CONCLUSION

Au cours de ces deux mois d'investigations, votre mission d'information a pu établir un certain nombre de constats sur les causes de la tempête Xynthia. Consignés dans le présent pré-rapport, ces constats soulignent que cette catastrophe naturelle s'explique d'abord par une conjonction exceptionnelle d'évènements météorologiques. Mais ils mettent aussi en évidence une accumulation de défaillances graves dans l'anticipation du risque de submersion marine auquel les zones touchées étaient exposées.

De toute évidence, le risque de submersion marine est jusqu'à présent très largement ignoré tant dans les dispositifs législatifs et réglementaires que dans les mesures mises en place au niveau local pour la protection des populations. Ce constat pose toute la question de la culture du risque dont on mesure qu'elle demeure très insuffisante dans notre pays.

Poursuivre un hypothétique « risque zéro » apparaît comme un objectif largement illusoire face à la diversité et à la brutalité de certains phénomènes naturels.

En revanche, anticiper la survenance du risque et prévoir longtemps à l'avance les mesures à prendre lorsque, par malheur, il survient, notamment pour l'évacuation des populations, voilà un objectif que les responsables de la sécurité publique, au niveau national et local, doivent poursuivre sans relâche.

Dans ce but, il faut mettre un terme aux cloisonnements actuels entre les différents volets qui concourent à gérer le risque de submersion marine. Il faut penser de manière globale et cohérente la prévision et l'alerte, la prévention, le droit des sols et la protection des populations à travers l'entretien des digues.

Au-delà, la culture du risque ne doit pas être réservée aux seuls responsables de la sécurité publique et de la protection civile. Il est indispensable qu'elle soit diffusée très largement dans la population.

C'est à cette tache que votre mission d'information se consacrera d'ici son rapport définitif en vue de formuler des préconisations concrètes. Dans ce but, elle ouvrira un nouveau cycle d'auditions et cherchera à tirer profit de l'expérience des Etats qui sont confrontés directement au risque de submersion, tout particulièrement les Pays-Bas.

EXAMEN EN COMMISSION DE LA MISSION D'INFORMATION

La mission d'information s'est réunie le jeudi 10 juin 2010 pour l'examen du présent pré-rapport.

M. Bruno Retailleau, président, s'est félicité de la réactivité de la mission et des avancées qu'elle a permis d'obtenir, notamment sur l'indemnisation. Les déplacements aux Pays-Bas et en Gironde ont été riches d'enseignement, en particulier sur les stratégies de protection, a-t-il estimé. Après avoir remercié le rapporteur et les membres de la mission, il a rappelé que cette dernière avait procédé à une centaine d'auditions, aboutissant à ce pré-rapport qui constitue un travail d'étape avant le rapport final qui concrétisera de manière dynamique les propositions de la mission. Il a considéré que la tempête Xynthia devrait marquer une rupture semblable à celle de 1953 aux Pays-Bas, en jetant les bases d'une politique du risque ambitieuse et partagée.

M. Alain Anziani, rapporteur, a lui aussi souligné que ce pré-rapport n'était qu'une première étape avant un rapport définitif qui serait plus détaillé, tant dans l'analyse des questions posées à la suite de la catastrophe que dans la présentation des réponses que la mission proposerait de leur apporter.

Puis, M. Alain Anziani, rapporteur, a évoqué les trois parties du pré-rapport.

La première dresse le constat et rappelle les causes de la tempête. Les dommages humains (53 morts) et matériels (2,5 milliards d'euros de dégâts) sont extrêmement importants. Les raisons en sont tout d'abord naturelles, avec la conjonction exceptionnelle de trois facteurs (une surcote, une pleine mer, un coefficient de marée élevé) et une fragilisation du trait de cote due à une élévation structurelle du niveau de la mer, à un recul du littoral et à des ruptures ponctuelles du cordon dunaire.

Mais les dommages sont également liés à des défaillances humaines, et ce au niveau de :

- la prévision : si celle de la tempête, par Météo France, a été bonne, son impact sur le littoral n'a en revanche pas été anticipé ;

- la prévention : les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI), tout comme les plans communaux de sauvegarde (PCS), se sont révélés quantitativement insuffisants et trop faiblement normatifs. De plus, l'intégration des documents d'urbanisme dans les PPRI n'était pas satisfaisante, tandis que des constructions ont été réalisées sans autorisation dans des zones à risque. Cette « nébuleuse d'irresponsabilités » ne doit conduire ni à la complaisance, ni à l'injustice envers les maires concernés, a estimé M. Alain Anziani, rapporteur, qui a fait valoir que les services de l'Etat étaient sensés intervenir en amont, lors de l'instruction des permis de construire, comme en aval, avec le contrôle de légalité, et qu'ils disposaient de tout un arsenal juridique applicable en matière d'urbanisme ;

- la protection. Un peu plus de 200 km de digues seraient à restaurer, suite aux dégâts causés par la tempête.

M. Alain Anziani, rapporteur, a ensuite présenté les mesures d'urgence prises par le Gouvernement, objets de la deuxième partie du pré-rapport, qui sont destinées aux diverses victimes de la tempête :

- les habitants, tout d'abord. Si dans les zones d'acquisition amiable leur est ouvert un droit de céder leur maison à l'Etat, leur refus d'y faire suite donnera lieu à l'ouverture d'une enquête publique et, le cas échéant, d'une expropriation. De 1 700 à 2 000 propriétés seraient potentiellement concernées, pour un coût de rachat par l'Etat variant, selon les sources, de 400 à 800 millions d'euros. Certaines personnes souhaiteraient que leur maison, qui n'est pas située en zone noire, y soit intégrée. Les indemnisations proviendront tout d'abord des assurances, 400 000 déclarations de sinistres ayant été réalisées, dont 35 % sont en phase de règlement et 10 % ont donné lieu à indemnisation ; elles viendront en déduction du montant global des indemnisations perçues. Le « fonds Barnier », doté de 150 millions d'euros, dont 50 % ont déjà été préemptés, devra être abondé. Un médiateur de l'indemnisation a été nommé mais il n'a été saisi jusqu'à présent que d'un très faible nombre de dossiers ;

- les collectivités locales, ensuite. 117 millions d'euros de biens assurables ont été endommagés. Le fonds de solidarité en cas de dommage naturel n'étant pas mobilisable, il sera nécessaire de débloquer des enveloppes spécifiques lors de la prochaine loi de finances rectificative. Il conviendra également de traiter la perte de bases fiscales, qui s'élève à 1,8 millions d'euros. Le Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE), dont la procédure simplifiée n'a pu être enclenchée du fait que les dommages ne dépassaient pas 3,4 milliards d'euros à l'échelle nationale, sera sollicité sur la base de critères régionaux. Le déplacement de la mission à Bruxelles invite à faire preuve de prudence sur la perspective qu'il soit mis en oeuvre, et à réfléchir à sa possible réforme ;

- les filières économiques, enfin. Les agriculteurs bénéficieront du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), qui interviendra à un taux maximum de 75 %. Le dispositif a été notifié aux autorités européennes. Il conviendra par ailleurs d'éclaircir la question du financement des pertes en cheptel vif et des coûts résultant du gypsage des zones de culture. Les artisans et commerçants bénéficieront quant à eux de l'intervention du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), dont le plafonnement et le système de franchise posent toutefois problème.

M. Bruno Retailleau, président, a ensuite présenté les pistes de réflexion dressées par le pré-rapport, l'objectif devant être de mettre notre pays en situation d'anticiper des évènements dont la survenance sera désormais récurrente. Les réponses se trouvent compliquées par une tendance de long terme, à l'échelle planétaire, à la concentration des populations le long du littoral, ainsi qu'à l'élévation du niveau des mers, de l'ordre de 50 à 120 cm d'ici la fin du siècle. Il conviendra donc de restaurer les ouvrages de protection, mais également de préparer l'avenir, ceci en veillant à ne pas séparer gestion des risques et aménagement de l'espace. Il faudra veiller à distinguer le risque de submersion marine de celui provenant des crues de fleuves et rivières, et en palliant la fragmentation du droit et des outils en la matière.

Préconisant une approche globale, conformément à l'esprit de la directive communautaire du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation, dont il a estimé la transposition dans notre droit insuffisamment aboutie, il a recommandé d'améliorer chacun des piliers en cherchant à les intégrer :

- la prévision doit faire l'objet d'un rapprochement des organismes publics de recherche, en vue de mettre au point un modèle de prévision des risques à terre ;

- l'alerte, dont la responsabilité ne peut pas être rejetée sur les seuls maires, doit être donnée, non pas seulement par des messages texto, mais aussi par un dialogue téléphonique avec les élus pris en charge par une cellule de crise ;

- la prévention doit être basée sur une cartographie renouvelée, tenant compte d'un niveau d'aléa réévalué et donnant lieu à une révision des PPRI. Des PCS doivent être mis au point pour chaque PPRI et intégrer une méthodologie adaptée. Le contrôle de légalité des PPRI doit, en outre, devenir systématique ;

- la protection passera par un « plan digue » qui devra également prendre en compte de solutions telles que le renforcement du cordon dunaire ou du système hydraulique, dans une démarche stratégique plus globale. Les financements que l'Etat apportera devront être consentis contre le respect de normes techniques et assujettis à des contrôles réguliers des ouvrages ; il conviendra par ailleurs de les rendre indépendants d'une dotation budgétaire annuelle afin de les pérenniser. Les rehaussements seront à étudier au cas par cas.

M. Bruno Retailleau, président, a conclu en invitant un véritable débat politique sur le niveau de protection contre le risque de submersion dont la nation veut se doter, et en préconisant une simplification de la gouvernance au niveau des instances centrales.

Après avoir dit son intérêt pour le pré-rapport, Mme Marie-France Beaufils a insisté sur l'importance du maintien d'une activité sur les territoires exposés. Elle a fait valoir que, dans le cas contraire, le risque ne pourrait qu'augmenter.

Mme Marie-France Beaufils a par ailleurs souligné qu'il fallait veiller à réduire la vulnérabilité des biens, en promouvant des modes de construction différents et en imposant des règles de constructibilité.

Elle a recommandé que ces deux questions soient développées dans le rapport final.

M. Dominique de Legge a souscrit aux analyses qui ont été présentées, en particulier sur l'alerte et sur la finalité des digues.

Il s'est interrogé sur la portée et la finalité de la loi « littoral », dont les dispositions lui ont paru inapplicables et inappliquées.

M. Dominique de Legge s'est par ailleurs interrogé sur les zones d'acquisition amiable, évoquant d'éventuels effets d'aubaine pour des habitations construites de manière illégale, et sur l'articulation entre le mécanisme d'indemnisation à l'amiable et celui faisant suite à une expropriation.

À l'issue du débat, la mission d'information a autorisé la publication du pré-rapport.

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