N° 2987 N° 140

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ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE SESSION ORDINAIRE DE 2010 - 2011

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Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale Enregistré à la présidence du Sénat

le 24 novembre 2010 le 30 novembre 2010

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

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RAPPORT

sur

LES APPORTS DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES
À L'ÉVOLUTION DES MARCHÉS FINANCIERS

Compte rendu de l'audition publique du 14 octobre 2010
et de la présentation des conclusions, le 17 novembre 2010

Par M. Claude Birraux, Député.

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Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Claude BIRRAUX, par Mme Brigitte BOUT

et M. Daniel RAOUL,

Président de l'Office Sénateurs

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AUDITION PUBLIQUE DU 14 OCTOBRE 2010

INTRODUCTION

M. Claude Birraux, président de l'OPECST . Au nom de l'Office parlementaire, je vous souhaite la bienvenue, en particulier aux intervenants qui évoqueront les apports des sciences et technologies à l'évolution des marchés financiers, un thème nouveau pour l'OPECST. Le professeur Rama Cont interviendra, à tout moment, comme modérateur, pour orienter les questions sur les marchés financiers et la spéculation financière.

L'Office, que les acteurs du milieu de la finance ne connaissent sans doute pas encore très bien, se situe à la croisée des chemins scientifique, technologique et politique. Composé de trente-six parlementaires - dix-huit députés et dix-huit sénateurs-, il est, depuis 1983, une instance parlementaire de réflexion et d'évaluation sur la base de liens tissés, de façon toujours plus étroite, avec la communauté scientifique. Ses précédents travaux, par exemple sur les OGM, la téléphonie mobile ou les nanotechnologies, ont toujours été marqués par une exigence de rigueur sur des thèmes qui relevaient à la fois du progrès scientifique et d'enjeux sociétaux majeurs. C'est d'ailleurs pour mieux prendre en compte les préoccupations de la société que j'ai déposé une proposition de loi, cosignée par des députés de la majorité comme de l'opposition, afin de créer, aux côtés de notre Conseil scientifique, un Conseil sociétal, où l'on puisse organiser le débat entre les scientifiques, les représentants de la société et le monde politique.

Maurice Allais, seul prix Nobel français d'économie, qui nous a quitté la semaine dernière, à l'âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, nous avait dit : « les grands progrès ont été réalisés par des hommes qui ont su faire la synthèse des acquis de leur temps, tout en étant capables de s'affranchir des vérités établies. » L'audition publique d'aujourd'hui, dont le thème a été proposé par le Conseil scientifique de l'Office, est représentative de cette démarche, puisqu'elle rassemble des responsables politiques, des spécialistes éminents, qui témoigneront de la complexité, de la technicité de la situation sur les marchés financiers et de ses évolutions.

L'actualité du thème abordé ne fait aucun doute sur le plan politique, ainsi qu'en témoignent les réunions du G20, les nouvelles normes comptables Bâle III, ou encore la loi sur la régulation bancaire que l'Assemblée nationale vient d'examiner en deuxième lecture 1 . L'émotion suscitée par la crise débutée en 2007 et ses conséquences économiques auront des répercussions importantes sur toutes les décisions prises à l'avenir.

Parallèlement à une commission d'enquête à l'Assemblée nationale, présidée par M. Henri Emmanuelli, qui étudie le lien entre la spéculation financière et le fonctionnement de l'économie, l'Office souhaite éclairer les parlementaires sur le rôle nouveau joué par les outils technologiques et scientifiques dans la finance moderne.

Les avancées technologiques, comme l'utilisation de plus en plus importante d'automates de trading , sont mises en accusation. Un tiers des transactions en Europe et deux tiers des transactions aux Etats-Unis sont réalisées par des programmes automatiques de passation des ordres. Un automate financier, aussi perfectionné soit-il, n'est pas un être humain : on a pu en voir un exemple lors du krach éclair du 6 mai 2010, où cette informatisation massive a donné lieu à une chute des prix de certaines actions jusqu'à des valeurs dérisoires (à cause des « stub quotes » , ordres fictifs dont le prix n'a rien à voir avec le cours réel, que l'autorité américaine des marchés, la Securities and Exchange Commission (SEC), veut maintenant interdire).

Le trading haute fréquence, c'est-à-dire l'accélération des échanges, est lui aussi remis en question. Cette forme de trading permet en général une meilleure liquidité des marchés financiers et contribue, en temps normal, à leur équilibre. Mais elle comporte aussi des conséquences néfastes en période de forte volatilité : manipulation des cours, assèchement temporaire massif des échanges sur certains titres ou faillites ultrarapides, comme en 2003 aux Etats-Unis. Dans ce dernier cas, la haute fréquence n'avait laissé aucune chance à une firme dont l'algorithme de passation d'ordres était mal programmé.

Comment aborder ces nombreux défis ? Par plus de réglementation ? Par une révision en profondeur de la directive européenne de 2007 sur les marchés d'instruments financiers qui est fortement critiquée ? En instaurant une vitesse limite aux transactions financières ? Par une tarification de certains ordres afin de contenir l'automatisation galopante des salles de marchés ?

Le thème de nos débats peut paraître technique, mais les fondamentaux de l'évolution des marchés financiers reposent à présent sur des systèmes de plus en plus complexes, mathématisés, et informatisés.

Les journalistes ici présents, tout comme le public, pourront bien entendu poser des questions s'ils le souhaitent à la fin de chaque table ronde.

Les débats s'organiseront autour de deux grands thèmes : la première table ronde présentera un état des lieux de la place des sciences et des technologies dans la finance moderne ; la deuxième table ronde présentera différentes propositions de solutions aux défis actuels et des perspectives nouvelles.

Enfin, retranscrits sur le portail de l'Office, ces auditions et ces débats permettront d'éclairer le Parlement sur ces questions. Ils donneront également lieu à la publication d'un rapport qui reprendra intégralement le contenu de nos débats.

M. Rama Cont, modérateur, directeur de recherche au Laboratoire de probabilités et modèles aléatoires (CNRS-Université Pierre & Marie Curie, Paris VI), professeur associé et directeur du Center for Financial Engineering, Columbia University. Nous allons examiner, à travers une série d'exposés d'experts venus d'horizons divers, l'interaction des marchés financiers et leur évolution avec les sciences et les technologies. Comme on le verra dans les exposés, cette interaction va en deux sens :


• les nouvelles technologies et les méthodes quantitatives, les méthodes venant des mathématiques, ont profondément modifié la nature même des échanges financiers et leur organisation ;


• le potentiel que représentent les nouvelles technologies et la modélisation scientifique pour la réorganisation ou pour la réforme de la régulation financière. Ce que peuvent apporter ces technologies pour repenser la structure des marchés financiers dans une direction qui soit plus stable et qui représente une meilleure interaction des marchés avec l'économie réelle.

M. Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur et aux services financiers (vidéo). Je salue chacun d'entre vous dans la diversité de ses responsabilités, et je salue naturellement avec beaucoup d'amitié Claude Birraux, parce qu'il joue un rôle extrêmement important pour aider les parlementaires et ceux qui travaillent avec le Parlement français à bien comprendre, afin de prendre les bonnes décisions et bien agir. Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée par cette audition publique de m'adresser à vous, parce que vous abordez aujourd'hui, à coup sûr, l'une des questions les plus difficiles et les plus structurantes pour la régulation des marchés financiers. Comment prendre en compte les évolutions technologiques ? Comment vivre avec son temps tout en gardant son âme et la maîtrise des choses ? Comment poser de bonnes règles et les bonnes limites dans univers qui est de plus en plus complexe, et où les machines prennent une part croissante, quand elle n'est pas prépondérante ?

Pour commencer, je voudrais évoquer un souvenir personnel qui n'est pas si lointain. J'étais à New York au lendemain du « flash crash » très brutal qu'a connu la place de New York le 6 mai 2010. Vous le savez, le cours des actions a alors baissé de 10% en quelques minutes, certaines de manière encore beaucoup plus rapide et beaucoup plus forte. Je me suis assez longuement entretenu avec les responsables de la bourse de New York ce jour-là, puis avec les autorités de supervision des marchés le lendemain à Washington. Et j'ai été assez frappé de constater que même les meilleurs spécialistes avaient du mal à comprendre et expliquer ce qui avait pu se passer, les rouages qui avaient pu conduire au déclenchement de millions d'ordres, l'existence ou non d'un abus de marché, réactions de programmes informatiques aux mêmes seuils conduisant à une spirale baissière. Tout cela demeura alors largement inexpliqué. Six mois plus tard, on a eu une explication, mais je ne suis pas sûr que tout ait été totalement clarifié.

Tout ceci pose des questions redoutables au législateur, au régulateur. Nous ne pouvons pas éviter de poser des questions, de chercher des réponses. C'est pourquoi je pense que l'audition publique d'aujourd'hui est utile au niveau national, et également au niveau européen. La crise a démontré l'impact que pouvaient avoir des marchés financiers mal régulés, un mauvais contrôle des risques. Cette crise a été une crise de la supervision et d'une absence de régulation, une certaine faillite de l'autorégulation qui était le dogme d'un certain nombre, l'absence d'outils d'intervention des autorités de marchés, non seulement sur les marchés financiers eux-mêmes, mais sur l'ensemble de l'économie et de nos sociétés.

Le premier point de mon intervention est de vous dire que nous ne voulons pas éviter les questions difficiles que posent l'innovation technologique et l'inventivité financière qui paraît ne pas avoir de limites. De quoi parle-t-on ? Je ne vais pas rentrer dans le détail, mais simplement rappeler deux phénomènes essentiels qui vont largement ensemble. D'abord, l'importance de l'innovation technologique, et ensuite la complexification des produits financiers eux-mêmes.

L'innovation technologique, c'est notamment les nouvelles formes de traitement des ordres comme le trading automatique, ou l'importance croissante, très rapide, des « high frequency traders » . Dans le cas du trading automatique, il s'agit d'utiliser des PROM informatiques (des mémoires pré-programmées) pour optimiser le traitement des ordres en fonction d'un certain nombre de critères préétablis. Quant au trading haute fréquence, il vise à automatiser la négociation en se fondant sur des formules mathématiques très complexes, pour agir de façon extrêmement rapide. On parle de millisecondes, et parfois de nanosecondes. Cette forme de négociation a pris très rapidement une ampleur considérable. Elle est à l'origine de près de 70% des ordres sur le marché américain des actions. Ces formes de négociation ont à la fois des défenseurs assez nombreux, et aussi des détracteurs et des critiques. Ce qui nous frappe dans ces développements, à la place où je me trouve, c'est l'absence de jugement humain, la recherche de la vitesse à tout prix. Depuis une quinzaine d'années, beaucoup de ces gens, nous le savons bien, recherchent le profit maximal dans le minimum de temps.

Il y a un deuxième phénomène, essentiel et bien connu, c'est la puissance de l'innovation financière. Le développement très rapide de produits, tels que les produits dérivés de crédit, la titrisation, a créé de nombreux et nouveaux outils de gestion des risques, mais également contribué à accroître la prise de risque, à renforcer une très grande opacité des marchés.

Il faut reconnaître que cette nouvelle alliance de la science et de la finance pose des questions difficiles. C'est une alliance qui brouille les principes clés, les principaux axiomes sur lesquels nous fondons en général le droit et l'action politique. Comment par exemple définir clairement les responsabilités des acteurs de marché dans un univers où les ordinateurs, les modèles mathématiques, ont une part croissante et quelquefois prépondérante, pouvant même aller jusqu'à prendre eux-mêmes les décisions, à la place des hommes et des femmes ? Comment éviter les prises de risque excessives et non maîtrisées, sans brider la créativité, l'innovation, qui sont, je le crois, aussi nécessaires en matière financière comme ils sont nécessaires dans toute l'économie ? Comment nous assurer que nous disposons de la bonne compréhension de ces évolutions technologiques pour proposer des règles solides qui ne soient pas immédiatement frappées d'obsolescence, ou immédiatement contournées par des acteurs du marché qui ont souvent un temps d'avance sur les politiques ? Soyons lucides, le temps des marchés est infiniment plus rapide. Le temps politique ou le temps de la démocratie sont une donnée qu'il faut prendre en compte.

Face à ces défis, je voudrais poser quelques principes simples qui s'imposent, et qui sont clairement ceux que je compte suivre. C'est très clairement et très directement l'état d'esprit dans lequel moi et mes collaborateurs nous travaillons actuellement au niveau européen. Premièrement, je crois que nous devons prendre acte de cette complexité et prendre le temps de la compréhension. C'est ce que vous faites aujourd'hui, et c'est la voie que je suis également à la Commission, avec mes collègues, sous l'autorité du président José Manuel Barroso, avec l'ensemble de la Direction générale du marché intérieur et des services, en consultant systématiquement, en écoutant beaucoup, en rencontrant aussi, et en organisant ce qu'on appelle « des études d'impact approfondies », qui vont d'ailleurs se généraliser. Je vais accélérer cette ouverture des portes et des fenêtres de la Commission européenne, parce que nous n'avons pas la science infuse. Nous voulons comprendre pour faire les bonnes propositions. En revanche, il est tout aussi clair que la complexité technique que j'ai évoquée, les avancées technologiques, ne peuvent pas et ne doivent pas être une excuse pour déroger à certains principes fondamentaux que j'ai mis en tête de mon agenda et que je vais mettre en oeuvre de manière extrêmement déterminée : transparence, responsabilité, régulation. C'est ma conviction d'homme politique. C'est aussi les leçons que nous devons tirer de la crise. C'est enfin l'agenda qui s'impose à tous les Européens, puisque cet agenda est celui du G20. Nous n'avons pas le droit de ne pas tirer les leçons de cette crise. Nous allons les tirer. Nous n'allons pas faire semblant de réformer, parce que la crise, avec toutes ses conséquences financières, économiques, sociales, humaines et politiques, elle, n'a pas fait semblant. C'est donc un principe qui vaut aussi bien pour les avancées de la recherche en biologie, qui ont un impact sur nos sociétés, que pour les marchés financiers. Pourquoi ? Tout simplement parce que la crise a démontré, avec une grande violence, les effets des dysfonctionnements des marchés sur l'ensemble de l'économie et de la société, avec toutes les conséquences que je viens d'indiquer. Ces marchés ne constituent pas un monde à part qui pourrait s'autoréguler. Je ne crois pas, je n'y ai d'ailleurs jamais cru, à l'autorégulation du marché mondial, du marché européen, ou du marché financier. Ces marchés, nous en avons besoin, ils sont au coeur de l'économie, à la condition d'être au service de l'économie, et non pas le contraire. Et notre responsabilité, c'est donc qu'ils obéissent à des règles et à des principes rigoureux. Voilà ce dont il s'agit et voilà notre feuille de route.

Quelles sont les orientations que nous allons proposer pour l'action communautaire ? À charge ensuite au législateur, le Conseil des ministres des finances et le Parlement européen qui a un rôle aujourd'hui très important, de les mettre en oeuvre par leurs votes conjoints, et si possible en co-décision un vote identique, puisque c'est désormais une obligation dans le traité de Lisbonne dans beaucoup de domaines. Sous l'autorité du président José Manuel Barroso, la Commission a entrepris un effort sans précédent pour tirer les conséquences de cette crise. Aucun marché, aucun acteur, aucun territoire, aucun produit financier, n'échappera à une régulation intelligente et à une supervision efficace. Angela Merkel l'a dit au G20 : l'état d'esprit des chefs d'État et de gouvernement, c'est notre état d'esprit. Les développements technologiques ne seront pas, ne peuvent pas être un prétexte pour échapper à cette règle. Notre action est également fondée sur une coopération étroite avec les Etats-Unis. Si nous, Américains et Européens, ne traitons pas ensemble ces questions, alors que 80% des flux financiers se déroulent de part et d'autre de l'Atlantique, alors je pense que nos efforts seront vains. Je n'oublie pas non plus d'autres grands acteurs dans le monde, dont l`importance va s'accroître. La Chine et l'Inde ont eux aussi pris leur part aux décisions du G20.

Concrètement, nous voulons aborder ces questions nouvelles dans la révision de la directive sur les Marchés d'instruments financiers (MIF) et, également, dans la directive relative aux abus de marché. Elles seront présentées au tout début de l'année 2011 au co-législateur -- Conseil des ministres des finances et Parlement européen. Sur quels principes allons-nous fonder cette proposition de régulation européenne ?

Premier principe : les acteurs financiers doivent être responsables. Personne ne doit échapper à une surveillance. La prise de risque excessive doit être éliminée. Nous savons bien que l'une des raisons qui a amplifié la crise, c'est que des gens soient d'autant mieux payés, de manière parfois insensée, qu'ils prennent le plus de risques possible. Nous allons donc obliger à une pleine transparence vis-à-vis des régulateurs, mais aussi vis-à-vis de l'opinion publique. Les régulateurs doivent pouvoir suivre l'activité des acteurs financiers, pour remédier à certains comportements abusifs, et empêcher cette accumulation de risques inconsidérés. Tel est le cas, par exemple, des acteurs qui ont recours au trading automatique ou des « high frequency traders » . Ces acteurs devront être dûment autorisés et devront se conformer à certaines exigences d'organisation, notamment pour éviter tout dérapage des systèmes automatiques.

Deuxième principe : la transparence sera la règle pour tous. Je crois essentiel que l'ensemble des acteurs économiques, y compris les émetteurs, soient en mesure de voir, de comprendre ce qui se passe sur les marchés. C'est une question de bon fonctionnement des marchés, mais aussi de confiance. Et nous voulons rétablir la croissance, ou la consolider, par la confiance dans ce domaine comme dans les autres. La règle de transparence va donc s'imposer à l'ensemble des marchés financiers. Il faut mettre fin à l'opacité qui règne sur ces marchés, en tout cas sur une partie d'entre eux, sur une partie des acteurs et des activités qui ne sont pas, aujourd'hui, couverts par la directive. Une meilleure couverture des « high frequency traders » par notre régulation rendra d'ailleurs cette activité plus transparente vis-à-vis des régulateurs. Ces régulateurs seront mieux à même d'appréhender l'ampleur de ce phénomène et les risques qui sont liés à ce type de négociations.

Troisième principe : créer des conditions de concurrence équitables. La révision de la directive MIF doit permettre de mettre en place des conditions de concurrence équitable entre tous les types d'opérateurs, intermédiaires financiers comme opérateurs de marché. Cela signifie, notamment, des conditions d'établissement, d'organisation, et surtout d'exercice, qui doivent être homogènes entre tous les types d'intervenants, avec des obligations proportionnées. En tant que participant au marché, en tant que fournisseur de liquidité, « market maker » , les « high frequency traders » devront non seulement avoir des droits, mais ils auront des obligations. Ils devront être soumis aux mêmes obligations que les teneurs de marché traditionnels, à savoir fournir de la liquidité sur une base continue.

Je pensais normal et utile de vous dire dans quel état d'esprit je travaille au sein de la Commission européenne. J'ai évoqué en quelques mots des questions très complexes. Il faut du temps. Nous allons prendre le temps de comprendre et d'écouter. Je crois vous avoir également dit ma détermination pour que cette complexité-là, que nous devons comprendre, et qui existe, ne soit pas un prétexte pour oublier les principes de responsabilité, de transparence et de bonne régulation, qui sont au coeur de notre agenda. Mon objectif, dans ce cadre, serait plutôt de revenir à une « vieille alliance » que nous avons beaucoup perdue de vue depuis quelques années, celle de la société et de la finance. Ma conviction, c'est que les services financiers, les marchés dont nous avons besoin, doivent avoir leur place et être au service de l'économie réelle et des entreprises, plutôt que le contraire, comme on l'a vu depuis quinze ans.

J'ai d'ailleurs une autre ambition, dans une autre part de ma responsabilité, en tant que commissaire européen au marché intérieur : une fois que nous aurons réussi, tous ensemble, à remettre les marchés financiers dans l'économie réelle, à son service, c'est que cette économie réelle soit mieux financée, mieux accompagnée, mieux irriguée ; que cette économie réelle, qui est fondée sur le marché unique, soit davantage au service des PME et des citoyens, quand ces citoyens sont consommateurs, travailleurs, entrepreneurs, utilisateurs de services, actionnaires ou épargnants. C'est l'objet d'un autre grand chantier que nous allons ouvrir, à travers le Pacte pour le marché unique (« single market act » ) : remettre le marché unique au service des entreprises et des citoyens. Et d'abord, ou en même temps, remettre les marchés financiers au service de l'économie réelle. Voilà l'ambition politique qui est celle du président José Manuel Barroso et de toute la Commission européenne, sur laquelle nous avons besoin du soutien du Gouvernement, du Parlement européen, mais aussi des parlements nationaux, des régions, des différents acteurs que vous êtes, de l'économie ou des acteurs financiers.

M. Claude Birraux. Le message de M. Michel Barnier, c'est de comprendre. Notre objectif, c'est de comprendre.

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