2. Que signifie l'objectif de 10 % de baisse des dépenses d'intervention et de fonctionnement affiché par le Gouvernement ?

Ces éléments étant posés, il convient ensuite de savoir comment cet objectif global s'articule avec les annonces du Gouvernement en matière de réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention, soit -10 % sur 2011-2013, dont -5 % dès 2010 . Faute de disposer d'une explication claire sur la portée de ces annonces, plusieurs hypothèses peuvent être formulées :

1) soit on considère que les dépenses de fonctionnement et d'intervention doivent parvenir, en 2013, à un niveau inférieur de 10 % à ce qu'était leur montant en 2010 . Il s'agit de la lecture la plus intuitive des annonces faites et la plus conforme au volontarisme de la communication gouvernementale ;

2) soit on considère que ces dépenses devront être, en 2013, inférieures de 10 % à ce qu'elles auraient dû être cette même année si elles avaient suivi leur progression tendancielle . Cette lecture est à la fois plus réaliste et beaucoup moins ambitieuse .

a) Baisser les dépenses de 10 % par rapport à 2010 serait beaucoup plus ambitieux que la stabilisation en valeur

S'il se comprend comme une baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention par rapport au niveau de 2010, l'objectif affiché par le Gouvernement apparaît extrêmement volontariste , dans la mesure où :

1) il irait, même dans le scénario défavorable retenu par votre commission des finances, plus loin que l'objectif de stabilisation en valeur des dépenses hors pensions et charge de la dette (ces dépenses diminuant de 0,8 % en moyenne sur 2011-2013) ;

2) il ferait plus que compenser la hausse de la charge de la dette et des pensions et aboutirait à diminuer la dépense en volume de 0,4 % en moyenne annuelle, au sens de l'actuelle norme élargie ( cf . tableau ci-dessous).

Les effets d'une baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention par rapport à leur niveau de 2010

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

b) L'objectif gouvernemental doit donc être rapporté à une évolution tendancielle des dépenses encore inconnue

Dans ces conditions, les objectifs gouvernementaux doivent plus vraisemblablement s'entendre d'une réduction des dépenses par rapport à ce qu'aurait été leur progression tendancielle jusqu'en 2013, précision méthodologique d'importance sur laquelle la communication « militante » du Gouvernement ne s'est guère appesantie.

Cette nuance appelle tout d'abord une remarque de forme. Votre rapporteur général est convaincu que, lorsqu'il s'agit de faire des économies budgétaires, les méthodes les plus simples et les plus robustes sont les meilleures . Dans ces conditions, il eût été de très loin préférable d'exprimer les engagements gouvernementaux en espèces « sonnantes et trébuchantes » et selon une stricte logique de caisse, plutôt que de recourir à des cibles exprimées en pourcentage, puis de rapporter (sans le préciser explicitement) ces cibles à une évolution tendancielle mal documentée.

Pour raffinées qu'elles soient, de telles méthodes autorisent toutes les interprétations, pour ne pas dire toutes les manipulations, et augurent mal des conditions dans lesquelles le Parlement aura à vérifier la tenue des engagements pris . Il est donc crucial que la trajectoire que nous nous donnons fasse l'objet d'une traduction simple, en euros courants, et dont la lecture n'exige pas de subtils et incessants retraitements, comme c'est bien trop souvent le cas pour les normes actuelles.

A cet égard, et sur le seul plan de la méthode, nous serions bien inspirés de suivre l'exemple du Royaume-Uni qui, lorsqu'il prend des mesures ambitieuses d'économies budgétaires, non seulement précise par rapport à quoi il les calcule, mais les rend de surcroît publiques au moyen d'un support très précisément documenté (cf. infra).

Extrait du « Budget 2010 » transmis par le Trésor britannique à la Chambre des Communes : des mesures d'économies précisément documentées

Source : HM Treasury

Votre rapporteur général n'a pu, dans les délais requis pour la rédaction du présent rapport, obtenir du Gouvernement les prévisions de croissance tendancielle des dépenses de fonctionnement et d'intervention à partir desquelles les objectifs d'économies de 10 % étaient calibrés. Il n'a pas davantage pu obtenir la tendance passée d'évolution des dépenses de titre 3 et de titre 6, à partir de laquelle une projection pour la durée du programme de stabilité aurait pu être déduite. La non-transmission de telles données est à la fois étonnante et très regrettable, à la veille d'un débat d'orientation des finances publiques dont le ministre a affirmé à votre commission des finances son souhait qu'il soit « un vrai débat » .

Votre commission des finances estime que, dans un scénario prudent à pessimiste, la stabilisation en volume de l'ensemble des dépenses de l'Etat est une norme plus restrictive que la stabilisation en valeur hors pensions et charge de la dette. Elle s'en tient donc à cet objectif « zéro volume » dans les simulations qui suivent.

La stabilisation en volume au sens de la norme élargie requerrait, comme précédemment indiqué, de ramener les dépenses de fonctionnement et d'intervention à un étiage inférieur de 7 milliards d'euros au-dessous de leur niveau de 2010 . Cette trajectoire peut donc être comparée à trois hypothèses d'évolution spontanée de ces postes de dépenses :

1) si les dépenses d'intervention et de fonctionnement croissent spontanément de 1 % par an, l'économie à réaliser en 2013 par rapport à la tendance est de plus de 10 milliards d'euros ;

2) si les dépenses d'intervention et de fonctionnement croissent spontanément du montant de l'inflation, l'économie à réaliser en 2013 par rapport à la tendance est de plus de 12 milliards d'euros ;

3) si les dépenses d'intervention et de fonctionnement sont très dynamiques et croissent spontanément du montant de l'inflation, l'économie à réaliser en 2013 par rapport à la tendance est de plus de 15 milliards d'euros ;

Intervention et fonctionnement : quelles économies à réaliser par rapport à l'évolution spontanée ?

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Ajustements nécessaires sur le fonctionnement et l'intervention pour stabiliser la dépense de l'Etat en volume (scénario pessimiste)

(en milliards d'euros)

La croissance spontanée des dépenses est réputée égale à l'inflation (scénario médian). Source : commission des finances

Enfin, et quand bien même ces estimations correspondraient à des hypothèses très pessimistes, votre rapporteur général estime nécessaire de poser dès à présent des objectifs ambitieux de réduction de la dépense .

Faire preuve de volontarisme dans la trajectoire à imprimer aux dépenses de l'Etat fait sens dans le cadre d'une stratégie de maîtrise globale des dépenses des administrations publiques (APU) où l'Etat, qui contrôle manifestement mieux les siennes, serait amené à accomplir un effort d'ajustement important.

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