . Auparavant, de mai 2003 jusqu'en juin 2008, il était commandant du Joint Special Operations Command (JSOC) et s'occupa ainsi d'une grosse partie des opérations des troupes spéciales en Iraq et en Afghanistan.

Le général MacChrystal commande à la fois la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) de l'Otan, qui compte des soldats de 42 pays, et l'Opération Liberté Immuable (Operation Enduring Freedom), sous commandement américain. Au total, ces deux forces rassemblent quelque 90 000 soldats, dont 56 000, soit près des deux tiers, sont américains.

Après avoir salué la qualité de l'action de la France et le professionnalisme de ses troupes sur le théâtre afghan, le général MacChrystal a interrogé la délégation sur la position de la France et l'analyse que le Sénat faisait de la situation en Afghanistan.

M. Josselin de Rohan a exprimé le soutien de la France, réaffirmé encore récemment par le Président de la République à Vannes lors de la cérémonie d'hommage aux soldats du 3 ème RIMA tombés en Afghanistan, à la politique suivie par la coalition en Afghanistan et sur la volonté indéfectible de la France de rester « aussi longtemps que nécessaire ». Il a rappelé qu'après le sommet de l'OTAN à Bucarest en 2008 le contingent français avait été significativement augmenté et qu'il n'était pas envisagé d'envoyer de nouvelles troupes sur ce théâtre d'opérations. Il a souligné que, jusqu'à présent, l'opinion publique française comprenait les raisons de l'intervention de la France aux côtés de ses alliés.

Toutefois, on pouvait constater une baisse du soutien des opinions publiques chez nos principaux partenaires, dont les Etats-Unis, qui pourrait modifier la perception de l'opinion française. Les citoyens comme les politiques s'interrogent sur la perspective d'un Etat afghan indépendant et autonome en matière de sécurité et sur l'échéance à laquelle cet objectif pourrait être atteint.

Le général MacChrystal a indiqué qu'un débat nécessaire mais très vif avait lieu aux Etats-Unis sur la stratégie à adopter en Afghanistan. Depuis sa nomination comme COMISAF en juin 2009, il a procédé à une évaluation de la situation 48 ( * ) dans laquelle il indiquait que la situation est sérieuse et qu'elle s'est globalement détériorée. La coalition fait face à une insurrection qui résistait et qui s'accroît ; il y a également une crise de confiance chez les Afghans, envers leur propre gouvernement et envers la communauté internationale, qui mine la crédibilité de la coalition et enhardit les insurgés.

De plus, les Afghans ont le sentiment que la volonté occidentale n'est pas inébranlable. Pour autant, le succès est possible pour peu que la communauté internationale affiche une volonté inflexible et se dote des moyens nécessaires. Si des ressources additionnelles sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes et le point clé de l'évaluation est de souligner la nécessité urgente d'un changement significatif de la stratégie poursuivie.

Il s'agit bien d'une guerre contre l'insurrection, dont l'objectif est de gagner la population. C'est une guerre pour le peuple afghan. Beaucoup d'erreurs ont été faites dans le passé. La population est fatiguée de la guerre, frustrée et déçue dans ses attentes non réalisées après les espoirs de l'après 2001. Ce sera en définitive le peuple afghan qui sera le juge du succès ou de l'échec.

Pour exécuter cette stratégie, il est impératif d'augmenter et d'améliorer l'efficacité des forces de sécurité nationale afghane (armée et police), d'améliorer très significativement la gouvernance de l'État, de définir des priorités qui permettent d'affecter les ressources dans les zones où la population est la plus menacée et de reprendre l'initiative sur les insurgés.

Citant son expérience personnelle en Algérie, M. Jean-Pierre Chevènement a insisté sur la nécessité d'avoir une définition claire des objectifs politiques qui surdéterminent la stratégie militaire. Il a fait remarquer que la stratégie de contre-insurrection est d'autant plus efficace qu'elle est mise en oeuvre par des forces autochtones destinées à demeurer dans le pays. Il s'est par ailleurs interrogé sur les délais dans lesquels le général MacChrystal estimait que l'armée nationale afghane serait capable de tenir seule le terrain.

Le général MacChrystal a indiqué qu'en tout état de cause l'armée nationale afghane (ANA) ne serait pas en mesure d'assumer la sécurité du pays au plutôt qu'en 2013. Les effectifs qui atteignent aujourd'hui 92 000 hommes devraient être portés à 134 000 hommes en 2010 et atteindre une taille critique de 240 000 hommes en 2013. Les effectifs de la police pourraient atteindre 160 000 hommes à cette date.

Le général MacChrystal a appelé à accroître de manière significative le partenariat avec les forces de sécurité afghane (aggressive partnering) en recommandant l'insertion systématique de personnel de la coalition dans les unités combattantes afghanes. Cette méthode permettra un échange particulièrement utile aux forces afghanes comme aux forces de la coalition : elle garantirait la diffusion d'une culture de professionnalisme et l'usage des nouvelles technologies, qui fait défaut à l'heure actuelle à l'armée nationale afghane. Elle serait aussi bénéfique à nos propres forces, engagées dans une lutte contre-insurrectionnelle.

S'agissant de la gouvernance, le chef de la coalition a indiqué dans son évaluation que « la faiblesse des institutions étatiques, les actions délibérées de certains personnages puissants, une corruption rampante et des abus de pouvoir de responsables divers ainsi que nos propres erreurs ont donné aux Afghans peu de raisons de soutenir leur propre gouvernement. Ils n'ont pas confiance dans le gouvernement pour assurer leurs besoins essentiels : sécurité, justice, services de base. Cette crise de confiance, qui s'ajoute à l'absence de perspectives économiques ou éducatives, a créé un terrain fertile pour l'insurrection ».

Les lignes ne sont pas claires qui sépareraient les groupes insurgés, les réseaux criminels (y compris les réseaux de drogue), et les officiels corrompus du gouvernement afghan.

Pour autant, le général MacChrystal a fait remarquer que le peuple a mieux accepté les résultats des élections présidentielles que la communauté internationale. Il est toutefois évident que l'Etat afghan n'a manifestement pas la légitimité ni la stabilité nécessaire. L'un des plus grands dangers actuels est précisemment l'instabilité du gouvernement. Le général MacChrystal a jugé que la convocation d'une Loya Jirga serait susceptible de permettre de sortir de l'indécision actuelle.

Replaçant la situation de l'Afghanistan dans la problématique de stabilité régionale, le général MacChrystal s'est montré relativement indulgent vis-à-vis du Pakistan et sévère à l'endroit de l'Inde.

S'agissant du Pakistan, l'armée est la seule institution qui marche dans le pays et qui a la confiance de la population. La prudence du général Kayani s'explique par la volonté de préserver sa crédibilité. Selon lui, l'armée pakistanaise constituant la colonne vertébrale de la société, ne pouvait pas se permettre d'essuyer des revers militaires sur son territoire. Le général Kayani mise sur la victoire de la coalition en Afghanistan pour priver d'une base arrière les insurgés agissant contre le Pakistan. Les Pakistanais craignent néanmoins que les insurgés, qu'il soutient par ailleurs, ne se retournent un jour contre lui. C'est la raison pour laquelle le gouvernement et l'armée pakistanaise soutiennent la Choura de Quetta.

Dans son évaluation le général MacChrystal avait indiqué que la stabilité du Pakistan est essentielle, non seulement pour ce pays lui-même, mais aussi pour permettre des progrès en Afghanistan. Il avait en particulier souligné que l'Afghanistan devait requérir la coopération et l'action des Pakistanais contre les milices violentes, en particulier contre les groupes actifs en Afghanistan.

Le général MacChrystal a souligné que le Pakistan ne constituait pas une menace pour l'Inde ni en matière terroriste, ni en matière nucléaire. L'Inde le sait. À long terme, tout le monde a à perdre à un Pakistan failli. Le COMISAF estime que l'Inde pourrait s'engager plus avant pour apaiser les craintes excessives, même exagérées, du Pakistan, notamment en réduisant les tensions à sa frontière occidentale. Dans son évaluation, il ajoutait qu'Islamabad perçoit le gouvernement afghan actuel comme un pro-indien. « Quand bien même les activités menées par l'Inde profitent largement au peuple afghan, l'influence croissante de l'Inde en Afghanistan contribue à exacerber les tensions régionales et encourage les Pakistanais à prendre des contre-mesures en Afghanistan ou en Inde. »

2 - dîner en l'honneur de la délégation à l'ambassade de France

Général Karl Eikenberry, ambassadeur des Etats Unis

M. Timothy Carney, ambassadeur, ambassade des Etats Unis

M. José Turpin, ambassadeur d'Espagne

M. Janyand Prasad, ambassadeur de l'Inde

M. Tom Dodd, chargé d'affaires, ambassade de Grande Bretagne

M. Nicolas Williams, adjoint à l'ambassadeur représentant le Secrétaire général de l'OTAN

Dr Christain Buck, ministre conseiller, ambassade d'Allemagne

Mme Samuela Isopi, chargée d'affaires, ambassade d'Italie

Général Druart, REPFRANCE

Général Berger (FIAS)

Dimanche 27 septembre 2009

1 - briefing du Général Druart RPFRANCE au camp de Warehouse

Depuis le 10 juillet, le général Marcel Druart est le nouveau commandant de la région capitale (Regional Command-Capital, RC-C) de la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF) de l'Otan en Afghanistan. Il remplace ainsi le général Michel Stollsteiner, arrivé à Kaboul le 6 août 2008, pour succéder au général italien Federico Bonato. Sous le commandement du général Stollsteiner, la responsabilité de la sécurité de la région de Kaboul a été transférée aux forces afghanes.

Admis à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr en 1978, après une année passée au collège militaire d'Aix-en-Provence, le général Marcel Druart choisit de servir au sein de l'infanterie. A l'issue de sa formation à l'école d'application de l'infanterie de Montpellier, en 1981, il est affecté au 7e Bataillon de chasseurs alpins de Bourg-Saint-Maurice.

En 1989, le général Druart est muté à l'état-major de la Direction de l'Enseignement militaire supérieur de l'armée de Terre (DEMSAT), avant d'intégrer la 106e promotion de l'Ecole supérieure de guerre. Une fois breveté, il est affecté au 13e Bataillon de chasseurs alpins de Chambéry, où il exerce la fonction de chef du bureau des opérations, puis, en 1996, à l'état-major de la 27e Division d'infanterie de montagne (DIM) en qualité de chef du Bureau emploi.

Deux ans plus tard, il devient le chef de corps du 13e BCA puis, en 2000, chef de section au Bureau de préparation opérationnelle (BPO) à l'état-major de l'armée de Terre, où il sera également chargé de missions du sous-chef opérations-logistique en 2003. L'année suivante, il est admis au Centre des hautes études militaires (CHEM) avant d'être affecté, en 2006, à la division Emploi de l'Etat-major des armées. Promu général de Brigade deux ans plus tard, il prend le commandement de la 27e Brigade d'infanterie de montagne, héritière de la 27e DIM et de la division alpine des FFI.

Au cours de sa carrière, le général Druart a participé à plusieurs opérations extérieures. Il a ainsi été chef de section au Liban en 1983 et chef renseignement en Albanie en 1997. Mais c'est surtout la Bosnie-Herzégovine qu'il connaît le mieux puisqu'il y a été affecté en tant que chef opérations d'un bataillon en 1995 et chef de corps d'un groupement tactique interarmes (GTIA) en 2000.

Avec 3 100 hommes sur un total de 46 755, la France est le cinquième pays contributeur à la FIAS derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Canada. Le détachement français vient d'assurer un an de commandement de la région centre (RCC) qui comporte la capitale Kaboul. La responsabilité de la sécurité de la zone de Kaboul a été transférée depuis décembre 2008 aux forces afghanes. Après neuf mois d'expérience ce transfert a été un succès. Les Afghans ont su mettre en place une structure de coordination qui fonctionne bien et qui rassemble les chefs de l'armée, de la police et du renseignement afin de planifier les opérations.

Le général Druart a indiqué que l'armée nationale afghane n'avait pas encore d'aptitude à la manoeuvre interarmées et à la combinaison des efforts. À l'heure actuelle l'ANA ne manoeuvre encore qu'à un niveau inférieur à celui du bataillon.

L'armée nationale afghane est multi-ethnique et le demeurera. Les États-Unis mentorent l'ensemble du dispositif, l'équipement, formation, et financent jusqu'au ministère de la défense. Ils portent totalement la montée en puissance de l'ANA et de la police (ANP). L'objectif annoncé par le général MacChrystal est d'aboutir à un effectif de 240 000 hommes pour l'armée nationale afghane et de 160 000 hommes pour la police en 2013.

À compter du 1er novembre le dispositif français sera regroupé en région Est (RC EST), sous commandement américain, avec comme zone de responsabilité la zone Kapisa et Surobi. Il sera mis en place en novembre 2009 la task force Lafayette qui regroupera, outre l'état-major du général Druart, le BATFRA et le GTIA.

Le fait de travailler dans une zone homogène permettra de gagner en cohérence opérationnelle. L'état-major a déjà intégré dans ses plans non seulement les aspects purement militaires, mais aussi les opérations de communication et les actions civilo-militaires (CIMIC). L'effort va porter sur la reconstruction et le développement afin de créer des emplois et de stimuler l'économie. Les domaines prioritaires en seront l'agriculture, l'éducation, le réseau routier et éventuellement l'électrification.

2 - Déplacement en hélicoptère vers Nijrab ; accueil par le 3 e RIMa et présentation du GTIA par le colonel Chanson, puis visite de la FOB

Le GTIA Kapissa, Task Force Korrigan, est constitué à partir du 3 ème RIMA et de la 9ème brigade blindée. Il opère au sein du RC EST, sous commandement américain. Ses effectifs sont répartis sur deux FOB :

• Nijrab (où le général Druart installera bientôt son état-major). Il regroupe 450 Français, 155 Américains et 240 afghans ;

• Tagab qui regroupe 290 Français, 35 Américains et 400 afghans.

La mission a pu constater l'excellent équipement dont ils disposent : 118 VAB, 2 AMX10 et quatre canons de 155 «Caesar). A la suite de la mission effectuée par MM. Robert del Picchia et Jean-Louis Carrère en avril 2008, elle a pu aussi constater les progrès faits en matière de protection et d'équipements individuels.

La mission du GTIA est d'accroître la sécurité et de restaurer la confiance dans la Kapisa en agissant en étroite coopération avec les forces de sécurité afghanes.

En Kapisa, de décembre 2008 à août 2009, les forces françaises ont concentré leurs efforts sur la consolidation des forces afghanes de sécurité. La coopération entre les unités françaises, américaines et afghanes se passe dans de bonnes conditions. La manière d'aborder le conflit au niveau tactique des forces américaines est encore très coercitive bien que l'angle d'approche soit en train de changer sous l'impulsion de la stratégie du général MacChrystal. Les «Kandaks » de l'armée afghane sont capables d'actions de guerre efficaces mais, comme l'a du reste souligné le général Druart, ces unités ont une aptitude limitée à manoeuvrer et à combiner les efforts. Elles dépendent des forces de la coalition pour l'artillerie, l'appui aérien et le renseignement.

La coopération est également efficace avec la police bien que la répartition des effectifs sur le territoire soit trop concentrée autour de la capitale de la Kapisa (473 hommes sur 800 déclarés) et que les forces de police ne s'aventurent pas au-delà de petites actions protégées par les forces de la coalition.

Le but poursuivi est de réduire le soutien populaire accordé à l'insurrection en apportant un soutien actif aux forces de sécurité afghanes et appuyant des projets de développement, en participant à l'évolution de la société locale et en offrant la protection de la force.

Les CIMIC ont été développés dans les domaines de :

• la santé (réfection d'une clinique en vallée d'Alasai) ;

• la maîtrise de l'eau (bassins de rétention dans le nord de la région) ;

• les infrastructures (aménagement de passerelles d'accès au village).

D'ici la fin de l'année 2009 est prévue la mise en oeuvre des projets suivants sur financement du ministère des affaires étrangères consacrés à la région AFPAK :

• 11 bassins versants ;

• 32 rénovations de karezes 49 ( * ) ;

• entre 5 et 10 ouvrages de protection contre les crues ;

• entre 2 et 4 canaux d'irrigation ;

• entre 6 et 7 forages de puits ;

• 54 celliers.

Le but final recherché est d'accroître la confiance de la population envers les autorités civiles et les forces nationales afghanes, le GTIA agissant comme une force de réaction rapide.

II - PAKISTAN

Lundi 28 septembre 2009 (Islamabad)

1 - Le Pakistan, situation politique et militaire ; situation régionale.

Présentation par l'Ambassadeur, M. Daniel Jouanneau.

MM. S. Riquier (premier conseiller), Col. V Fuchs (attaché de défense), Th. Dufour (chef du bureau des Affaires régionales)

Sixième pays le plus peuplé du monde (170 millions d'habitants), seul Etat musulman doté de l'arme nucléaire, foyer terroriste, le Pakistan redevenu démocratique est-il enfin engagé sur la bonne voie ?

La démocratie se consolide peu à peu.

L'année et demie écoulée a été marquée par le retour du Pakistan à la démocratie dans la paix : transfert des pouvoirs au profit d'une majorité parlementaire élue au terme d'un processus électoral dans l'ensemble satisfaisant, démission du président Musharraf, élection du président Zardari dans le respect de la Constitution.

Malgré de graves tensions entre, d'une part, le président Zardari, d'autre part, l'opposition parlementaire et la société civile, qui auraient pu dégénérer si le chef de l'État ne s'était pas finalement résigné à rétablir dans ses fonctions de président de la cour suprême le juge Chaudhry (devenu depuis 2007 le symbole de l'indépendance de la justice), Nawaz Sharif se refuse à donner dans la surenchère et à déstabiliser le pouvoir.

Un grand succès du président Zardari aura été, à l'automne 2008, d'obtenir un vote unanime du Parlement sur une stratégie de lutte antiterroriste. De fait, les autorités pakistanaises ont lancé, après bien des atermoiements et en étant allées au bout des concessions, une opération militaire couronnée de succès contre les « mécréants » qui étaient en train de créer un mini État taliban à 150 km d'Islamabad. Le pire a été évité.

Mais des difficultés considérables subsistent.

Vis-à-vis de l'Inde, les attentats de Bombay ont montré combien le Pakistan a du mal à convaincre qu'il a réellement tourné la page de l'instrumentalisation des groupes extrémistes violents au profit de ses visées régionales. Le président Zardari tient sur l'Inde des propos courageux (l'Inde n'est pas une menace pour le Pakistan) mais il n'a pas l'autorité nécessaire pour imposer à l'armée un changement radical de doctrine, et l'opinion ne le suit pas.

Concernant l'Afghanistan, le Pakistan entend travailler à une solution régionale et redoute un désengagement de la coalition. Il s'inquiète de la porosité de la ligne Durand, que l'Afghanistan ne reconnaît toujours pas comme frontière, et qu'il ne peut pas contrôler seul. Mais le Pakistan n'arrive pas à dissiper le soupçon qu'il soutient l'insurrection pachtoune en Afghanistan.

Sur le plan intérieur, la réforme constitutionnelle est en suspens. Les perspectives économiques à court terme ne sont pas bonnes : croissance inférieure à celle de la population, déficit budgétaire plus fort que prévu, décaissements des aides étrangères moins rapides qu'espérés. La situation énergétique préoccupante, sujet n°1 au Pakistan, est le fruit d'une décennie perdue faute d'investissements dans les infrastructures. La société est maintenue dans un état de pauvreté et d'absence d'éducation très prèoccupant, résultat d'une politique qui, depuis l'indépendance, a sacrifié l'éducation et la santé au profit de la défense.

Il faut mettre au crédit du président Zardari, très appuyé dans ses démarches par les États-Unis et la Grande-Bretagne, le soutien substantiel obtenu depuis un an auprès de la communauté internationale, de la part du FMI, qui a démontré sa volonté de stabiliser le Pakistan, et dans le cadre efficace du groupe des amis du Pakistan démocratique. M. Zardari vient de coprésider à New York, avec le Président Obama et M. Gordon Brown, un sommet qui est un succès personnel pour lui, et qui conforte la fragile démocratie pakistanaise par l'annonce d'une solidarité internationale s'inscrivant dans la durée.

Mais pour sortir d'un esprit de guichet, les Pakistanais doivent accepter la mise en oeuvre des réformes indispensables pour recréer avec leurs partenaires un climat de totale confiance: réforme fiscale, réforme des entreprises publiques, sur un plan plus général meilleure gouvernance.

En conclusion, M. Daniel Jouanneau s'est félicité de la venue au Pakistan de missions parlementaires qui permettent, en particulier, de rappeler l'appui politique, réaffirmé à New-York avec force par le Président de la République lors du sommet, le 24 septembre 2009, du groupe des Amis du Pakistan démocratique, apporté par la France au Pakistan. Cet appui s'accompagne d'une coopération en matière de sécurité, axée sur la lutte contre le terrorisme, avec le souhait exprimé par la France que le gouvernement et l'armée pakistanais s'attaquent à toutes les formes de terrorisme, et pas seulement celui qui vise des cibles pakistanaises. Il a par ailleurs rappelé l'aide de 12 millions d'euros 50 ( * ) apportés par la France pour la réinstallation des personnes déplacées ainsi que les efforts faits en matière de coopération au développement avec les moyens de l'AFD et de la réserve «pays émergents», dans quatre secteurs : énergie, transports, environnement et agriculture.

2 - Entretien avec Syed Raza Yusuf Gilani, Premier Ministre

La mission n'a pas pu être reçue par le président Zardari en déplacement officiel à New York à l'occasion de l'assemblée générale de l'ONU.

La constitution établit un équilibre délicat entre le président et le premier ministre.

Le président dispose du pouvoir exécutif et le gouvernement, sous la direction du premier ministre, est là pour « l'aider et le conseiller », mais les recommandations du conseil des ministres sont contraignantes pour le président.

Le président dispose de pouvoirs propres limités :

• il promulgue les lois et peut demander au parlement le réexamen d'un texte,

• il peut promulguer des ordonnances, mais seulement quand le parlement n'est pas en session, et sous réserve de ratification parlementaire ultérieure,

• il nomme le président de la cour suprême, le procureur général et le chef de la commission électorale. Mais il doit consulter le premier ministre pour les gouverneurs de provinces et les chefs d'état-major. Pour les juges des autres cours, il doit consulter le Chief justice et le gouverneur concerné. Il nomme aux emplois supérieurs sur proposition du premier ministre.

Le président dispose d'outils de gestion de crise :

• il peut dissoudre l'Assemblée nationale, si elle ne parvient pas à désigner un nouveau premier ministre ou si des circonstances exceptionnelles le justifient. C'est un pouvoir plus limité que celui du premier ministre, qui peut demander pratiquement à tout moment au président de dissoudre l'assemblée,

• il peut proclamer l'état d'urgence (dans tout le pays ou dans une province). Mais la récente crise du Pendjab a montré que le recours à cet outil pouvait être contre-productif.

Le président et le premier ministre procèdent tous deux des assemblées. Le premier ministre a une légitimité politique comparable à celle du président.

La charte de la démocratie adoptée par les deux principaux partis avant les élections prévoit une réforme constitutionnelle qui limiterait les pouvoirs du président en le faisant renoncer en particulier à son pouvoir de dissolution.

Syed Raza Yusuf Gilani, Premier Ministre

M. Gilani a été élu Premier ministre du Pakistan le 24 mars 2008. Il était le candidat commun du BTP, de la PML-N, de l'ANP et du Jamiat Ulema-e-Islam (parti religieux du Maulana Fazl-ur-Rehman, ancien chef de l'opposition à l'assemblée nationale entre 2002 et 2007). Il avait été élu député à l'assemblée nationale sous l'étiquette du PPP lors des élections du 18 février 2008.

M. Gilani est originaire de Multan, Sud Punjab, où il est né le 19 juin 1952. Il appartient à une famille très respectée et politiquement très influente du Sud Punjab. Son père était l'un des signataires de la résolution du Pakistan, adoptée le 23 mars 1940.

Il a commencé sa carrière politique avec la Pakistan Muslim League (PML) en 1978. En 1982, il est nommé membre du Federal Council Pakistan constitué par le général Zia en substitution du parlement. Il est élu président des conseils municipaux des districts de Multan et Khaneval en 1983. Il est élu député en 1985 et à l'issue des élections sans partis organisées par le général Zia dont il devient ministre du logement, des travaux publics puis des chemins de fer.

Gilani rejoint le PPP de Benazir Bhutto en 1988. Il est député à l'assemblée nationale en 1988, 1990 et en 1993 sous cette étiquette. Il est ministre du tourisme puis des logements et des travaux publics dans le premier gouvernement de Mme Benazir Bhutto de 1988 et 1990 et est élu président de l'assemblée nationale dans le second gouvernement de Mme Bhutto de 1993 à 1996.

En février 2001, sous le général Musharraf, M. Gilani, accusé d'avoir favorisé indûment le recrutement des milliers de proches, est emprisonné. Il est libéré en décembre 2006 sur injonction de la cour suprême.

Le Premier ministre Gilani a tout d'abord évoqué les récents voyages ministériels et, en particulier, ceux qu'ont effectués au Pakistan Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, et celui de M. Rehman Malik, ministre de l'intérieur en France. Il s'est félicité de la coopération en matière de défense et a remercié la France pour son soutien. Le Pakistan, qui a déjà payé un lourd tribut en vies, est fermement décidé à gagner la guerre contre le terrorisme et à « briser » les taliban pakistanais.

Le gouvernement pakistanais souhaite améliorer ses relations avec l'Inde et l'Afghanistan. Le Premier ministre a rappelé qu'il avait lui-même rencontré le Président Karzai et le Premier ministre Singh.

Le Pakistan est victime du terrorisme et ne souhaite pas laisser son territoire devenir une base arrière de mouvements militants dont une majorité sont des étrangers. Si le gouvernement est fermement décidé à les combattre, le premier ministre Gilani a souligné la difficulté pour un musulman de combattre un autre musulman.

Des succès importants ont été enregistrés à Malakand et dans les FATA. En fait, l'armée pakistanaise lutte plus contre des criminels que contre des militants.

Soulignant que l'armée pakistanaise avait utilisé 70 % de ses munitions, le Premier ministre a indiqué qu'ils avaient besoin de matériel de vision nocturne et d'hélicoptères pour poursuivre efficacement l'éradication du terrorisme.

Le Pakistan attend avec impatience la visite du Président de la République française qui permettra une nouvelle amélioration des contacts entre les deux pays. Des échanges parlementaires contribuent également à cette amélioration des relations et le Premier ministre a demandé l'appui du Parlement français pour soutenir la demande du Pakistan dans le cadre de la négociation de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne.

Le véritable enjeu en Afghanistan, c'est la consolidation de la démocratie qui permettra de lutter efficacement contre le terrorisme.

M. Gilani a fermement rejeté le concept d'AFPAK qui met sur le même plan les deux pays, alors que le Pakistan dispose d'institutions solides, d'une véritable démocratie, d'une armée efficace et du soutien de la population dans la guerre interne contre le terrorisme.

Les attaques de drones effectuées par l'armée américaine sur le territoire pakistanais mettent à bas les efforts faits pour isoler les militants. Ces opérations pourraient être faites par l'armée pakistanaise elle-même si elle disposait des matériels adéquats. Ceci éviterait de générer un fort ressentiment dans la population et le développement de l'antiaméricanisme.

M. Rehman Malik, ministre de l'intérieur, est alors intervenu pour souligner les besoins de l'armée pakistanaise en hélicoptères, en petits drones, et en matériels de vision nocturne. Il a indiqué que le Pakistan a apprécié l'offre de la France en matière de formation. S'agissant de la rénovation des Mirages et des sous-marins, il a indiqué que pour conclure ce contrat le Pakistan avait besoin d'un prêt accordé par la France. Il s'est enfin montré prêt à un partage en matière de renseignement.

3 - Entretien avec le Président de la commission permanente du Sénat pour la défense, le Lt Gen (rdt) Javed Ashraf Qazi (PML-Q, opposition)

Général Javed Ashraf Qazi

Président de la commission du Sénat

pour la défense et la production de la défense

Ancien ministre fédéral de l'éducation nationale (2004 -- 2007), sénateur du Pendjab (dont il est originaire) depuis 2003 (PML-Q opposition), le général Qazi a été directeur général du renseignement militaire (Military intelligence 1990 -- 1991), commandant de la région militaire de Gujranwala (1995 -- 1996). Il a occupé le poste de secrétaire fédéral au ministère des sciences et technologies (1996 -- 1997) et au ministère des chemins de fer (1999 -- 2002).

La France est un pays ami. Le Pakistan souhaite aller au-delà de la seule coopération de défense en matière de formation ou d'équipements. Il existe un fort sentiment entre les deux pays comme l'ont montré les déclarations du Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, lors de la réunion duu groupe des Amis du Pakistan démocratique à New-York.

Nous avons un ennemi commun : le terrorisme. Il convient de se défaire de cet ennemi commun composé de gens qui n'ont aucun respect pour l'humanité et qui luttent contre la civilisation.

Rappelant qu'il était à la tête de l'ISI quand les taliban sont arrivés au pouvoir, il s'est interrogé sur leur origine. Après le retrait de l'armée rouge, les mujahidines, devenus seigneurs de la guerre, se sont mis à lutter les uns contre les autres en une véritable guerre civile accompagnée de rackets qui ont entraîné un fort ressentiment populaire. Parallèlement, les enfants ont été éduqués dans les madrasas radicales dont les enseignants sont des anciens combattants et deviennent aujourd'hui les leaders du mouvement taliban. Pour sortir de cette guerre civile les taliban représentaient le seul élément de stabilité.

Ils ont pris 75% du territoire sans combattre et étaient au début très populaires. Ils se sont aliénés la population avec leur cruauté, mais en les boycottant, le monde les a en fait protégés. Trois pays seulement les ont reconnus: les Emirats arabes unis, l'Arabie saoudite et le Pakistan.

Ben Laden et Al Qaida ont trouvé refuge en Afghanistan après l'action des États-Unis au Soudan et l'expulsion par le Président ouzbek des mouvements islamistes radicaux. Le phénomène s'est développé jusqu'à aboutir à un gouvernement religieux des territoires du Nord-Ouest (NWFT). Il existe en effet des taliban afghans comme des taliban pakistanais qui entretiennent des liens étroits les uns avec les autres et vivent en autonomie. Lorsque l'armée pakistanaise est intervenue, elle a enregistré de fortes pertes car les taliban étaient très bien organisés et financés par l'argent de la drogue. Cet argent permet de recruter des hommes et de les bien payer. Dans ce conflit, il faut prendre en compte la psychologie afghane de rejet de l'étranger. Les taliban sont des paysans en armes.

L'histoire enseigne qu'une solution militaire seule n'est pas applicable à l'Afghanistan. De plus, une action contre-terroriste entraîne des pertes collatérales et pousse la population à rejoindre les rangs des taliban. C'est en fait une guerre de renseignements. Il faut chercher les leaders. Le centre de gravité est avec le leadership et l'organisation reste intacte tant que son chef n'est pas arrêté ou éliminé comme le montre l'exemple du mollah Omar et du leadership, encore intact, d'Al Qaïda.

Il faut créer un dialogue permettant de diviser les différentes factions. Pas à pas, il faut essayer de contrôler les zones talibanes, tout en apportant sécurité et développement aux populations. Ce qui ne peut se concevoir que sur le long terme.

M. Josselin de Rohan a fait remarquer que la stratégie arrêtée par le général MacChrystal allait dans ce sens et s'est intéressé au type de coopération avec le Pakistan dans le combat contre Al Qaïda et le terrorisme en général.

Le général Qasi a indiqué que le premier objectif était de s'assurer qu'il n'y avait pas de communication et de liaison entre les deux groupes de taliban au-dessus de la frontière. De ce point de vue, l'Afghanistan n'en fait pas assez. Face aux 1 000 points de contrôle de la frontière pakistanaise, l'Afghanistan n'en contrôle seulement que 100. La frontière n'est pas assez contrôlée. Il faut coordonner les opérations de chaque côté afin d'éviter que les zones, de chaque côté de la ligne Durand, ne servent de sanctuaires. Après l'intervention dans la vallée de Swat, des opérations sont en cours au Waziristan. Le Pakistan ne dispose pas de troupes suffisantes pour bloquer la frontière. Il est, en effet, contraint de laisser des troupes sur la frontière indienne.

La menace indienne revêt deux formes : les intentions et les capacités. Même si l'on peut admettre que l'Inde n'entend pas attaquer le Pakistan, elle en a les capacités. Les intentions d'aujourd'hui peuvent changer demain. Cette constatation oblige le Pakistan à avoir et à maintenir des capacités de riposte, y compris nucléaires.

Même si l'Inde n'a pas de mauvaises intentions, elle conserve une capacité de nuisance importante. Le Pakistan doit rester prêt. Nous sommes prisonniers de l'histoire. L'Inde doit cesser de critiquer le Pakistan, de l'accuser systématiquement de tous les maux qui l'affligent et de réaliser qu'il est une des premières victimes du terrorisme.

Ce que le Pakistan ne veut pas avoir à faire, c'est se battre sur deux fronts. Jusqu'à la chute du roi Zaher, l'Afghanistan avait toujours été amical. Or l'Inde continue de créer des problèmes en Afghanistan notamment à travers ses consulats qui n'accordent pas de visas et ne font pas d'opérations commerciales, mais sont là pour aider les rebelles en particulier en matière de renseignement. Il existe des preuves du soutien qu'apporte l'Inde à la rébellion au Baloutchistan.

En matière de contre-insurrection, l'armée pakistanaise dispose de formations internes et de savoir-faire acquis notamment pendant la période 1973-74 au Baloutchistan. C'est cette stratégie qui est utilisée aujourd'hui contre les taliban. Ce qui manque ce n'est pas l'expérience, c'est l'équipement. Plusieurs demandes successives du général Musharraf et du général Kayani aux États-Unis sont restées sans réponse. Alors que les taliban utilisent les satellites, l'armée pakistanaise n'a pas la technologie pour les localiser et les brouiller. Elle ne dispose pas d'appareils de visée nocturne, d'hélicoptères et de drones d'attaque. En matière d'hélicoptères, elle n'a que 30 Cobras anciens qui ne peuvent dépasser l'altitude de 7 000 pieds ce qui oblige donc, en montagne, à faire intervenir l'aviation. Or la disposition et l'utilisation par l'armée pakistanaise de ces matériels seraient tout à fait acceptables par la population contrairement à l'intervention étrangère sur le sol pakistanais.

En Afghanistan, le total des troupes de la coalition et de l'armée nationale afghane est notoirement insuffisant pour tenir le terrain. Il faudrait au moins 500 000 hommes. Le départ de la coalition serait un véritable désastre qui aboutirait très rapidement au retour des taliban au pouvoir. Pour éviter que l'Afghanistan ne redevienne un sanctuaire terroriste, il faut dialoguer avec les insurgés tout en menant des actions de développement aux résultats visibles. Pour l'instant, ce sont les dommages collatéraux que retient la population.

Il ne faut pas réitérer l'erreur des Etats-Unis qui, après 1972, avaient refusé de former les officiers de l'armée nationale pakistanaise. Ces formations, qui doivent être offertes aux cadres de l'armée afghane, permettent d'acquérir une vision globale, de prendre conscience des méthodes et des techniques et, à leur tour, de transmettre ces formations aux futures générations.

Enfin, interrogé sur l'Iran, le général Qasi a fait remarquer que ce pays n'est en guerre contre personne et que le monde occidental ne doit pas en avoir peur, y compris dans le domaine de la prolifération. Il a souligné l'importance des relations commerciales avec l'Afghanistan.

L'Iran a joué un rôle essentiel dans la recherche d'une solution régionale ne serait-ce que parce qu'il est le deuxième pays d'accueil des réfugiés afghans.

4 - Entretien avec M. Muhammad Haroon Shaukat, secrétaire général adjoint pour l'Afghanistan au Ministère des Affaires étrangères.

M. Muhammad Haroon Shaukat

secrétaire général adjoint pour l'Afghanistan
au Ministère des Affaires étrangères

Ancien ambassadeur du Pakistan au Brésil, ancien stagiaire de l'IIAP, il a participé de très près à l'organisation de la réunion de la mini Jirga du 27- 28 octobre 2008 à Islamabad.

M. Shaukat a fait remarquer que la situation sécuritaire était grave et qu'elle se détériorait. Les terroristes sont de plus en plus organisés et infligent plus de dommages qu'auparavant. Les dommages collatéraux contre les civils ne font qu'accroître le ressentiment de la population et l'opposition à la FIAS. La situation s'explique par trois décennies de guerre, de radicalisation de la société, de trafic de drogue, d'armes et de transferts d'argent illicite.

La stabilité de l'Afghanistan est une condition de la stabilité du Pakistan. Le Pakistan a donc intérêt à la paix chez son voisin. La démocratie en Afghanistan est essentielle pour atteindre cet objectif.

Les autorités pakistanaises attendent les résultats définitifs des élections présidentielles avec impatience. En dépit de 260 incidents violents, les élections se sont déroulées à peu près normalement. « Les incidents électoraux n'ont pas fait là «une» des grandes chaînes télévisées au Pakistan ». Plus le résultat sera différé, plus il sera contesté. Il est important que le pouvoir afghan sorte légitimé des élections afin de poursuivre le processus de réconciliation. Le Pakistan s'oppose à un découpage éthnique du pays qui entraînerait beaucoup de problèmes notamment au sud.

M. Shaukat a souhaité que les pays occidentaux fassent pression sur le gouvernement afghan pour qu'il accepte le tracé de la ligne Durand comme frontière officielle entre les deux pays.

La paix en Afghanistan nécessite une approche régionale. M. Shaukat a rappelé les sommets tripartites Afganistan+ Pakistan+1, avec les États-Unis, la Russie, la Turquie, l'Iran et le Tadjikistan. Un nouveau sommet se tiendra prochainement à Islamabad avec le Président Ahmadinejad. Le Pakistan propose une conférence régionale des voisins dont l'objectif serait de garantir l'indépendance de l'Afghanistan, de poser un principe de non-ingérence dans les affaires intérieures et de respecter les frontières. Le processsus doit être « afghan-owned » et respecter les traditions tribales afghanes (Jirga ou autres mais sans prescriptions extérieures). L'important est d'encourager, non d'imposer, la réconciliation nationale. En attendant que les Afghans eux-mêmes puissent prendre une part de plus en plus importante à la construction nationale durable, la coalition doit rester en Afghanistan.

Dans la vallée de Swat et au Malakand, les autorités pakistanaises ont su créer un consensus national avant de lancer l'action militaire. Les partis politiques, la société civile et la population ont été prévenus de l'intervention afin qu'ils évacuent les zones dans lesquelles l'armée allait intervenir. À présent, les 2 millions de déplacés rentrent chez eux. Il en va de même en Afghanistan où il est nécessaire de créer un consensus national contre l'extrémisme. Il faut également lutter efficacement contre la culture du pavot qui finance la rébellion et les mouvements taliban.

Dans le cadre régional, il est nécessaire d'associer l'Iran qui est un partenaire de premier plan ne serait-ce que parce qu'il est le deuxième pays d'accueil des réfugiés afghans.

Interrogé par M. Josselin de Rohan sur la position du président Karzai, M. Shaukat a rappelé que le gouvernement précédent avait été accusé de corruption, d'être acoquiné avec les seigneurs de la guerre et d'avoir utilisé son influence dans le cadre du processus électoral. Il ne faut toutefois pas juger de l'Afghanistan avec les critères du monde occidental. Le Président Karzai a obtenu plus de 50 % des voix et il est important de comprendre que ses soutiens dépassent son ethnie. Toutefois, l'impression des populations est qu'il y a eu manipulation, ce qui est négatif. De son côté, le Pakistan a seulement favorisé l'expression du vote des Afghans au Pakistan et n'a soutenu aucun candidat.

Depuis 2008 et le sommet de Colombo, le Pakistan a changé dans sa relation avec l'Afghanistan. Il existe de très bonnes relations de travail entre les dirigeants au niveau politique comme au niveau militaire.

Concernant les relations du Pakistan avec l'Inde, les autorités pakistanaises ont toujours voulu une relation normale avec ce pays. Il a rappelé que, jusqu'aux attentats de Bombay, le dialogue composite avait permis de progresser entre les deux pays. Mais on peut s'interroger sur le point de savoir si ceux qui y participent du côté indien n'en souhaitaient pas l'échec. Il ne fait pas de doute que l'Inde a de l'influence en Afghanistan et profite de la situation. La population pakistanaise croit que l'Inde fournit des armes clandestinement à la rébellion talibane. En tout état de cause, l'Inde ne joue pas un rôle de facilitateur et est même un facteur déstabilisant. Par leurs attitudes et leurs déclarations après Bombay, les Indiens ont humilié le Pakistan.

Interrogé sur la coalition, M. Shaukat a souligné que tout ce qui pouvait en améliorer la perception positive est bon à prendre. Le problème majeur et qu'elle ne se concentre pas assez sur le développement. C'est par ce biais et par la protection des civils que l'on obtiendra le soutien local.

En tout état de cause la coalition doit rester en Afghanistan jusqu'à ce que ce pays ait les capacités de gestion suffisante. Il faut changer de cap et rechercher un consensus national autour d'un gouvernement légitime même s'il est illusoire d'envisager un gouvernement fort dans ce pays. Jusqu'ici on a trop focalisé sur le militaire au détriment du développement, alors que la situation sur le terrain sera difficile à retourner.

Dans les zones tribales, il y a un flot illégal constant d'armes et d'argent. Cette situation ne peut continuer. L'Inde n'est pas le seul acteur mais il est probable qu'elle intervient. Au travers d'actions humanitaires, il peut y avoir la poursuite d'autres buts. Le Pakistan a montré beaucoup de patience et de persévérance pour maintenir l'ouverture. Il n'a pas réagi, alors même que l'Inde faisait des déclarations provocantes. La guerre n'est pas une option.

5 - Dîner à la résidence avec :

Le général Talat Massoud (analyste politique et de sécurité),

M. Ajaz Amir (député PML-N, opposition, membre des commissions de la défense et des Affaires étrangères) ;

M. Mushahid Hussain, (secrétaire général de la PML-Q, opposition, ancien sénateur, ancien président de la commission des Affaires étrangères, du Cachemire et des territoires du Nord du Sénat).

Mardi 29 septembre 2009 (Peschawar)

1 - Entretien avec M. Owais Ghani, gouverneur de la province frontière du Nord-ouest (NWFP).

M. Owais Ghani, gouverneur de la province frontière du Nord-ouest (NWFP)

Né en 1951, industriel, M. Ghani a été mis à l'industrie, du Commerce, du travail et des transports du gouvernement provincial de NWFP de 1999 à 2002, puis ministre fédéral du travail, des Pakistanais de l'étranger, de la décentralisation et de la zakat (taxes religieuses en faveur des pauvres) en 2002.

Il est nommé gouverneur du Baloutchistan 2003.

Il est gouverneur de NWFP depuis janvier 2008. Il devrait quitter cette fonction prochainement.

M. Owais Ghani s'est opposé au concept d'AFPAK. Le rapprochement entre les deux pays étant dénué de logique tant les différences sont grandes. Le gouverneur, envoyé à Washington par le Président Musharraf, avait prévu l'actuelle situation en Afghanistan dès 2004 : une stratégie purement militaire ne pouvait pas réussir. Mais l'administration Bush n'avait pas écouté. Il avait été encouragé par les premières annonces du Président Obama mais « on était revenu au point de départ ». Le « surge » ne suffit pas. Quels sont les objectifs politiques ? Il faut avoir une vision politique d'une question politique et en tirer une conclusion politique.

M. Ghani indiqué que la recherche de toute solution politique en Afghanistan devait être soutenue par l'action militaire. Cette dernière doit être subordonnée à la définition d'objectifs politiques. La bataille des armes doit soutenir la bataille des idées.

Le terrorisme en Afghanistan et au Pakistan ne prendra fin que s'il y a un accord politique en Afghanistan. Quatre conditions doivent être réunies :

• renforcer la légitimité du gouvernement afghan . Les responsables au pouvoir ont perdu le respect de leurs compatriotes et ceux qui se sont exilés pendant les années taliban se sont discrédités.

• Éradiquer la culture du pavot . L'Afghanistan est devenu un narco-Etat. La drogue est à l'origine de 60 % de la richesse nationale, ses mafias investissent les cercles les plus élevés du pouvoir. L'argent de la drogue finance la rébellion.

• Lutter contre le terrorisme venu de l'extérieur (« les étrangers d'Al Qaïda ») en s'appuyant sur les forces locales (non pas « global war on terrorism » mais «war on global terrorism ») 51 ( * ) . Toutefois, il faut « oublier ben Laden ; vivant, il est une idole. Mort, il sera un martyr ».

• Inclure dans la stratégie politique tout les acteurs sans exception . En Afghanistan, les mollahs jouent un rôle particulier car au moment de l'invasion soviétique les élites ont fui alors qu'eux sont restés pour résister. On ne peut donc ni les contourner, ni les exclure. Le gouverneur a rappelé la stratégie d'Alexandre le Grand en Afghanistan, réinstallant sur son trône le roi vaincu et le transformant ainsi en allié. C'est cette solution politique qui est la bonne en Afghanistan. Distinguer entre taliban modérés et extrémistes n'est pas pertinent. Pour cela, la pression militaire est nécessaire.

L'accord politique devra inclure une perspective de départ des troupes étrangères, une promesse d'amnistie pour les militants et leur intégration dans l'armée nationale afghane.

La stratégie suivie au Pakistan n'est pas transposable en Afghanistan pour deux raisons : il ne s'agit pas de l'intervention de forces armées nationales sur son territoire mais d'une coalition internationale qui s'aliène de ce fait une partie de la population ; d'autre part, ses forces sont quasi totalement non islamiques.

La stratégie suivie par le général Petraeus et récemment proposée par le général MacChrystal ne repose pas sur une stratégie politique qui est inexistante. Selon le gouverneur, cette nouvelle stratégie américaine en Afghanistan ne représente pas un réel changement.

La coalition doit avoir une stratégie de sortie. « Vous devez partir ». Il faut affirmer le principe du retrait sans fixer de date-butoir mais définir les conditions qui le permettront.

Il existe historiquement trois méthodes pour traiter l'insurrection en Afghanistan :

• la méthode pakistanaise qui traite, sur son territoire, une question de rébellion et de terrorisme par l'intervention de son armée nationale. Cette armée utilise des moyens lourds pour réduire cette insurrection. Elle emploie la méthode maoïste de « priver le poisson d'eau » en faisant évacuer la population avant d'intervenir massivement avec ses moyens militaires.

• la méthode russe qui s'appuie sur un allié local. C'est grosso modo ce que la coalition occidentale fait jusqu'à présent et continue à faire très largement. Elle est vouée à l'échec.

• la méthode retenue par l'empire britannique après le désastre de la passe de Khyber où une armée de 16 500 hommes avait été totalement anéantie par les tribus alors qu'elle évacuait Kaboul pour rentrer au Pakistan 52 ( * ) :

o Accord sur l'autonomie la plus large du territoire afghan dans des frontières reconnues,

o Financement massif, formation et équipement de l'armée afghane intérieure,

o Aide à la sécurité,

o assurances données à l'empire britannique que les autres puissances (Russie ou Allemagne) n'interviendront pas en Afghanistan,

o Contrôle de la politique extérieure.

C'est sans doute cette dernière méthode qu'il faudrait retenir en échange de la non-exportation du modèle afghan et des troubles dans les autres pays.

Il faut renoncer à bâtir en Afghanistan une démocratie jeffersonienne mais plutôt rechercher le bon équilibre entre le pouvoir central, qui devrait être un « un peu plus fort que les pouvoirs provinciaux pour pouvoir agir en médiateur, mais pas beaucoup plus ». Il n'y aura pas avant longtemps d'état moderne en Afghanistan. Mais des « graines ont été plantées ».

Aujourd'hui, il faudrait pouvoir constituer un gouvernement provisoire rapidement et tenir en parallèle une Loya Jirga.

M. Jean-Pierre Chevènement a interrogé le gouverneur Ghani sur la personnalité politique qui serait susceptible de mettre en oeuvre cette stratégie en garantissant qu'il n'y aura pas de déstabilisation de la région, qu'il y aura une séparation du terrorisme international de type Al Qaïda et que la culture du pavot sera éradiquée d'Afghanistan.

M. Owais Ghani a indiqué que cette responsabilité devait revenir à un conseil, et non à une personne seule, car la société est trop divisée, en particulier sur le plan ethnique. On pourrait imaginer qu'à la suite d'une Loya Jirga nationale soit constitué un conseil de gouvernement qui élise, pour un an, un président tournant.

2 - Entretien avec Afrasiab Khattak, leader régional de l'ANP (nationaliste pachtoune, majorité), suivi d'un déjeuner.

M. Afrasiab Khattak, leader régional de l'ANP

M. Khattak a été élu sénateur sous l'étiquette de l'Awami National Party, parti nationaliste pachtoune au pouvoir en NWFP, parti membre de la coalition au gouvernement fédéral.

C'est un homme politique très actif dans sa région depuis les années 1970. Sous la présidence du général Zia-ul-Haq, il s'est exilé à Kaboul ; à son retour, il forma en 1990 un parti d'inspiration marxiste avant de rejoindre l'ANP en 2002. Il en dirige la section de la NWFP aujourd'hui.

Il est président de la commission du Sénat pour les droits de l'homme. Il était président provincial de l'O.N.G. Human Rights commission of Pakistan. Il est membre des commissions du pétrole et des ressources naturelles et des régions frontalières du Sénat.

M. Khattak a échappé il y a quelques mois à un très grave attentat taliban, dans lequel 20 militants de son parti ont trouvé la mort. Il considère que l'armée a fait du bon travail dans la vallée de Swat contre les taliban pakistanais, mais qu'elle continue à conserver des liens avec les taliban afghans pour préparer le moment où la FIAS aura quitté l'Afghanistan. Pour le Pakistan, avoir à Kaboul un gouvernement à sa main reste un objectif stratégique. « Les taliban sont un atout pour l'armée ».

Le réseau Haqqani joue un rôle considérable dans les FATA. Il contrôle le nord Waziristan, où il a créé un émirat islamique, et assure une triple coordination, entre les taliban afghans d'une part, les taliban pakistanais, Al Qaïda et l'ISI d'autre part. « Les FATA sont comme l'Afghanistan avant le 11 septembre 2001 ».

Pour M. Khattak, l'Inde se venge dans les FATA des tentatives pakistanaises de déstabilisation dans le Cachemire. Elle conduit des actions de déstabilisation au Pakistan à partir de l'Afghanistan, et le gouvernement afghan est parfaitement au courant. « Le président Karzai n'a pas beaucoup aidé le Pakistan ». Il faut par ailleurs affirmer le retrait de la coalition mais sans fixer de date.

L'idée d'une Loya Jirga est bonne dans la mesure où le gouvernement central du président Karzai a connu un double échec tant dans le processus de réforme que dans celui de décision.

3 - Dîner à la résidence - Mme Samina Ahmed, directrice régionale de l'international Crisis group- Zaffar Abbas (Dawn) - Zahid Hussein (Newsline, Newsweek, WSJ).

Mercredi 30 septembre 2009 (Islamabad)

1 - La coopération de défense avec le Pakistan, par le Col. V. Fuchs, attaché de défense

L'armée pakistanaise est une armée professionnelle de 600 000 hommes qui a parfaitement intériorisé la norme d'être une armée politique. Elle perçoit la gestion politique comme une partie légitime de ses fonctions et c'est cette perception qui explique la fréquence des coups d'état militaires (1958, 1977, 1999).

Elle est considérée par beaucoup d'observateurs comme l'institution la plus stable du pays, celle qui a la confiance de la population. On a pu dire que c'était une armée qui avait un Etat et non pas à un Etat qui avait une armée (Salman Rushdie).

Après trois guerres (1948 et 1965 à propos du Cachemire et 1971 au Bangladesh) et deux crises majeures, également au Cachemire en 1999 et 2002, il est évident que la politique de défense du Pakistan et ses priorités en matière d'équipement sont complètement dictées par les rapports avec le grand voisin indien.

Le rapport de forces lui ayant été systématiquement défavorable, le Pakistan poursuit avec détermination la modernisation de ses forces armées et le développement de son industrie de défense. Il a par ailleurs construit une force de dissuasion nucléaire et une capacité en missiles balistiques qui constituent la principale menace pour l'Inde d'autant que la doctrine d'emploi des armes nucléaires pakistanaises est volontairement laissée dans le flou.

Compte tenu de la menace indienne, le dispositif militaire pakistanais est concentré sur sa frontière orientale afin de mener une défense de l'avant à laquelle l'oblige l'absence de profondeur stratégique du pays. L'armée est aujourd'hui confrontée à une guerre civile qui, contrairement à celles qu'elle avait menée au Baloutchistan ou au Bengale dans les années 70, s'effectue au nom d'un positionnement politique et idéologique, sous très forte pression américaine, dans les zones tribales. Il ne s'agit plus de lutter contre des revendications séparatistes et de combattre une idéologie structurée dont l'objectif est la prise de pouvoir au Pakistan. Cette guerre de contre insurrection contre des adversaires asymétriques pose la question de la capacité opérationnelle de l'armée pakistanaise. Ce sont ces circonstances qui expliquent qu'aujourd'hui l'armée souhaite stabiliser le jeu politique et faire en sorte que le gouvernement de coalition dure.

Il existe une coopération de défense ancienne et privilégiée avec la Chine depuis 1962 qui a été renouvelée par un traité d'amitié en 2006. Elle porte principalement sur le co-développement du char Al-Khalid, et de l'avion de combat JF17 (auquel des sociétés françaises pourraient être associées) et sur des transferts de technologie pour les frégates porte-hélicoptères.

Depuis le virage stratégique effectué par le président Musharraf après les attentats du 11 septembre 2001 et son engagement dans la lutte contre le terrorisme, le Pakistan bénéficie d'une très importante aide américaine qui s'est montée à 11,2 milliards de dollars depuis 2002. Sur cette somme, 8 milliards de dollars ont été consacrés à l'assistance militaire et ont permis de fournir des équipements et d'entraîner l'armée pakistanaise.

La coopération militaire française a été initiée en 1970 et développée en accompagnement de contrats d'armement, principalement dans le domaine naval et aérien. Il s'agit des sous-marins Daphné et Agosta 70, puis des sous-marins Agosta 90B en 1994. Des contrats ont par ailleurs été signés portant sur des avions de patrouille maritime, des avions Mirage et des chasseurs de mines.

Les orientations générales de la coopération militaire française s'inscrivent dans le cadre du soutien aux opérations extérieures (Afghanistan), de la lutte contre le terrorisme et sur la sécurité des voies d'approvisionnement maritime.

La guerre civile menée contre l'État pakistanais par les taliban et le djihad international fragilise un pays qui dispose de l'arme nucléaire. La coopération militaire s'inscrit donc clairement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme pour aider et stabiliser ce pays. Par ailleurs, elle continue à entretenir l'interopérabilité avec la marine pakistanaise dans le cadre des opérations navales communes dans l'océan Indien.

L'adaptation de l'armée pakistanaise à la contre-insurrection et à la guerre asymétrique porte moins sur la formation dont les militaires assurent qu'ils en ont l'expérience et le savoir-faire, mais sur la fourniture d'équipements adaptés. Cette coopération s'inscrit dans le cadre du « paquet Kayani » d'aide à la contre-insurrection qui comporte à la fois un volet « militaire » (formation/échange d'expertise/coopération Forces Spéciales/etc...) et un volet « équipements ».

Le volet militaire consiste en une réorientation des stages et des formations proposées à l'Army vers la contre-insurrection et vers la lutte contre le terrorisme.

Le volet équipements a pour objectif de pallier certaines lacunes capacitaires de l'armée de terre pakistanaise, liées à l'aéromobilité, la reconnaissance, la surveillance et l'interception.

Les industriels se sont également mobilisés autour du projet. La partie pakistanaise souhaite pouvoir bénéficier d'un accord de financement et de crédits qui est en cours d'étude par les deux ministères des finances.

2 - Entretien avec le général Kayani, chef d'état-major de l'armée de terre

Général Ashfaq Parvez Kayani,
chef d'état-major de l'armée de terre

Né en 1947, le général Kayani a été nommé chef d'état-major adjoint de l'armée de terre par le président Musharraf en octobre 2007, auquel il a succédé après la démission de ce dernier de ses fonctions de CEMAT en novembre 2008. Il était alors directeur général de l'interservices intelligence (ISI).

C'est un ancien élève de la Pakistan Military Academy de Lakul (l'équivalent pakistanais de Saint-Cyr), du command and staff collège (équivalent de l'école d'état-major de Compiègne) et du national defence college (pour sa composante équivalente à l'école de guerre).

Ancien secrétaire militaire adjoint de Benazir Bhutto pendant son premier mandat de Premier ministre entre 1988 et 1990, il était directeur général des opérations de 2001 à 2003, commandant du corps d'armée de Rawalpindi de 2003 à 2004. Il remplace à la tête de l'ISI le général Ehsan-Ul-Aq en octobre 2004.

Le général s'attache depuis sa nomination à adopter une posture de neutralité vis-à-vis du pouvoir politique civil.

Le général Kayani a tout d'abord marqué sa satisfaction quant à la façon dont avaient été menées les opérations dans la vallée de Swat et sur les résultats obtenus. Une nouvelle opération va être lancée prochainement au Waziristan. Il s'est félicité des succès remportés par l'armée pakistanaise dans sa lutte contre le terrorisme.

Le chef d'état-major de l'armée de terre a néanmoins souligné les limites de l'action militaire : « il y a des opérations dont seule la police doit se charger pour le compte de la justice. L'armée n'est pas adaptée pour cela » 53 ( * ) . De plus, les forces de sécurité au Pakistan ne sont pas assez nombreuses pour contrôler simultanément la vallée de Swat, la frontière occidentale, et l'ensemble des zones tribales, puisqu'il faut dans le même temps maintenir une présence militaire suffisante sur la frontière orientale. En l'état actuel des choses, le Pakistan n'a pas une confiance suffisante en l'Inde et ne peut donc être certain qu'une attaque ne surviendrait pas.

La responsabilité politique, et donc celle de la définition d'une politique d'ensemble, incombent à l'autorité civile à laquelle l'autorité militaire est subordonnée.

Le général Kayani a souligné l'intérêt de la coopération franco pakistanaise et du soutien que la France pouvait apporter aux opérations antiterroristes par la fourniture d'équipements adaptés, en particulier des hélicoptères légers.

3 - Déjeuner offert par M. Farooq Naek, président du Sénat en présence de Mme Azra Fazal Pechuho (PPP, majorité), élue du Sindh, présidente de la commission de la Défense de l'Assemblée nationale, soeur du Président Zardari

Sardar Mehtab Ahmad Khan, (PML-N, opposition), élu d'Abbottabad (NWFP), membre de la commission de la défense. Syed Ghulam Mustafa Shah (PPP, majorité), élu du Sindh, Palwasha Muhammad Zai Khan, (PPP, majorité - siège réservé aux femmes), membres de la commission des Affaires étrangères de l'AN.

En l'absence du président Zardari, c'est le président du Sénat qui est chef de l'Etat.

M. Farooq Naek, président du Sénat

Juriste de formation, il fait carrière d'avocat ; il est président du barreau de Karachi en 1989 avant de devenir avocat à la cour suprême en 1990.

Il est sénateur depuis 2003 (réélu en 2009).

Ministre de la justice du gouvernement Gilani en mars 2008, il quitte ses fonctions ministérielles pour devenir président du Sénat en mars 2009.

Le président du Sénat a en particulier insisté sur l'intérêt qu'il voit à développer les échanges parlementaires entre la France et le Pakistan. Il devrait adresser prochainement au Président Gérard Larcher une invitation à se rendre au Pakistan. M. Josselin de Rohan a suggéré de son côté qu'une délégation de la commission de la défense du Sénat pakistanais conduite par son président le lieutenant général Javed Ashraf se rende en France.

4 - Le ministre des affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi étant à New-York, la délégation a été reçue par le secrétaire d'Etat, Nawabzada Malik Amad Khan

Nawabzada Malik Hammad Khan, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères

Né en 1973, originaire du Pendjab, c'est l'un des plus jeunes ministres du gouvernement Gilani. C'est un militaire de formation ; il a quitté la carrière militaire en 1999 pour mener une vie de propriétaire terrien.

Il a été élu pour la première fois en 2008 comme candidat indépendant et a rejoint le PPP après son élection.

Il appartient une famille important du Pendjab ; son grand-père était gouverneur du Pakistan occidental entre 1960 et 1966.

Le secrétaire d'Etat s'est d'abord félicité de la qualité des relations entre la France et le Pakistan en matière de défense. Il a remercié la France pour son appui dans les forums multilatéraux ainsi qu'au sein du groupe des amis du Pakistan et auprès de l'Union européenne. Il a souhaité que la France plaide pour que le sommet entre l'Union européenne et le Pakistan prévu en 2010 devienne permanent.

La lutte contre le terrorisme fait l'objet d'un très fort appui populaire. Ce consensus de la population, mais aussi de l'ensemble des partis politiques, renforce le moral des troupes. Le secrétaire général a souligné que, s'agissant des suites de l'attentat de Bombay, les contacts entre ministres à l'Assemblée générale de l'ONU avaient été fructueux. Ils s'inscrivent dans la ligne de la déclaration de Charm-el-Cheikh. Il a regretté que la vive contestation politique en Inde ait conduit le premier ministre Singh à revenir sur sa déclaration. Le Pakistan quant à lui reste cohérent : les responsables des attentats seront bientôt jugés.

Le Pakistan n'est pas en faveur de la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU. Le statut de membre permanent pour l'Inde serait très mal perçu par l'opinion publique et entraînerait un changement des équilibres dans la région.

Avec la Chine, le Pakistan entretient depuis l'indépendance une coopération de haut niveau en matière de défense qui comporte des transferts de technologies (chars, avions). Le soutien de la Chine a toujours été très cohérent et elle a soutenu le Pakistan même dans les moments difficiles. Le PPP a de bonnes relations avec ce pays et les contacts se sont accélérés depuis son arrivée au pouvoir. Le président Zardari s'est rendu à cinq reprises en Chine.

En matière nucléaire, la politique suivie par le Pakistan consiste à maintenir le niveau minimum permettant la stabilité et la dissuasion. Le risque de voir les terroristes s'emparer du dispositif nucléaire aux fins de prolifération ou à d'autres fins n'est pas crédible. Il existe en effet trois systèmes : la sécurité nucléaire, le commandement qui détermine l'usage de la force et enfin, le contrôle des exportations. Le Pakistan est très actif dans les négociations menées à Genève dans le cadre de la conférence sur le désarmement. Toutefois la menace indienne suppose le maintien de la force nucléaire pakistanaise.

S'agissant de l'Afghanistan, le secrétaire d'Etat a fait remarquer qu'à court terme les attaques de drones américains ne résoudront pas le problème. Il est extrêmement difficile d'assurer la sécurité de la frontière et de tenir un terrain très difficile à conquérir.

Le principal effort porte sur la lutte contre le terrorisme. Le gouvernement et l'armée font preuve d'une grande fermeté. Prenant l'exemple de l'invasion soviétique, le Secrétaire d'Etat a souligné que le fait de tenir la capitale et les principales villes n'était pas significatif. Le Président Obama fait aujourd'hui ce qui a été jusqu'à présent négligé, c'est-à-dire gagner les populations et les faire parties prenantes du développement et de la construction de la démocratie.

Il est très difficile de contrôler les infiltrations de combattants étrangers qui passent rarement par les aéroports avec des visas en règle. C'est la raison pour laquelle le Pakistan souhaite pouvoir disposer de moyens de surveillance nocturne.

5 - Entretien avec M. Rehman Malik, ministre de l'intérieur

M. Rehman Malik, ministre de l'intérieur

A. Rehman Malik (né le 12 Decembre 1951) est un homme politique pakistanais, sénateur et actuel ministre de l'intérieur du Pakistan dans le gouvernement dirigé par le premier ministre M Yousaf Raza Gilani. Avant d'être élu au Sénat il était le conseiller du premier ministre pour les affaires intérieures et le contrôle de la drogue depuis le 27 mars 2008. Il est ministre de l'intérieur depuis le 27 avril 2009.

M. Malik est un ancien officier de l'agence fédérale d'investigation (FIA). Il a pris la tête de cette agence pendant le second mandat de premier ministre de Mme Benazir Bhutto. Il a rejoint le parti du peuple pakistanais (PPP) et a été l'homme de confiance et le responsable de la sécurité de Mme Benazir Bhutto jusqu'à son assassinat.

En préambule, M. Malik a exprimé aux membres de la délégation du Sénat la reconnaissance de Président Zardari et du gouvernement pakistanais envers le Président de la République pour son soutien : « pour la manière dont il parle du Pakistan, pour ce qu'il a dit lors du sommet du groupe des Amis du Pakistan démocratique à New York ».

Le ministre de l'intérieur est revenu sur sa visite à Paris le 20 et le 21 juillet 2009 et sur ses rencontres avec son homologue, M. Brice Hortefeux, et avec M. Alain Marleix, dont il est revenu très satisfait. Le Pakistan souhaite beaucoup renforcer la coopération avec la France dans le domaine de la lutte antiterroriste. Il a proposé un échange d'informations en temps réel sur les réseaux terroristes et a suggéré de développer les échanges entre les deux pays sur les questions d'immigration irrégulière.

Quatre priorités pour la relance de la coopération bilatérale policière entre la France et le Pakistan :

• mise en place d'unités d'assaut contre le terrorisme ;

• mise en place d'un service de protection des hautes personnalités ;

• soutien de la mise en place d'une unité de coordination antiterroriste ;

• anticipation, détections précoces et enquêtes post-attentats.

Par ailleurs, comme il l'avait souligné lors de l'entretien de la délégation avec le premier ministre Gilani, le Pakistan souhaite pouvoir disposer dans sa lutte contre le terrorisme d'hélicoptères, de matériels de visée nocturne, de drones d'observation et d'attaque et de chiens téléguidés par laser.

M. Jean-Pierre Chevènement l'ayant interrogé sur l'appréciation du général Kayani selon laquelle le Pakistan ne disposait pas d'assez de forces pour contrôler simultanément les groupes hostiles dans la vallée de Swat, dans les FATA et sur la frontière occidentale en général car il fallait maintenir dans le même temps une présence militaire suffisante sur la frontière orientale avec l'Inde, M. Malik a indiqué que le gouvernement ne disposait que de 135 000 hommes pour contrôler les 2 000 km de frontière occidentale. Outre le fait que la région est très difficile géographiquement parlant, la guérilla en est issue et la connaît parfaitement.

M. Malik a indiqué qu'il faudrait développer le concept de forces frontière et qu'il y aurait besoin d'environ 500 000 hommes (armée et police) pour contrôler cette région. Il s'est montré persuadé qu'un retrait des troupes à l'Est conduirait l'Inde à attaquer. Si l'on ne peut dégarnir la frontière orientale, il faut donc augmenter les capacités de la police et les forces civiles hors armée qui ne représentent aujourd'hui que 25 000 hommes. Pour aider la province la plus touchée par le terrorisme, la NWFP, les polices provinciales du pays allaient devoir fournir 20 000 hommes qui seraient déployés en renfort. L'objectif aujourd'hui, dans le district de Malakand, à l'issue de la vaste opération militaire de ces derniers mois contre les taliban, est de les empêcher de se regrouper et de se réorganiser.

Il ne peut y avoir de développement sans sécurisation. Le gouvernement actuel a choisi un triptyque : dialogue, développement, dissuasion (les « trois D »). Cela étant, la dissuasion ne pourra réellement fonctionner que lorsque l'Etat de droit aura été rétabli dans les zones tribales, lequel permettra le développement.

S'agissant des relations afghano-pakistanaises, M. Rehman Malik a rappelé qu'il ne pouvait pas y avoir de Pakistan sûr sans Afganistan sûr. Le gouvernement pakistanais est persuadé que le coeur d'Al Qaïda se trouve dans la zone frontalière et que c'est là, en conséquence, qu'il faut se battre. C'est pourquoi les deux pays travaillent à un plan d'action pour la coopération en matière de sécurité afin de contrôler leurs frontières communes ce qui est indispensable pour rétablir la paix.

Le ministre a ensuite présenté ses vues sur la réforme des madrasas. Il a rappelé que, du temps de l'occupation soviétique, il existait 2 000 madrasas à comparer aux 20 000 actuelles. Il est nécessaire de les contrôler et de les enregistrer. Un accord a été signé avec les cinq courants de l'islam au Pakistan pour que l'éducation religieuse ne promeuve pas le terrorisme et qu'un enseignement moderne soit dispensé. Les professeurs seront nommés et il existera une autorité de régulation. Le programme sera contrôlé et l'ensemble fera l'objet d'un audit régulier. En cas de promotion du terrorisme la madrasa sera fermée. Aujourd'hui les professeurs sont payés par la Libye, l'Iran ou l'Arabie Saoudite. Demain les madrasas ne pourront recevoir d'argent de l'étranger.

Rappelant une citation du Coran selon laquelle « même si c'est en Chine qu'il faut aller pour avoir de l'éducation, vous devez le faire » il a rappelé que toutes les religions du monde reposent sur le même fondement d'amour, de vérité, d'interdiction du suicide etc. Le PPP est un parti laïc. Il faut dire clairement aux populations les raisons de la lutte contre le terrorisme qui est mauvais pour le pays et l'économie.

M. Malik a indiqué que l'attrait des madrasas venait de leur gratuité. Pour beaucoup de familles le coût de l'éducation publique est impossible à assumer, aussi les familles envoient-elles leurs enfants dans les madrasas où ils reçoivent un enseignement et où ils sont nourris. Au sortir des mosquées, ces jeunes sont recrutés par les taliban qui peuvent les payer 500 USD par mois. La politique de l'éducation est un échec du Pakistan. Il faut une éducation gratuite jusqu'au certificat d'études. En l'état actuel des choses, il est donc impossible de supprimer les madrasas. La solution est de les inclure dans le système en employant une « stratégie de l'antibiotique ».

En conclusion, M. Malik a proposé que, lors de l'une de ses prochaines visites en France, il puisse être auditionné par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat afin de présenter la politique pakistanaise de lutte contre le terrorisme.

6 - Conférence de presse avec les médias pakistanais à l'hôtel Serena

7 - Dîner à la résidence avec plusieurs ambassadeurs et hauts-fonctionnaires pakistanais.

* 37 M. Daniel Jouanneau, ambassadeur de France au Pakistan, avait indiqué que « l'absence d'une police de qualité est une réelle difficulté dans la lutte contre les taliban » lors de son audition devant la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le 18 février 2009.

* 38 Mayankote Kelath Narayanan (1934 - ) est le « National Security Advisor » (NSA) du Premier ministre de l'Inde. Il a été nommé à ce poste le 25 janvier 2005 trois semaines après le décès de son prédécesseur J N Dixit . M. Narayanan a dirigé le bureau du renseignement (IB) de 1987 à 1990, avant de diriger le comité conjoint du renseignement. Il est redevenu chef de l'IB en 1991 , avant de prendre sa retraite en 1992 . Il était le conseiller spécial pour la sécurité intérieure du premier ministre de l'Inde depuis mai 2004.

* 39 Dans une interview télévisée en septembre 2009 le général à Musharaf aurait indiqué que l'aide américaine a été détournée pour renforcer les défenses du Pakistan contre l'Inde par ce que « chaque arme doit servir d'où que viennent les menaces ». Bien que démenties ces déclarations ont mobilisé les médias indiennes.

* 40 Le Congrès des États-Unis a adopté, le 30 septembre 2009, une proposition de loi «enhanced partnership with Pakistan act of 2009 », diet «paquet Kerry-Lugar», qui prévoit une aide américaine de 7,5 milliards de dollars sur cinq ans. Cette assistance est autorisée au titre de l'aide démocratique, économique et au développement. Elle vise principalement les secteurs de renforcement des institutions (y compris le Parlement) de l'État de droit et de la bonne gouvernance, du développement (énergie, infrastructures, développement rural etc.) de l'éducation, de la santé, et des O.N.G., de l'aide aux personnes déplacées, de la «public diplomacy » américaine, de la formation de la police (150 millions de dollars la première année) etc.

L'attribution de la moitié des montants prévus chaque année (750 millions de dollars) est conditionnée à une certification, par le représentant spécial pour l'Afghanistan et le Pakistan (Richard Holbrooke), que le Pakistan fait des « progrès raisonnables », vers les objectifs fixés en matière de réformes politiques, de lutte contre la corruption, de libertés civiles ou de bonne gouvernance.

Au titre de l'aide à la sécurité le programme de formation de militaires pakistanais aux États-Unis et de soutien à l'achat de matériel de défense ne fait pas l'objet de montant précis.

Aucune assistance en matière de sécurité ne sera fournie si la Secrétaire d'État, Mme Hillary Clinton, n'est pas en mesure de certifier que le Pakistan continu bien à coopérer avec les États-Unis dans leurs efforts de démantèlement de réseaux proliférants, qu'il fournit des « efforts significatifs » dans la lutte contre le terrorisme, et que les forces de sécurité pakistanaise n'agissent pas contre l'État de droit.

Enfin, des mécanismes de supervision sont mis en place qui prévoient la soumission au parlement d'un certain nombre de rapports qui s'ajoutent aux processus de certification.

Depuis qu'elle a été définitivement adoptée par le Congrès, la loi Kerry-Lugar suscite une très vive controverse au Pakistan. Si l'aide ira en priorité à l'éducation et à la santé, domaines dans lesquels le Pakistan accuse des retards considérables, les conditions auxquelles sera subordonné le décaissement effectif de cette aide constituent pour la presse, pour l'opposition mais aussi pour l'armée une ingérence dans les affaires intérieures pakistanaises.

* 41 La ligne Durand est le nom donné à la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan, établie le 12 novembre 1893 par un accord entre l'émir Abdur Rahman Khan et sir Mortimer Durand pour l'Empire britannique. Elle divise artificiellement des tribus pachtounes qui partagent la même langue et la même organisation sociale. Le gouvernement afghan n'a jamais reconnu cette ligne comme frontière.

* 42 L'armée chinoise occupe les territoires de l'Aksai Chin au Cachemire, qui est unilatéralement annexé et aujourd'hui toujours revendiqué par l'Inde, tandis que l'Arunachal Pradesh, territoite indien, est revendiqué par la Chine. En avril 2005, l'Inde et la Chine ont signé un accord afin de régler leur différend frontalier, accord fixant les "grands principes" pour un règlement "définitif" du contentieux frontalier qui les oppose le long de l'Himalaya depuis la guerre de 1962.

Il convient de relever qu'avec l'annexion du Tibet par la Chine en 1950 (en 1954, l'Inde a reconnu le statut du Tibet comme une division autonome de la Chine) il n'existe plus d'Etat tampon entre l'empire chinois et l'Inde, tel qu'il avait toujours existé historiquement. La ligne McMahon -- nommée d'après son principal négociateur sir Henry McMahon -- était la frontière proclamée par le Royaume-Uni séparant l'Inde britannique et le Tibet. Elle a été définie au cours de la Convention de Simla de 1914, conférence à laquelle assistent des représentants tibétains et britanniques. Cependant, malgré la signature de l'accord par les plénipotentiaires du Tibet, la République de Chine refusa de reconnaître et ratifier tous les points d'accord obtenus au cours de la conférence, en particulier la validité de la frontière établie par la ligne Mac-Mahon.

À cela s'ajoute l'existence de la guérilla maoïste, arrivée récemment au pouvoir au Népal, et la très importante rébellion Naxaliste, d'idéologie maoïste, qui sévit dans l'Est de l'Inde.

* 43 En 2008, les exportations ont atteint 3,3 milliards d'euros et les importations 3,5 milliards d'euros. Au cours des huit premiers mois de 2009, sous l'effet de la crise et de l'évolution des prix du pétrole, nos exportations ont reculé de 21,5 %. Conséquence de la crise financière, l'objectif de réaliser 12 milliards d'euros d'échanges commerciaux en 2012, fixé par le Président de la République, paraît hors de portée.

* 44 L'Inde insiste particulièrement sur les transferts de technologie et les accords de joint-venture afin de constituer à terme une industrie de défense autonome. Cette volonté résulte en très large partie du souvenir de « l'apartheid technologique » qu'avait subi l'Inde pendant la guerre froide.

* 45 Le DRDO, créé en 1958, est constitué d'un réseau de 51 laboratoires engagés dans le développement des technologies de défense et couvrant de très nombreuses disciplines comme l'aéronautique, les armements, les sciences de l'électronique et de l'informatique, le développement des ressources humaines, les sciences de la vie et les missiles, le développement des véhicules de combat, la recherche-développement en matière navale. Cette organisation rassemble 5 000 scientifiques et environ 25 000 personnels techniques et de soutien .

* 46 Il convient de noter qu'en raison du très fort soutien que l'Inde apporte aux autorités palestiniennes, cette étroite coopération en matière de défense s'accompagne d'une absence de contacts politiques officiels.

* 47 L'objectif global du plan indien est d'aboutir à une production de 63 000 MW en 2032.

* 48 L'évaluation du général MacChrystal a été publiée sur le site du Washington Post à l'adresse suivante : http://media.washingtonpost.com/wp-srv/politics/documents/Assessment_Redacted_092109.pdf

* 49 Système d'irrigation traditionnel développé depuis 3000 ans en Iran et dans les pays limirophes.

* 50 2,45 millions d'euros d'aide humanitaire d'urgence ont été débloqués cette année pour répondre à la crise des personnes déplacées par les combats ayant eu lieu en vallée de Swat, crise qui a conduit au déplacement de plus de 2 millions de personnes. L'AFD a par ailleurs réorienté une partie de son aide au Pakistan (prêt de 10 millions d'euros) pour permettre le retour des personnes déplacées dans cette zone.

* 51 « When I say that it means war on terrorists who have a global reach, who have a global agenda, global designs, whatever they may be and that have developed a global strategy. This is essential to differentiate from what I call «local militants» or «local terrorists» who have a localized reach or a localized agenda. »

* 52 La passe de Khyber accueillit en effet en janvier 1842 le Dr William Brydon, seul survivant (européen) d'une colonne de 16 500 militaires et civils britanniques menée par le général William Elphinstone décimée par des guerriers ghilzai à la passe de Gandamak (entre Kaboul et Jalalabad).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page