Audition de M. Bruno Racine,
président du Haut conseil de l'éducation (HCE)

(1 er février 2011)

M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation (HCE). - Je profite de ma présence parmi vous aujourd'hui pour remercier la Haute Assemblée de l'intérêt qu'elle porte aux missions du Haut conseil de l'éducation (HCE), face aux tentatives répétées de certains membres de l'Assemblée nationale de faire des économies, en supprimant notre instance.

Vous avez eu l'amabilité de me faire passer une liste de questions entrant dans le cadre de ma mission actuelle et je m'appuierai essentiellement sur les travaux du HCE pour y répondre, même si je peux évidemment avoir une opinion personnelle sur un certain nombre des thématiques abordées.

S'agissant de l'organisation administrative et territoriale du système éducatif, nous avons notamment travaillé sur l'école primaire. Nous avons ainsi pu constater qu'un certain nombre de décisions, y compris des décisions fondamentales, n'étaient appliqués que très lentement, voire pas du tout, au sein des établissements scolaires. Nous avions ainsi souligné le décalage entre la décision de créer des cycles, à l'école primaire, et la mise en oeuvre effective de cette politique, laquelle est d'ailleurs toujours inachevée à ce jour. A cet égard, il conviendrait notamment de réfléchir, près de vingt-cinq ans après, à la mise en conformité de la dénomination des classes avec leur positionnement, dans un cycle donné. Le CE1 se situe en effet à la fin d'un cycle, ce qui n'est pas compréhensible à la lecture de sa dénomination. Les délais de production des textes d'application sont en outre parfois extrêmement longs, ce qui concourt à la lenteur du dispositif d'ensemble.

S'agissant de la formation des maîtres, la formation continue n'est pas déterminée par les besoins professionnels des enseignants. La formation initiale a quant à elle connu un certain nombre de bouleversements, au cours des dernières années et l'équilibre reste encore à trouver entre les deux volets de cette formation que sont les compétences disciplinaires, d'une part, et l'apprentissage du métier, d'autre part.

Nous ne pouvons par ailleurs que déplorer l'insuffisance du pilotage de proximité que nous constatons, à l'heure actuelle, au sein de l'éducation nationale. Malgré la réduction récente du nombre d'établissements, il subsiste en effet une grande dispersion des écoles primaires, qui atteint des sommets en zone rurale. Cette dispersion - résultant de l'attachement louable au maintien d'écoles dans des communes peu peuplées - rend néanmoins plus difficiles les échanges entre les maîtres d'un même cycle, la possibilité d'interventions extérieures ou la pratique d'activités collectives ou sportives. Une telle dispersion - la France compte actuellement 7 000 écoles à classe unique sur un total de 56 000 établissements - n'est donc pas toujours favorable aux élèves.

Autre source de dysfonctionnement, - il n'y a pas de véritable statut de directeur d'école primaire : c'est un primus inter pares , qui n'exerce pas d'autorité hiérarchique sur ses collègues, ce qui renvoie à une culture individualiste très prégnante dans ce milieu. Le directeur d'école ne remplit donc pas la plénitude des attributions que l'on pourrait attendre d'une personne occupant un tel niveau de responsabilités.

S'agissant du rôle des inspecteurs de l'éducation nationale, ceux-ci sont très largement absorbés par les nombreuses tâches administratives qu'ils sont censés prendre en charge, au détriment de l'évaluation et de l'animation pédagogiques. Si les écoles primaires avaient un directeur disposant sinon d'une plénitude, tout au moins d'un plus grand degré de responsabilité, il serait logique d'alléger le fardeau des inspecteurs de circonscription d'une partie des tâches leur incombant actuellement.

Sans doute convient-il par ailleurs de souligner qu'il n'existe pas de personnel spécialisé destiné à travailler dans les écoles maternelles, qu'il s'agisse des personnels d'éducation ou des personnels d'inspection. Il est cependant démontré que cette période est déterminante pour la suite de la scolarité des élèves et pour leur intégration en classe de CP, notamment. Il n'existe toutefois aucun bilan d'ensemble de l'école maternelle en France et nous sommes dans le pilotage à l'aveugle, pour un maillon éducatif jouant pourtant un rôle essentiel pour l'avenir de nos enfants.

Dans le rapport que nous avions publié en 2008 sur l'orientation scolaire, nous avions mis en exergue l'extrême complexité et la dispersion des responsabilités. Nous avions alors préconisé que la responsabilité de piloter les missions d'accueil et d'information incombe aux régions.

S'agissant de l'enseignement professionnel, nous avions souligné, dans notre rapport publié il y a un an et demi, que l'organisation actuelle de l'État ne permettait pas la définition d'une politique d'ensemble, ni le contrôle de la qualité de toutes les formations, pas plus que l'évaluation exhaustive de l'ensemble des politiques mises en oeuvre. Si l'éducation nationale est bien le ministère qui délivre le plus grand nombre de diplômes, il n'en a pas l'apanage et il n'existe, à ce stade, aucune coordination entre ces différents ministères, ce qui est évidemment dommageable. Dans le secteur des services à la personne, notamment, il n'existe pas moins de dix diplômes, pour trois ministères, ce qui rend quelque peu confus le paysage global dans lequel les jeunes sont censés s'orienter.

L'enseignement professionnel est un domaine où l'État, les régions et les organisations professionnelles sont tous parties prenantes. Or, ils n'ont pas nécessairement la même approche vis-à-vis des diplômes, de leur évolution et de leur adaptation à l'emploi.

Nous avons prôné le développement du concept de « lycée des métiers », dans la mesure où nous estimons que ce label a plutôt pour conséquence de valoriser l'image du lycée professionnel. Il y est même parfois attaché, d'ailleurs, la notion d'établissement d'excellence, ce qui renforce bien évidemment ce premier aspect. Dans un tel contexte, nous avons suggéré au ministère d'établir un bilan exhaustif de ce type de démarches, étant entendu que cette formule de « lycée des métiers » n'a pas eu partout le même succès et n'a pas entraîné partout non plus l'adhésion systématique du corps enseignant. Sept ou huit ans après la mise en place de ces premières expérimentations, le temps semble en effet venu d'initier un bilan de ce type d'initiatives. Et l'on ne peut que déplorer que l'évaluation interne, faite par le ministère, soit trop souvent absente voire insuffisante.

A noter également que, en dépit de ce que permet la loi du 23 avril 2005, aucun lycée professionnel, à ce stade, n'a désigné un président de son conseil d'administration parmi des personnalités extérieures à l'établissement. C'est regrettable car cette disposition introduite par le législateur avait bien évidemment vocation à être mise en oeuvre.

En 2010, nos travaux sur les collèges nous ont permis de mettre en lumière la nécessité de mettre en oeuvre une nouvelle organisation de cette catégorie d'établissement. Le collège doit en effet permettre aux élèves de bénéficier d'une prise en charge éducative, effective et continue, et ce durant toute la semaine. Or, nous constatons à l'heure actuelle une discontinuité trop importante dans les horaires des collégiens, dont l'emploi du temps comporte trop de temps morts, durant lesquels les élèves sont livrés à eux-mêmes, parfois même en dehors de leurs établissements. Cette recommandation restera toutefois lettre morte si les conditions matérielles d'accueil des élèves ne sont pas remplies dans les établissements concernés. Je pense notamment à une présence plus forte et plus continue des adultes dans ces mêmes établissements, ce qui renvoie notamment à la définition des obligations de service des enseignants.

S'agissant des obstacles rencontrés depuis la loi Fillon de 2005 concernant l'acclimatation du socle commun au sein de l'éducation nationale, M. Luc Chatel a reconnu lui-même, en mars derniers, que la mobilisation sur cet enjeu majeur n'avait pas encore été décrétée. Le ministère a en effet tardé à produire un certain nombre de textes d'application ou d'outils nécessaires, ce qui peut donner le sentiment sinon d'une hésitation, du moins d'une ligne directrice qui a du mal à s'exprimer.

Le socle commun est souvent pris en compte a minima et un certain nombre de choix stratégiques et décisifs ne sont pas faits. Tel qu'il est conçu, le diplôme national du brevet ne peut pas, en effet, certifier les compétences et connaissances reliées à un socle commun, attestées par un livret. Il conviendrait par conséquent de mieux coordonner ce dispositif d'ensemble, en veillant à assurer une meilleure articulation entre le socle commun et l'obtention du brevet des collèges.

En tout état de cause, comme l'affirmait récemment Jacques Gros-Perrin dans un rapport, le socle commun ne pourra devenir une réalité qu'à partir du moment où les enseignants l'intégreront dans leurs pratiques professionnelles. Or, nous en sommes encore loin et force est de constater que le remplissage du livret de compétences, par exemple, est souvent perçu comme une formalité de plus et non comme la résultante du travail pédagogique. Tant que les enseignants n'auront pas intégré cette logique, le socle commun ne restera qu'une « superstructure », totalement déconnectée de la réalité.

La mise en place d'écoles du socle commun, du CP à la 3 e , vise à souligner la nécessaire continuité pédagogique devant s'établir entre l'école primaire et le collège. Pour autant, cette continuité pédagogique ne passe pas nécessairement par une réforme administrative qui ferait du primaire et du collège un établissement unique. Nous ne pouvons que saluer la création, au sein de la direction générale de l'enseignement scolaire, d'une sous-direction du socle commun, dans la mesure où nous y voyons la volonté politique de rendre perceptible cette continuité entre l'école primaire et le collège, tout en faisant de la mise en oeuvre du socle commun une véritable priorité.

S'agissant de l'interdisciplinarité dans les apprentissages, force est de constater que chaque compétence requiert la contribution de plusieurs disciplines. A l'inverse, chaque discipline peut concourir à favoriser l'acquisition de plusieurs compétences. A cet égard, si l'on veut promouvoir la mise en oeuvre pédagogique du socle commun, les professeurs de collège devront travailler de manière plus collégiale. En tout état de cause, il semble important de comprendre que la maîtrise de la langue française, notamment, n'est pas du ressort exclusive du professeur de français mais que chaque enseignant a, dans son domaine, un rôle à jouer en la matière. A noter que ce travail collégial, pour le moins nécessaire, peut aller jusqu'à la conception de projets véritablement pluridisciplinaires.

En principe, le socle commun s'impose - de par la loi - à tous les établissements. Tout projet d'établissement cohérent devrait par conséquent intégrer les prescriptions et les objectifs de ce programme. Nous constatons toutefois, sur le terrain, un cloisonnement et un isolement des enseignants, les uns par rapport aux autres.

Le ministère de l'éducation nationale dispose de beaucoup d'éléments de diagnostic, qu'il convertit ou non en politiques, sur le terrain. Dans le dernier rapport de l'inspection générale, il est notamment indiqué que « les habitudes professionnelles individualistes, résultant de la formation disciplinaire du corps enseignant, constituent un obstacle sérieux à un travail transversal, interdisciplinaire ou tout simplement collégial, tant les cultures professionnelles sont cloisonnées ». En tout état de cause, l'identité professionnelle des enseignants au collège et au lycée se construit autour de la fierté d'appartenance à une discipline, considérée comme un ensemble plus ou moins clos.

L'observatoire des zones prioritaires fait un constat tout à fait similaire et souligne que la principale difficulté qui empêche la conduite d'une action pédagogique préventive, pour contrer l'échec scolaire, provient de « la prégnance d'une culture professionnelle fondée sur le cloisonnement disciplinaire et l'intervention individuelle en cours ».

L'inspection générale doit donc trouver les moyens, sinon de se restructurer, du moins de créer en son sein une manière de surmonter quand il le faut cette tendance au cloisonnement disciplinaire, lequel restera sans cela un frein très fort à la diffusion du socle commun.

Il ne doit pas y avoir, selon moi, d'opposition entre les projets pédagogiques partagés et la liberté individuelle des enseignants. Il a toujours été entendu, en effet, que la liberté pédagogique de l'enseignant s'exerçait dans le respect d'un certain nombre de cadres nationaux (principalement constitués par les programmes et les instructions du ministre).

La question de l'autonomie se pose plutôt au niveau du budget de l'établissement et du recrutement des enseignants qu'au niveau des équipes en poste. Dans notre rapport sur les collèges, nous avons recommandé que les établissements disposent d'une marge d'autonomie dans la répartition de leurs moyens correspondant à 10 % au moins de leur dotation. Pour ce faire, nous avons observé qu'il serait souhaitable que les chefs d'établissements aient une vision exacte du budget de leur établissement, ce qui n'est malheureusement pas le cas à l'heure actuelle. Cela constituerait pourtant le seul moyen de les responsabiliser davantage. A ce titre, il conviendrait de mettre en place un contrat d'objectifs au niveau des recteurs d'académies, afin d'entériner une telle répartition. Nous verrions également d'un très bon oeil la possibilité de procéder à une évaluation, en concertation avec les corps d'inspection.

La mise en oeuvre d'une évaluation externe de certains établissements, par des équipes universitaires, nous semblerait là encore bienvenue. La recherche en sciences de l'éducation a souvent mauvaise presse dans notre pays. Néanmoins, comme les universités ont la charge de la formation des maîtres, il ne serait pas inutile que des équipes universitaires tissent des liens plus étroits avec certains établissements, au premier rang desquels ceux qui se livrent à des politiques un peu audacieuses ou initient les expérimentations les plus innovantes, en vue d'une évaluation aussi objective que possible.

D'ici quelque mois, le Conseil rendra son rapport sur les expérimentations initiées au titre de la loi de 2005. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les données fournies par le ministère en provenance du terrain, dont nous confierons l'exploitation à une équipe universitaire que nous avons recrutée à cette fin.

Nous avons recommandé en outre l'extension du dispositif CLAIR (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite) à des établissements qui n'étaient pas immédiatement catalogués comme difficiles, car nous estimons que ce programme constitue un ferment de dynamisme, pour l'ensemble du corps enseignant.

S'agissant du contenu des programmes nationaux, ceux-ci doivent, selon nous, rester de la compétence de l'État, tout comme le contenu des diplômes nationaux ou les dispositifs d'évaluation.

De toute évidence, les pays qui obtiennent les meilleurs résultats sont ceux qui octroient à leurs établissements de vraies marges de responsabilité, dans l'organisation pédagogique notamment. Cela permet également aux établissements concernés de mieux s'insérer dans le tissu local, en nouant des relations durables avec les collectivités territoriales, les familles et les milieux professionnels. Ceci explique que nous recommandions l'octroi d'une marge d'autonomie encadrée aux établissements, dans le cadre de contrats d'objectifs, négociés et conclus avec le rectorat.

S'agissant des modalités de diffusion d'une culture de l'expérimentation et de l'innovation, au sein des établissements, alors que l'éducation nationale est un système réglementé plus que régulé et peu habitué à l'évaluation, au partage d'expérience et à la remontée d'informations, je souhaiterais attirer votre attention sur un certain nombre de points.

La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) accumule une foule de données considérables et l'autoévaluation est de mise, au sein de l'éducation nationale. Ces évaluations ne donnent pas toujours lieu, toutefois, à la mise en oeuvre de mesures correctrices, sur le terrain.

Comme nous l'avons souligné tant pour l'école primaire que pour le collège, nous sommes convaincus du rôle potentiellement décisif que peut jouer le directeur d'établissement. En tout état de cause, il n'y aura pas d'expérimentation si le chef d'établissement n'est pas convaincu de la pertinence de ce type de dispositifs. D'autant que les expérimentations sont, par essence, génératrices de clivages, qu'il faut pouvoir surmonter dans de bonnes conditions, en créant notamment une relation de confiance, tant avec les parents qu'avec les partenaires extérieurs.

Notons d'ailleurs au passage que les arrêtés de 2006 et de 2010 mettent l'accent sur le travail en équipe et sur la nécessaire coopération avec les partenaires de l'école, qui devraient faire partie du bagage commun de tous les enseignants en poste. La compétence consistant à réfléchir à sa pratique, à se former et à innover devrait également être remise au premier plan. Cela permettrait de faire coïncider la formation professionnelle dont bénéficient les enseignants aux besoins auxquels ceux-ci ont à répondre, au quotidien, lorsqu'ils sont sur le terrain. Si nous estimons que l'expérience du terrain est tout à fait nécessaire dans la formation initiale, nous estimons, dans le même temps, qu'elle ne suffit pas pour apprendre le métier et qu'elle peut même s'apparenter parfois à une épreuve redoutable, si le jeune enseignant n'y a pas été préparé avant son recrutement.

A cet égard, nous avions préconisé la mise en place d'observatoires universitaires des pratiques de l'enseignement, au sein des universités ayant la responsabilité de la formation des maîtres. Cela permettrait en effet de réaliser des évaluations totalement déconnectées du pouvoir de notation dont jouit l'inspection, laquelle est généralement en charge de ce type de missions.

M. Jean-Claude Carle , rapporteur . - Je voudrais saluer le travail qui est le vôtre, au sein du HCE, car pour le Sénat, le Haut Conseil ne s'apparente en rien à un « Comité Théodule », comme j'ai pu le lire dans certains journaux.

Notre système souffre, à n'en pas douter, d'un manque d'évaluations, et celles qui sont réalisées sont partielles voire partiales. Il conviendrait par conséquent de remédier à cet état de fait, en veillant notamment à assurer la bonne coordination de toutes les démarches d'évaluation actuellement mises en oeuvre. A cet égard, plutôt que de créer une nouvelle instance, je me demandais si le HCE ne serait pas à même d'assurer une telle coordination.

Il me semble par ailleurs que la formation des maîtres est tout à fait inadaptée dans l'état actuel des choses. Si la formation disciplinaire est à peu près correcte, il en va en effet tout autrement de la formation au métier d'enseignant, à proprement parler. Faudrait-il envisager une modification de la maquette des masters et/ou un surcroît de mise en situation, jugée aujourd'hui insuffisante ?

La coopération intercommunale des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) ne pourrait-elle pas apporter une réponse à la dispersion trop importante des écoles, en milieu rural notamment ?

Enfin, l'absence de statut de directeur d'école primaire ne résulte-t-elle pas de l'absence de statut juridique pour ce type d'établissement ?

Mme Colette Mélot . - S'agissant de la grande dispersion des écoles sur le territoire national, je voudrais attirer l'attention sur les différences existant entre les écoles situées en milieu rural et celles qui se trouvent en milieu urbain. A cet égard, si je partage l'idée selon laquelle les RPI peuvent contribuer au maintien d'établissements en zone rurale, je m'interroge sur l'existence d'une véritable égalité des chances entre les « écoles des villes » et les « écoles des champs », comme en atteste la disparité des moyens mis à la disposition de ces deux types d'établissements. Les enfants se retrouvent en effet complètement démunis en zones rurales si les parents n'assurent pas le rôle de pourvoyeurs de spectacles et de manifestations culturelles en tous genres. En milieu urbain, ils seront en revanche davantage pris en charge en dehors du cercle familial.

Forte d'un tel constat, j'aimerais savoir s'il serait envisageable de procéder à une évaluation des résultats de la scolarité des élèves domiciliés en milieu rural, d'une part, en milieu urbain, d'autre part, afin de mesurer les écarts d'apprentissage susceptibles de se faire jour entre ces deux catégories d'établissements.

M. Yannick Bodin . - J'aimerais moi aussi que le HCE survive à cette épidémie de suppression de tous les corps intermédiaires et de tous les conseils de la République. Vos travaux nous intéressent en effet beaucoup et il serait dommage que nous n'ayons plus, à notre disposition, que les avis de l'Inspection générale de l'éducation nationale.

S'agissant des écoles primaires, force est de constater qu'il ne serait pas simple d'accorder un même statut à l'ensemble des chefs d'établissements en poste, compte tenu de la disparité des situations, sur le terrain. Quoi de commun, en effet, entre une école de ZEP disposant de 25 classes et une école rurale à classe unique ?

Les inspecteurs d'académie sont théoriquement censés assurer l'animation pédagogique de leur secteur. Néanmoins, ceux-ci ont peu à peu glissé de cette fonction première vers une fonction beaucoup plus administrative et il conviendrait par conséquent de revenir sans plus attendre à ces fondamentaux. Il me semblerait en effet beaucoup plus efficace de redonner une consistance pédagogique à l'inspection générale, plutôt que de songer à réinventer un statut juridique qui ne serait pas adaptable à la disparité des situations des chefs d'établissements, sur le terrain.

Comme nous l'avons déjà indiqué précédemment et comme vous l'avez vous-même affirmé, l'éducation nationale pâtit d'un manque d'évaluation généralisé. J'en veux pour preuve le fait que l'expérimentation initiée il y a maintenant huit ans, sur le lycée des métiers, n'a toujours pas été évaluée à ce jour. Il est par ailleurs problématique que l'on ne trouve pas de personnalités extérieures pour présider les conseils d'administration des lycées professionnels, et ce contrairement à ce qui se pratique assez facilement dans les établissements agricoles ou dans les instituts universitaires de technologie (IUT), notamment.

Si l'on entend assurer la continuité entre l'école élémentaire et le collège, il faut s'attacher à supprimer, avant toute chose, la rupture existant actuellement entre la classe de CM2 et la classe de sixième. Dans la pratique, les élèves de CM2 se retrouvent en effet, du jour au lendemain, dans un établissement dont la structure est celle d'une classe de seconde. Il conviendrait par conséquent de remédier à cet état de fait, en commençant par modifier la dénomination de cette classe, qui deviendrait être « la première année de collège » et non plus « la sixième année de lycée ».

M. Bruno Racine . - Sachez que nous procéderons, au sein du HCE, à une auto-évaluation de notre action, au terme de notre mandat de six années, à la fin 2011.

Les aspects disciplinaires de la formation des maîtres sont traditionnellement ceux qui sont les plus valorisés. A mon sens, si l'on entend revaloriser la formation professionnelle des enseignants, il conviendra effectivement de multiplier les mises en situation, tout en revoyant la maquette des masters de formation. L'un n'ira pas sans l'autre, selon moi, et les universités devront s'impliquer très fortement sur toutes ces questions.

De fait, il n'y a pas d'égalité des chances entre les écoles rurales et les écoles situées en zones urbaines. Aussi avons-nous préconisé, pour notre part, que les fonds collectés dans le cadre du grand emprunt soient alloués à la résorption de la fracture numérique, via l'équipement de tous les élèves de CM2 d'un ordinateur personnel.

Nous avons constaté, au cours de la période récente, qu'à peine la moitié des écoles qui étaient en situation de bénéficier du RPI l'ont effectivement fait, et que très peu d'entre elles ont été capables de positionner un cycle entier dans l'un des établissements regroupés dans ce cadre. A mon sens, si l'on veut donner des chances supplémentaires à ces écoles situées en zones rurales de réussir, il faudra évidemment leur accorder des moyens supplémentaires.

L'éducation nationale compte actuellement 1 300 inspecteurs - chacun d'entre eux ayant en moyenne 300 professeurs des écoles sous sa responsabilité. Les inspecteurs croulent par conséquent sous le poids des tâches administratives qu'ils ont à gérer, lesquelles sont souvent très chronophages, et pourraient très probablement se recentrer sur des tâches plus porteuses de valeur ajoutée, si certaines des responsabilités administratives qu'ils assument actuellement étaient transférées vers les directeurs d'écoles.

En tout état de cause, il conviendrait d'évaluer les expérimentations mises en oeuvre, tant pour ce qui concerne le lycée des métiers qu'au niveau de l'école maternelle, si l'on entend en tirer un certain nombre d'enseignements pour avancer.

Enfin, l'actuelle dénomination des classes, à l'école primaire et au collège, pose effectivement problème, dans la mesure où elle ne correspond en rien aux cycles théoriquement en vigueur.

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