TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION POUR SUITE À DONNER À L'ENQUÊTE DEMANDÉE À LA COUR DES COMPTES, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 58-2° DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES, SUR LE COÛT DU PASSEPORT BIOMÉTRIQUE

Présidence de M. Jean Arthuis, président

Séance du 30 juin 2010

Ordre du jour

Audition pour suite à donner à l'enquête demandée à la Cour des comptes sur le coût du passeport biométrique.

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La séance est ouverte à 9 heures 30

M. Jean Arthuis, président - La séance est ouverte.

Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour une audition pour « suite à donner » d'une enquête réalisée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF. Celle qui nous occupe ce matin concerne le coût du passeport biométrique .

Nous devons cette enquête à la demande de notre collègue, Mme Michèle André, rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ». Ces travaux s'inscrivent dans le prolongement de son rapport d'information, publié le 24 juin 2009, sur le passage à la nouvelle génération de titres d'identité sécurisés faisant appel à la biométrie.

Nous recevons, pour la Cour des comptes, M. Alain Pichon, président de la 4 ème chambre, ainsi que MM. Philippe Geoffroy, conseiller référendaire, et Olivier Touvenin, rapporteur.

Le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales est représenté par MM. Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale, Patrick Levaye, directeur de projet « titres sécurisés », Patrice O'Mahony, inspecteur général de l'administration, et Jacques Quastana, directeur de la police générale à la Préfecture de police de Paris.

Pour l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) nous entendrons M. Raphaël Bartolt, directeur général.

Pour l'Imprimerie nationale, interviendra M. Didier Trutt, président directeur général de l'Imprimerie nationale SA.

Pour le ministère des affaires étrangères et européennes, nous entendrons M. François Saint-Paul, directeur des français à l'étranger.

Enfin, pour le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, c'est M. Eric Querenet de Bréville, sous-directeur du budget, qui interviendra.

Afin de préserver une possibilité effective de dialogue et de débat, je demande que les interventions liminaires se limitent aux observations principales.

Ensuite, chaque commissaire qui le souhaitera, pourra librement poser ses questions.

Pour commencer, je donne la parole à Mme André, rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

M. Michèle André, rapporteure spéciale - Monsieur le Président, mes chers collègues, afin d'introduire nos échanges, il me paraît nécessaire de replacer dans son contexte la mission confiée par la commission des finances à la Cour des comptes.

Au cours des dernières années, la France s'est engagée dans une profonde mutation en ce qui concerne l'approche, la conception et la réalisation de ses titres d'identité. En s'appuyant sur le développement des nouvelles technologies et notamment de la biométrie, elle a cherché à relever le degré de sécurisation de ces titres. Le but est de lutter toujours plus efficacement contre la falsification et la contrefaçon de ces documents.

Cet objectif renvoie naturellement à un enjeu de souveraineté, à l'heure où la délinquance s'adapte elle-même de plus en plus rapidement et où elle n'hésite pas à employer des techniques toujours plus sophistiquées pour usurper l'identité des individus. Les conséquences de ce type de délits peuvent être particulièrement lourdes pour les victimes, dont le nombre est d'ailleurs croissant.

Pour l'Etat français, il s'agit également de se mettre en conformité avec des standards internationaux de plus en plus exigeants. Ainsi, à la suite notamment des événements du 11 septembre 2001 et de l'aggravation du risque terroriste, l'Union européenne (UE) a décidé de faire évoluer ses normes de sécurité dans un sens encore plus contraignant.

En particulier, le règlement européen du 13 décembre 2004 impose aux Etats membres de l'Union de délivrer désormais des passeports dotés d'un composant électronique (une « puce ») contenant non seulement la photographie du porteur, mais aussi des empreintes digitales numérisées du détenteur du document.

La France a parfaitement respecté son engagement européen, dans la mesure où elle est parvenue à passer au passeport biométrique à la date convenue, soit le 28 juin 2009.

Techniquement réussi après quelques ratés inévitables eu égard à l'ampleur du projet, ce passage au passeport biométrique n'est pas sans conséquence d'un point de vue strictement budgétaire et financier. Il implique en effet une véritable refonte du processus de production du passeport, avec une modification de la structure de coût de ce document.

Dans le même temps, il faut souligner que le droit de timbre pour le passeport a connu une augmentation très forte. L'article 64 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a ainsi porté à 89 euros (contre 60 euros auparavant) le droit de timbre perçu pour la délivrance de passeports à des personnes majeures. Pour les mineurs de plus de 15 ans, ce droit s'élève à 45 euros (contre 30 euros avant 2009). Pour les mineurs de moins de 15 ans, il se monte à 20 euros (contre 30 euros avant).

A l'occasion de cette augmentation, le Gouvernement a justifié la hausse du droit de timbre par les coûts supplémentaires dus au passage à la biométrie. Lors de l'examen en séance publique du projet de loi de finances pour 2009 devant le Sénat, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a déclaré que, je cite, « le niveau de sécurité des passeports biométriques, la hausse du coût de fabrication des passeports dotés de composants électroniques et l'équipement de 2.000 mairies en stations d'enregistrement expliquent la hausse du prix des passeports ».

Dès lors, il semblait logique de pouvoir retrouver le surcoût imputé à l'usager demandeur d'un passeport biométrique dans le coût complet d'un tel passeport. Or, tel ne fut pas le cas à l'issue de la mission de contrôle budgétaire que j'ai menée l'année dernière. En effet, en dépit de demandes réitérées auprès de l'ANTS, il ne m'a pas été possible d'obtenir une décomposition du coût complet du passeport biométrique par grands postes de dépenses.

Dans ces conditions, il est apparu opportun, et même nécessaire, de demander à la Cour des comptes, en application des dispositions de l'article 58-2° de la LOLF, de réaliser une enquête sur le coût du passeport biométrique.

Avant de laisser l'échange se nouer dans le cadre de cette audition, je tiens enfin tout particulièrement à remercier les équipes de la Cour des comptes, au premier rang desquelles le Président de la 4 ème Chambre, M. Pichon, pour la qualité de leur collaboration et la précision de leurs travaux, dont il vont maintenant nous rendre compte.

M. Jean Arthuis, président - Merci.

Nous savons tout des motifs qui ont entraîné la demande de cette enquête.

La parole est à M. Pichon.

M. Alain Pichon, président de la 4 ème chambre de la Cour des comptes - Madame la Sénatrice, Messieurs les Sénateurs, je serai bref, le rapport l'étant en lui-même. Je dois dire que c'est un exercice que je n'ose pas qualifier de nouveau pour la Cour (nous avons essayé d'y satisfaire le mieux possible) mais la détermination du coût analytique d'un produit administratif a montré que les choses n'étaient pas simples et qu'il fallait faire un certain nombre de choix.

Je tiens à souligner combien nous avons reçu, tant au ministère de l'intérieur qu'aux affaires étrangères, à l'ANTS, à l'Imprimerie nationale ou dans les postes consulaires un accueil positif qui nous a considérablement aidés dans nos travaux d'analyse.

La question était d'essayer de déterminer d'une part le coût du passeport biométrique et, d'autre part, de le comparer à l'estimation du coût du passeport électronique en 2008, de déterminer les causes des augmentations s'il en existait ainsi que les perspectives à terme de l'évolution du coût.

Je précise d'emblée que, s'agissant d'une estimation, il a fallu faire des choix et des estimations. C'est pourquoi je vous demande de considérer le chiffre de 55 euros comme un ordre de grandeur, à un ou deux euros près.

M. Jean Arthuis, président - C'est déjà très précis !

M. Alain Pichon - Certes.

Par ailleurs, l'effet des arrondis fait qu'il s'agissait initialement de 54 euros dans la phase contradictoire mais un léger détail technique nous a conduits à franchir le seuil des 54,50 euros et à basculer ainsi sur 55 euros.

Ce chiffre est la constatation de ce qui s'est passé en 2008 et 2009. Il faut donc prendre en considération le fait que 2009 n'a peut-être pas été une année d'une pertinence absolue en ce qui concerne le nombre de titres délivrés. Or, pour établir un coût, on divise les charges générales directes ou indirectes par rapport au nombre de passeports et de titres délivrés. Nous en sommes à 2 millions.

M. Jean Arthuis, président - Soit un million de moins...

M. Alain Pichon - On a enregistré une légère décote. Les administrations pourront donner les explications : y a-t-il un phénomène d'hésitation devant la nouveauté, un phénomène de crise ? Il faut rappeler que le passeport n'est pas un produit de toute première nécessité pour voyager : de plus en plus, on peut voyager avec une carte d'identité dans tout l'espace Schengen.

Je passe sur la méthode pour rappeler qu'il a fallu faire des choix, qu'il existe des coûts généraux et des coûts analytiques. On a regardé comment les choses se passaient dans les préfectures (lieu principal de traitement de ces dossiers), dans les collectivités territoriales, dans les 2.000 communes qui ont choisi d'implanter dans leurs locaux un lieu de réception des demandes et de délivrance finale des titres.

Il en a été de même pour la préfecture de police de Paris (où il existe un régime original par rapport à celui des autres collectivités locales) ainsi que pour les consulats.

Nous avons évité les doubles comptes. C'est pourquoi il y a dans le tableau récapitulatif des chiffres négatifs pour ne pas compter deux fois la même chose.

Mme André a évoqué l'évolution du droit de timbre. Ce serait faire injure aux personnes ici présentes de rappeler que le droit de timbre est un impôt et que l'Etat, en dépit des réponses ministérielles qui ont pu être faites, n'est pas juridiquement obligé de fixer le droit de timbre par rapport à un coût revient.

Il ne m'appartient pas de dire si le droit de timbre a été bien ou mal fixé ; c'est un choix du législateur, à la demande du Gouvernement.

Toutefois, la nouveauté consiste dans le fait que les mineurs ne peuvent plus figurer sur les passeports de leurs parents. Ils doivent donc avoir un titre pour eux-mêmes, qu'ils soient mineurs de plus ou de moins de 15 ans. Le droit, dans ce cas, a été fixé à un niveau plus faible et inférieur au prix unitaire de 55 euros, ce qui nous oblige à des calculs pour pondérer entre le nombre de passeports délivrés aux adultes, aux mineurs de plus ou de moins de 15 ans.

Nous avons aussi modestement essayé de savoir si, en France, le passeport coûte cher en droit de timbre.

Première remarque : on ne dispose pas de beaucoup d'éléments d'information et nous avons dû aller sur le site du « Home office » pour trouver les différents coûts des passeports dans les pays comparables. On est plutôt en haut de la gamme de prix. La difficulté est qu'il faut tenir compte non seulement du prix du timbre mais aussi de la durée de dix ans, le passeport durant plus ou moins longtemps selon les pays.

La hausse du prix du passeport biométrique par rapport au prix du passeport électronique, qui est de 38 euros, peut s'expliquer par trois facteurs. Le premier réside dans le saut résultant des lourds investissements technologiques nécessaires pour passer au passeport biométrique, soit à l'Imprimerie nationale, soit surtout à l'ANTS.

En second lieu, la « main d'oeuvre » est plus nombreuse pour traiter des dossiers un peu plus compliqués. Le temps a été estimé à un peu moins de 30 minutes, que ce soit dans les préfectures, les mairies, les consulats, à la préfecture de police, à l'ANTS ou à l'Imprimerie nationale. Ce temps pourra peut-être diminuer dans l'avenir car on peut en effet espérer des gains de productivité et réduire les doubles emplois. Certaines personnes font peut-être deux fois la même chose : il faudra donc voir si, dans l'avenir, on peut simplifier la procédure. Les agents doivent sûrement réaliser un apprentissage. J'ai moi-même expérimenté la procédure : j'ai rempli mon dossier dans de bonnes conditions mais si je m'étais trompé, ce n'était plus une demi-heure mais trois quart d'heure à une heure qu'il aurait fallu y consacrer. En outre, certaines communes acceptent et recueillent des demandeurs d'autres collectivités.

L'écart entre le coût réel du passeport biométrique et le droit de timbre est important et supérieur à l'écart constaté pour le passeport électronique. Si les progrès que je viens d'évoquer se concrétisent, le coût réel ne sera plus que de 47 euros, voire de 40 euros si le Gouvernement choisit de passer à la carte nationale d'identité électronique. Mais ne nous y trompons pas : si cela diminue le coût unitaire en raison du nombre de titres délivrés, cela ne diminuera pas le coût total de la délivrance car il existe un coût public total.

M. Jean Arthuis, président - Merci.

Cette mission illustre parfaitement ce que la Constitution a prévu, à savoir l'assistance à la mission d'évaluation que tente le Parlement.

Soyez remerciés, Monsieur le Président et, avec vous, M. le conseiller référendaire et M. le rapporteur.

Peut-être va-t-on solliciter maintenant l'avis du représentant du ministère de l'intérieur.

Ce coût correspond-il à vos propres estimations ?

M. Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) - Je sollicite votre indulgence, n'étant dans cette fonction que depuis 48 heures. Je m'appuierai sur les compléments que pourront m'apporter mes collègues.

Nous nous retrouvons directement dans l'étude analytique des coûts. J'insiste toutefois sur une référence que nous avons privilégiée dans nos propres analyses, établie par la Cour, qui est celle du droit de timbre moyen pondéré, qui n'est pas celui du droit de timbre pour les adultes mais qui aboutit, en intégrant les trois tarifs à une moyenne de à 69 euros. Rapporté à 55 euros, l'écart est de 14 euros. Il est ramené à 12 euros ou 13 euros si les personnes qui sollicitent le passeport ont elles-mêmes produit les photographies. C'est l'écart que nous proposons de prendre en compte dans nos commentaires.

Nous mettons en regard environ 5 euros d'économie qui n'avaient pas été anticipés mais qui se sont matérialisés au fur à mesure du processus de production.

M. Jean Arthuis, président - Est-ce l'effet de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ?

M. Jean-Benoît Albertini - Probablement, au moins inconscient, et il faut s'en féliciter ! D'habitude, la dérive des coûts est mise en avant comme un élément subi. Le risque a été ici anticipé.

M. Jean Arthuis, président - Le calcul d'un prix de revient est déjà révolutionnaire !

M. Jean-Benoît Albertini - Je veux croire qu'il a été recherché et nous nous en réjouissons.

Le montant de 5 euros représente l'estimation que nous faisons par rapport à l'estimation initiale.

A l'origine, lorsque le processus d'élaboration complet de ce titre avait été préparé, la marge d'incertitude était importante. L'illustration que l'on peut en donner est le fait que les offres que nous avions reçues allaient du simple au double. Les écarts justifient donc a posteriori cette marge.

M. Jean Arthuis, président - Les 69 euros de droit de timbre pondérés tiennent-ils compte des 89 euros pour un adulte, des 45 euros pour un mineur de plus de 15 ans et des 20 euros pour un mineur de moins de 15 ans ?

M. Jean-Benoît Albertini - En effet. La pondération vient du nombre de titres délivrés par catégorie.

M. Jean Arthuis, président - La Cour des comptes confirme-t-elle cette estimation ?

M. Alain Pichon - Pour 2009, oui en effet.

M. Jean-Benoît Albertini - M. Pichon a indiqué que, s'agissant des enfants, le droit de timbre était inférieur à 55 euros. Il y a donc bien une logique de compensation intergénérationnelle.

M. Jean Arthuis, président - Cette notion de coût de production d'un titre fait-elle partie de la culture interne ? Quelle était votre estimation lorsque vous avez lancé l'opération ?

M. Raphaël Bartolt, directeur général de l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) - Lorsque l'ANTS a été créée, début 2007, le passeport électronique nous a été facturé 19,05 euros toutes taxes comprises (TTC), le coût du transport inclus.

Le transport étant facturé au kilogramme, on a toujours intérêt à avoir des paquets suffisamment importants pour optimiser ce coût sans dégrader le délai, ni trop faire attendre les communes.

Les 4 euros à 5 euros dont a parlé M. Albertini s'expliquent notamment par les efforts considérables de productivité et de baisse des coûts de gâche de l'Imprimerie nationale, par la mise en place d'une convention sur le passeport électronique et de tableaux de suivi extrêmement précis sur l'ensemble des éléments générateurs de coûts supplémentaires.

En juin 2007, le taux de gâche de façonnage des passeports étaient de 8 %. Nous sommes passés, à la fin de l'année 2008, à 3 % pour 3,2 millions de passeports.

Par ailleurs, la personnalisation électronique des données sur la puce a souffert en février 2007 d'une gâche de 3,5 %. Nous sommes actuellement à 1,20 %. Il y a donc eu des gains considérables, une puce représentant environ 2 euros.

Dans la dernière convention, nous sommes parvenus à un coût de 11 euros hors taxes (HT), soit environ 13 euros TTC. Pour ce qui est du transport, le coût évolue désormais autour de 1,5 à 1,7 d'euros contre plus de 2 euros par passeport précédemment. Nous cherchons à l'optimiser.

L'ANTS a lancé un appel d'offre auprès des transporteurs et le coût moyen du transport diminuera encore si la carte d'identité électronique est créée. Dans ce dernier cas, les communes réaliseront également des économies directes puisqu'il sera possible d'effectuer avec le même formulaire CERFA une demande de passeport et de carte d'identité en même temps.

Enfin, le creux de 2009 qui a vu le nombre de demandes baisser est dû à plusieurs causes. La crise a touché le transport aérien. Le phénomène a été constaté dans tous les autres pays européens. Il a été plus important en France du fait du « ressaut » du coût du passeport qui est passé de 60 euros pour un adulte à 89 euros.

M. Jean Arthuis, président - Pensez-vous que cela ait pu avoir un effet dissuasif ?

M. Raphaël Bartolt - Cela a eu un effet. Le coût n'avait pas augmenté depuis dix ans. De plus, l'Union européenne a par ailleurs décidé de n'autoriser qu'une personne par passeport.

Il faut également constater que lors du déploiement du passeport électronique, en 2006, nous n'avons délivré également que 2,4 millions de passeports cette année là.

Nous atteignons, ce mois de juin 2010, environ 330.000 passeports, ce qui n'est pas loin du record historique de 340.000 en juillet 2007. Nous serons ce soir à 1.567.000 passeports, soit un rythme d'environ 3 millions à 3,13 millions de passeports produits pour 2010. Nous sommes donc en train de revenir à une année normale.

M. Jean Arthuis, président - M.O'Mahony, inspecteur général de l'administration, a-t-il des observations ?

M. Patrice O'Mahony, inspecteur général de l'administration - La mission de l'inspection générale était très différente. Elle devait en effet mesurer, en concertation étroite avec l'Association des maires de France (AMF), le coût du travail supplémentaire que représentaient les titres des non-résidents, conformément à l'article 136 de la loi de finances pour 2009 qui avait créé une indemnisation forfaitaire de 5.000 euros.

Toute la difficulté de notre estimation résidait dans le fait de pouvoir définir l'activité générée par ces seules demandes.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale - La commission des finances avait eu un débat intéressant sur le montant de la dotation accordée aux communes. Celles-ci considéraient que le travail supplémentaire généré par le fait d'accueillir des non-résidents devait être mieux indemnisé.

A l'origine, la proposition du ministère de l'intérieur était de 3.200 euros. Nous avions négocié avec le ministère pour porter cette somme à 5.000 euros par station. Nous avions rencontré M. O'Mahony pour savoir si cela correspondait bien, sachant que la charge relative aux titres des résidents est prise en compte dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

M. Jean Arthuis, président - Y avait-il un enrichissement sans cause pour les communes sans station ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale - Nous n'avons pas poussé l'investigation plus loin. La question avait été posée par certains maires.

M. Patrice O'Mahony - Dans la pratique, le rapport de la Cour conforte la position que nous avions donnée. Pour l'instant, dans le cadre des passeports biométriques des non-résidents, la dotation par passeport est largement supérieure au coût pour la commune, quel que soit le mode de calcul retenu.

Nous avions estimé à 7,20 euros par titre la dépense supplémentaire liée au passeport d'un non-résident. La Cour, qui a fait un travail complet sur les coûts, estime que, à l'avenir, sur la base de 22 minutes par titre, le coût sera d'environ 10,80 euros. L'indemnisation est actuellement supérieure à 20 euros et sera vraisemblablement, si le nombre de titres n'augmente pas de manière extraordinaire, au moins de 17 euros ou 18 euros par titre.

M. Jean Arthuis, président - En tout état de cause, les communes ne sont pas perdantes dans cette opération.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale - Toute la question est de savoir à quel moment nous fabriquerons les cartes nationales d'identité de cette manière. C'est la seule façon d'équilibrer le coût des stations. Certaines stations fonctionnent fort peu et coûtent cher, alors que d'autres fonctionnent à plein. Les communes qui s'y retrouvent le plus sont celles qui fonctionnent le moins.

M. Patrice O'Mahony - 60 % des communes font moins de 200 titres.

M. Jean Arthuis, président - S'agissant de communes avec peu de population, elles trouvent là une compensation.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale - Il faudra étudier cela d'assez près. Nous avions émis l'hypothèse d'un paiement au titre émis avec un décalage. Il est trop tôt pour poser la question de cette manière, mais peut-être faudra-t-il le faire. L'équilibre ne se fera pas sans l'arrivée des cartes nationales d'identité électroniques.

M. Jean Arthuis, président - M. Levaye pourrait-il nous éclairer à propos des cartes nationales d'identité électroniques ?

M. Patrick Levaye, directeur de projet « titres sécurisés » (DMAT) - Le projet de loi a subi plusieurs décalages dans le temps. La volonté du ministère de l'intérieur est de faire avancer ce dossier le plus vite possible.

M. Jean-Benoît Albertini - Le dispositif technique est prêt.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale - Il convient peut-être d'établir quelques relations avec les maires sur cette question. Il existe un contentieux qui coûte fort cher, la carte d'identité ayant été confiée aux mairies sans support législatif. C'est la commune de Versailles qui a engagé la première la démarche, il faut maintenant sortir de cette ambiguïté par le dialogue.

M. Jean-Benoît Albertini - S'agissant du maillage territorial, près de 2.100 communes sont équipées. Certaines comportent plusieurs stations. Plusieurs forfaits indemnitaires leur sont donc alloués. On compte environ 3.500 stations. Nous équipons ponctuellement de nouvelles communes pour des demandes justifiées.

M. Jean Arthuis, président - On peut donc dire, sur la base du rapport de M. l'inspecteur général de l'administration que les communes ne sont pas perdantes dans l'opération, surtout lorsqu'elles délivrent peu de titres. Cela s'équilibre peut-être davantage lorsque le rythme de délivrance est élevé.

M. Patrice O'Mahony - Le système du forfait présente un avantage pour la majorité des communes, dont 90 % sont gagnantes alors que 69 d'entre elles sont perdantes. Le choix du forfait a été examiné de manière approfondie avec l'AMF. Pour l'instant, personne ne souhaite vraiment abandonner ce système.

M. Jean Arthuis, président - On pourrait imager une base forfaitaire et une base proportionnelle en fonction du nombre de titres délivrés. C'est peut-être compliqué...

Mme Michèle André, rapporteure spéciale - Cela pose la question de la façon dont les mairies ont opté pour l'acquisition des équipements nécessaires.

La répartition peut s'équilibrer si les stations travaillent plus, le forfait correspondant davantage à la situation.

Faudra-t-il ensuite revenir à un nombre réel ? Je ne le sais pas, mais il était impossible de faire autrement au départ.

M. Alain Pichon - Je sors de mon rôle mais j'appelle l'attention sur le fait que, pour lors, le système est équilibré.

Je rejoins le propos exprimé par M. l'inspecteur général. Dans l'ensemble, les communes ne sont pas perdantes. La question sera peut-être différente avec, à l'horizon 2012, la mise en oeuvre de la carte nationale d'identité qui représente 6 millions de titres par an en moyenne. La demande risque d'être forte. Certaines collectivités vont demander, selon moi, un réexamen de leur mode d'indemnité.

M. Jean Arthuis, président - Cela paraît absolument nécessaire mais c'est une autre organisation de l'administration où l'Etat confie en quelque sorte une sous-traitance aux communes, ce qui permet à la RGPP de réorganiser les services de l'Etat. Tout ceci peut se chiffrer et être indemnisé équitablement.

M. Patrice O'Mahony - Le surcoût peut effectivement être important, surtout pour les communes qui proposent des cartes d'identité pour les non-résidents. En revanche, par définition, l'économie est la même pour les autres communes. C'est donc un transfert de charges des 36.000 communes vers 2.074, ce qui est extrêmement difficile à mesurer.

Il est également extrêmement difficile de mesurer les économies de certaines communes qui délivrent des passeports mais dont 30 % des administrés vont les faire établir dans un autre endroit.

M. Jean Arthuis, président - C'est une autre vision de la commune. Aujourd'hui, on habite dans une commune, on travaille dans une autre, on accomplit les tâches administratives dans une troisième. C'est presque de l'intercommunalité ! Il serait plus facile de répartir la DGF entre 3.000 intercommunalités qu'entre 36.000 communes.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale - Je ne suis pas sûre que ce soit le moment de lancer ce débat !

M. Jean Arthuis, président - Il va falloir y réfléchir. Selon moi, on en reparlera.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale - La semaine dernière, lors d'une visite de la préfecture de police de Paris, nous avons eu un long échange sur la façon dont celle-ci a mis les choses en oeuvre, sans avoir pu anticiper le nombre de personnes qui décideraient d'y faire établir leurs documents. Les personnes ont des habitudes, mais celles-ci peuvent bouger.

Par ailleurs, certaines communes reçoivent des usagers qui effectuent leurs démarches sur leur lieu de travail plus facilement que dans leurs communes de résidence, dont la mairie n'est ouverte que quelques heures par semaine. Il s'agit là d'un service difficile à prévoir dans sa globalité.

Comment répartir dès lors la DGF ? On peut se poser la question. Certaines mairies s'estiment perdantes. Le dialogue est donc important.

M. Patrice O'Mahony - La Cour a établi le coût brut du passeport électronique et du passeport biométrique. Le coût brut unitaire du passeport biométrique, s'il comporte la carte d'identité, baisse énormément. Nous n'avons pas eu le rapport définitif mais celui-ci a été estimé à 10,80 euros alors que le passeport électronique est de 10,07 euros. On est vraiment là dans une situation de transfert de charges de commune à commune, la délivrance du passeport biométrique ne devant être assurée que par une petite partie des communes. Le calcul de l'indemnisation se complique donc.

M. Jean Arthuis, président - La délivrance des titres sécurisés apporte un éclairage particulier sur ce que l'on peut appeler l'intercommunalité.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale - Ce n'est même pas de l'intercommunalité, les citoyens pouvant déposer leur demande dans n'importe quelle commune.

M. Charles Guéné - Vous avez dit que le coût brut baisse, mais le coût net augmente. Est-ce à dire que l'on n'a pas modifié la dotation affectée aux communes ?

M. Patrice O'Mahony - Le calcul de la Cour n'est pas le même que le nôtre puisque la Cour a réparti la subvention de 5.000 euros sur l'ensemble des titres. La position du ministère de l'intérieur était l'application stricte des termes de l'exposé des motifs de l'article 136, qui prévoyait une indemnisation pour le seul travail complémentaire lié aux titres établis pour les non-résidents.

M. Philippe Dallier - Avez-vous essayé d'approcher la notion de qualité de service par rapport au prix ? En a-t-on pour son argent de manière équitable sur l'ensemble du territoire national ?

Je suis élu de Seine-Saint-Denis et, à l'approche de l'été, le délai de délivrance des titres explose, dépassant parfois deux mois. Le maire, en première ligne, se prend des bordées d'injures par mail et par courrier. L'usager ne comprend pas qu'on lui demande de payer plus cher un titre sécurisé, avec une procédure automatisée qui allonge la procédure !

D'après ce que j'ai cru comprendre, il semble que ces délais ne soient pas homogènes sur l'ensemble du territoire.

Le problème provient-il d'un défaut dans les préfectures, où le personnel serait insuffisant à tel ou tel endroit ? Les moyens affectés par le ministère de l'intérieur sont-ils équitablement répartis pour que la qualité de service soit la même sur l'ensemble du territoire ?

M. Raphaël Bartolt - S'agissant de la qualité de service, le délai de retour vers l'usager est calculé de manière précise, le système étant entièrement télématique. Nous avons donc maintenant une connaissance globale de la procédure et des délais, contrairement à la période précédente.

Actuellement, nous sommes à moins de 15 jours pour 86 départements, bien que juin soit le mois le plus chargé de l'année. En début d'année, dans 70 à 75 départements métropolitains, le passeport revenait en 7 jours ou moins. Je pense qu'à partir de la seconde quinzaine de juillet, nous allons renouer avec cette situation.

La revue « Que choisir » a calculé que le temps complet du retour du passeport électronique en 2009 se situait entre 2 à 8 semaines selon les départements.

Les délais sont donc bien meilleurs. Dans la Somme, où je me trouvais la semaine passée, le délai de retour pour les 16 communes considérées était de 8 jours.

Il existe cependant des points critiques. En Guadeloupe, le passeport revient en 45 jours. Il s'agit de problèmes d'organisation, de rapport avec les mairies. Beaucoup de dossiers reviennent dans les mairies pour corrections. La Seine-Saint-Denis avait également accumulé un certain retard. Elle l'a rattrapé depuis vendredi ! Le plan mis en oeuvre a été extrêmement efficace.

Le déport, globalement, se fait vers les grandes agglomérations. L'été, les zones très urbanisées reçoivent beaucoup de demandes émanant de ruraux.

Nous essayons d'y travailler avec heures supplémentaires et des vacataires l'été, comme l'an dernier. J'essaie moi-même de trouver les solutions techniques qui permettent parfois de raccorder une sous-préfecture qui vient aider l'instruction en préfecture. L'outre-mer a bien sûr des délais plus longs mais cela s'explique notamment par les délais de transport supérieurs. Les performances sont néanmoins avérées.

On ne parle jamais de certaines contraintes que supportaient les communes avant comme les coûts l'envoi par courrier ou du transport de ces titres par camionnette. Cela n'existe plus. Désormais tout part sous forme télématique et tout est entièrement pris en charge par l'ANTS. Les abonnements ADSL ou SDSL sont pris en charge par l'ANTS. Egalement les interventions de maintenance et réparations qui se font en moins d'une journée et nous avons un système qui renseigne constamment sur tout.

S'agissant des performances de l'instruction, vous me permettrez d'exprimer une légère divergence avec le Président Pichon sur la base du rapport provisoire. Je le lui avais d'ailleurs écrit. En effet, l'an dernier, au mois de juin, nous avons terminé le programme avec 56 départements à déployer sur ce seul mois. Lorsque j'ai été auditionné par la commission des finances de l'Assemblée, j'étais dans une période délicate. C'est un système qui compte 2.082 communes, avec des demandes constantes de stations supplémentaires. Actuellement, si on compte le Quai d'Orsay et les stations mobiles livrées à la fin de l'année et les 110 stations qui sont prêtes à être livrées aux préfectures, nous aurons près de 4.200 stations. C'est un système gigantesque et qui communique avec l'ensemble des consulats. Nous avons connu deux ou trois mois difficiles, je l'ai dit.

Pour en revenir au « temps machine » d'instruction en mairie, nous suivons toujours le même panel de mairies qui est constitué de petites et de moyennes communes. Après avoir été à 10 mn et 50 secondes, nous sommes actuellement à 9 minutes et 17 secondes pour l'enregistrement d'une demande. Il s'agit sans doute aussi de l'effet de la circulaire du ministère de l'intérieur dite de simplification, les procédures en mairie étant plus rapides.

Il s'agit en tout état de cause du temps constaté au guichet d'un panel de mairies. Je tiens tout cela à la disposition de la représentation nationale.

Pour ce qui est de la remise du titre, nous procédons à une nouvelle prise d'empreintes pour des raisons de sécurité, afin de ne pas connaître d'usurpation d'identité pour les passeports biométriques. Les résultats montrent d'ailleurs que la fraude se déplace sur les pièces justificatives et non sur les titres sécurisés. Nous travaillons beaucoup sur l'envoi direct des actes de naissance entre mairies, à la demande de la CNIL, pour sécuriser l'ensemble du dispositif.

Les délais sont un gage de qualité pour l'usager. Nous avons un système de traçabilité. Tout est suivi chaque jour, tous les appels sont analysés. Nous avons depuis une semaine la cartographie dynamique du passeport sur l'Internet, comme nous avions celle de la carte grise.

Toutes ces questions sont analysées pour améliorer la qualité. C'est un système très moderne qui renseigne tous les jours sur ce qu'il fait.

M. Philippe Dallier - Il n'y a pas besoin de me convaincre, pas plus que les usagers, mais disposez-vous par département des moyens pour faire tourner le système ?

Ma préoccupation réside dans le fait que la République, qui est une et indivisible, mette les mêmes moyens à la disposition de chaque département en fonction de la problématique à traiter. Il faut se rendre devant le bâtiment des étrangers de la Seine-Saint-Denis pour constater l'inégalité des moyens de la République. J'aimerais donc savoir si le goulot d'étranglement se situe en préfecture et connaître le nombre d'agents en poste par rapport au nombre de dossiers à traiter !

M. Raphaël Bartolt - Douze personnes travaillent en Seine-Saint-Denis sur le passeport biométrique. On constate dans ce département un grand nombre de retour de dossiers vers les mairies. La moyenne nationale de retour pour un document manquant dans le dossier électronique se situe autour de 15 à 20 %. Au Raincy, ce chiffre est de plus de 40 %. Pour la préfecture de ce département, le taux de retour est encore beaucoup plus élevé.

M. Jean-Benoît Albertini - Je vous donne acte de l'encombrement considérable qui approchait les 14.000 dossiers.

M. Raphaël Bartolt - Vendredi, il n'y avait plus que 144 passeports. Sachez que la procédure de validation en préfecture est beaucoup plus rapide que précédemment. La préfecture de police détient le record de rapidité, avec moins de 3 minutes mais, globalement, la validation n'excède pas 4 minutes. La moyenne de validation reconnue par la direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME) est de 90 dossiers par personne, soit une personne et demi sur une journée pour 144 dossiers.

Certains passeports reviennent encore aujourd'hui après un délai relativement long, mais je pense que l'on va retrouver la moyenne de 7 jours partout ailleurs.

M. François Fortassin - Comment nos concitoyens peuvent-ils savoir quelles mairies délivrent ce passeport biométrique ? Par ailleurs, en cas de fraude, où se situent les responsabilités ?

M. Raphaël Bartolt - Les communes sont volontaires sur la base de propositions qui ont été faites à l'époque par les préfets. Le choix a été réalisé en fonction du nombre de titres délivrés et en tenant également compte de la carte nationale d'identité, le système ayant été fait pour traiter les deux dispositifs. Le programme initial « INES » en 2005 avait été construit sur cette base.

Une concertation locale s'est établie à travers la présidence de l'AMF avec le préfet. C'est en fonction du nombre de titres, des problèmes de couverture du territoire et de liaison, qu'un ensemble de critères a conduit aux propositions qui ont ensuite été validées par le président départemental de l'AMF et le préfet, les communes volontaires pouvant y entrer ou s'en retirer à tout moment.

La cartographie dynamique se trouve sur le site de l'ANTS qui permet de connaître, d'après son lieu de résidence, la mairie agrée la plus proche. Une liste par département et l'indication des heures d'ouverture y figurent également.

J'ai transmis la liste à Mme André lors du débat parlementaire. Elle est également publiée par nos soins.

M. François Fortassin - Je ne suis pas persuadé que tous nos concitoyens soient bien informés. Dans mon propre département, je ne sais pas quelles sont les mairies qui délivrent les titres. Je ne suis pas allé sur le site mais je n'ai lu aucune information dans la presse.

M. Raphaël Bartolt - Tout ceci a fait l'objet d'un arrêté du préfet qui a désigné les communes au départ.

Ces informations doivent également figurer sur le site de la préfecture.

M. François Fortassin - Encore faut-il que les gens le sachent !

M. Jean Arthuis, président - Chacun est naturellement au courant du contenu de chaque arrêté préfectoral !

M. François Fortassin - Il reste un effort de communication à faire !

M. Raphaël Bartolt - Quant à la fraude, c'est le préfet qui « délivre » les titres et la commune a un rôle de « complétude » du dossier. La commune doit être vigilante, mais la mairie ne peut être recherchée en responsabilité dans le cadre d'une fraude avérée. Par contre, il est utile de prévenir la préfecture face à une situation qui attire l'attention. La procédure d'enrôlement prévoit la possibilité de le signaler et nous développons les échanges de messages entre mairies et préfectures. Ce sont elles et les directeurs de la réglementation pour le compte du préfet qui sont chargés d'aller plus loin en cas de fraude.

Quand le dossier arrive chez le préfet, il est accompagné de l'interrogation du fichier des personnes recherchées et de l'historique du précédent fichier, qui concernait le précédent passeport. On dispose donc de beaucoup d'éléments pour aller plus loin, on peut aussi faire venir la personne.

Je pense qu'un dialogue est nécessaire, la fraude étant l'affaire de tous.

Mme Marie-France Beaufils - Je voudrais revenir sur l'interprétation de la notion de transfert entre communes s'agissant de la DGF. Je voudrais que l'on soit attentif au fait que les communes ont pris des responsabilités en ce qui concerne les passeports et la carte nationale d'identité, sans aucune indemnisation depuis des décennies.

Je le redis car ce que j'ai entendu de la part de l'administration m'a laissé penser que l'on parlait de transfert de commune à commune alors qu'on ne peut aborder la question de la sorte. Dans ces conditions, l'échange entre les communes et l'Etat risque de ne pas être agréable lorsqu'on va aborder le sujet de la carte nationale d'identité électronique.

Par ailleurs, le temps consacré en amont aux explications que l'on donne aux usagers avant qu'ils ne déposent leur dossier n'est pas pris en compte.

M. Jean Arthuis, président - La parole est au représentant de la préfecture de police.

M. Jacques Quastana, directeur de la police générale (préfecture de police de Paris) - Comme l'indiquait le président Pichon dans son propos liminaire, la préfecture de police de Paris connaît une situation particulière dans le processus de délivrance des passeports et des cartes nationales d'identité. Elle accomplit à la fois les missions qui incombent aux communes stations et à l'Etat : accueil des usagers, remise des titres, contrôle et validation des dossiers déposés avant de les envoyer en production à l'Imprimerie nationale.

Il en découle une organisation particulière mais il existe une autre particularité et, de ce point de vue, notre organisation illustre le propos que développait M. Bartolt. En effet, la préfecture de police de Paris est au centre d'une agglomération extrêmement importante. Nous avons à faire face à des migrations pendulaires et au fait que le libre choix de la part de l'intéressé du lieu de dépôt et de remise s'accompagne d'une modification des habitudes.

Jusqu'à présent, il existait un couplage avec la résidence. Aujourd'hui, notamment à Paris, où les migrations pendulaires pour motif de travail sont importantes, on peut obtenir un passeport biométrique si on remplit les conditions.

Par voie de conséquence et pour faire face à cette demande, il est nécessaire, d'une part, de raisonner sur le mode d'accueil (prise de rendez-vous par téléphone et par internet) et, d'autre part, de réserver un nombre de créneaux suffisant pour satisfaire les demandes qui se manifestent.

C'est ce à quoi nous sommes confrontés. Nous sommes en train de le vivre et de l'améliorer. En septembre 2010, nous utiliserons aussi internet pour la prise de rendez-vous. Pour l'heure, ces rendez-vous sont pris au téléphone. Par ailleurs, le coût « parisien » du passeport biométrique bénéficie de l'effet de volume. Nous avons eu, en 2009, un fléchissement très marqué du nombre de passeports. En 2008, nous en avions délivré plus de 200.000, en 2009 moins de 250.000. La reprise de la demande est très forte puisque nous en sommes, à mi-juin, à 90.000 passeports délivrés et sans doute sur des chiffres annuels situés entre 180.000 et 200.000.

M. Jean Arthuis, président - Comment les choses se passent-elles dans les consulats ?

M. François Saint-Paul, directeur des Français à l'étranger - En volume, en 2009, les consulats, ont délivré 140.817 passeports biométriques, soit 5,8 % de l'ensemble des passeports biométriques délivrés par l'administration française.

Nous avons eu entre 2008 et 2009 une diminution de 12,4 % de ce volume.

En ce qui concerne les coûts pour les consulats, en 2009, le coût moyen de l'instruction d'un passeport dans le réseau consulaire s'est établi à près de 39 euros. Ce chiffre est calculé par les services du ministère des affaires étrangères à partir d'un échantillon significatif de postes consulaires qui sont au nombre de 34. Ce coût comprend les charges de personnel directes et indirectes, le coût de l'encadrement et du support du poste.

La Cour des comptes estime dans son rapport que ces coûts sont à assortir de deux approximations allant chacune dans un sens contraire : une possible surestimation des charges de personnel et le fait que les questions de support hors personnel aient été négligées.

A ces coûts de masse salariale, la Cour ajoute, dans son rapport, un certain nombre de coûts communs (fabrication, amortissement, transport et maintenance) pour obtenir une estimation du coût complet qu'elle établit à 61,9 euros contre 55,4 euros dans les préfectures de police et 54 euros dans les communes. L'écart de coût des consulats par rapport aux préfectures est de l'ordre de 13 %, ce qui nous apparaît satisfaisant compte tenu du volume limité des demandes traitées (il n'est pas toujours possible de faire des gains de productivité) et des rémunérations des agents titulaires à l'étranger, qui ne sont pas celles de l'hexagone.

La mise en place de la carte nationale d'identité électronique engendrerait une baisse du coût moyen pour la délivrance du passeport biométrique, l'amortissement de certaines charges fixes portant en effet sur des volumes de titres plus importants.

Le coût d'acheminement des passeports vers les postes consulaires est estimé à 2 euros en moyenne par la Cour, ce qui est à peine supérieur au coût d'acheminement vers les mairies.

Avec une demande en légère diminution en 2009, les délais de délivrance des passeports dans le réseau consulaire ont connu une réduction très importante, passant de 17,5 jours en moyenne en 2008 à 11,2 jours en 2009, soit une baisse de 36 % en l'espace d'un an. Ce délai est à comparer aux 12,6 jours en moyenne pour les communes.

Cette performance s'explique par la mise en place du système « titres électroniques sécurisés » (TES) lors du passage au passeport biométrique. En permettant aux postes de transmettre directement les demandes de passeport à l'ANTS via le réseau interministériel ACTE, le système TES a permis de réduire considérablement les délais de fabrication, qui s'élèvent à 2,5 jours en moyenne en 2009 contre 7,5 jours l'année précédente.

Le délai d'acheminement des titres vers les postes enregistre également une diminution, passant de 10 jours en 2008 à 8,6 jours en 2009.

Un Français de l'étranger peut se faire faire son passeport en France. Cette mesure a été appréciable. Nous notons cependant que des difficultés perdurent dans certains cas. En pratique, certaines mairies limitrophes des frontières ne sont pas encore totalement acquises à cette idée.

Je voudrais également insister sur le fait que nous sommes très intéressés par la carte nationale d'identité électronique, le système actuel étant trop long. A l'étranger, on arrive à 11,2 jours ce qui constitue une fort belle performance. Le système TES n'existant pas pour les cartes nationales d'identité, on en est à 69 jours !

La dernière particularité des Français de l'étranger en matière de passeports est celle de la double comparution. On a parlé des coûts pour l'administration mais la double comparution représente aussi un coût pour l'usager et constitue la source d'une critique sur deux. Pour une mère de famille avec quatre enfants, se déplacer deux fois au consulat en Inde, au Canada ou en Australie est très difficile.

Nous en avons discuté avec le ministère de l'intérieur et nous sommes en train de saisir le Conseil d'Etat d'une modification des dispositions réglementaires afin de supprimer la double comparution pour les Français à l'étranger. Si on a les valises, cela nous aidera également.

Nous sommes les seuls en Europe, avec les Tchèques, à imposer la double comparution pour la délivrance de passeports biométriques à nos communautés étrangères !

Nous devons encore informer la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) de cette demande de modification mais c'est très important.

M. Jean Arthuis, président - La double comparution est-elle un élément substantiel de la lutte contre la fraude ?

M. François Saint-Paul - La première comparution permet déjà d'obtenir les empreintes. Le passeport serait ensuite remis à la personne soit à l'occasion des tournées consulaires, soit par le consul honoraire. Si le passeport est utilisé par quelqu'un d'autre, le système le détecte au moment du contrôle !

M. Jean Arthuis, président - La double comparution est-elle une formalité dont on pourrait se dispenser ?

M. François Saint-Paul - Pour les Français à l'étranger...

M. le président - Même en métropole !

M. François Saint-Paul - Je n'ai pas entendu de critiques émanant de métropole mais au Canada, il est facile d'obtenir la nationalité canadienne...

M. Jean Arthuis, président - Il peut-être tentant d'opter pour celle-ci...

M. François Saint-Paul - C'est en effet le risque.

Globalement, nous sommes satisfaits de la performance des consulats en termes de délais. C'est un service essentiel pour la communauté française à l'étranger, qui augmente de 4 % à 6 % par an. Dans certaines régions du Moyen-Orient ou d'Extrême-Orient, c'est une croissance de plus de 6 %.

M. Jean Arthuis, président - Ceci est-il dû au fait que les Français de métropole se propulsent hors du territoire national ?

M. François Saint-Paul - C'est l'effet de la globalisation. Il y a aussi les mariages. Il existe une dynamique propre dont il faut se féliciter mais qui fait que le maintien de la qualité de ce service est très important pour le lien avec nos communautés à l'étranger.

M. Jean Arthuis, président - Merci.

Le Président de l'Imprimerie nationale veut-il ajouter quelques mots ?

M. Didier Trutt, président directeur général de l'Imprimerie nationale SA - J'ai pris la présidence de l'Imprimerie nationale en 2009, c'est-à-dire après la transformation considérable qu'a connue cette entreprise ces dernières années. Elle est aujourd'hui organisée autour de trois domaines d'activité.

Le premier concerne l'authentification des personnes et des biens (titres sécurisés, passeports...).

Le second a trait à la chaîne graphique. On y trouve des outils assez performants, des documents de gestion sécurisés en interne mais aussi en sous-traitance externe.

Enfin, le troisième domaine est celui de la gestion de documents électroniques. Nous avons notamment une délégation de service public pour enregistrer et remettre la carte chrono-tachygraphe. Nous possédons donc une base de plus de 650.000 entreprises et conducteurs privés pour lesquels nous gérons l'attribution de cette carte.

Comment sommes-nous organisés ? En fait, nous gérons ces activités en intégrant à la fois de la technologie et en opérant nos services. On intègre de la technologie de manière agnostique : nous ne retenons que la meilleure pour chacun de nos services.

Dans le passeport, on trouve ainsi du papier sécurisé, de l'encre, des hologrammes, une puce électronique, une antenne. Nous intégrons ces technologies en privilégiant si possible les technologies françaises, qui sont aujourd'hui en position de leaders mondiaux dans ce domaine. Nous les mettons bien entendu en concurrence pour obtenir la meilleure performance économique et la meilleure qualité en termes de services. Avec trois ou quatre fournisseurs, on peut travailler sur les aspects économiques et qualitatifs.

M. Bartolt a évoqué les gains de productivité de l'Imprimerie nationale ces dernières années. Ces gains sont réalisés avec les entreprises qui travaillent avec nous et qui, au fil de nos remarques, améliorent leurs produits et nous permettent de perfectionner le nôtre.

Ces entreprises tirent profit du fait que nous sommes leur client pour vendre leur technologie hors de France.

Avec l'introduction du passeport électronique, nous avons commencé à maîtriser un autre métier qui est celui de la personnalisation du passeport. C'est un challenge que la société a réussi et on peut en féliciter nos 600 collaborateurs qui ont maîtrisé les technologies et cette nouvelle activité. Nous avons fabriqué 9 millions de passeports électroniques jusqu'en 2008 et nous avons fabriqué plus de 1,5 million de passeports biométriques. Par convention, nous délivrons 100 % de ces passeports en 6 jours. En fait, nous les fabriquons, personnalisons et transférons à 90 % sous deux jours. Nous recevons entre 5.000 et 25.000 demandes par jour et ce délai de deux jours nous paraît incompressible, même si nous cherchons encore à l'améliorer.

Par rapport aux autres pays, nos délais sont convenables et nous avons l'assurance d'avoir la meilleure technologie, alors que beaucoup d'industries privées qui n'utilisent qu'une seule technologie n'ont pour seul souci que de vendre celle-ci. Nous n'avons pas cette préoccupation. Le fait d'anticiper la carte nationale d'identité électronique permettra d'avoir la meilleure technologie pour la produire.

Après avoir été reconnu en 2005 comme étant un point sensible de 1 ère catégorie (PS1), nous venons d'être désignés « Opérateur d'importance vitale » (OIV). Nous sommes le seul site en France ainsi classé pour ce type de produit. Nous partons donc, sur un même site, du papier ou du PVC pour délivrer un titre de manière totalement sécurisée.

M. Jean Arthuis, président - En fin d'année, que donnent vos comptes ?

M. Didier Trutt - J'en suis assez fier : on est arrivé, à la fin de l'année 2009, à remettre la société à l'équilibre. Celui-ci reste fragile et il conviendra de le pérenniser en 2010. Notre activité régalienne, qui représente 40 % de notre chiffre d'affaires, génère environ 5 % de profits alors que nos concurrents se situent plutôt à 10 % de taux de profit. Nous avons donc encore des marges d'amélioration.

M. Jean Arthuis, président - Ces équipements sophistiqués vous obligent-ils à un investissement régulier ?

M. Didier Trutt - L'arrivée des nouvelles technologies nous y obligera. On ne peut pas garantir pendant dix ans une technologie. Cela se traduira-t-il à chaque fois par un nouvel investissement ? Ce n'est pas sûr.

M. Jean Arthuis, président - Ces prestations ne vous posent-elles pas de difficultés pour équilibrer vos comptes ?

M. Didier Trutt - Nous y sommes aujourd'hui parvenus.

M. Jean Arthuis, président - Vous êtes donc équitablement rémunéré.

M. Didier Trutt - Je le crois.

M. Jean Arthuis, président - Est-ce ainsi que Bercy juge les choses ?

M. Eric Querenet, sous-directeur du budget - Le prix est compétitif et il permet à l'entreprise de poursuivre son objet social de manière équilibrée.

M. Jean Arthuis, président - Le droit de timbre, le prix de revient sont-il conformes à l'idée que l'on s'en faisait au départ ou amènent-ils à revoir les arbitrages en matière de tarif du timbre ?

M. Eric Querenet - Nous sommes d'accord avec l'ordre de grandeur indiqué par la Cour. Sur le constaté 2009, la méthode est solide.

Il est intéressant d'observer que le surcoût par rapport au passeport électronique se partage pour moitié entre l'effet de la technologie supplémentaire et entre ce qui peut être considéré comme du service ou du process, c'est-à-dire des dépenses de personnel et de fonctions support.

A l'été 2008, au moment où l'on préparait les décisions tarifaires concernant le passeport, nous avions anticipé un coût de revient légèrement supérieur pour les raisons évoquées. La bonne surprise fut de constater que l'Imprimerie nationale rétrocédait à l'ANTS une partie des gains de productivité que l'Etat lui demandait sur la durée.

Une seconde bonne surprise réside dans le marché TES des titres électroniques sécurisés. Dès le départ, l'option avait été prise de l'amortir uniquement sur le passeport, que l'on fasse ou non la carte nationale d'identité électronique.

Les différences d'offres entre les soumissionnaires étaient relativement importantes et l'on ne pouvait préjuger (même si le critère de prix était important dans le choix du vainqueur) que le moins-disant, Atos Sagem comme chacun sait, l'emporterait dans les propositions constatées ex-post.

Quant au tarif, il a été dès le départ calibré en tenant compte de l'amortissement du marché des investissements, que l'on fasse ou non la carte nationale d'identité électronique.

Un point est important : dans le principal tableau fourni par la Cour des comptes : c'est l'effet d'optique qui conduit à penser que, si l'on réalise la carte nationale d'identité électronique, le coût unitaire du passeport va diminuer. La carte nationale d'identité électronique est gratuite, sauf en cas de renouvellement anticipé. Par conséquent, il n'y a pas d'économie à attendre pour la sphère publique de la mise en place de ce nouveau document. Le fait d'amortir les coûts fixes est une présentation qui serait valable si la carte nationale d'identité était un jour tarifée mais, à ce stade, ce n'est pas le choix réalisé.

Par rapport au benchmark international, je tempérerai légèrement l'appréciation portée par la Cour oralement. Lorsqu'on se compare aux autres pays européens sous le coup de la même directive et qui ont des passeports biométrique d'une validité de 10 ans, on observe que l'on est au même niveau que l'Allemagne et en dessous de l'Angleterre, de l'Italie, ainsi que de la Belgique. On est donc dans des zones de prix qui souffrent la comparaison.

S'agissant de la dynamique du coût, je crois qu'elle est très sensible au nombre de titres délivrés. On a observé une certaine diminution du nombre de passeports délivrés. On avait anticipé en partie ce phénomène à l'été 2008 mais on est passé de 3,2 millions à 2,8 millions, alors qu'on avait pensé passer de 3,2 millions à 3 millions.

Je pense qu'il existe deux phénomènes, l'un structurel et l'autre conjoncturel. Le phénomène structurel nous semble être le recentrage du passeport, qui est un document hybride, représentant à la fois un titre d'identité et un titre de voyage, sur sa fonction dédiée au voyage.

Aéroport ne rime pas nécessairement avec passeport. Dans un certain nombre de destinations, on peut prendre l'avion ou se rendre à l'étranger avec une simple carte nationale d'identité. C'est vrai dans l'espace Schengen. Pour les moins de 12 ans, les parents n'ont pas besoin de demander un passeport pour les enfants dans un certain nombre de pays. Le prix est peut-être révélateur du fait que le passeport n'est pas une nécessité en toute circonstance.

Le second effet plus conjoncturel est celui de la crise. Il existe un effet volume dépendant du nombre de voyageurs. Les compagnies aériennes le savent bien. Cela peut expliquer cette baisse mais la prolongation de l'effet structurel nous laisse penser qu'une reprise du nombre de titres délivrés, telle que l'anticipe la Cour, est peut-être optimiste.

Enfin, s'agissant de l'écart de 12 euros évoqué par M. Albertini, si le tarif n'est pas revalorisé au cours du temps, les coûts de revient progressant (40 % de ces coûts sont des dépenses de personnel qui augmentent dans le temps), cet écart se réduira mécaniquement. Le prix de revient va augmenter alors que le tarif restera stable.

M. Jean Arthuis, président - Vous ne pensez donc pas qu'il est urgent de revoir le droit de timbre à la baisse.

M. Denis Badré - Il arrive toujours que certaines personnes doivent partir à l'étranger en urgence et n'ont pas de passeport (chefs d'entreprise, ...). C'est toujours ce type de demande qui parvient chez le maire. Avec le passeport électronique, on y arrivait en 24 heures.

Du jour au lendemain, cela s'est révélé impossible du fait de délais matériels incompressibles. En fait, il apparaît que l'on arrive toujours à le faire assez vite. En combien de temps ? Comment cela fonctionne-t-il ?

La Cour des comptes a réalisé un exercice de comptabilité analytique intéressant. Vous nous avez dit avoir calculé un coût moyen pondéré en prenant en compte les enfants de moins de 15 ans. Autrefois, le coût marginal pour ajouter un enfant sur un passeport d'adulte devait être beaucoup plus faible que maintenant. La comparaison ne me paraît donc pas entièrement exacte.

Par ailleurs, il faudra se poser la question de savoir si les gains de productivité et les économies d'échelle profiteront à nos concitoyens à travers une baisse du droit de timbre ou à la collectivité.

Enfin, je voudrais insister sur les comparaisons internationales. Le rapport de la Cour cite essentiellement des pays situés hors de l'Union européenne. Je pense que ce sont les comparaisons européennes qui sont intéressantes. A-t-on constaté des différences dans les procédures de fabrication entre pays de l'Union européenne ? Ne pourrions-nous pas, si nous sommes meilleurs, vendre les services de l'Imprimerie nationale ou de l'ANTS à nos partenaires européens ?

Nous aurons certainement un jour un passeport Schengen ou un passeport européen. Ne faut-il pas se placer dans cette perspective ? Le problème du droit de timbre deviendra alors un problème européen et sera forcément harmonisé. Cela pourrait rapporter entre 500 millions et 1 milliard.

M. Jean Arthuis, président - Les consulats seraient des consulats européens !

M. Denis Badré - Je pense qu'il y a là une pelote sur laquelle on peut tirer. Qu'en pensez-vous ?

M. Jean Arthuis, président - N'existe-il pas déjà des conventions entre les consulats à l'étranger ?

M. François Saint-Paul - Nous pouvons mutualiser certaines choses dans le cadre de la fonction consulaire. Nous sommes dans des politiques européennes et nous distribuons des produits européens.

Il existe par contre des domaines de stricte compétence nationale où la mutualisation nécessiterait un approfondissement considérable.

Nous pouvons mutualiser les visas. Dans certains endroits, nous choisissons le même externalisateur. Nous pouvons aller assez loin mais nous dépendons également de l'approche des autres. En matière de visas, la France est très en avance par rapport aux autres pays : 40 % de nos visas sont biométriques, délivrés avec une procédure externalisée alors que nos partenaires n'ont pratiquement pas commencé.

Dans certains autres cas, la fonction consulaire distribue un produit strictement national, comme l'état-civil. Une étude reste donc à mener dans ce domaine.

M. Raphaël Bartolt - Les passeports d'urgence sont toujours délivrés. Il s'agit de passeports sans puce. Cependant, l'an dernier, au 1 er juillet, les Etats-Unis ont décidé que les passeports d'urgence sans puce n'étaient plus acceptés sur leur territoire. Nous avons donc mis en place une procédure de retour rapide, en 3 jours, d'un véritable passeport biométrique. Il s'agit d'un coupe-file pour les Etats-Unis mais les préfectures continuent, selon la circulaire qui définit les critères d'urgence, à délivrer des passeports d'urgence sans puce d'une validité d'un an pour les autres pays.

En second lieu, le temps machine ressort d'une moyenne. Il y a dans un certain nombre de préfectures, un classement entre les dossiers simples, qui représentent environ 90 % du volume traité, et les dossiers plus compliqués. Il va de soi que ces derniers nécessitent plus de 9 minutes de traitement.

Quant aux gains de productivité, il faudra tenir compte dans l'avenir de tout ce que nous sommes en train de mettre en place avec la direction générale de la modernisation de l'Etat et le ministère de la justice, avec l'appui de la CNIL concernant l'envoi direct des certificats de naissance entre les mairies.

En effet, les 2.082 mairies vont pouvoir envoyer à celles qui le demandent le certificat de naissance qui va transiter par tout le dispositif passeport. Il reste bien entendu gratuit. Les plus grandes communes de France sont celles qui disposent des 660 plus grandes maternités où naissent 98 % des Français.

Pour les mairies rurales, il existe un système de validation des flux sur un site sécurisé de l'ANTS. Nous préparons toute une vague de dématérialisation du CERFA en ligne. Lorsque les personnes arrivent, le CERFA aura déjà basculé du particulier vers la mairie, avec prise de rendez-vous. L'acte va donc aller beaucoup plus vite.

Nous travaillons en ce moment avec la mairie de Lyon sur les prises de rendez-vous. Pour répondre à M. Fortassin, nous étudions une plus forte intégration des informations que nous possédons, comme le suivi des titres y compris avec une mise en ligne sur le site même de la mairie avec le code barre et le numéro du demandeur.

Nous travaillons aussi sur le timbre fiscal dématérialisé, que l'on pourra payer avec une carte bleue. Nous allons signer une convention avec la direction générale des finances publiques (DGFIP) à ce sujet. Ce sont là des gains de productivité qui iront aux collectivités.

S'agissant du problème de l'Union européenne et des autres pays non européens, les 27 pays de l'Union ont le même système de passeport biométrique, en application du règlement de décembre 2004. Tous n'y sont pas encore arrivés. Seuls vingt d'entre eux en disposent en ce moment avec des procédures qui ne sont pas toujours d'un niveau de sécurité aussi élevé que celui que nous avons mis en place en France. Nous sommes probablement les plus sécurisés et quasiment les seuls à avoir respecté intégralement la norme européenne.

Tous les autres pays (au Moyen-Orient, au Proche-Orient, en Afrique, en Asie...) basculent vers le passeport biométrique du fait du resserrement des normes de sécurité. La mondialisation entraîne une explosion des flux et tous les Etats essaient de se protéger en se rapprochant de ce que fait l'Europe.

En France, nous sommes les mieux placés pour conquérir des marchés à l'extérieur, nos quatre leaders (Gemalto, leader mondial de la carte à puce, Thalès, Oberthur et Sagem) représentant des milliers d'emplois en recherche et développement en France, et 60 % du marché mondial des titres d'identité.

Oberthur est présent dans 48 pays, Gemalto dans plus de 50. Nous sommes là dans un secteur mal connu du grand public. Mais c'est un secteur de hautes performances de l'industrie française qui représente des emplois très qualifiés sur le territoire national.

M. Jean Arthuis, président - La Cour a déterminé un prix de revient à 55 euros, à 2 euros près. Ce travail a été salué par tous les intervenants et il n'y a pas de contestation sur ce point.

Quant au prix, le montant de 89 euros paraît naturellement élevé mais les représentants du ministère de l'intérieur nous ont fait valoir qu'il fallait aussi prendre en considération un prix pondéré de 69 euros par passeport. Il y a donc une marge. Nous verrons ce que l'on peut en faire. La met-on à la disposition de tous les Français en la laissant dans les recettes de l'Etat qui en a bien besoin ? La restitue-t-on à ceux qui participent à la délivrance des titres, comme les municipalités ? Il n'y a cependant pas d'injustice et ce n'est pas la question principale. La restitue-t-on au moins en partie à ceux qui sollicitent ce titre ?

Nous reverrons l'articulation entre les services de l'Etat et les municipalités, le nécessaire dialogue afin qu'il n'y ait pas d'ambigüité ainsi que l'équitable rémunération des mairies qui participent à la délivrance des titres.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale - Je voudrais remercier le Président Pichon et M. Geoffroy qui ont travaillé sur cette question qui nous paraissait importante.

Je me réjouis aussi d'avoir permis à nos collègues de mieux comprendre le mécanisme de la fabrication de ces titres.

Je me suis passionnée pour ce dispositif et j'ai découvert l'ANTS. J'ai vu combien elle a déployé d'énergie pour rendre un service de grande qualité qui n'était pas gagné d'avance. Nous avions essuyé les premiers plâtres à Charleville-Mézières.

Je voudrais également dire combien j'ai apprécié la façon dont l'Imprimerie nationale a restructuré complètement ses services, et je pense pouvoir témoigner du fait que cet endroit est réellement sécurisé.

J'ai été fort bien accueillie dans les préfectures lorsque nous avons mené les contrôles. Si nos collègues veulent en savoir davantage, ils peuvent se référer au rapport n° 486 de l'an dernier, intitulé « La nouvelle génération de titres d'identité : bilan et perspectives ».

En conclusion, j'attire l'attention sur un léger problème qui résulte peut-être du fait que le ministère de l'intérieur avait sans doute anticipé les suppressions de postes dans les services qui travaillent sur ces sujets. Les mairies n'ont pas complètement pris le relais. Les suppressions de postes annoncées (environ 2.000 dans les préfectures) ont été anticipées. Peut-être le ministère pourrait-il examiner désormais la possibilité de ne pas passer à la troisième série de suppressions, car pour beaucoup de préfectures, elles sont insupportables.

Nous en reparlerons mais je le dis d'ores et déjà.

Lorsque nous nous déplaçons à l'étranger, on voit bien que les choses commencent à prendre tournure.

Je remercie la préfecture de police de Paris pour son accueil. J'ai découvert un service extrêmement spécialisé et proche du public.

Je suis heureuse que nos collègues aient pu améliorer leur compréhension de ce sujet et des enjeux qu'il comporte.

M. Jean Arthuis, président - Je suggère donc de publier un rapport comprenant l'enquête de la Cour des comptes et les propos qui ont été tenus à l'occasion de cette audition.

Mes chers collègues, êtes-vous favorables à cette publication ?

A l'issue du débat, la commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte-rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.

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