III. DÉPLACEMENT À TOULOUSE (30 SEPTEMBRE 2010)

Composition de la délégation :

MM. Martial Bourquin, président, Alain Chatillon, rapporteur, Jean-Jacques Mirassou, vice-président, Raymond Vall, et Marc Daunis, secrétaires.

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PROGRAMME

? Table ronde sur l'aéronautique et l'industrie au siège d'Airbus ;

? Déjeuner de travail au siège d'Airbus ;

? Table ronde sur l'industrie agro-alimentaire à l'École supérieure d'agriculture de Purpan ;

? Table ronde sur l'industrie de la santé à l'École supérieure d'agriculture de Purpan.

A - TABLE RONDE SUR L'AÉRONAUTIQUE ET L'INDUSTRIE EN MIDI-PYRÉNÉES

La délégation a tout d'abord participé à une table ronde sur l'aéronautique et l'industrie en région Midi-Pyrénées, qui s'est tenue au siège d'Airbus (Toulouse).

M. Fabrice Brégier , directeur général d'Airbus, a souligné trois points dans son intervention :

- l'activité de l'entreprise étant essentiellement orientée vers l'exportation, les résultats dépendent fortement, face au concurrent américain Boeing, du taux de change entre l'euro et le dollar, marqué par le niveau élevé de la monnaie européenne et par une grande variabilité ;

- l'intensité de la concurrence oblige la compagnie à proposer des produits qui répondent aux besoins du marché ; il n'est donc pas possible de conserver des productions qui ont perdu leur compétitivité ;

- l'innovation est également indispensable afin de maintenir la position de l'entreprise sur un marché qui comprendra quatre ou cinq acteurs en 2020, contre deux actuellement. À cet égard, la place réservée à l'aéronautique dans le grand emprunt doit être approuvée et il est essentiel de maintenir lecrédit d'impôt recherche (CIR) avec ses règles de fonctionnement actuelles.

M. Christian Desmoulins , président du directoire du groupe Actia, a indiqué que son groupe employait 2 500 personnes, à raison d'un tiers en France, un tiers en Tunisie et un tiers dans le reste du monde. Il a souligné que le lancement d'activités de production dans les pays à faible coût de main-d'oeuvre n'entrait pas en contradiction avec le développement de l'emploi en France : dans certains appels d'offres, le niveau des prix est parfois un critère déterminant. Il a ajouté que le rôle des collectivités locales était essentiel, comme il a pu le constater dans des pays étrangers.

Rappelant qu'il a précédemment mené une carrière dans la fonction publique, il n'a pas jugé nécessaire de modifier le code des marchés publics, mais qu'il fallait sensibiliser les acheteurs afin de parvenir, comme en Allemagne, à produire une part plus importante de la valeur ajoutée dans le pays même. Il faut en effet, outre le respect des règles de concurrence, prendre en compte l'imperfection des marchés démontrée par les économistes.

M. Martial Bourquin, président, a estimé que la France devait certes être « ouverte », mais pas « offerte », et que la question du patriotisme économique devait être posée, ce qui imposait de s'intéresser au fonctionnement du capitalisme rhénan.

M. Alain Chatillon, rapporteur, a relevé dans les propos déjà exprimés l'importance de l'innovation et ducrédit d'impôt recherche (CIR). Il a plaidé pour une attitude plus optimiste et moins misérabiliste dans l'image véhiculée de l'économie française, notamment dans les média.

M. Jean-Jacques Mirassou a fait part de ses craintes s'agissant du maintien de l'emploi d'Airbus en France par rapport au site de production allemand. Évoquant le cas de Latécoère, il a également souligné la nécessité d'avoir des acteurs de la dimension adéquate dans les aérostructures.

M. François Bertrand , président du directoire de Latécoère, a fait valoir la forte progression de l'emploi dans son entreprise au cours des dernières années, progression partagée entre le site de Toulouse et l'étranger. En effet, certaines tâches à faible valeur ajoutée ne peuvent être réalisées en France et la société doit s'implanter près de ses clients. Il a approuvé la politique de promotion des filières industrielles du Gouvernement, Airbus jouant un rôle important de leader pour ce qui concerne la filière aéronautique en Midi-Pyrénées.

Il a relevé plusieurs points difficiles pour l'industrie :

- le niveau du dollar, alors que les outils de couverture ne sont pas adaptés pour des contrats portant sur 20 ou 25 ans ;

- le financement du processus de développement des nouveaux produits, les avances remboursables constituant un outil indispensable ;

- le financement de l'innovation technologique, auquel les entreprises de taille intermédiaire doivent pouvoir participer, dans le cadre du Groupement des industries aéronautiques et spatiales (GIFAS).

M. Fabrice Brégier , directeur général d'Airbus, a expliqué que, si Airbus dispose de chaînes d'assemblage en France, en Allemagne et en Chine, cette diversification est nécessaire pour améliorer la part de marché de l'entreprise en Asie. L'essentiel de la valeur est toutefois produite dans les éléments fabriqués en Europe.

Il a précisé que la démarche industrielle demeure au sein du groupe, des activités annexes étant réalisées dans des pays à faible coût de main-d'oeuvre. Enfin, la montée en charge de la production d'A320 à Hambourg relève d'un accord conclu en 2001, selon lequel, d'une part, l'assemblage de l'A380 serait réalisé à Toulouse et, d'autre part, le site d'Hambourg assurerait les augmentations de commandes d'A320 dont la production demeurerait stable à Toulouse. Pour cela, la formation d'ingénieurs et de techniciens demeure essentielle, alors que ces professions souffrent d'une dévalorisation auprès des jeunes en France.

M. Martial Bourquin, président, a souhaité entendre les participants sur les relations entre les donneurs d'ordre et les équipementiers.

M. Marc Daunis a d'abord considéré que la France ne doit pas avoir une mauvaise opinion d'elle-même, notamment en raison de son modèle social et de sa productivité horaire élevée. Il s'est interrogé sur la manière de pousser les jeunes gens à se tourner plus souvent vers l'industrie plutôt que vers la finance. Il a demandé si l'impact ducrédit d'impôt recherche était significatif pour Airbus, ou s'il ne devrait pas être orienté vers des plateformes intégrées entre les acteurs industriels d'un territoire. Il a enfin plaidé pour la décentralisation, soulignant la réactivité de la Catalogne.

M. Jean-Claude Maillard, président-directeur général du groupe Figeac Aéro, qui emploie 900 personnes, a indiqué qu'il exerçait des activités de sous-traitance pour les autres acteurs de la filière aéronautique. La concurrence est aujourd'hui mondialisée et l'acheteur ne s'interroge pas sur le pays d'origine des produits : il est dès lors indispensable d'être le meilleur au meilleur prix, les protections étant inefficaces. S'agissant du crédit d'impôt recherche, il a souligné la charge représentée par des contrôles trop fréquents. Il a regretté que la dette soit comptée négativement dans la valorisation d'une société et pénalise l'entreprise dans sa recherche de financements, même lorsqu'il s'agit de financer des investissements qui seront à terme créateurs de valeur. Il a enfin fait part d'une difficulté à trouver des personnels de qualité dans le monde industriel.

M. Martial Bourquin, président, a précisé qu'il souhaitait seulement que le crédit d'impôt recherche soit mieux concentré sur la recherche et développement.

M. Frédéric Leroy , directeur d'Aubert et Duval, groupe basé à Pamiers et employant 16 000 personnes, a lui aussi souligné l'exigence de compétitivité dans une économie mondialisée, les critères de réussite étant le prix, la qualité et l'innovation. Cela est particulièrement vrai dans le domaine aéronautique. Ainsi, le groupe emploi 6 000 personnes en France, mais doit souvent former lui-même ses salariés, notamment par un système de tutorat interne. Il a enfin indiqué que le système des avances remboursables n'était quasiment pas accessible à son entreprise.

M. Alain Chatillon, rapporteur, a fait observer que les points avancés de manière récurrente étaient notamment le système de formation, peu tourné vers l'industrie, et le niveau du dollar. Il a enfin souligné que l'investissement était particulièrement producteur de valeur dans l'industrie.

M. Claude Terrazzoni, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, a lui aussi insisté sur le besoin de trouver des ingénieurs et des techniciens supérieurs et a partagé les observations faites sur la nécessité, dans certains cas, d'installer des sites de production dans les pays émergents. Il a plaidé pour une action des pouvoirs publics concernant le taux de change entre l'euro et le dollar. Il a enfin pointé une compréhension insuffisante des entreprises et de l'industrie au sein de l'Agence des participations de l'État.

M. Raymond Vall a demandé si la réforme de la taxe professionnelle avait produit des effets significatifs pour les entreprises. Il a également souhaité savoir quelles relations les entreprises entretenaient avec les banques.

M. Jean-Marc Thomas , directeur du pôle de compétitivité Aerospace Valley, a expliqué que la filière industrielle jouait un rôle d'aménagement du territoire, donnant l'exemple du centre de déconstruction d'avions à Tarbes. S'agissant des pôles de compétitivité, il a plaidé pour la préservation du fonds unique interministériel (FUI) et notamment de la part prévue pour les donneurs d'ordre, qui tirent le marché. Il a également approuvé l'accent mis par le Grand Emprunt sur le maillon de la production aéronautique situé entre la recherche et la mise en oeuvre des produits, traditionnellement faible en France.

M. François Desprairies, directeur des affaires publiques d'EADS, a fait part de sa grande inquiétude au sujet des critiques formulées contre lecrédit d'impôt recherche (CIR), considérant que ce dispositif permet à la composante française du groupe de déposer un nombre de brevets supérieur à la composante allemande. Une disparition du CIR pourrait avoir pour effet une diminution de 60 à 70 millions d'euros de l'effort de recherche.

M. Martial Bourquin, président, a regretté que le déclin de l'industrie soit présenté comme normal dans certains cours à l'université, les usines étant trop souvent perçues comme des nuisances. Il a souligné que les intervenants avaient tracé de nombreuses pistes intéressantes et qu'il était temps de mener désormais une véritable politique industrielle.

M. Alain Chatillon, rapporteur, a rappelé que, sauf dans le secteur agro-alimentaire et le secteur textile, ce dernier ayant disparu, la culture industrielle de la région Midi-Pyrénées est apparue grâce à l'aéronautique. Il a aussi fait observer que 60 % des adjudications françaises sont ouvertes au niveau mondial, alors que cette proportion est seulement de 10 % au Japon et de 15 % aux États-Unis.

M. Jean-Jacques Mirassou a regretté qu'on se résigne trop facilement à délocaliser certaines activités vers des pays à salaires faibles.

M. Martial Bourquin, président, a rappelé que 70 % des composants d'une automobile allemande sont produits dans le pays même, contre moins de 50 % en France, et a suggéré le lancement de contrats de filière. M. Alain Chatillon a suggéré d'y faire participer les banques régionales.

B - RENCONTRE AVEC LES PARTENAIRES SOCIAUX

M. Martial Bourquin, président, a indiqué que la création de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires entrait dans le cadre du contrôle du Gouvernement, qui est l'un des rôles du Parlement et notamment du Sénat, représentant des collectivités territoriales. M. Alain Chatillon a ajouté que, sans se substituer aux opérateurs, il fallait créer les conditions permettant aux entreprises de mieux se développer, par exemple sur le problème de la parité euro/dollar. M. Jean-Jacques Mirassou a expliqué que la visite de la mission commune d'information ne se plaçait pas dans le prolongement des États généraux de l'Industrie, mais relevait d'une réflexion propre au Sénat.

Mme Françoise Vallin (CFE-CGC) a regretté qu'aucune solution n'ait été apportée au problème de la parité euro/dollar, qui a fait l'objet de débats lors des États généraux de l'Industrie. S'agissant des aérostructures, elle a fait part de ses craintes relatives aux conditions d'une intervention éventuelle du groupe Spirit. Elle s'est opposée à la délocalisation de fonctions avancées telles que les bureaux d'études dans des pays émergents, considérant que l'Allemagne protégeait mieux son industrie.

M. Didier Gregory (Force ouvrière), partageant le constat d'une meilleure protection de l'industrie en Allemagne, a souligné la nécessité d'une volonté politique de développement de l'industrie, faisant observer qu'EADS tendait au contraire à externaliser de plus en plus dans le monde entier. Il a appelé l'État à mieux jouer son rôle au sein des conseils d'administration des entreprises dont il est actionnaire.

M. Bruno Reynes (Force ouvrière), constatant l'avancée de la désindustrialisation, à fait observer que l'aérostructure, compétence française depuis toujours, s'était mieux structurée en Allemagne autour de Premium Aerotec. Il a plaidé pour le maintien d'Aerolia au sein du groupe EADS. Il a également dénoncé un gel éventuel des effectifs en France dans les années à venir, les pays à faible coût de production servant alors de variable d'ajustement.

M. Christian Meloni (CGT), partageant le constat de la désindustrialisation, a considéré que la production de l'A350 avait instauré un nouveau modèle selon lequel la direction favorisait l'externalisation vers les pays à faible coût de production. Il a considéré que l'État, actionnaire et fournisseur de subventions, avait un droit de regard sur la gestion du groupe.

M. Dominique Pinault (CGT) a fait part du sentiment des ingénieurs d'une fuite de compétences massive, l'activité tendant à se limiter au contrôle des sous-traitants. Il s'est demandé si, dans dix ans, il serait toujours possible de concevoir un avion à Toulouse. Il a lui aussi plaidé pour un rôle accru de l'État. S'agissant du schéma de production de l'A350, il a estimé que les sous-traitants de taille 1 ont une taille insuffisante et partagent trop de risques avec le donneur d'ordre. Il a également considéré que la finance jouait un rôle trop important dans la gestion de l'entreprise.

M. Jean-Jacques Mirassou a exprimé son accord avec le diagnostic formulé par les intervenants, considérant toutefois qu'Airbus avait joué son rôle vis-à-vis de Latécoère. Il a insisté sur la nécessité d'une politique cohérente au niveau de la filière et a refusé les transferts massifs d'activité vers les pays à faible coût de production.

M. Alain Chatillon, rapporteur, a confirmé pour sa part que l'État ne jouait pas suffisamment son rôle dans les industries dont il est actionnaire et a regretté que l'Agence des participations de l'État ne dispose pas de compétences industrielles suffisantes.

M. Martial Bourquin, président, s'est inquiété de la fuite de savoir-faire par les pratiques d' offshoring ainsi que du rôle de la parité euro/dollar. Il a également exprimé l'idée de mise en place de contrats territoriaux de filière, afin de donner une meilleure visibilité aux pouvoirs publics comme aux donneurs d'ordre et aux équipementiers.

M. Raymond Vall a considéré que les avances remboursables de l'A380 s'étaient transformées en subventions à perte pour la région et s'est interrogé sur la réalité des effets de la suppression de la taxe professionnelle pour les entreprises.

C - TABLE RONDE SUR L'AGRO-ALIMENTAIRE

M. Michel Roux, président de l'École d'ingénieurs de Purpan, la deuxième de France pour le nombre d'ingénieurs diplômés en agro-alimentaire, a souligné que l'orientation internationale est le point d'excellence du cursus. S'agissant de l'ouverture vers les entreprises, une société de capital-développement pilotée par l'école a permis de mettre en place une pépinière d'entreprises. Ainsi la société Ecocert, leader du contrôle et de la certification, a-t-elle été créée au sein de l'école.

M. Daniel Segond , président du directoire de Rouergue Auvergne Gévaudan Tarnais (RAGT), a mis en valeur l'attache territoriale de sa société, qui a un chiffre d'affaires de 260 millions d'euros, dont la moitié dans l'activité semences. Au sujet des charges, il a fait observer :

- s'agissant de l'impôt sur les bénéfices, qu'il est plus élevé en France : 33 % contre 29 % en Allemagne, 28 % en Angleterre et 10 % en Hongrie, ces chiffres n'incluant toutefois pas les niches fiscales ;

- s'agissant des charges sociales, qu'elles s'élèvent à 28,5 % en France, contre 25 % en Espagne et autour de 23 % dans les autres pays. Cette différence, multipliée par la masse salariale, coûte deux points de rentabilité.

Il a enfin estimé que les 35 heures, au-delà de leur coût, ont instauré une distance entre l'homme et son travail, qui aboutit à une pression plus grande sur les travailleurs et complique l'organisation du travail en commun. Enfin, il faut éviter les distorsions de concurrence avec nos voisins étrangers, par exemple sur la question des OGM ou de certains insecticides. Les experts devraient être mieux écoutés à ce sujet en France.

M. Jean-Jacques Mirassou a fait observer en sens inverse que les experts se trompent parfois, par exemple sur la question de l'amiante.

M. Raymond Vall a pour sa part rappelé qu'un professeur de cancérologie affirmait récemment que 15 % à 20 % des cancers provenaient des pesticides.

M. Daniel Segond a considéré que la politique devait garder son rôle, mais que la culture scientifique n'était pas suffisamment diffusée, notamment envers les enfants.

M. Alain Chatillon, rapporteur, a fait remarquer que des OGM sont présents dans des produits importés ainsi que dans la viande d'animaux ayant consommé des céréales OGM. Il faut penser aux emplois industriels que représente la fabrication de ces produits.

M. Daniel Segond a considéré que la filière agroalimentaire locale devait jouer sur ses avantages comparatifs : le climat tempéré, la présence d'eau, mais aussi lecrédit d'impôt recherche, excellente mesure simple et bien adaptée aux besoins.

M. Henri-Jacques Buchet , directeur général du groupe 3A, dont le chiffre d'affaires est de 650 millions d'euros à travers une vingtaine de sites industriels, a fortement plaidé pour une simplification des réglementations, s'agissant par exemple des plans de sauvegarde de l'emploi. La réduction des charges devrait l'emporter sur les subventions, qui sont souvent accordées de manière arbitraire, sont peu utiles et risquent de soutenir des activités artificielles. Les 35 heures ont également eu un effet très négatif. Il faudrait enfin apporter une reconnaissance spécifique aux entreprises de taille intermédiaire.

M. Marc Daunis a exprimé son désaccord avec certains de ces points : en raison du rôle fondamental de l'agriculture dans l'aménagement du territoire, il faudrait évaluer le coût global pour la collectivité que représenterait la disparition de certaines activités.

M. Henri Saliba , représentant la société Grand Moulins de Paris, entreprise active dans l'industrie de première transformation, a identifié la variabilité des cours comme un réel problème dans son activité : la spéculation menace des marges qui sont déjà réduites. Par ailleurs, les agriculteurs font face au problème du coût des terres, qui sont difficiles à acquérir.

M. Laurent Spanghero s'est dit préoccupé par les difficultés que rencontrent les producteurs de viande en France en en Europe. En quinze ans, un excédent de plus d'un million de tonnes a laissé la place à un déficit de 500 000 tonnes. Or les écarts salariaux avec l'Allemagne sont considérables dans l'industrie de l'abattage et de la découpe de porc.

M. Marc Daunis a demandé si cet écart ne résultait pas du regroupement des abattoirs en Allemagne.

M. Laurent Spanghero a expliqué que les abattoirs allemands bénéficient surtout d'une main-d'oeuvre moins chère, en provenance de l'Europe de l'Est, ce qui donne aux entreprises les moyens d'investir et de robotiser : ainsi la Bavière livre-t-elle des côtelettes de porc à Toulouse. Il a enfin souligné l'existence d'un problème de monopole sur ce secteur, un seul acteur détenant 50 % du marché de l'abattage.

M. Jean-François Renoux , président de la coopérative Arterris, a pour sa part abordé la question de l'irrigation : la gestion volumétrique prévue par la loi sur l'eau aura pour effet une réduction des surfaces irriguées, ce qui aura un impact sur les emplois dans la filière. S'agissant de la génétique, il a souhaité que soit levée l'hypocrisie afin de rechercher une protection de l'environnement sans idéologie. Il a également fait part de certains problèmes d'infrastructures : ainsi la circulation des camions de 44 tonnes ne semble-t-elle pas effective dans tous les départements, alors que l'état catastrophique du réseau de fret ferroviaire ne permet pas d'envisager des alternatives.

M. Raymond Vall a reconnu les difficultés rencontrées au niveau des lignes secondaires de fret, rappelant toutefois l'effort considérable consenti par la région Midi-Pyrénées pour les lignes voyageurs.

M. Alain Chatillon,rapporteur, a regretté l'absence de réflexion à long terme.

M. Patrice Roché , directeur du pôle de compétitivité AgriMip Innovation, a fait observer que, en Allemagne, les entreprises industrielles possèdent souvent une école de formation destinée à leurs employés et ouvriers, notamment en fin de carrière. Les ressources de la formation en France devraient être mieux employées.

M. Martial Bourquin, président, a demandé aux intervenants quelles étaient leurs relations avec les distributeurs.

M. Henri-Jacques Buchet a déclaré à ce sujet que la loi de modernisation de l'économie n'avait pas résolu les difficultés des fournisseurs.

D - TABLE RONDE SUR LA SANTÉ

M. Pierre Montoriol , président du pôle de compétitivité « Cancer-Bio-Santé » et président de la société Hemodia, a insisté sur les difficultés de financement que rencontrent les petites et moyennes entreprises, Il a considéré que la réforme de la taxe professionnelle n'apporte aucun changement, mais que la progression de la taxe professionnelle, avant la réforme, était très pénalisante. S'agissant des fonds de roulement, les banques se révèlent de plus en plus frileuses, alors même que le projet de normes Bâle 3 va encore accroître les règles de fonds propres qui s'imposent à elles. Il a suggéré que l'État se porte garant pour les établissements bénéficiant d'une cotation « Banque de France » égale à 4 +.

Il a regretté que l'esprit d'entreprise ne soit pas suffisamment présent en France, proposant que tous les étudiants soient amenés à faire au moins un stage en entreprise. La formation est pourtant d'un bon niveau en France : les étudiants arrivant sur le marché du travail ont une bonne culture générale et s'adaptent facilement. La situation est meilleure à Toulouse, où les universitaires se préoccupent réellement des entreprises.

M. Jean-Marie Courcier (directeur de site à la société Bausch et Lomb) a indiqué que sa société, de nationalité américaine, fabrique notamment des implants intra-oculaires. Il a estimé que les enjeux différaient selon les structures :

- les PME indépendants doivent faire face à des difficultés de financement ;

- au sein d'un grand groupe, une unité implantée dans un pays doit faire face à une concurrence au sein même du groupe ; ainsi, une usine française peut être plus productive qu'une usine implantée aux États-Unis, mais elle est pénalisée par une durée de travail moindre et des charges sociales beaucoup plus élevées.

M. Jean-Jacques Mirassou a souligné que la productivité était en effet souvent supérieure en France.

M. Martial Bourquin a rappelé que la France est toujours la première destination au monde pour les investissements directs à l'étranger (IDE).

M. Jean-Marie Courcier a ajouté que les investisseurs reconnaissent le savoir-faire français, mais s'interroge sur les conditions posées par le droit du travail dans notre pays. L'Allemagne a de plus une meilleure image.

M. Bernard Gout , gérant de BG Clinicals, société de services aux entreprises pharmaceutiques, a souligné l'importance, dans le domaine des essais cliniques, de la compétitivité par rapport à des pays tels que l'Afrique du Sud et l'Inde.

M. Jean-Jacques Mirassou s'est étonné que ces pays puissent être compétitifs dans ce domaine malgré leur éloignement.

M. Bernard Gout a précisé que ces pays étaient capables de fournir des produits de qualité, la proximité n'étant plus un impératif.

S'agissant des rapports avec les donneurs d'ordre, il a précisé qu'il est en concurrence permanente avec les autres fournisseurs : le laboratoire adresse en effet ses commandes à des intermédiaires qui eux-mêmes s'adressent à d'autres sociétés, dont la sienne.

M. Michel Mourgues , responsable commercial de Mediware, petite entreprise de douze personnes, a évoqué les difficultés liées à la mise en place des 35 heures. Il a lui aussi regretté le manque de sensibilité entrepreneuriale en France.

Il a précisé que sa société tentait d'accéder aux marchés en participant à l'association d'entreprise BioMedical Alliance, mais que sa petite taille lui fermait la porte auprès de certains donneurs d'ordre.

M. Martial Bourquin, président, s'est enquis du déroulement des appels d'offres.

M. Bernard Gout a confirmé que les donneurs d'ordres préféraient les structures importantes, qui souvent n'ont pas recours aux compétences présentes localement.

M. Eric Perouzel, chargé de la recherche et du développement au sein de Cayla-Invivogen, société de 55 personnes dont beaucoup de PhD, a précisé que le développement de la société avait suivi l'installation d'une filiale aux États-Unis : à produits égaux, l'image de l'entreprise s'est transformée. Les chercheurs sont pourtant nombreux et faciles à recruter en Midi-Pyrénées, qui bénéficie d'un véritable vivier de formation. Ils ne demandent toutefois que des contrats à durée indéterminée, alors que les chercheurs, en Angleterre, acceptent d'autres types de contrats parce qu'ils n'ont pas la même appréhension de l'avenir.

Il a apporté un soutien appuyé au dispositif ducrédit d'impôt recherche (CIR), efficace et simple. Le CIR représente toutefois un effet d'aubaine pour les grands groupes car il porte sur le montant total de la recherche et non sur les évolutions.

Il a enfin précisé qu'un professeur d'université qui souhaite lancer une société aux États-Unis bénéficie d'aides importantes de la part du Gouvernement.

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