M. Benoît LEGAIT, directeur de l'École des Mines de Paris

Je vais parler du classement de l'École des Mines. Le terme de classement est sans doute un peu avancé. C'est le classement que nous avons réalisé il y a trois ans et que nous tenons à jour tous les ans. Le titre de cette conférence est « Oublier Shanghai ». Je vais vous décevoir car je vais beaucoup parler de Shanghai. Le principe même de ce classement est en réaction au classement de Shanghai qui, comme cela a été souligné tout à l'heure, reste essentiellement fondé sur des critères académiques, des critères de performance de recherche. C'est le nombre de publications, de publications dans Science et Nature , le nombre de scientifiques extrêmement cités, le nombre de prix Nobel, des critères très académiques et très orientés recherche. Or il nous semblait qu'un établissement d'enseignement supérieur a pour vocation première de former des jeunes et de les préparer pour la vie économique ou la vie académique. À ce titre, je voudrais vous faire part d'un échange que j'ai eu avec le président de l'université de Harvard, qui réagissait sur le classement que nous avions proposé. Dans le rapport lui-même, nous indiquions qu'il nous semblait que la vocation première d'un établissement supérieur était de former, préparer des jeunes à une insertion professionnelle. Sa réaction a été de dire « non, ce n'est pas vrai, vous ne pouvez pas dire cela. La vocation première d'une université est de créer de la connaissance et de diffuser de la connaissance ». Dès le départ, il y a une controverse sur les objectifs des établissements d'enseignement supérieur. Je ne voudrais pas m'arrêter là mais je voudrais vous décrire très brièvement la méthodologie que nous avons utilisée. Notre classement s'appelle Professional ranking ; c'est un clin d'oeil à Shanghai, qui était Academic ranking .

Nous avons voulu regarder et avoir des critères sur l'insertion professionnelle des étudiants. Plusieurs possibilités. L'une par exemple est de regarder les salaires d'embauche et les délais d'embauche des diplômés. C'est un critère qui est souvent utilisé par les magazines français quand il s'agit de classer les grandes écoles. Il n'y a pas de base de données en dehors des MBA, qui classent plutôt la différence entre le salaire d'entrée et le salaire de sortie.

Ce genre de données repose sur des données déclaratives des établissements d'enseignement supérieur. Quelle que soit la confiance que l'on peut y porter, des données déclaratives doivent être prises avec des pincettes. Cela dépend du taux de réponse, si on parle du salaire net, si on inclut les primes... Les coûts de vie sont très différents entre les pays. Comment fallait-il prendre en compte des différences de taux de change ? Comment prendre en compte les différences du coût de la vie entre les différents pays ?

Autre solution : les anciens qui ont des postes de direction, mais la notion de dirigeant est très variable suivant que l'on dirige une grande entreprise de 100 000 personnes ou une PME de dix personnes. Cela n'a pas de sens. Comment classer le numéro trois ou le numéro dix d'un très grand groupe par rapport à un numéro un d'un petit groupe ?

Nous avons choisi - et c'est discutable - de nous fonder sur une base de données objective, existante, qui est celle d'un magazine qui s'appelle Fortune global 500 et qui classe les 500 premières entreprises mondiales sur le critère du chiffre d'affaires. Il y a 500 premières entreprises. Ce chiffre nous a semblé assez raisonnable, car c'est assez comparable au nombre de prix Nobel et des médailles Fields vivants.

Il y a 500 premiers chief executive officers et pour chacun, nous avons reconstitué le parcours académique. Nous avons été regarder dans le Who's who , sur le web, nous avons interrogé les entreprises elles-mêmes et avons retrouvé l'origine universitaire, au sens large du terme, de ces différents patrons.

Ici, par exemple, nous avons cherché le patron de General Motors. C'est peut-être un mauvais choix compte tenu de l'actualité, mais il est originaire de Duke university et il avait un MBA de Harvard. Cela fait un demi-point pour Duke et un demi-point pour Harvard. Quand on cumule les points par établissement supérieur, on trouve un ranking .

En réalité, il y a 506 PDG de ces 500 premières entreprises. Le 506 peut vous étonner, mais cela tient au fait que certaines entreprises sont bicéphales. Quand il y a deux PDG, nous avons pris un demi comme point et non pas un point complet. Nous avons retrouvé l'origine académique de 475 d'entre eux. Je cite tous ces chiffres pour vous montrer un peu la complexité de ce genre de travail. 377 établissements ont été classés, puisque plusieurs ont plusieurs PDG dans les 500 premiers. Vous voyez, parmi les 60 premiers établissements d'enseignement supérieur, il y en a 23 aux États-Unis. Cela confirme la prépondérance américaine des classements académiques. Le Japon s'en sort très bien, la France aussi, la Grande-Bretagne... C'est assez différent du classement académique.

J'arrive tout de suite aux conclusions. Tout d'abord, le poids des formations complémentaires et en particulier des MBA. Pour le classement 2009, sur 24 personnes ayant apporté des points à Harvard, six seulement étaient en formation initiale et tous les autres étaient issus de la business school . Il y a une idée assez couramment admise en France qui est que pour être PDG aux États-Unis, il faut avoir un PhD. Non, c'est faux, au moins parmi les 500 premières sociétés américaines, il y a peu de détenteurs de PhD.

Le Japon est un cas spécifique. Sur les 31 dirigeants non-renseignés de notre étude, la majorité sont des dirigeants d'entreprises japonaises. Nous avons fait une étude en langue japonaise. Nous avons utilisé nos professeurs de langues japonais pour essayer de trouver sur Internet l'essentiel des données complémentaires, mais c'est parfois très opaque et il est très difficile d'obtenir des informations. Le classement japonais, qui est déjà excellent, souffre un peu de cette situation. En France, parmi ces 377, il y a 28 établissements qui sont classés et il y a 41 points pour 36 entreprises françaises.

Cela veut dire qu'il y a 36 entreprises françaises parmi les 500 premières mondiales. En gros, c'est le CAC 40, un peu moins, mais il y a 41 PDG d'origine française ou qui sont passés par des établissements d'enseignement supérieur français. Quelque part, la France est exportatrice de managers. Il y a des managers français en Grande-Bretagne, aux États-Unis...

Le facteur de taille n'est pas pris en compte dans notre étude. Je voudrais dire un mot sur ParisTech dont le nom est maintenant Mines ParisTech. Nous sommes intégrés dans cet établissement de coopération scientifique. ParisTech classé serait numéro trois, quasiment à égalité avec l'université de Tokyo et l'université de Harvard, qui occupent les deux premières places à l'heure actuelle.

Je n'ai pas insisté sur l'aspect classement car ce n'est pas l'essentiel. Néanmoins, pour les curieux, on retrouve les grandes universités américaines dans les premières, en particulier Stanford, qui est troisième. Mais on trouve également de grandes écoles françaises, HEC est sixième, l'ENA est dixième, l'École Polytechnique est quatorzième, Sciences Po est quinzième et Mines ParisTech est dix-huitième.

Je voudrais terminer par un clin d'oeil au classement de Shanghai. L'idée initiale était que cette étude s'intègre complètement dans le classement de Shanghai. J'ai donc été discuter avec le professeur qui est l'inventeur et le concepteur du classement de Shanghai pour promouvoir cette étude et qu'il l'intègre dans son classement. Il trouve le critère excellent, mais comme pour les prix Nobel, il prend un historique sur 100 ans et il prendra mon étude quand elle portera sur les PDG des 500 premières entreprises au cours des 100 dernières années. Comme il n'existe aucune base de données sur la question, la discussion a été rapidement close.

Ce que nous avons cherché à reprendre dans cette étude, ce sont les valeurs du classement de Shanghai. Je pense qu'il faut insister sur quelques éléments qualitatifs qui me semblent importants. Ce classement ne dépend pas de données déclaratives mais il relève de données qui sont extraites de bases de données, donc qui peuvent être vérifiées. À partir du moment où l'on a les critères, on peut retrouver et vérifier les critères. C'est une approche que je qualifierais de scientifique.

Je vous remercie pour votre attention.

M. Jean-Léonce DUPONT, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Merci. On voit bien qu'il y a pluralité des démarches. Je vais donc demander à M. Nunzio Quacquarelli, qui est directeur de QS world university rankings, de nous présenter le paysage des classements.

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