CONCLUSION

La progression continue des capacités balistiques dans le monde renforce l'intérêt militaire de la défense anti-missile. Ses retombées technologiques seront importantes. Ceux qui la détiennent bénéficieront en outre d'un levier d'influence considérable.

Dans cette course, l'industrie française de défense n'est pas démunie d'atouts. Il convient de les jouer du mieux possible en évitant la dérive budgétaire et l'effacement stratégique.

Si la décision de prospérer dans cette voie était prise par l'OTAN au sommet de Lisbonne, la France devrait veiller à ce que les conditions de son engagement soient définies dans la clarté. Elle devra également en tirer les conséquences en termes d'engagements budgétaires et de délais calendaires. Notre pays devrait également travailler à la construction d'une réponse spécifiquement européenne.

Pour ce qui la concerne, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a décidé de lancer une mission d'information et de suivi sur la défense anti-missile balistique.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 10 novembre 2010, la commission a examiné le présent rapport.

Un débat s'est engagé à l'issue de l'exposé de M. Josselin de Rohan, président.

M. Xavier Pintat - Monsieur le Président, je partage votre approche prudente, mesurée et pragmatique de la défense anti-missile balistique, qui reflète bien les éléments mis en exergue par notre cycle d'auditions du printemps et ceux que vous avez pu recueillir par vos contacts internationaux. Au-delà du sommet de Lisbonne, cette question constituera dans les années à venir, qu'on le veuille ou non, un enjeu majeur, au coeur des préoccupations de la défense nationale. Il sera difficile de ne pas s'y intéresser.

L'enjeu est militaire et je crois que nous devons clairement affirmer notre position, à savoir que la défense anti-missile ne peut qu'être un complément, et en aucun cas un substitut, à la dissuasion nucléaire. Sur ce point, le partenariat de défense avec les Britanniques et l'accord particulier de coopération dans le domaine nucléaire vont nous aider. Vous avez également dit, à juste titre, que pour maintenir la crédibilité de notre dissuasion, nous avons intérêt à acquérir des compétences dans le domaine anti-missile balistique.

Vous avez souligné les enjeux technologiques et économiques de la défense anti-missile balistique. L'Europe ne peut pas rester absente de ce projet. Il faut au contraire qu'elle puisse apporter des briques, et l'industrie de défense française est la mieux placée pour le faire. Il y a également un lien, à mon sens, entre le développement des technologies anti-missile et, à terme, la pérennité de l'industrie des missiles en Europe. Si nous sommes absents de la défense anti-missile, il faudra se poser la question de l'avenir de notre industrie des missiles. Les deux choses sont liées.

Évidemment, il est essentiel de bien définir les conditions dans lesquelles nous nous engagerons. Il faut être prudents, éviter une fuite en avant financière et identifier les briques que nous pourrons apporter. Le « comment » est essentiel.

M. Jean-Louis Carrère - Merci, Monsieur le Président, de cet exposé. Comme vous l'avez indiqué, le Sénat va débattre de ce sujet en séance publique lundi prochain. Nous pourrons développer nos positions à cette occasion. Je m'en tiendrai à une remarque d'ordre général.

La défense anti-missile peut, objectivement, présenter un certain nombre d'intérêts. Mais la question se pose : quelle est la stratégie suivie ? Pourquoi ne pas avoir abordé ce sujet avec Royaume-Uni, alors que la France veut s'orienter dans un partenariat franco-britannique ? On nous propose, pour des raisons objectivement importantes, d'aller vers le bouclier anti-missile, mais les objectifs qui sous-tendent cet engagement de la France n'apparaissent pas clairement.

M. Josselin de Rohan, président - Monsieur Carrère, permettez-moi de vous éclairer en vous lisant un extrait de la déclaration commune franco-britannique du 2 novembre : « Tant qu'il existera des armes nucléaires, l'OTAN demeurera une alliance nucléaire. Les forces nucléaires stratégiques indépendantes du Royaume-Uni et de la France, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale et, par conséquent, à la sécurité des Alliés. Nos dissuasions nucléaires nationales minimales sont nécessaires pour parer à toute menace pesant sur nos intérêts vitaux. Nous soutiendrons à Lisbonne une décision concernant la défense antimissiles des territoires, reposant sur le développement du système antimissiles de théâtre ALTBMD, qui soit financièrement réaliste, cohérente avec le niveau de la menace émanant du Moyen-Orient, et permette un partenariat avec la Russie. La défense antimissiles est un complément et non un substitut à la dissuasion ».

Cela veut dire que nous ne sommes pas seuls, nous Français, à défendre cette thèse à l'OTAN, alors que certains pays comme l'Allemagne voudraient substituer la défense anti-missile à la dissuasion nucléaire. Je vous le dis, ce débat est un débat majeur. Nous jugerons, à Lisbonne, de la capacité de la France et du Royaume-Uni à faire prévaloir ce point de vue. Il y a indiscutablement une stratégie derrière tout cela. C'est le maintien de notre autonomie et de notre souveraineté grâce à la force de dissuasion. Nous n'abdiquerons pas notre souveraineté.

Nous reviendrons sur tout cela lundi en séance publique, lors du débat que le groupe socialiste a demandé.

M. André Trillard - Ce débat sur la défense anti-missile n'est-il pas une excellente occasion pour nous, quelques soient nos choix politiques, de réfléchir au socle commun de notre consensus national en matière de politique de défense et aux choix qui doivent engager la France par delà les alternances gouvernementales ? Notre stratégie de dissuasion nucléaire a traversé jusqu'ici les alternances politiques. Il s'agit de définir ce que nous voulons, nous Français, sans nous référer en permanence aux positions des Britanniques ou des Allemands.

M. Josselin de Rohan, président - A mon sens, la question fondamentale est la suivante : l'Europe veut-elle se défendre ou doit-elle s'en remettre aux Etats-Unis ? Si la défense anti-missile des territoires est un moyen d'arriver à ce que l'Europe assume sa propre défense, tant mieux. Si elle ne doit être qu'un moyen de confier aux Etats-Unis notre propre défense, alors nous devrions être résolument contre.

Mme Catherine Tasca - Il y a eu cette année un changement politique très important au Royaume-Uni et on aurait pu penser qu'il allait entraîner un changement d'orientation stratégique sur les sujets dont nous débattons. Y a-t-il eu changement ou continuité ?

M. Josselin de Rohan, président - Il y a eu continuité, mais également conversion. Les autorités françaises ont noué des contacts avec les conservateurs bien avant les élections et l'actuel ministre britannique de la défense, Liam Fox, est venu à deux reprises à Paris. L'une des raisons pour lesquelles le traité franco-britannique a abouti aussi rapidement est que les conservateurs ont réalisé les bénéfices que représentait cette coopération. Les travaillistes ont initié la démarche et donné l'élan, mais les conservateurs l'ont intégrée et amplifiée, car ils ont été convaincus de son bien fondé lors de leurs contacts préparatoires à Paris. La position commune que nous avons exprimée sur la défense anti-missile et la dissuasion montre en tous cas cette convergence de vues.

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