N° 249

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la crise économique et financière au Portugal ,

Par M. Jean-François HUMBERT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet , président ; MM. Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Michel Billout, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour , vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange , secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Charles Gautier, Jean-François Humbert, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, François Marc, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca, M. Richard Yung.

Le vingt-cinquième anniversaire de l'adhésion du Portugal à l'Union européenne s'inscrit dans un contexte morose, marqué par la crise économique et l'incertitude politique. Lisbonne est confrontée à des problèmes de consolidation budgétaire et se doit d'accélérer les réformes structurelles.

Les difficultés rencontrées par le Portugal pour financer sa dette tiennent de fait à la fragilité intrinsèque de son modèle économique, que l'adoption de l'euro est venue exacerber. Depuis l'adoption de la monnaie unique, la croissance moyenne du produit intérieur brut portugais est la plus faible de la zone euro.

La question d'une aide européenne à Lisbonne destinée à répondre aux problèmes de liquidités que le gouvernement portugais rencontre est soulevée, quant à elle, depuis plus de six mois et l'annonce du soutien à la Grèce. Le plan d'aide à l'Irlande est venu renforcer cette impression d'inéluctabilité de l'aide, que le gouvernement lusitanien s'emploie, pourtant, à repousser. Les besoins de financement du Portugal sont néanmoins en constante hausse alors que l'année 2011 sera marqué par l'arrivée à échéance de près de 25 milliards d'obligations et bons du trésor à court terme.

A la différence de la crise irlandaise aux origines bancaires bien définies et donc pour partie conjoncturelle, la crise portugaise est elle de nature structurelle. Elle pose notamment la question de la reconversion de son modèle économique, rendue inévitable par son entrée dans la zone euro. Par ailleurs, le choix assumé de vendre les titres de sa dette aux pays émergents et refuser ainsi l'aide européenne n'est pas non plus sans susciter d'interrogations.

C'est dans ce contexte qu'un déplacement à Lisbonne a été organisé les 11 et 12 janvier derniers. Ce rapport tire les enseignements des entretiens organisés sur place. Il a pour ambition de dresser un état des lieux de la situation locale, tant au plan politique qu'économique. Il vise également à analyser les motivations et les conséquences du refus de l'aide européenne, tel qu'exprimé jusqu'à présent par le gouvernement portugais.

Le Portugal en quelques chiffres

Superficie : 92 090 km²

Population : 10 707 924 habitants

PIB (2009) : 163,9 milliards d'euros

PIB par habitant (2009) : 15 300 €

Taux de croissance (2009) : - 2,7 %

Taux de croissance 2010 (prévision) : 1,3 %

Taux de chômage 2010 : 10,9 %

Taux d'inflation 2009 : - 0,8 %

Taux d'inflation 2010 (prévision) : + 1,3 %

Solde budgétaire 2009 : - 9,3 % du PIB

Solde budgétaire 2010 (prévision) : entre - 6,9 et - 7,1 % du PIB

Dette publique 2010 (prévision) : 82,1 % du PIB

Solde commercial 2009 : - 18,9 milliards d'euros

Principaux clients : Espagne (26,2 %), Allemagne (13 %), France (12,1 %)

Principaux fournisseurs : Espagne (31,5 %), Allemagne (12,4 %), France (8,6 %)

I. UNE CRISE SYSTÉMIQUE EXACERBÉE PAR LA MONTÉE DES TAUX

La fragilité de son modèle économique explique en large partie les difficultés rencontrées par le Portugal sur le marché des taux. Une comparaison des principaux indicateurs replace pourtant le Portugal au niveau de certains de ses partenaires européens. Ainsi qu'il s'agisse de la dette, du déficit public ou du chômage on peut observer une certaine similarité entre les chiffres lusitaniens et ceux enregistrés par la France. Un potentiel de croissance difficile à déterminer et les incertitudes entourant la situation politique du pays contribuent néanmoins à renforcer l'inquiétude des marchés et à grever les taux d'intérêts.

A. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE FRAGILE

1. Une croissance « molle » durable

Le Portugal est confronté depuis plus de dix ans à des difficultés structurelles de croissance : son produit intérieur brut a ainsi progressé en moyenne de 1,1 % entre 2001 et 2007. Cette croissance moyenne est la plus faible de la zone euro. Après deux exercices délicats (croissance nulle en 2008 et récession de 2,6 % l'année suivante), le Portugal a enregistré en 2010 une progression mesurée de son PIB de 1,3 %.

Il n'est pas pour autant possible de parler d'un retour durable de la croissance. En effet, si le gouvernement table en 2011 sur une progression du PIB de 0,2 %, les institutions internationales tout comme la Banque du Portugal prévoient, quant à elles, une contraction de la richesse nationale autour de 1 %.

L'emploi a dans le même temps globalement stagné depuis 2000. Relativement bas jusqu'à la fin 2002 (5,1 %), le taux de chômage a connu une hausse spectaculaire depuis lors pour atteindre près de 10,9 % de la population active en 2010. Au Nord du Portugal, le chômage a ainsi augmenté de 160 % entre 2001 et 2007. Le chômage de longue durée atteint 50 % du chômage total.

Cette croissance molle à long terme s'explique par nombre de facteurs, au rang desquels le manque de compétitivité de ses entreprises et le déficit extérieur jouent un rôle non négligeable. Le potentiel de croissance apparaît de fait difficile à évaluer.

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