Rapport d'information n° 662 (2010-2011) de MM. Josselin de ROHAN , Jean BESSON , Bernard PIRAS et Yves POZZO di BORGO , fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, déposé le 22 juin 2011

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N° 662

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juin 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) à la suite d'une mission effectuée du 11 au 14 avril 2011 au Brésil ,

Par MM. Josselin de ROHAN, Jean BESSON, Bernard PIRAS et Yves POZZO di BORGO,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Étienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Une délégation de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat s'est rendue au Brésil du 11 au 14 avril 2011. Elle était composée de MM. Josselin de Rohan, président de la commission, Jean Besson, Bernard Piras et Yves Pozzo di Borgo.

L'objet principal de ce déplacement était double.

Il s'agissait tout d'abord d'apprécier la situation du Brésil quelques mois après l'entrée en fonction de sa nouvelle présidente, Dilma Rousseff, en s'intéressant plus particulièrement à la place croissante que ce grand pays est appelé à occuper sur la scène internationale, du fait de son développement économique rapide et de sa diplomatie très active.

Ce déplacement visait également à évaluer la mise en oeuvre de l'un des volets majeurs du partenariat stratégique franco-brésilien : les relations dans le domaine de la défense et de l'armement.

La délégation a effectué une visite au salon aéronautique et spatial latino-américain (LAAD) qui se tenait à Barra da Tijuca et auquel participaient près de 35 sociétés françaises. A cette occasion, elle a pu rencontrer le ministre de la défense du Brésil, M. Nelson Jobim, ainsi que les chefs d'état-major militaires.

La délégation s'est ensuite rendue à Brasilia où elle a également abordé les questions de défense, et aussi plus largement les dossiers de politique internationale, à travers des contacts au Sénat, à la Chambre des députés, à la Présidence de la République et au ministère des relations extérieures.

Enfin, plusieurs entretiens ont permis d'évoquer les relations transfrontalières entre le Brésil et la France, en particulier la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane.

Tout au long de ce séjour, la délégation a bénéficié des éclairages très précieux de l'ambassadeur de France au Brésil, M. Yves Saint-Geours, et de l'ensemble de ses collaborateurs, auxquels elle adresse ses remerciements les plus vifs.

Le présent rapport d'information rend compte des éléments recueillis au cours de cette visite. Il les regroupe en quatre parties :

- une brève présentation générale de la situation du Brésil à l'amorce de la présidence de Dilma Rousseff ;

- une analyse des principales caractéristiques de la politique étrangère de Brésil, en tentant de déceler les continuités et les inflexions par rapport aux années de la présidence Lula ;

- une présentation des profondes évolutions intervenues ces dernières années dans la politique de défense du Brésil, avec la volonté de mettre en place une organisation plus efficace et des moyens plus modernes, le tout s'appuyant sur une stratégie nationale mieux définie et comportant un important volet industriel ; c'est dans ce cadre que les relations franco-brésiliennes dans le domaine de l'armement ont connu un fort développement ces dernières années ;

- enfin, une évocation des problématiques transfrontalières, qui constituent une spécificité de nos relations bilatérales.

I. LE BRÉSIL À L'AMORCE DE LA PRÉSIDENCE DE DILMA ROUSSEFF

A. UNE PUISSANCE MONTANTE DANS LE NOUVEAU PAYSAGE MONDIAL

Il paraît nécessaire de rappeler, même si elles sont bien connues, les raisons qui font aujourd'hui du Brésil une puissance émergente. Par sa superficie, sa population, ses ressources naturelles et son dynamisme économique, il fait incontestablement partie des tous premiers pays qui pèseront de plus en plus à l'échelle mondiale dans les années à venir.

1. Les ressorts de l'émergence du Brésil

Le Brésil fait partie des géants mondiaux par sa superficie, la 5 ème au monde, avec 8,5 millions de km², soit quinze fois la France et deux fois l'Union européenne. Transposée à l'Europe, l'étendue du Brésil couvrirait un espace allant de la Suède au Tchad, et de l'Islande à la mer Noire.

C'est aussi un géant par sa population qui le place ici encore au 5 ème rang mondial, avec 191 millions d'habitants.

Enfin, le Brésil se hisse également parmi les toutes premières économies mondiales. Son PIB atteint 1 600 milliards de dollars et se situe en 2010 au 7 ème rang mondial, après avoir dépassé la Russie puis l'Italie. Les économistes considèrent qu'il pourrait accéder au 5 ème rang d'ici cinq ans, devant le Royaume-Uni et la France.

Cinq grandes séries de facteurs entretiennent cette dynamique positive.

Le « bonus démographique » brésilien

Le Brésil bénéficie aujourd'hui d'un véritable « bonus démographique », grâce à une population active plus nombreuse, dont le niveau de vie s'élève .

Avec un âge moyen de 29 ans, la population active dépasse désormais celle des inactifs et l'on compte 3,8 actifs pour une personne de plus de 60 ans. Le nombre d'actifs vient de dépasser celui des inactifs.

Cette situation favorable pour la production comme pour la consommation va perdurer pendant une trentaine d'années au moins.

La société brésilienne demeure certes très inégalitaire. Les écarts de revenus sont considérables, 20 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, et 5 % avec moins de un dollar par jour. Mais durant les huit années de la présidence Lula, 30 millions de personnes sont sorties de l'extrême pauvreté. Le taux de chômage, supérieur à 11 % en 2003, s'établit aujourd'hui autour de 6,5 %, ce qui place le Brésil dans une situation proche du plein emploi.

La classe moyenne représente désormais plus de la moitié de la population, soit 92 millions de personnes. L'expansion du marché intérieur et la vigueur de la demande ouvrent donc des perspectives de croissance soutenue et durable.

D'abondantes ressources naturelles et énergétiques

Le Brésil peut compter sur d'abondantes ressources naturelles et énergétiques.

Depuis 2006, il est autosuffisant en produits pétroliers . Il deviendra exportateur grâce à l'exploitation de vastes gisements off-shore sur son plateau continental. Situé aujourd'hui au 13 ème rang des pays producteurs, certaines projections le placent au 6 ème rang 1 ( * ) à l'horizon 2030.

Ces perspectives s'appuient sur la découverte, au milieu de la dernière décennie, d'immenses gisements dits « ante-salifères » , comme le champ pétrolifère et gazier de Tupi, découvert à l'automne 2007 situé au large de la baie de Santos, à 200 km des côtes au sud de Rio de Janeiro. Enfoui à 6 000 m de profondeur, sous 2 000 m d'eau et 2 000 m de sel, il contiendrait de 5 à 8 milliards de barils et augmenterait de 50 % les réserves prouvées du pays.

Le Brésil entend doubler sa production d'huile et de gaz dans les dix ans à venir, et devenir ainsi exportateur. L'activité d'exploration et de production pétrolière a attiré plus de 30 compagnies étrangères ou nationales qui opèrent principalement dans la baie de Campos. Toutefois, la compagnie nationale Petrobras reste l'opérateur principal pour la mise en valeur de ces gisements. Petrobras a arrêté un ambitieux plan d'investissement de 224 milliards de dollars sur la période 2010-2014 et a procédé à cet effet il y a quelques mois à une augmentation de capital de 70 milliards de dollars. Grâce aux gisements ante-salifères, Petrobras pourrait devenir l'une des premières compagnies pétrolières mondiales. Les perspectives de l'exploitation pétrolière ont également entrainé un renouveau de la construction navale dédiée à l'activité off-shore .

Sur le modèle norvégien, le Brésil envisage la constitution de fonds de réserve lui permettant de réinvestir les bénéfices pétroliers dans ses programmes économiques et sociaux.

Le Brésil dispose aussi de nombreuses ressources minières . Le groupe brésilien Vale est la deuxième compagnie minière au niveau mondial, la première pour la production du minerai de fer (plus de 250 millions de tonnes) et le nickel. Le Brésil est le 2 ème producteur mondial de bauxite.

Autosuffisant en produits pétroliers, le Brésil l'est aussi en matière électrique, assurant plus de 80 % de ses besoins en électricité grâce à l' énergie hydraulique . Le barrage d'Itaipu, sur le fleuve Parana, est le deuxième au monde, après celui des Trois-Gorges, en Chine, et le Brésil représente à lui seul 12 % des réserves hydriques mondiales.

Ce potentiel hydroélectrique incomparable n'empêche pas le Brésil, 6 èmes détenteur mondial des réserves d'uranium, de disposer également d'un programme électronucléaire . Deux réacteurs nucléaires sont en fonctionnement sur le site d'Angra, près de Rio-de-Janeiro, est un troisième est en cours de construction. Quatre autres centrales étaient planifiées à l'horizon 2030 : deux dans la région Rio/São Paulo et deux dans le Nordeste. Aujourd'hui, le nucléaire représente 3 % des besoins en électricité (1,5 % des besoins énergétiques), mais cette proportion pourrait augmenter si le programme de développement du parc de centrales est confirmé.

Une grande puissance agroalimentaire

Le Brésil est aussi une grande puissance agroalimentaire. C'est le 3 ème producteur agricole mondial.

Sa balance agricole affiche un excédent de 63 milliards de dollars en 2010.

Le Brésil figure parmi les premiers producteurs mondiaux pour le café, le jus d'orange, le sucre, le viande, le soja, les poulets ...

C'est aussi le 1 er exportateur mondial de biocarburants .

Des groupes industriels de dimension mondiale

Le Brésil n'est pas dépourvu d'atouts industriels, avec de grands groupes biens positionnés au plan mondial, dans des domaines où l'offre est durablement inférieure à la demande.

Outre Pétrobras et Vale, déjà cités, il faut mentionner Embraer, troisième avionner mondial.

Le Brésil est au 8 ème rang mondial pour la sidérurgie, notamment avec le groupe Gerdau qui emploie 46.000 personnes et qui est présent dans 14 pays sur trois continents.

Le Brésil compte aussi des groupes de taille significative dans l'industrie agroalimentaire.

Ces groupes contribuent à l'excédent commercial brésilien qui atteint aujourd'hui environ 15 milliards d'euros.

La continuité d'une politique économique axée sur la préservation des grands équilibres

Le Brésil engrange les bénéfices de la continuité de sa politique économique et du consensus établi depuis plusieurs années sur la nécessité de préserver les grands équilibres en réduisant l'endettement public, en maîtrisant l'inflation, en attirant les capitaux étrangers et en renforçant les investissements publics dans de grands programmes d'infrastructure. Ces derniers font l'objet d'un « plan d'accélération de la croissance », représentant plus de 240 milliards d'euros sur quatre ans, dont le président Lula avait confié la conduite à Dilma Rousseff.

En 2005, le Brésil a remboursé par anticipation ses dettes envers le FMI et le Club de Paris.

Il dispose aujourd'hui de plus de 260 milliards de dollars de réserves de changes.

2. Des vulnérabilités persistantes

Le Brésil n'a que modérément ressenti les effets de la crise mondiale, avec une croissance légèrement négative de 0,6 % en 2009 suivie d'un regain de 7,5 % en 2010. D'ici 2015, les prévisions tablent sur un rythme de croissance de l'ordre de 5 % par an , qui n'est pas le plus élevé des pays émergents, mais qui reste néanmoins très soutenu.

Ces perspectives - et les atouts fondamentaux précédemment rappelés - ne doivent pas masquer certaines vulnérabilités persistantes.

Au plan conjoncturel, l'économie brésilienne est confrontée à de fortes tensions inflationnistes et des taux d'intérêt très élevés .

L'inflation, qui n'était que de 3,6 % en 2006, a atteint 6,2 % en 2010.

Face aux risques de surchauffe, les taux d'intérêt ont dépassé 12 % ce printemps, soit un taux d'intérêt réel de près de 6 %.

Ces taux élevés renforcent l'attractivité du Brésil pour les capitaux étrangers et contribuent à la surévaluation de la monnaie brésilienne , le real, qui serait au moins de l'ordre de 25 % selon le FMI. La parité du real handicape les exportations - avec une chute des exportations de produits transformés - et freine le développement des industries locales.

Si le Brésil est toujours en situation d'excédent commercial, il le doit de plus en plus aux exportations des matières premières et se trouve ainsi plus exposé à d'éventuelles variations des cours.

A ces difficultés d'ordre conjoncturel s'ajoutent d'autres faiblesses structurelles.

Si la pauvreté a reculé, le Brésil demeure marqué par de très fortes inégalités , que ce soit en termes de revenus, d'accès à l'éducation ou de disparités régionales.

L'émergence d'une classe moyenne est une réalité, mais les favelas le sont aussi et le défi de la cohésion sociale reste pour le Brésil l'un des plus importants à relever.

La criminalité et le crime organisé restent l'une des plaies des grands centres urbains brésiliens. Le taux d'homicides est vingt-cinq fois plus élevé qu'en France 2 ( * ) .

En dépit d'un effort d'investissement notable, les besoins demeurent considérables dans le domaine des infrastructures et de la satisfaction des besoins collectifs dans la santé, l'éducation, le logement ou les transports.

Enfin, la productivité de l'économie pourrait être meilleure sans une certaine lourdeur du cadre légal et des procédures bureaucratiques.

B. LES PRIORITÉS DE LA NOUVELLE PRÉSIDENCE

C'est dans le contexte d'un bilan largement positif des « années Lula », mais aussi de certaines craintes de surchauffe, que la nouvelle présidente, Dilma Rousseff , a été élue fin octobre 2010 avec 56 % des voix , avant de prendre ses fonctions le 1 er janvier 2011.

La nouvelle présidente dispose d'une large majorité parlementaire , tant au Sénat qu'à la Chambre des députés.

Toutefois, le Parti des travailleurs , dont elle est issue, comme Lula, est lui-même minoritaire au sein d'une coalition d'une dizaine d'autres partis de gauche et de centre gauche.

Passé sous la présidence Lula de la gauche radicale à la gauche modérée, le Parti des travailleurs doit compter avec ses partenaires du Parti du Mouvement démocratique brésilien (PMDB), premier parti au Sénat et deuxième parti à la Chambre des députés, du Parti socialiste brésilien (PSB), du Parti radical (PR) et du Parti démocrate travailliste (PDT).

Si la majorité rassemble 62 des 81 sénateurs et 373 des 513 députés, le Parti des travailleurs ne compte que 14 sénateurs et 88 députés.

Le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), de centre-droit, est le principal parti d'opposition.

Le maintien de la cohésion de cette coalition est l'un des enjeux de politique intérieure du mandat de Dilma Rousseff.

Dilma Rousseff a été durant cinq ans la plus proche collaboratrice du président Lula. Ministre des mines et de l'énergie, elle a ensuite pris la tête de la « Casa civil », l'équivalent des services du Premier ministre en France. C'est une économiste, au profil de technicienne, mais chacun s'accorde à dire que dès ses premiers mois de mandat, elle s'est pleinement investie de sa nouvelle fonction, s'émancipant de son prédécesseur et imposant sa propre marque.

Dilma Rousseff accorde très clairement la priorité aux problèmes intérieurs , et en tout premier lieu à la consolidation de l'économie brésilienne et de ses perspectives de croissance.

Afin d'enrayer le risque de surchauffe inflationniste, sa première décision aura été d'arrêter un plan d'économies de 30 milliards de dollars , soit 1,2 % du PIB.

Ces coupes budgétaires épargnent les programmes sociaux , la lutte contre la pauvreté restant la priorité de la politique gouvernementale. Au contraire, l'une des mesures emblématiques de la présidence Lula, la bolsa familia , qui consiste à verser une allocation mensuelle de l'ordre de 20 euros aux 12 millions de familles les plus pauvres satisfaisant aux obligations de scolarisation et de vaccination des enfants, a bénéficié d'une réévaluation de 19%. Dans le même ordre d'idée, une augmentation du salaire minimum a été programmée pour les quatre prochaines années.

La nouvelle présidente a pris pour devise de son mandat : « un pays riche est un pays sans pauvreté », marquant bien sa volonté de redistribuer vers les plus modestes une partie des bénéfices du développement économique.

Les économies n'affecteront pas non plus les grands travaux d'infrastructure et les programmes de construction de logements , dans la lignée du programme d'accélération de la croissance lancé par Lula en 2007, pour lequel 180 milliards d'euros ont été engagés entre 2007 et 2010 dans les domaines de l'énergie, des transports, du logement ou de l'assainissement. La deuxième tranche du plan d'accélération de la croissance, qui couvre les quatre années 2011-2014 (PAC 2) bénéficiera de 415 milliards d'euros d'investissement.

Ce freinage des dépenses publiques s'efforce donc de ne pas fragiliser les ressorts de la croissance que sont la consommation des classes moyennes et les investissements nécessaires au développement économique.

II. CONTINUITÉS ET INFLEXIONS EN POLITIQUE ÉTRANGÈRE

A. UNE CONSOLIDATION DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE LULA

La délégation a consacré plusieurs de ses entretiens à Brasilia, notamment au ministère des affaires étrangères et à la Présidence de la République, aux questions de politique internationale.

La politique étrangère du Brésil a pris une nouvelle dimension sous la présidence Lula. L'intégration régionale en reste un axe fondamental. Mais Lula s'est surtout fortement investi dans la construction d'une véritable stature internationale pour son pays, à travers la multiplication des contacts et des partenariats avec les pays du Sud et un rôle actif dans le G20. L'accession au statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies constitue plus que jamais un objectif majeur de la diplomatie brésilienne.

Devant la délégation, M. Guilherme Patriota, conseiller diplomatique adjoint à la Présidence de la République, a estimé que la politique étrangère brésilienne entrait désormais dans une « période de consolidation », après huit années extrêmement actives au plan international . On peut en déduire que la nouvelle présidente s'inscrira dans les lignes directrices établies par son prédécesseur, ce qui ne signifie pas qu'elle renoncera à imprimer sa marque.

Dilma Rousseff accorde clairement la priorité aux questions économiques , à la résorption de la pauvreté et à la poursuite d'un développement équilibré.

Ce développement sera plus que jamais l'un des principaux vecteurs de l'affirmation croissante du Brésil au plan international, tout comme un déterminant important de sa politique étrangère .

Dès ses premières semaines de présidence, Dilma Rousseff a en effet mis les questions économiques au premier plan des discussions avec les grands partenaires du Brésil que sont les Etats-Unis ou la Chine, qu'il s'agisse des parités monétaires, car les sous-évaluations du dollar et du yuan pénalisent les exportations brésiliennes, ou de l'accès des produits brésiliens au marché nord-américain.

Sur un autre registre, M. Guilherme Patriota a également précisé à la délégation que les questions énergétiques joueraient un rôle croissant dans les relations extérieures du Brésil. Celui-ci souhaite nouer des partenariats internationaux pour financer les investissements indispensables à l'exploitation des gisements pétroliers off-shore , situés à plus de 2 000 mètres de profondeur.

Outre ces préoccupations économiques marquées, Dilma Rousseff a également souhaité donner un relief particulier au thème des droits de l'homme , auquel elle est particulièrement attachée du fait de son expérience personnelle, puisqu'elle a été arrêtée et torturée durant la période de la dictature.

Il s'agit là sans doute d'une inflexion importante, par rapport à son prédécesseur, moins engagé sur cette question au nom du principe de non-ingérence. La première illustration en a été donnée fin mars 2011, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, lorsque le Brésil a voté en faveur de la nomination d'un rapporteur spécial sur l'Iran, alors qu'il s'était jusqu'alors montré beaucoup plus conciliant avec Téhéran.

Au-delà de ces premières observations sur les débuts mois de la nouvelle présidence, la politique étrangère du Brésil devrait témoigner d'une grande continuité, en s'appuyant sur les acquis de la présidence Lula.

B. L'INTÉGRATION RÉGIONALE : AXE FONDAMENTAL DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE BRÉSILIENNE

1. Un rôle actif dans la marche vers un continent plus organisé et plus soudé

Le premier axe fondamental de la politique étrangère du Brésil, qui est également le plus ancien, reste la promotion de l'intégration régionale.

Cette intégration régionale relève aujourd'hui davantage du discours et du projet que de la réalité concrète. Les organisations régionales se sont multipliées sur le continent américain, avec des résultats limités au plan politique, en raison des divergences notables de points de vues entre les gouvernements, et encore moins tangibles au plan économique.

Le Brésil est membre de plusieurs organisations, allant du Mercosur, marché commun qu'il a institué avec l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay, à l'Organisation des Etats américains, qui regroupe tous les Etats d'Amérique du Sud, d'Amérique centrale et d'Amérique du Nord.

Le Mercosur , fondé en 1991 par le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Urugay constitue sans doute la forme la plus approfondie d'intégration régionale, puisqu'il a vocation à établir la libre circulation des biens et des services, à rapprocher les politiques économiques et à harmoniser les législations des Etats membres. Il s'est récemment doté d'un Haut représentant et s'efforce de renforcer les mécanismes d'intégration. Le Venezuela a vocation à devenir le cinquième pays membre du Mercosur. Il a signé un protocole d'adhésion en 2006 mais sa pleine participation est suspendue à l'approbation du Parlement paraguayen, plusieurs fois repoussée.

Au cours de ces dernières années, et par delà les aléas qu'ont pu connaître ces différentes organisations, le Brésil a poursuivi deux objectifs avec une grande constance.

Le premier a été de contenir l'influence des Etats-Unis en Amérique latine, notamment au plan économique. A ce titre, le Brésil a joué un grand rôle dans l'échec du projet de zone de libre-échange des Amériques, qu'il jugeait trop favorable aux intérêts de Washington. Cela n'empêche pas les deux pays de chercher à trouver, à titre bilatéral, des terrains d'intérêt mutuel.

Le deuxième objectif aura été de rendre plus cohérente l'organisation politique des pays latino-américains, en jouant un rôle fédérateur, en s'affirmant progressivement comme leur porte-parole naturel et en veillant à ne pas donner prise, à son tour, à des accusations d'hégémonie. On peut souligner que l'attention portée à la dimension régionale constitue une originalité de la politique extérieure du Brésil, au regard de celle des autres « grands émergents » que sont la Chine et l'Inde.

Ces efforts trouvent leur traduction dans le traité signé en 2008 à Brasilia instituant une Union des Nations d'Amérique du Sud, l' UNASUR , englobant tous les pays du sous-continent, dans lequel le Brésil voit surtout un instrument de stabilité régionale et une enceinte de coopération sur des thèmes d'intérêt commun tant économiques, politiques que sociaux. Il faut souligner que dans le cadre de l'UNASUR a été mis en place un Conseil sud-américain de défense, organe de consultation, de coopération et de coordination en matière de défense destiné à faciliter des coopérations opérationnelles et à renforcer la confiance entre les pays membres.

Le Brésil a également contribué à la constitution prochaine de la Communauté des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes ( CELAC ) qui réunira tous les Etats d'Amérique excepté les Etats-Unis et le Canada.

Ces organisations constitueront avant tout des forums politiques. Leur degré d'intégration restera limité.

Il est sans doute encore prématuré de parler de véritable leadership régional pour le Brésil, d'autant qu'il récuse lui-même cette notion. Les limites de son influence sont apparues lorsqu'il a tenté d'arbitrer certains conflits, par exemple entre le Venezuela et la Colombie.

Force est de constater cependant que le Brésil est parvenu à désarmer une grande partie des préventions qui pouvaient s'exprimer à son encontre. Il entend également démontrer que son statut de géant économique en devenir n'exclut pas une certaine solidarité continentale.

Lors de l'entretien qu'il a accordé à la délégation, M. Guilherme Patriota a souligné la « vision généreuse » que le Brésil avait de ses relations avec les pays voisins. Ainsi, le Sénat brésilien vient de ratifier un traité qui donne en partie satisfaction à une vieille revendication du Paraguay sur les bénéfices du barrage d'Itaipu, frontalier entre les deux pays. Le Paraguay va pouvoir tripler le prix auquel il revend au Brésil une partie de l'électricité produite par ce barrage.

2. Une relation ambivalente avec les Etats-Unis

Si le Brésil cherche à fédérer les pays d'Amérique latine pour faire contrepoids à l'influence américaine, et si les divergences politiques n'ont pas manqué ces dernières années avec les Etats-Unis, par exemple sur le projet d'implantations militaires américaines en Colombie ou sur le dossier du nucléaire iranien, les deux pays sont naturellement voués à entretenir des relations étroites.

Les relations bilatérales oscillent donc entre une volonté commune de coopération et des crises ou des tensions régulières liées à des divergences politiques ou en matière économique.

Les Etats-Unis reconnaissent le Brésil comme puissance régionale et globale. Ils témoignent un intérêt marqué pour un renforcement de la coopération économique et souhaitent que le Brésil devienne un partenaire stratégique en matière d'approvisionnements pétrolier et de développement des biocarburants. Lors de la visite du Président Obama au Brésil en mars 2011, pas moins de dix accords ont été signés.

Le Brésil souhaite pour sa part un meilleur accès au marché américain, avec la levée de certaines barrières douanières sur des produits tels que l'éthanol, la viande bovine, le coton, le jus d'orange ou l'acier. Il se considère également pénalisé par la sous-évaluation du dollar.

C. VERS UNE DIPLOMATIE À VOCATION MONDIALE

L'un des faits marquant de la présidence Lula aura été de dépasser l'horizon régional traditionnel pour déployer une diplomatie à vocation mondiale. Cette orientation se traduit par le resserrement des liens avec les grands pays émergents, par une intensification des actions diplomatiques hors des zones d'intérêt traditionnelles, par exemple le Moyen-Orient, et par des prises de position plus affirmées sur la gouvernance mondiale et les grands dossiers internationaux, en cohérence avec l'aspiration à des responsabilités internationales renforcées, et en premier lieu un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

Très active ces dernières années, la diplomatie brésilienne prend cependant soin de ne pas paraître pêcher par excès d'ambition. Dans un récent entretien 3 ( * ) , le conseiller diplomatique de Mme Rousseff précisait que le Brésil n'entendait pas mener une diplomatie globale comparable à celle des Etats-Unis et avait « simplement essayé, à certains moments, de prendre des initiatives sur des questions qui n'avaient jamais été au coeur de la politique étrangère brésilienne », comme le Moyen-Orient, tout en ayant « recommencé à agir sur certains fronts qui avaient été délaissés », comme l'Afrique.

1. La multiplication des partenariats

La recherche de partenariats hors du continent américain a pris une ampleur nouvelle au cours de ces dernières années.

Les relations avec les « grands émergents » : les BRICS et l'IBAS

L'acronyme « BRIC », regroupant le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, a été « inventé » par un économiste de la banque Goldman-Sachs en 2001. Les dirigeants brésiliens ne manquent pas de le rappeler, en soulignant que le concept utilisé par les analystes ne revêt pas nécessairement une réalité politique.

Pourtant, les BRIC se sont réellement constitués en forum politique de consultation à Ekaterinbourg en juin 2009, et lors de leur dernier sommet tenu à Sanya, en Chine, au mois d'avril 2011, en présence de Dilma Rousseff, ils ont accueilli un cinquième membre, l'Afrique du Sud, devenant désormais le groupe des BRICS .

Ces cinq pays ont en commun leur croissance économique soutenue, le poids de plus en plus important qu'ils représentent dans l'économie mondiale et leur volonté affichée de refonder l'ordre international en faveur des grands pays émergents.

Ils peuvent se retrouver sur des convergences ponctuelles et peser sur certains débats.

Mais on peut se demander si, au sein de ce groupe, les intérêts divergents ne sont pas plus forts que le désir affiché de coopération.

Ainsi, le modèle économique brésilien diffère profondément de celui de la Chine, et l'expansion des échanges entre les deux pays s'effectue de manière déséquilibrée au détriment du Brésil. La croissance russe s'appuie largement sur l'exportation d'hydrocarbures et de matières premières.

De même, la coordination politique systématique entre les BRICS aux nations unies ne semble pas à l'ordre du jour.

On peut remarquer que lors du sommet des BRICS d'avril 2011, Dilma Rousseff n'a pas obtenu la moindre avancée sur le cours du yuan, alors qu'elle faisait de cette question l'un des points majeurs de ses préoccupations à l'égard de la Chine.

La relation Brésil-Chine est en effet marquée par la combinaison d'une interdépendance croissante et d'une vive concurrence.

De 2000 à 2008, les exportations du Brésil vers la Chine ont été multipliées par quinze en valeur. Le commerce bilatéral est passé de 2 milliards de dollars en 2000, à 56 milliards de dollars en 2010. Cette même année 2010, la Chine est devenue le 1 er partenaire du Brésil, avant les Etats-Unis.

Toutefois, ces échanges apparaissent de plus en plus déséquilibrés. Plus de 80 % des exportations brésiliennes proviennent de trois produits : le pétrole, le fer et le soja. L'industrie brésilienne se sent menacée par l'invasion de produits chinois à bas coûts et se plaint de ne pouvoir accéder au marché chinois.

De même, les autorités brésiliennes manifestent une certaine préoccupation face au flux soutenu des investissements chinois au Brésil, dans des secteurs comme l'agriculture, les mines ou le pétrole.

Au sein des BRICS, le Brésil et la Chine apparaissent ainsi tout autant partenaires que concurrents.

On peut relever qu'avant l'institutionnalisation des BRICS, le Brésil avait participé à la création en 2006, avec l'Inde et l'Afrique du Sud, du forum IBAS . Sans doute ce groupe est-il porteur de convergences plus fortes, notamment au plan politique.

Le renforcement des relations sud-sud

Le président Lula a voulu faire de l' Afrique l'une des priorités de sa politique étrangère. L'une des manifestations les plus visibles de cette orientation aura été l'ouverture de 18 ambassades brésiliennes dans des pays africains en 2 ans.

La politique africaine du Brésil possède des fondements anciens, au-delà des relations traditionnelles avec les pays lusophones. Lula a souhaité la relancer pour renforcer la cohésion interne de la société brésilienne, en valorisant l'héritage africain du Brésil, qui compte 76 millions d'afro-brésiliens, pour assoir la légitimité de son pays comme acteur international global et pour offrir de nouveaux débouchés aux produits brésiliens. Ainsi, de 2000 à 2007, le volume des exportations brésiliennes vers l'Afrique a été multiplié par six, les investissements brésiliens en Afrique s'étant élevés à 10 milliards de dollars en 2009, notamment au travers des grands groupes pétroliers et miniers.

Ces objectifs économiques s'accompagnent d'une politique d'aide au développement mettant l'accent sur l'expertise brésilienne en matière de développement agricole en zone tropicale.

Le Brésil a également cherché à développer ses relations avec le monde arabe et le Moyen-Orient . Il a oeuvré à la réunion de sommets entre les pays sud-américains et ceux de la Ligue arabe.

Le Brésil a reconnu l'Etat palestinien fin 2010.

Il a noué une relation forte avec le Liban et il s'est rapproché de la Turquie.

Brasilia et Ankara ont pris en 2010 une initiative commune sur le dossier nucléaire iranien, qui a toutefois été contestée par les pays occidentaux et prise en porte-à-faux par le vote de la résolution 1929 du Conseil de sécurité des Nations unies, en juin 2010.

Il y a dans cette politique active en faveur des liens sud-sud des motivations politiques : accroître l'influence du Brésil et contrebalancer celle des grandes puissances occidentales. Il y a également un objectif commercial, puisque 56 % des exportations brésiliennes vont vers des pays émergents ou en développement.

2. L'aspiration à un statut international de premier plan

Le Brésil a gagné ces dernières années une stature internationale plus affirmée.

Il joue un rôle actif au sein du G20, où son intérêt se porte sur la réforme du système monétaire international et sur la stabilité des changes, sur les questions de développement et de protection sociale.

Il possède un siège d'administrateur au FMI.

Il prend également une part majeure aux discussions internationales en matière d'environnement, comme lors de la conférence de Copenhague sur le climat, ou sur le thème de la sécurité alimentaire auquel il attache une importance particulière.

L'obtention d'un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies demeure un des objectifs fondamentaux du Brésil, qui s'est associé avec l'Inde, l'Allemagne et le Japon au sein du G4. La France et le Royaume-Uni ont soutenu cette démarche qui heurte cependant les intérêts d'autres pays, d'où un enlisement de la réforme de l'ONU.

Les pays du G4 ont proposé d'élargir le Conseil de sécurité de 15 à 25 membres, avec la création de 6 nouveaux sièges permanents sans droit de veto et 4 nouveaux sièges non permanents. Outre l'Inde, l'Allemagne, le Japon et le Brésil, deux sièges permanents seraient attribués à des pays africains.

Les pays rassemblés au sein du groupe « Unis pour le consensus », en particulier l'Italie, le Pakistan, l'Argentine et le Mexique, s'opposent à la création de nouveaux sièges permanents. Ils souhaitent eux aussi un Conseil de sécurité élargi à 25 membres, mais uniquement par la création de 10 nouveaux sièges non permanents.

Enfin, le groupe des pays africains souhaite deux nouveaux sièges permanents avec droit de veto et deux nouveaux sièges non permanents pour l'Afrique.

Face au blocage des discussions, la France et le Royaume-Uni ont proposé une réforme intérimaire portant, dans un premier temps, sur la création de nouveaux sièges pourvus d'un mandat plus long que les actuels sièges non permanents. Ce n'est que dans un second temps, à l'issue d'une phase intérimaire, que serait décidée l'éventuelle transformation de ces nouveaux sièges en sièges permanents.

Le Brésil appuie sa demande de siège permanent sur la non-représentativité du Conseil de sécurité dans sa composition actuelle, et sur la nécessité d'une assise plus large pour renforcer sa légitimité et son efficacité.

Lors de sa visite au Brésil, au mois de mars 2011, le président Obama n'a pas clairement soutenu cette revendication, alors qu'il l'avait fait pour l'Inde, le communiqué officiel indiquant simplement, dans une formulation ambigüe, son « appréciation pour la candidature brésilienne ». Pour des raisons inverses, la Chine, hostile à l'arrivée de l'Inde au Conseil de sécurité, ne s'est pas clairement prononcée sur la demande du Brésil.

En développant son activité diplomatique sur tous les continents, le Brésil souhaite évidemment démontrer la légitimité de sa revendication. Dans le même esprit, il contribue traditionnellement aux opérations de maintien de la paix de l'ONU . Il assure le commandement de la mission des Nations unies en Haïti. Depuis février, il a également pris le commandement de la composante maritime de la FINUL au Liban.

L'entretien de la délégation à la Présidence de la République a toutefois montré que tout en souhaitant assumer de plus larges responsabilités internationales, le Brésil reste très critique à l'égard de ce qu'il considère être un interventionnisme excessif des grandes puissances occidentales .

Son intervention, avec la Turquie, sur le dossier nucléaire iranien , au moment où Téhéran avait annoncé devoir produire de l'uranium enrichi à 20 % pour alimenter son réacteur de recherche destiné à des applications médicales, a alimenté les reproches réciproques.

Un accord tripartite a été conclu en mai 2010, selon lequel l'Iran remettrait à la Turquie son stock d'uranium enrichi à 3,5 % produit par les centrifugeuses de Natanz et recevrait en échange 120 kg d'uranium enrichi à 20 % pour le réacteur de recherche de Téhéran. Toutefois, cette proposition n'impliquait pas l'arrêt des activités d'enrichissement en Iran, proscrit par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. De ce fait, elle n'a pas été jugée recevable par les principaux membres du Conseil de sécurité qui adoptait quelques jours plus tard, le 9 juin 2010, la résolution 1929 prévoyant un nouveau train de sanction. Cette résolution, soutenue par les cinq membres permanents, a été adoptée par 12 voix contre deux - celles du Brésil et de la Turquie - et une abstention, celle du Liban.

Ce vote, qui a été ressenti comme un camouflet par le Brésil, a montré les limites des initiatives de sa diplomatie sur un sujet comportant pour l'Iran un lourd passif de condamnations par les instances internationales, qu'il s'agisse du Conseil des gouverneurs de l'AIEA ou du Conseil de sécurité des Nations unies.

De manière plus récente, l'abstention du Brésil sur la résolution 1973 du 17 mars 2011 relative à la Libye traduit sa réticence à déléguer des mandats pour l'usage de la force et un attachement au principe de non-ingérence. M. Guilherme Patriota a évoqué devant la délégation les mauvais souvenirs laissés par l'époque où les Etats-Unis pesaient excessivement sur la politique des pays en développement, particulièrement en Amérique du Sud, soulignant que si le Brésil entendait accéder au Conseil de sécurité, ce ne serait pas pour signer un « chèque en blanc » aux grandes puissances. Dans l'article précité, le conseiller diplomatique de Mme Rousseff, M. Marco Aurelo Garcia précise que « le Brésil s'en tient à sa tradition diplomatique qui est une tradition de non-intervention dans les affaires intérieures des autres pays ».

III. LA POLITIQUE DE DÉFENSE DU BRÉSIL ET LE VOLET « ARMEMENT » DU PARTENARIAT STRATÉGIQUE BILATÉRAL

La délégation a souhaité consacrer une partie importante de sa visite à la compréhension de la politique de défense du Brésil et de ses perspectives. C'est en effet dans ce cadre que s'inscrit un volet majeur du partenariat stratégique bilatéral, à savoir la coopération dans le domaine de l'équipement militaire.

Lors de son passage au salon aéronautique et spatial latino-américain (LAAD) , qui constitue le plus important salon du continent pour les équipements de défense, la délégation a pu rencontrer le ministre de la défense, M. Nelson Jobim. Celui-ci était accompagné du docteur Murilo Marques Barboza, secrétaire d'Etat aux équipements de défense nouvellement désigné. Etaient également présents les trois chefs d'état-major d'armées et le chef d'état-major conjoint des forces armées.

A Brasilia, la délégation s'est entretenue avec le général Elito Siqueira, ministre de la sécurité institutionnelle, qui assure le secrétariat des conseils de défense, et avec M. Carbonar, secrétaire général en charge des questions de défense au ministre des relations extérieures.

La défense aura été une priorité forte de la présidence Lula. Ce dernier a donné une forte impulsion politique, en s'appuyant sur un renforcement du rôle du ministre de la défense. Il s'est attaché à tracer des perspectives à moyen terme, articulées autour d'une stratégie nationale de défense. Le budget de la défense a bénéficié d'une augmentation soutenue qui devra être poursuivie si le Brésil entend atteindre les objectifs ambitieux qu'il s'est fixé en matière de modernisation de ses équipements. Cette politique est sous-tendue par une véritable stratégie industrielle, visant à développer une base industrielle et technologique de défense nationale.

La délégation a pu mesurer, à l'occasion du salon LAAD, le dynamisme des groupes industriels brésiliens dans le domaine des équipements de défense et de sécurité, et l'attente de partenariats équilibrés avec les entreprises des pays producteurs traditionnels.

C'est sur cette base de coopération, incluant des transferts de technologies, que se sont développées les relations entre la France et le Brésil en matière d'armements. Le Brésil est devenu en 2009 le premier client de la France en matière d'équipements de défense, en raison notamment de la conclusion de deux grands contrats portant sur des sous-marins et des hélicoptères.

A. LA DÉFENSE : UNE PRIORITÉ FORTE DE LA PRÉSIDENCE LULA

Durant les vingt années qui ont suivi le régime militaire, après 1985, les autorités brésiliennes ont marqué peu d'intérêt pour les questions de défense. Pour des raisons politiques, mais également du fait du contexte économique et financier, la défense ne figurait pas parmi les priorités budgétaires. S'en est suivi un affaiblissement de l'outil de défense, notamment un vieillissement des équipements et un déclin du secteur industriel national, particulièrement de l'industrie d'armement terrestre, à l'exception toutefois de l'avionneur Embraer, présent sur le marché civil.

Le président Lula , pour sa part, a manifesté d'emblée une attention soutenue à la défense dans toutes ses dimensions : stratégique, organisationnelle et industrielle.

Soucieux de préserver la souveraineté du Brésil sur l'ensemble de son espace national , mais aussi de développer la stature et le rôle international de son pays, Lula a engagé une ambitieuse refonte de la politique de défense .

Il s'est efforcé de mieux définir les objectifs stratégiques assignés aux forces armées, de mettre en place une organisation plus efficace pour leur mise en oeuvre et d'entreprendre un vaste renouvellement des équipements associé à des transferts de technologie au bénéfice de l'industrie brésilienne.

A la fin de l'année 2008, le Brésil a pour la première fois défini une stratégie nationale de défense reprenant les grandes orientations suivies durant la présidence Lula.

La mutation de l'appareil de défense brésilien s'opère lentement, du fait des contraintes budgétaires, mais également de la volonté de ne pas brusquer la haute hiérarchie militaire dont les prérogatives et le mode d'organisation et de fonctionnement sont appelés à évoluer.

1. La définition d'une stratégie de défense

L'adoption d'une stratégie nationale de défense constitue une première au Brésil. Le document publié fin 2008 rassemble et ordonne les objectifs définis au cours de la présidence Lula. En partie tributaire des compromis opérés en matière de défense, ce document constitue un premier pas vers l'élaboration d'une vision stratégique dépassant les logiques propres à chaque armée. Le Brésil envisage l'élaboration d'un Livre blanc plus détaillé, sur le modèle français.

La stratégie de défense du Brésil n'est pas conditionnée par une menace externe de nature militaire. Le Brésil est en paix avec ses voisins depuis 150 ans. Il a toujours privilégié l'arbitrage sur la force pour régler ses litiges internationaux, même s'il s'est engagé aux côtés des alliés durant la seconde guerre mondiale, en envoyant en Europe un contingent qui a participé à la campagne d'Italie.

La première priorité du Brésil consiste à assurer la surveillance et la protection de son espace territorial , terrestre, maritime et aérien, afin d'en garantir la souveraineté.

Dans cette perspective, son effort se concentre sur l' Amazonie et sur les approches maritimes .

L'Amazonie représente 12 % des réserves mondiales d'eau douce et une zone riche en ressources naturelles. Le Brésil veut protéger cet espace des trafics ou activités illicites qui pourraient s'y développer. Il veut aussi démontrer son aptitude à en assurer souverainement la protection de manière à éviter toute tentation d'établir un droit de regard international sur ce territoire considéré comme un patrimoine commun de l'humanité.

A cet effet, le Brésil a décidé de redéployer les moyens de l'armée de terre vers les frontières terrestres , de se doter d'équipements adaptés au besoin de mobilité dans cette zone et de développer des moyens de surveillance aériens et spatiaux .

En ce qui concerne, les approches maritimes , elles recèlent d'importants gisements de pétrole off-shore encore largement inexploités, ainsi que des richesses halieutiques et minérales. Le Brésil a forgé à ce sujet le concept d'Amazonie bleue . En septembre 2010, il a unilatéralement étendu la superficie de sa zone économique exclusive jusqu'à la limite maximale de 350 milles marins prévue par la convention de Montego Bay sur le droit de la mer. Cette extension permet de couvrir des gisements pétroliers supplémentaires.

La protection des espaces maritimes induit l'effort de grande ampleur planifié en faveur de la marine, avec la modernisation de la flotte de surface et des capacités sous-marines.

Au-delà de la priorité accordée à la surveillance du territoire national, le Brésil entend également accroître sa capacité d'intervention extérieure , en relation avec son ambition de jouer un rôle international plus affirmé et de devenir membre permanent du Conseil de sécurité.

En 2004, le Brésil a pris la tête de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) au sein de laquelle il déploie près de 1 300 militaires. Il a mesuré à cette occasion les efforts à entreprendre pour s'intégrer à des opérations de maintien de la paix.

Le 15 février 2011, le Brésil a pris le commandement de la composante maritime de la FINUL au Liban , dans laquelle il ne déploie cependant aucun bâtiment. Cette prise de responsabilité pourrait être le prélude à l'envoi d'un contingent à terre, un volume de 300 hommes étant évoqué.

2. La réorganisation de la conduite de la politique de défense

En matière de défense, le Brésil s'efforce de sortir d'une longue période de primauté du militaire sur le politique. Jusqu'en 1999, date de création du ministère de la défense, chaque chef d'état-major d'armée avait rang de ministre.

La présidence Lula aura engagé le renforcement de l'autorité du ministre de la défense , et une diminution parallèle de celle des trois chefs d'état-major d'armée, tant en matière de choix budgétaires et capacitaires que de contrôle des opérations. La loi du 25 août 2010 sur l'organisation du ministère de la défense et des forces armées consacre cette évolution dont M. Nelson Jobim, en poste au ministère de la défense depuis 2007 et reconduit par Dilma Rousseff, aura été l'artisan.

Le ministre de la défense est chargé de mettre en oeuvre la stratégie nationale de défense. A cet effet, il adresse des directives stratégiques à chaque armée.

Le ministre détient désormais le pouvoir de nomination des officiers généraux, précédemment exercé par les chefs d'état-major. Il élabore le projet de budget qu'il présente au Parlement, exerçant un rôle qui relevait jusqu'à présent des chefs d'état-major. Ceux-ci se limiteront, en matière de préparation du budget, à adresser leurs propositions au ministre.

Un secrétaire d'Etat aux équipements de défense , nommé début 2011, est chargé de la politique d'équipement, en vue notamment de rationaliser les acquisitions, de favoriser l'interopérabilité, d'assurer la prise en compte des enjeux industriels et technologiques.

Un chef d'état-major conjoint des forces armées a été institué. Sous l'autorité du ministre, il reprend les pouvoirs précédemment détenus par les chefs d'état-major d'armées en matière de conduite des opérations .

Ces réformes obéissent à une logique qui nous est familière, avec le rôle de la Direction générale pour l'armement (DGA) et la généralisation de l'approche interarmées en matière budgétaire, programmatique, de soutien et de conduite des opérations. Constatons toutefois que le Brésil ne se trouve qu'à l'amorce d'une évolution qui demandera du temps. La culture du consensus, qui rejette les solutions imposées par la contrainte, implique des évolutions très progressives.

3. Un vaste renouvellement des équipements

Longtemps organisé et dirigé selon une logique propre à chaque armée, l'outil militaire brésilien a souffert de deux décennies de sous-investissement.

Le Brésil est engagé dans un vaste plan visant à moderniser ses moyens et à les réorganiser en fonction des priorités stratégiques définies par l'autorité politique.

La marine et l'armée de l'air sont les deux bénéficiaires principales de cet effort qui concerne néanmoins aussi, dans une moindre mesure, l'armée de terre.

Les orientations retenues pour la marine

La marine brésilienne compte une centaine de bâtiments, pour la plupart vieillissants. Cette flotte connaît d'importantes limitations opérationnelles liée à la disponibilité et à l'autonomie des bâtiments. Les possibilités de missions de longue durée en haute mer sont réduites. Le Brésil souhaite pouvoir assurer une plus forte présence à la mer pour la surveillance de sa zone économique exclusive .

Les objectifs à 20 ans retenus pour la marine sont particulièrement ambitieux et concernent l'ensemble de ses composantes.

L'accroissement de l'autonomie des bâtiments et de la durée des patrouilles est à la base du programme ProSub de montée en puissance de la force sous-marine. Celle-ci est constituée de 5 sous-marins diesel d'origine allemande U-209, dont 4 entrés en service entre 1989 et 1999, et le 5 ème , version améliorée des quatre premiers, en 2005.

Le Brésil a décidé d'acheter à DCNS 4 sous-marins Scorpène à livrer entre 2017 et 2020 . Ces bâtiments répondent au besoin opérationnel de la marine. Le Brésil compte sur les transferts de technologie associés pour pouvoir réaliser à terme ses sous-marins en national et ne plus dépendre des fournisseurs étrangers pour leur maintenance.

A l'horizon 2025 un sous-marin nucléaire doit également être réalisé avec une coopération de la France sur les parties autres que la chaufferie nucléaire. L'ambition déjà ancienne du Brésil de disposer de sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) repose sur l'idée que grâce à leur mobilité, les SNA assurent une présence dissuasive et renforcent ainsi la sécurité des approches maritimes et celle de la flotte de surface.

Le Brésil a également prévu de moderniser le porte-avions São Paulo (ex-Foch). A l'horizon 2025, il serait remplacé par un porte-avions de même tonnage que le Charles de Gaulle, mais doté d'une propulsion conventionnelle. A terme, le Brésil prévoit un second porte-avions.

Un appel d'offres a été lancé pour un « package global » de 11 bâtiments de surface (projet Prosuper): 5 frégates, 5 patrouilleurs de haute mer et 1 bâtiment de soutien logistique. Ce contrat ne devrait être que la première étape d'un renouvellement beaucoup plus ambitieux, l'objectif final portant sur un total de 30 frégates, 12 patrouilleurs et 5 bâtiments de soutien logistique.

L'acquisition de 4 hélicoptères Seahawk de lutte anti-surface et anti-sous-marine est prévue.

La marine a également prévu d'augmenter le nombre de ses patrouilleurs côtiers et fluviaux, par acquisition de nouveaux bâtiments.

Le développement des capacités de la marine brésilienne exigera une forte augmentation des effectifs militaires , qui devraient passer de 59 600 aujourd'hui à 80 500 en 2030 (+ 35 %), ce qui nécessitera 1 000 engagements supplémentaires par an par rapport au niveau actuel.

Les orientations retenues pour l'armée de l'air

Le plan de modernisation (plan Fênix) porte sur l'ensemble des composantes de l'armée de l'air (aviation de combat, transport, hélicoptères) et prévoit l'acquisition d'une capacité nouvelle en drones.

Le Brésil a engagé la modernisation d'une centaine d'avions de combat en service : l'avion d'attaque au sol AMX (origine italo-brésilienne) et le chasseur F-5 (origine américaine). Il a récemment acheté des avions d'occasion à la France (12 Mirage 2000 en 2005) et à la Jordanie (11 chasseurs F-5).

Le renouvellement du parc d'avions de combat doit normalement démarrer à compter de 2014, avec un avion multirôle qui sera choisi dans le cadre du programme FX-2. Sont en concurrence sur ce programme le Rafale, le F/A-18 Super Hornet américain et le JAS-39 Gripen suédois. L'armée de l'air doit acquérir un premier lot de 36 avions de chasse pour un programme total de 120 avions. La décision sur le choix de l'avion a été reportée à 2012.

L'armée de l'air continue également à s'équiper d'avions Super Tucano, réalisés au Brésil par Embraer, adaptés à la lutte contre les narco-trafiquants et les guérillas dans la région amazonienne.

L'armée de l'air va renforcer sa flotte de transport avec l'acquisition de 28 KC-390 (transport/ravitaillement en vol) réalisés par Embraer et l'achat à EADS de Casa C-295 et C-212.

Parmi les 50 hélicoptères EC-725 Caracal achetés à la France, 16 sont destinés à l'armée de l'air. Celle-ci a également acheté à la Russie 12 hélicoptères d'attaque MI-35.

Enfin, l'armée de l'air a commencé à acquérir auprès de la société israélienne Elbit plusieurs systèmes de drones de surveillance .

Les orientations retenues pour l'armée de terre

L'armée de terre brésilienne compte 190 000 hommes, dont 20 % de conscrits.

Elle est engagée dans un redéploiement de ses effectifs du sud du pays, où ils sont concentrés, vers les frontières nord et ouest , en Amazonie , où elle entretient jusqu'à présent une présence réduite de petites unités isolées.

Les rémunérations, l'entraînement et le fonctionnement consomment une grande partie du budget des forces terrestres. Limité, le budget d'équipement n'a pas permis de renouveler les matériels le plus souvent vieillissants. Seules les unités parachutistes ou des forces spéciales disposent de moyens suffisants.

L'armée de terre n'est concernée qu'à la marge par les grands programmes de modernisation des équipements. Toutefois, le renouvellement du parc de blindés légers à roues a été engagé. Elle disposera également de 16 des 50 hélicoptères EC-725 Caracal achetés à la France. Un projet d'équipement du fantassin, similaire au programme français Felin, est à l'étude.

4. Une stratégie industrielle

La modernisation de l'outil militaire brésilien répond à une logique capacitaire, afin de donner aux armées les moyens d'assurer effectivement les missions qui leur sont assignées, notamment la surveillance et la protection du territoire national et de ses approches maritimes.

Le renouvellement des équipements obéit également à une stratégie industrielle . Les acquisitions auprès de pays étrangers sont systématiquement conditionnées à des partenariats locaux et à des transferts de technologie permettant au Brésil de constituer sa propre base industrielle et technologique de défense . Le Brésil voit dans cette politique un élément de son autonomie stratégique , mais également, très concrètement, une source de développement économique à travers son marché national de défense et, à terme, un potentiel à l'exportation vers les marchés sud-américains et internationaux.

5. Le budget de la défense

La présidence Lula (2003-2010) a fait de la défense une priorité budgétaire. Le budget de la défense a progressé de 10 % par an en valeur réelle .

La défense ne représentait que 2 % du budget fédéral en 2005, pour atteindre 3,3 % en 2010, soit 25 milliards d'euros (environ 1,5 % du PIB).

Pour une large part, à savoir environ 65 % des crédits supplémentaires, cet effort budgétaire a été consacré au rattrapage des rémunérations des 318 000 militaires.

Mais près de 20 % des crédits supplémentaires ont été consacrés aux équipements , la part des dépenses d'investissement dans le budget de la défense étant passée de 4 % en 2004 à 12,7  % en 2010 , année au cours de laquelle ils ont atteint 3,2 milliards d'euros .

La délégation a eu confirmation que Dilma Rousseff pérenniserait les réformes de structures engagées par son prédécesseur dans le sens d'un renforcement de l'autorité du ministre de la défense et d'une généralisation de l'approche interarmées.

En revanche, le ministère de la défense a été affecté par les coupes budgétaires décidées en début d'année à hauteur de 2 milliards d'euros, soit 8 % par rapport au montant initialement prévu pour 2011 . Ce contexte a conduit à repousser la décision sur l'achat du futur avion de combat à 2012.

B. LES RELATIONS DE LA FRANCE ET DU BRÉSIL DANS LE DOMAINE DE L'ARMEMENT

Les relations franco-brésiliennes en matière d'armement sont historiquement significatives. Elles se sont développées à partir des années 1970, notamment après la dénonciation par le Brésil, en 1977, d'un accord d'assistance militaire avec les Etats-Unis. On peut notamment citer la vente d'avions de combat Mirage, d'hélicoptères, de missiles, de radars, ainsi que la cession du porte-avions Foch.

Dans le contexte d'une relance de l'effort d'équipement brésilien, nos relations prennent aujourd'hui une nouvelle dimension, avec l'établissement d'un partenariat stratégique entre les deux pays le 23 décembre 2008. Ce partenariat repose sur un engagement politique de la France sur les transferts de technologie .

La France a obtenu la signature de deux grands contrats portant sur des sous-marins et des hélicoptères de transport Caracal, pour un montant total de 8,5 milliards d'euros (dont 4,8 milliards d'euros de part française), alors que le Rafale est en lice pour un marché de 36 avions de combat évalué à 3 milliards d'euros et que DCNS postule pour un « package global » de 11 navires de surface.

Le Brésil est devenu en 2009 le premier client de la France en matière d'armement , grâce à deux grands contrats. Les prises de commandes du Brésil se sont élevées à 3,8 milliards d'euros, sur un total de 8,1 milliards d'euros tous pays confondus en 2009.

S'agissant du marché des avions de combat , la délégation retient de sa visite, que les atouts de la proposition Rafale sont connus et appréciés par le ministre de la défense et son entourage, particulièrement intéressés par les retombées industrielles potentielles. La compétition se poursuit cependant, d'autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte, mais il n'y a pas de raison particulière d'être pessimiste.

La délégation souligne également que la mise en oeuvre du contrat obtenu par DCNS sur les sous-marins revêt une importance particulière. Elle témoignera, de manière concrète, de notre politique en matière de transferts de technologie. Les échanges ont d'ores et déjà commencé sur ce point.

Sa visite au salon LAAD a permis à la délégation de constater à la fois la motivation des entreprises françaises , qu'il s'agisse des grands groupes ou de PME, la qualité de leur offre et leur volonté de nouer de véritables partenariats avec des entreprises brésiliennes, mais également l'acuité de la concurrence sur un marché offrant un grand potentiel de développement.

1. Les sous-marins

En parallèle à la modernisation (sonar, torpilles) de ses 5 sous-marins diesel d'origine allemande U-209, le Brésil a décidé d'acquérir 4 sous-marins à propulsion conventionnelle Scorpène auprès de DCNS et de coopérer avec cette dernière sur la construction d'un sous-marin à propulsion nucléaire.

L'offre française s'est présentée comme une alternative à la refonte complète des 5 sous-marins U-209 et à la conception et construction en national d'un 6 ème bâtiment.

La vente des Scorpène, qui seront en partie assemblés au Brésil grâce à un partenariat entre DCNS et le brésilien Odebrecht , est assortie d'un transfert de technologie portant sur le design de coque de sous-marins de gros tonnage . Ce transfert bénéficiera au projet de construction, en coopération, d'un sous-marin nucléaire, mais il exclut les technologies directement liées à la propulsion nucléaire, la chaufferie nucléaire devant rester de conception totalement brésilienne.

Les 4 Scorpène doivent être livrés entre 2017 et 2022. Le futur sous-marin nucléaire est planifié pour 2025.

Ce contrat, baptisé ProSub , a été signé le 23 décembre 2008. Il inclut une coopération sur la construction d'un chantier naval et d'une nouvelle base sous-marine à Itaguai, au sud de Rio , ainsi que l'ouverture à Lorient, pour les ingénieurs brésiliens, d'une école de conception de sous-marins axée sur la partie non-nucléaire du futur sous-marin à propulsion nucléaire.

Il s'agit du plus gros contrat jamais signé à l'international par DCNS (6,7 milliards d'euros, dont 3,85 milliards d'euros de part française).

Une partie importante du financement provient d'un emprunt auprès d'un consortium bancaire.

2. Les hélicoptères

Eurocopter, à travers sa filiale brésilienne Helibras, procède à la rénovation de 34 hélicoptères Panther et de 36 hélicoptères Ecureuil.

Par ailleurs, Eurocopter a signé le 23 décembre 2008 un contrat portant sur 50 hélicoptères de transport Cougar/Caracal EC-725 pour les besoins des trois armées 4 ( * ) , pour un montant de 1,85 milliard d'euros (dont 1,28 milliard d'euros de part française). Ce contrat doit permettre, au travers d' Helibras , installée à Itajuba dans l'Etat du Minas Gerais, de développer l'industrie brésilienne.

Trois premiers appareils ont été livrés en 2010 et seront « rétrofités » par Helibras. Un centre d'assemblage Cougar est en cours de construction. Helibras y effectuera le montage des futurs appareils à compter de 2013.

En revanche, le Brésil a conclu en 2008 avec la Russie pour l'achat de 12 hélicoptères de combat MI-35, alors qu'Eurocopter avait proposé le Tigre.

3. Les avions de combat

La France a vendu au Brésil 20 Mirage III en 1970 et 12 Mirage 2000 d'occasion en 2005 (livraisons achevées en 2008). En contrepartie, la France a acheté au Brésil (Embraer) des petits avions d'entraînement Xingu (41 avions en 1982) et Tucano (50 avions en 1991).

Le Brésil souhaite équiper son armée de l'air d'un nouvel avion de combat multirôle à compter de 2014 : c'est le programme FX-2 .

Le besoin porte sur un 1 er lot de 36 avions pour un programme total de 120 avions sur la période 2014-2020 en vue du remplacement de l'ensemble de la flotte.

Le Rafale est en concurrence avec le F/A-18 Super Hornet de Boeing (en service dans l'US Navy) et le Gripen NG (JAS-39) du suédois Saab. Au mois d'avril 2011, à l'issue du sommet des BRICS, le président Medvedev a indiqué avoir reçu l'assurance de Dilma Rousseff que le Sukhoi Su-35 serait également examiné, mais les autorités brésiliennes ne se sont pas exprimées sur le sujet. Pour l'heure, le dossier ne semble pas avoir été rouvert.

Après que le Président Lula ait marqué sa préférence pour le Rafale en septembre 2009 et que l'armée de l'air ait remis son rapport sur les dernières offres, en octobre 2009, la décision a été repoussée tout au long de l'année 2010, pour être finalement laissée à la nouvelle présidente.

Dilma Rousseff a déclaré vouloir réétudier les différentes propositions avant de prendre une décision qui est désormais repoussée au-delà de 2011, du fait des restrictions budgétaires.

La proposition de Dassault se distingue par des transferts de technologie et des coproductions dans de très nombreux domaines , ce qui permettrait à la partie brésilienne (Embraer) d'acquérir la capacité de développer elle-même un avion de combat moderne. Le programme impose un taux de compensation de 100 % et le transfert de licence pour la fabrication de certains sous-ensembles. Thales (système de combat) et Safran (moteur) sont associés à Dassault dans cette compétition.

Au cours de ses différents entretiens, la délégation a pu confirmer l' engagement politique sans restriction pris, en cette matière, par les autorités françaises, et son caractère bipartisan a permis d'assurer nos interlocuteurs de la continuité de cette ligne politique indépendamment des échéances électorales de 2012. Il faut rappeler que les engagements de même nature que prendrait l'exécutif américain seraient extrêmement tributaires des réticences traditionnelles du Congrès à autoriser de tels de transferts de technologies.

La France a par ailleurs annoncé qu'elle ferait l'acquisition auprès de la société brésilienne Embraer d'une dizaine d'avions de transport KC-390, dont le développement a été lancé en 2009.

4. Les missiles et les munitions

Dans le domaine des missiles, la France a fourni à la marine brésilienne différents types de missiles antinavires de la famille Exocet. MBDA procède actuellement à la rénovation de certains d'entre eux, en coopération avec les sociétés brésiliennes Avibras et Mectron.

La DGA est actuellement en discussion avec l'armée de l'air brésilienne en vue garantir le maintien en condition opérationnelle des armements air-air en voie d'obsolescence qui équipent les 12 Mirage 2000 d'occasion cédés par l'Etat français en 2005 (missiles Magic2 et Super 530 initialement produits par Matra).

Par ailleurs, en liaison avec la proposition Rafale, la France a présenté une offre d'armement pour le futur avion de combat. Il s'agit de 56 missiles air-air MICA proposés par MBDA et de 100 systèmes de guidage AASM (armement air-sol modulaire) proposés par Sagem (groupe Safran).

La délégation a pu constater lors de sa visite au salon LAAD la volonté de MBDA de poursuivre et de développer son partenariat avec les entreprises brésiliennes comme Avibras et Mectron, afin d'appuyer la constitution d'un pôle missilier au Brésil.

Une volonté analogue anime la société Eurenco, leader européen des matériaux énergétiques.

5. La flotte de surface

La France à cédé au Brésil, fin 2000, le porte-avions Foch, rebaptisé São Paulo. Le bâtiment a été immobilisé durant près de quatre ans pour subir notamment une réfection de son appareil propulsif. Un programme de modernisation, portant notamment sur les systèmes de communication, est envisagé et devrait susciter une offre de DCNS. A plus long terme (horizon 2025), le Brésil souhaiterait disposer d'un nouveau porte-avions (et à terme d'un second), avec une version navalisée de l'avion de combat qui sera choisi pour l'armée de l'air.

La Marine brésilienne a lancé un important appel d'offres pour un « package global » de 11 bâtiments , incluant 5 frégates, 5 patrouilleurs de haute mer et 1 bâtiment de soutien logistique, en prévoyant d'y associer des transferts de technologie. La construction des bâtiments s'effectuerait dans les chantiers navals brésiliens. DCNS a remis une offre, tout comme l'Italie, le Royaume-Uni, la Corée, les Pays-Bas et l'Allemagne.

La marine devrait également moderniser les systèmes de combat des frégates de type Niteroi actuellement en service. Thales pourrait proposer ses sonars.

Enfin, la marine brésilienne a décidé en 2006 d'acquérir auprès des Constructions mécaniques de Normandie (CMN) 2 patrouilleurs côtiers (type Vigilante 400) qui seront réalisés en transfert de technologie par le chantier brésilien INACE. Un nouvel accord de licence a été passé avec CMN en 2008 pour 4 patrouilleurs côtiers supplémentaires.

6. Les systèmes d'armement terrestres

Peu de programmes d'équipement sont prévus au bénéfice de l'armée de terre dont les matériels sont pourtant vieillissants.

Une partie des 50 hélicoptères Cougar acquis auprès d'Eurocopter est destinée aux forces terrestres.

Sur le long terme, le Brésil prévoit de développer une nouvelle génération de blindés à roues, mais un partenariat avec l'italien FIAT-Iveco est pour l'instant privilégié.

Des contacts ont été établis entre l'armée de terre et Sagem (groupe Safran) dans le cadre d'un projet d'équipement du fantassin inspiré du système français Felin. Ce projet n'est toutefois pas encore lancé.

7. Les systèmes de surveillance

Thales opère au Brésil pour la modernisation des radars de contrôle aérien civils et militaires. Thales a acquis 72 % du capital de la société brésilienne d'ingénierie Omnysis présente sur ce domaine et implantée à São Bernardo dos Campos.

Conformément aux orientations de sa stratégie nationale de défense, le Brésil souhaite aussi disposer d'un système de surveillance du territoire comportant deux volets : la surveillance des frontières terrestres (SISFRON) et celle des approches maritimes (SISGAAZ - système de contrôle de l'Amazonie bleue). Ces projets feraient appel à une panoplie de moyens de surveillance spatiaux, aéroportés (notamment des drones et terrestres).

S'agissant de la surveillance des frontières terrestres, un contrat a été conclu avec Thales pour l'acquisition d'un laboratoire technico-opérationnel, mais le futur système opérationnel est toujours en cours de définition.

De même, les spécifications du futur système de surveillance des approches maritimes ne sont pas établies.

8. Les satellites

Le Brésil souhaite développer ses capacités satellitaires, aujourd'hui très modestes, dans les domaines des télécommunications et de l'observation.

Thales Alenia Space (ex-Alcatel) a réalisé les deux premiers satellites de télécommunications de la série Star One.

Le CNES est associé à la définition d'un futur satellite géostationnaire brésilien (SGB), dédié notamment aux télécommunications et qui serait réalisé en national, mais le calendrier de ce projet ne semble pas encore être défini.

L'institut brésilien de recherche spatiale travaille également sur un futur satellite d'observation multi-missions.

Tant Thales Alenia Space, avec son partenaire brésilien Omnysis, qu'EADS-Astrium, associé à la société brésilienne Equatorial, peuvent faire valoir leurs compétences pour ces différents projets.

C. LES AUTRES VOLETS DU PARTENARIAT DE DÉFENSE

Le partenariat stratégique de défense établi il y a maintenant deux ans entre la France et le Brésil va au-delà des relations industrielles.

Il s'appuie en effet sur des contacts réguliers entre armées, sur des actions de formation et des échanges à tous les niveaux, alors que nous l'on doit constater de grandes similitudes entre le modèle de défense que le Brésil cherche à mettre en place et nos propres préoccupations , que ce soit en termes d'organisation ou de volonté d'autonomie stratégique .

La coopération navale, fondée sur des exercices régionaux ou des embarquements croisés, prend une ampleur nouvelle dans le cadre de la construction des futurs sous-marins. La marine française sera associée à la formation des équipages brésiliens, en partenariat avec la société DCI-NAVFCO. Elle apporte également un soutien important à la remise en service du porte-avions São-Paulo et à l'entraînement de ses personnels. Une coopération est envisagée en matière de lutte contre le narco-trafic, ainsi que sur le contrôle maritime de l'Atlantique sud.

La coopération aérienne passe également par des exercices conjoints, notamment l'exercice biennal « Cruzex ». L'armée de l'air contribue à des actions de formation des personnels et de soutien de la flotte de Mirage 2000.

Dans le domaine terrestre, la coopération entre les forces armées en Guyane et l'armée brésilienne se renforce. Par ailleurs, l'entraînement à l'action en forêt équatoriale est un domaine d'échanges privilégié, le Brésil accueillant des militaires français dans ces centres d'instruction spécialisés.

La France a également proposé d'associer le Brésil à sa coopération de défense en Afrique. Elle suggère notamment d'accueillir des coopérants brésiliens dans les Ecoles nationales à vocation régionale (ENVR) dont elle a soutenu la création en Afrique, afin qu'ils participent aux actions de formation au profit des armées africaines.

Enfin, il faut signaler la présence d'officiers brésiliens au Collège interarmées de défense et très prochainement au Centre des hautes études militaires (CHEM).

IV. LES RELATIONS TRANSRONTALIÈRES FRANCE-BRÉSIL

Le Brésil est le pays avec lequel la France partage la plus longue frontière terrestre qui s'étend sur 730 km avec le département de la Guyane.

Lors de ses entretiens à Brasilia, la délégation a abordé la question des relations transfrontalières avec plusieurs de ses interlocuteurs, en particulier les parlementaires de l'Etat de l'Amapà : le sénateur Randolfo Rodrigues et le député Sebastião Bala Rocha.

Elle en a retiré la conclusion que la coopération transfrontalière ne pouvait uniquement reposer sur des discussions d'Etat à Etat, entre capitales, dans le cadre des commissions mixtes transfrontalières mises en place par l'accord cadre de coopération franco-brésilien du 28 mai 1996.

Il est également indispensable que se développent des relations entre élus du département de la Guyane et de l'Etat de l'Amapà pour examiner en commun l'ensemble des problèmes transfrontaliers et les initiatives à prendre , y compris vis-à-vis des deux gouvernements respectifs. Une commission mixte réunissant les élus des deux côtés de la frontière pourrait par exemple être envisagée.

A. LA QUESTION DE L'ORPAILLAGE CLANDESTIN

Lors d'un déplacement en Guyane en décembre dernier 5 ( * ) , une délégation de votre commission avait été sensibilisée aux questions de contrôle des frontières et de lutte contre l'orpaillage clandestin.

S'agissant de la lutte contre l'orpaillage clandestin, le Brésil et la France ont signé le 23 décembre 2008 à Rio de Janeiro un accord dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial .

Cet accord vise à garantir que les deux Etats assurent un suivi de toutes les phases de l'activité d'orpaillage par la soumission de l'activité d'exploitation aurifère à des autorisations, par l'amélioration du contrôle de l'activité de négoce de l'or et des entreprises commercialisant le matériel de prospection et par le contrôle de l'activité de transporteur sur l'Oyapock. Il prévoit aussi que les deux Etats mettent en place des mesures pénales pour prévenir et réprimer les activités illégales se rapportant à l'activité d'orpaillage. L'accord entend renforcer la coopération entre les deux États, avec la mise au point de méthodes, de formations communes pour les activités de recherche et d'exploitation aurifère. Plus globalement, il vise à intensifier le dialogue franco-brésilien et faciliter la collaboration entre les autorités de part et d'autres du fleuve, en facilitant les procédures de travail conjoint.

Le projet de loi autorisant l'approbation de cet accord a été adopté par l'Assemblée nationale le 7 avril dernier et doit l'être avant la suspension des travaux de l'été par le Sénat.

A la date de la visite de la délégation à Brasilia, le projet de loi d'approbation était à l'instruction à la commission des relations extérieures de la Chambre des députés. La délégation a pu s'entretenir avec le rapporteur du texte, M. Sebastião Bala Rocha, député de l'Amapà, et souligner l'intérêt s'attachant à la mise en oeuvre de ses dispositions. Celui-ci, comme son collègue sénateur Randolfe Rodrigues, ont souligné que l'exploitation aurifère illégale était un problème frappant tout autant le Brésil que la France, aucune solution durable n'étant possible sans le développement d'activités économiques alternatives pour les populations locales.

B. LE RÉGIME DES VISAS ET L'OUVERTURE DU PONT SUR L'OYAPOCK

La Guyane est le dernier territoire français où les Brésiliens sont soumis à l'obligation de visas, alors que les Guyanais peuvent entrer au Brésil sans visa. Cette situation, liée à la réelle pression migratoire, a conduit le Brésil à envisager l'instauration d'un visa pour les Guyanais voulant aller au Brésil. Un aménagement local est à l'étude pour faciliter la circulation des riverains autour de l'Oyapock. Le Brésil souhaiterait en outre que les reconduites à la frontière s'effectuent par voie terrestre, jusqu'à la ville d'Oïapoque, et non par voie aérienne vers Belem, en l'absence de liaison Cayenne-Macapa (capitale de l'Amapà).

L'année 2011 doit être celle de l' ouverture du pont sur l'Oyapock . Ce projet a été lancé en 1997, lors d'une rencontre entre les présidents Chirac et Cardoso, et formalisé par un accord signé le 15 juillet 2005 entre les présidents Chirac et Lula da Silva.

Le pont reliera les communes de Saint-Georges (Guyane), à 230 km au sud de Cayenne, et d'Oïapoque (Amapà) à 590 km au nord de Macapa. Il permettra donc une liaison routière Cayenne-Macapa .

Cette nouvelle voie de communication permettra de désenclaver la Guyane française, en établissant une jonction entre Cayenne et Macapa, capitale de l'Amapà.

L'ouverture à la circulation est prévue à l'automne.

Elle nécessite la signature d'un accord sur les transports routiers internationaux. Celui-ci doit notamment régler les questions liées aux assurances des véhicules, les niveaux de couverture étant très différents entre la France et le Brésil.

Un centre de coopération policière, situé dans les locaux de la gendarmerie, à Saint-Georges, a tété créé afin de faciliter les échanges d'information entre services des deux pays. Un accord bilatéral a été signé en ce sens le 7 septembre 2010, mais il reste à ratifier.

C. LE DÉVELOPPEMENT TRANSFRONTALIER

Les parlementaires de l'Amapà rencontrés par la délégation à Brasilia ont insisté sur la situation économique difficile d'un Etat dont les perspectives de développement sont limitées, car il est isolé sur la rive gauche de l'Amazone, sans liaison routière avec la rive droite, et son territoire est constitué à près de 80 % de zones protégées.

Ce sous-développement est à leurs yeux l'une des causes fondamentales des problèmes liés à l'orpaillage, et plus globalement à l'immigration illégale.

Il y a, de ce point de vue, une forte attente de coopération avec la France dans le domaine des transports, de la formation, de l'environnement et du tourisme .

Une liaison aérienne Cayenne-Macapa a été mise en place fin 2010, mais interrompue en mars dernier. L'ouverture du pont sur l'Oyapock reste pour l'instant la seule perspective d'amélioration des liaisons. Dans ce contexte, la France prévoit d'améliorer la desserte informatique de l'Amapà, en le faisant bénéficier des flux excédentaires offerts par le câble sous-marin reliant la Guyane à l'Europe.

La Chambre de commerce et d'industrie de Guyane a ouvert une antenne à Macapa, tout comme UbiFrance.

Un Programme opérationnel Amazonie, d'un montant de 17 millions d'euros (dont 12,8 millions d'euros de fonds européens) finance des projets de coopération économique, sociale, culturelle et administrative entre la Guyane, trois états amazoniens du Brésil (Amapà, Para et Amazonas) ainsi que le Suriname. Les projets sont pilotés côté français par le Conseil régional de Guyane.

Parmi les domaines de coopération transfrontaliers, les initiatives françaises portent sur :

- l'éducation (développement de l'enseignement du français en Amapa et du portugais en Guyane, création de sections d'enseignement professionnel en hôtellerie) ;

- la santé (échanges épidémiologiques pour lutter contre les pandémies, élaboration d'un plan d'action opérationnel sur le « VIH/Sida ») ;

- la recherche et la formation universitaire (développement des activités du Centre franco-brésilien pour la biodiversité amazonienne, renforcement des capacités scientifiques des universités de la région);

- la sécurité civile (d'accord en matière de secours d'urgence, prévoyant un plan d'assistance mutuelle élaboré avec les pompiers brésiliens) ;

- l'environnement (coopérations entre parc naturels et en matière d'écotourisme.

CONCLUSION

La délégation de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées qui s'est rendue au Brésil du 11 au 15 avril 2011 en est revenue convaincue de la nécessité de développer et d'approfondir les relations entre la France et ce pays dans tous les domaines.

Celles-ci s'appuient sur le partenariat stratégique signé le 23 décembre 2008 entre nos deux pays.

Au-delà du domaine de la défense, auquel la délégation de la commission s'est particulièrement intéressée, ce partenariat constitue une réalité tangible dans de multiples champs d'activité.

Les échanges économiques se développent rapidement, avec une progression de plus d'un tiers des exportations françaises vers le Brésil en 2010. Notre stock d'investissements directs s'élevait à 27 milliards de dollars début 2011, ce qui fait de la France le 4 ème investisseur au Brésil.

Les échanges sont aussi très intenses en matière culturelle, universitaire et scientifique.

Le partenariat stratégique permet enfin à la France et au Brésil de rapprocher leurs points de vue, et même d'effectuer des propositions communes, dans les grandes enceintes internationales, par exemple sur la gouvernance mondiale ou l'environnement.

De tous les grands pays émergents, le Brésil est sans doute celui dont la France se sent le plus proche, du fait de sa latinité, de l'ancienneté de nos liens et de notre présence.

Grâce à ses perspectives prometteuses, le Brésil ne manque pas de partenaires potentiels. La France doit donc accentuer l'attention qu'elle porte à ce pays et entretenir un dialogue régulier, notamment au niveau parlementaire.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a entendu le 18 mai 2011 la communication de M. Josselin de Rohan, président, sur le déplacement au Brésil, du 11 au 15 avril, d'une délégation qu'il conduisait et qui comprenait MM. Jean Besson, Bernard Piras et Yves Pozzo di Borgo.

Un débat s'est engagé à la suite de la communication de M. Josselin de Rohan.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Je souscris pleinement au compte-rendu effectué par le Président. A titre personnel, j'ai été très impressionné par cette puissance émergente qu'est le Brésil. Ce pays n'a pas connu de guerre sur son sol. Sa démographie va lui permettre d'accroître la part de sa population active dans les prochaines années. C'est aussi un pays immense, couvre l'équivalent d'un territoire qui s'étendrait de la Norvège au Tchad et de la Bretagne à l'Oural. Soyons aussi conscient que le Brésil constitue pour la France un concurrent potentiel, particulièrement en matière agricole, où ses exportations sont considérables. Mais j'adhère totalement à l'idée qu'il nous faut nouer avec lui des liens plus forts. J'ai constaté avec satisfaction que les entreprises françaises étaient présentes.

Je crois qu'il faut également souligner un phénomène nouveau qui, selon moi, va s'accentuer : l'émergence des BRICS. Certes, comme l'a dit le président de Rohan, ce n'est pas un ensemble homogène et il existe des divergences entre les cinq pays de ce groupe. Néanmoins, le renforcement des BRICS est un objectif important de la politique étrangère du Brésil et un levier d'influence. Il s'agit d'une puissance qui monte.

Enfin, la visite sur le salon de l'armement nous a permis d'apprécier une initiative très intéressante, avec le regroupent de PME de la région Rhône-Alpes du secteur de la défense qui bénéficient d'un soutien mutualisé pour se placer sur les marchés internationaux.

M. Bernard Piras . - Le président de Rohan a rendu compte de manière fidèle et objective de nos entretiens. L'initiative prise en Rhône-Alpes est en effet à saluer. La région Rhône-Alpes a elle-même mis en place de nombreuses implantations à l'étranger, au Brésil, en Argentine, mais aussi aux Etats-Unis, à Philadelphie, ou encore en Chine, à Shanghai, pour soutenir le développement des entreprises rhônalpines.

M. Jean-Pierre Chevènement . - Le Brésil est incontestablement un partenaire très intéressant pour la France. C'est un pays latin avec lequel nous avons des affinités culturelles. On ne mesure d'ailleurs pas très bien ce que peut être l'impact culturel de la France et de la langue française dans un pays comme le Brésil.

Le Brésil est un concurrent dans le secteur agricole. S'il ne tenait qu'à lui et les fragiles barrières mises en places par la politique agricoles communes étaient démantelées, l'impact serait très rude pour notre agriculture.

Comme tous les grands pays émergents, le Brésil est également un pays nationaliste.

Dans le cadre de nos exportations de défense vers le Brésil, nous envisageons des transferts de technologies substantiels à son profit. Cette politique a-t-elle été bien évaluée ? A-t-on mesuré l'impact potentiel de tels transferts, à terme, sur la concurrence dont nos industries pourraient faire l'objet ?

M. Josselin de Rohan, président - Les industriels français sont pleinement conscients des implications des transferts de technologies. Il faut en effet bien mesurer ces implications. Ce sont en général des technologies éprouvées qui sont transférées. Le transfert de technologies est une condition essentielle pour toute exportation au Brésil dans le domaine de la défense. Les entreprises françaises ont opté pour un partenariat avec des entreprises brésiliennes. Ces entités communes permettent d'accéder au marché brésilien et, potentiellement, au marché sud-américain. Lors de la visite du salon LAAD, nous avons été impressionnés par la mobilisation des entreprises françaises et la qualité des relations qu'elles ont nouées avec leurs partenaires brésiliens.

Enfin, comme cela a été dit, le « cluster » Eden, qui regroupe une quarantaine de PME de la région Rhône-Alpes du secteur de la défense et de la sécurité, constitue une initiative exemplaire. Il est extrêmement important que les PME soient présentes sur ces marchés. Ce n'est pas facile et des regroupements de ce type sont très utiles.

M. Robert del Picchia - Vous n'avez pas évoqué les relations entre le Brésil et le Japon. Elles étaient me semble-t-il très étroites. Qu'en est-il ?

M. Josselin de Rohan, président - Nous n'avons pas abordé ce point particulier, mais ces relations sont effectivement étroites, ne serait-ce que par la présence d'une très importante communauté d'origine japonaise, d'ailleurs très intégrée, notamment dans la région de São Paulo.

Je voudrais également revenir sur la compétition dans laquelle est engagé le Rafale. La décision de reporter la décision est liée à des mesures d'ordre budgétaire, et en aucun cas à la volonté d'avantager ou d'exclure telle ou telle offre.

De manière plus générale, nos convergences avec le Brésil sont fortes dans le domaine de la défense. L'organisation que souhaite mettre en place le Brésil repose sur des principes proches des nôtres.

En conclusion, je voudrais à nouveau souligner l'intérêt, au plan parlementaire, de continuer à entretenir un flux soutenu de contacts et d'échanges.

A l'issue de ce débat, la commission donne acte au président Josselin de Rohan de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

ANNEXE I- LISTE DES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION

Lundi 11 et mardi 12 avril 2011 - Barra da Tijuca

M. Nelson Azevedo Jobim , ministre de la défense.

Entretiens avec les représentants des sociétés françaises présentes au salon LAAD de l'armement, organisés par le Groupement des industries de construction et activités navales (GICAN) et le Groupement des industries françaises aéronautiques et navales (GIFAS).

Inauguration du salon LAAD , visite du pavillon France et des sociétés brésiliennes partenaires.

Mercredi 13 et jeudi 14 avril 2011 - Brasilia

M. José Sarney , président du Sénat.

M. Fernando Collor de Melo , président de la commission des relations extérieures et de la défense du Sénat.

M. Randolfo Rodrigues , sénateur.

M. Roberto Requião , sénateur.

M. Carlos Alberto Leréia , président de la commission des relations extérieures et de la défense du la Chambre des députés.

M. Sebastião Bala Rocha , député fédéral.

M. Carlos Zarattini , député fédéral.

Général José Elito Carvalho Siqueira , ministre, chef du cabinet de sécurité institutionnelle de la Présidence de la République.

M. Guilherme de Aguiar Patriota , conseiller diplomatique adjoint à la Présidence de la République.

M. Afonso Alvaro de Siqueira Carbonar , responsable des questions de défense, Secrétariat général du ministère des relations extérieures.

M. Paulo Jardim , sous-directeur Europe, ministère des relations extérieures.

ANNEXE II - AUDTION DE M. YVES SAINT-GEOURS, AMBASSADEUR DE FRANCE AU BRÉSIL

Réunie le mercredi 15 juin 2011 sous la présidence de M. Josselin de Rohan président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a auditionné M. Yves Saint-Geours, ambassadeur de France au Brésil.

M. Josselin de Rohan, président - Nous accueillons aujourd'hui M. Yves Saint-Geours, ambassadeur de France au Brésil, qui a bien voulu accepter de venir devant notre commission à l'occasion de son passage à Paris.

Une délégation de notre commission, composée de Jean Besson, Bernard Piras, Yves Pozzo di Borgo et moi-même, s'est rendue au Brésil du 11 au 14 avril dernier. Nous vous avons fait, le mois dernier, un compte-rendu de ce déplacement. Grâce au concours très précieux de l'ambassade - permettez-moi de vous en remercier de nouveau très vivement - nous avons pu rencontrer nos homologues brésiliens et de nombreux responsables politiques ou militaires dans les domaines des affaires étrangères et de la défense.

Notre mission intervenait quelques mois après la prise de fonction de Mme Dilma Rousseff, qui a succédé au Président Lula depuis le 1 er janvier.

Nous avons eu le sentiment que la nouvelle présidente avait très rapidement pris la mesure de ses fonctions, avec sans doute une préoccupation plus marquée pour les enjeux économiques, sur la scène intérieure bien sûr, avec des mesures destinées à contenir les tendances inflationnistes, mais aussi au plan international. Nous avons vu que Mme Rousseff donnait une forte priorité aux questions monétaires et commerciales dans ses premiers contacts internationaux, notamment avec les Etats-Unis et lors du sommet des BRICS.

L'idée que le Brésil sera l'une des puissances émergentes du 21 ème siècle est aujourd'hui largement partagée. Elle est fondée sur un certain nombre d'atouts : la démographie, les ressources naturelles, le développement rapide du marché intérieur, l'existence d'une base économique diversifiée.

Peut-être pourrez-vous nous dire, Monsieur l'Ambassadeur, comment vous évaluez cette montée en puissance du Brésil.

L'ambition du Président Lula était aussi de faire jouer à son pays un rôle beaucoup plus actif sur la scène internationale. La France soutient la candidature du Brésil à un siège permanent au Conseil de sécurité, mais nous voyons, sur le dossier de la Syrie, que nos vues respectives ne sont pas toujours identiques. Il faut donc s'intéresser au rôle de ce nouvel acteur et aux grandes priorités qu'il cherchera à poursuivre en matière de politique internationale. C'était l'un des volets de notre déplacement.

Je pense que vous évoquerez aussi le partenariat stratégique mis en place, depuis 2008, entre la France et le Brésil. Nous sommes particulièrement attentifs à la dimension « défense » de ce partenariat. Nous avons assisté au grand salon de l'armement LAAD à Rio, où étaient présents tous nos principaux industriels de défense mais également plusieurs PME, et nous avons constaté que d'importantes réformes avaient été engagées sous la présidence Lula pour doter le Brésil d'une défense plus moderne, tant dans son organisation que dans ses moyens et dans sa base industrielle nationale. Il est clair que la France peut beaucoup apporter au Brésil dans ce domaine. Mais le partenariat stratégique ne se limite pas à la défense, et vous pourrez sans doute évoquer les autres aspects de sa mise en oeuvre.

Avant de passer la parole à M. Saint-Geours, je voudrais vous rappeler que nous consacrerons notre réunion de mercredi prochain 22 juin à un échange de vues avec une délégation de parlementaires brésiliens - sénateurs et députés- à laquelle devrait participer M. Randolfe Rodrigues, sénateur de l'Amapà, Etat frontalier du département de la Guyane. La question des relations transfrontalières figurait d'ailleurs parmi les sujets que nous avons abordés avec nos homologues parlementaires à Brasilia. Il y a tout intérêt à nouer des relations directes entre parlementaires français de Guyane et parlementaires brésiliens de l'Amapà.

Notre audition d'aujourd'hui nous permettra donc de préparer cet échange avec nos collègues brésiliens.

M. Yves Saint-Geours, ambassadeur de France au Brésil - Monsieur le Président, c'est avec un grand plaisir que j'ai accueilli votre délégation au Brésil au mois d'avril dernier. Je vous remercie de m'avoir adressé le rapport que vous avez présenté à votre commission et qui montre que vous avez bien mesuré les enjeux pour ce pays placé dans une situation nouvelle de puissance émergente. Le Brésil a terminé l'année 2010 au 7 ème rang mondial en termes de PIB. C'est aussi le 5 ème pays du monde par sa population, le 5 ème également par sa superficie. Bien qu'émergente, cette puissance est donc réelle, tout en s'accompagnant de certains handicaps. Le Brésil n'est qu'au 75 ème rang mondial pour l'égalité des revenus (indice Gini), au 73 ème rang pour l'indice de développement humain et au 71 ème rang pour le niveau de revenu par tête ; ce n'est donc pas encore un pays prospère.

Chaque président brésilien a coutume d'associer une devise à son mandat. Le Président Lula avait mis l'accent sur l'intégration de tous les Brésiliens, en parlant d'un pays de tous et pour tous. Pour Dilma Rousseff, « un pays riche est un pays sans pauvreté ». Cette préoccupation essentielle montre qu'il reste du chemin à parcourir pour ce grand pays.

Je voudrais maintenant évoquer les trois éléments qui rythment la relation de la France avec le Brésil. L'un est structurel et les deux autres plus circonstanciels.

Le premier élément est bien entendu le partenariat stratégique qui avait été préparé par le Président Chirac en 2006 et concrétisé à la fin de l'année 2008 lors de la visite du Président Sarkozy au Brésil. Le partenariat stratégique n'est pas un accord, ni un traité. C'est une méthode, un dialogue sur tous les sujets et de nombreux projets, en vue de rehausser la relation bilatérale et de travailler ensemble à des propositions communes dans les enceintes multilatérales.

Au partenariat stratégique s'ajoute un premier facteur conjoncturel. Jusqu'à la fin de l'année 2011, le Brésil siège au Conseil de sécurité des Nations unies comme membre non permanent. C'est aussi le cas de l'Inde et de l'Afrique du Sud, si bien que tous les pays du BRICS se trouvent dans une position inédite pour faire avancer leurs idées aux Nations unies. L'Allemagne siégeant également comme membre non permanent, comme l'Inde et le Brésil, le Conseil compte aussi trois des quatre membres du G4, le quatrième membre de ce groupe de candidats à un siège permanent étant le Japon.

Le Brésil exerce donc cette responsabilité internationale, dans une composition bien particulière du Conseil de sécurité, au moment où se produisent des événements internationaux majeurs, comme le printemps arabe. Vous avez fait allusion, Monsieur le Président, à certaines divergences entre les vues françaises et brésiliennes. Il est vrai que le Brésil n'a pas voté la résolution 1973 sur le Libye et se montre très rétif vis-à-vis d'une résolution sur la Syrie. Mais le Brésil a voté la résolution 1975 sur la Côte d'Ivoire. Au Conseil des droits de l'homme, il s'est distingué en se joignant aux préoccupations exprimées à l'encontre de l'Iran ou de la Syrie.

Vous le voyez, le Brésil se trouve dans une situation complexe d'émergence, non seulement au plan économique, mais également en termes de puissance globale. Il y répond à sa façon, en fonction d'une histoire singulière qu'il faut veiller à toujours bien garder à l'esprit. Le Brésil n'a pas tiré un seul coup de fusil contre l'un de ses voisins depuis 150 ans. Le Brésil a toujours privilégié l'arbitrage sur l'emploi de la force. L'un de ses grands hommes d'Etat, Rio Branco, réussit à étendre de plus de un million de kilomètres carrés la superficie du Brésil en négociant les litiges frontaliers avec les Etats voisins, y compris la France.

Le Brésil continue de se considérer comme un pays du tiers-monde, non satisfait de l'ordre international. Il a des velléités de grande puissance mais reste sur son quant à soi lorsque les solutions multilatérales ne lui conviennent pas. Il faudra donc que le Brésil sorte d'un certain nombre d'ambiguïtés, qui sont celles d'un pays très puissant, faisant progressivement partie du premier monde, mais se présentant en avocat des pays pauvres.

Le second élément conjoncturel qui influe sur notre partenariat stratégique est la présidence française du G8 et du G20. Tous les sujets mis à l'ordre du jour par la France intéressent le Brésil : la volatilité du cours des matières premières, le Brésil étant notamment un grand exportateur de produits agricoles ; le socle social, qui est une priorité du Brésil, très engagé au plan national dans la lutte contre la pauvreté ; la réforme du système monétaire international, le real brésilien souffrant d'une surévaluation de 30 à 40 % selon les estimations ; la réforme de la gouvernance mondiale. Sauf mauvaise surprise, nous trouverons dans le Brésil un très bon partenaire, certes exigeant, parfois ombrageux, veillant très naturellement à ses intérêts nationaux, mais ouvert à des propositions de consensus. Ce dialogue sur les enjeux globaux se poursuivra après le G20, avec notamment le sommet « Rio + 20 » qui abordera en 2012 les questions d'environnement, de climat et de biodiversité.

Je le répète, le partenariat bilatéral a vocation à rehausser nos relations bilatérales pour élaborer, ensemble, en multilatéral, des solutions pour la gouvernance mondiale.

Où en est aujourd'hui notre partenariat bilatéral ?

D'abord, le contexte. Les Présidents Lula et Sarkozy avaient de fortes affinités personnelles. Mme Dilma Rousseff est moins portée sur l'international. Jusqu'à présent, elle n'a effectué que deux courtes visites en Argentine et en Uruguay, puis s'est rendue en Chine pour le sommet des BRICS. Sa vision est, semble-t-il, plus technique, mais elle ne se trouve pas dans une situation analogue à celle de Lula.

Certes, les fondamentaux économiques du Brésil demeurent excellents : un rythme de croissance de l'ordre de 5 % par an, un quasi plein emploi, d'immenses ressources naturelles, un système financier solide et une grande continuité dans la conduite de la politique économique. Au niveau micro-économique, la situation est toutefois plus délicate. La monnaie est surévaluée, l'inflation est soutenue, de l'ordre de 6 à 6,5 %, et les taux d'intérêt continuent d'augmenter, à 12,25 % aujourd'hui, participant à l'afflux de capitaux qui entretient la surévaluation du real. Il faut aussi mentionner, dans le « coût Brésil » qui pénalise la compétitivité du pays, les lacunes en matière d'infrastructures et les lourdeurs bureaucratiques.

Tout ceci explique que Mme Dilma Rousseff se concentre sur la solution de ces questions économiques. Elle doit aussi asseoir sa position dans un espace politique brésilien complexe, avec les particularités de son système électoral, de son organisation fédérale et de son régime présidentiel, alors que son parti, le Parti des travailleurs, est loin d'être majoritaire. Disposant d'à peine plus de 15 % des sièges de députés et de sénateurs, il doit nouer des alliances avec quelques uns des 22 partis représentés à la Chambre des députés et des 14 partis représentés au Sénat.

Si la nouvelle présidente paraît moins intéressée que Lula par la politique internationale, les fondamentaux de la politique étrangère brésilienne n'ont pas changé pour autant.

Les relations demeurent compliquées avec les Etats-Unis, qui, même après le voyage d'Obama au Brésil, semblent manquer d'une politique latino-américaine bien définie.

La Chine, membre des BRICS, est un partenaire fondamental que le Brésil regarde néanmoins avec inquiétude. La concurrence chinoise a évincé les produits brésiliens de leurs marchés traditionnels, en Afrique et même en Amérique latine. La Chine souhaite acquérir des terres et des mines. Le groupe des BRICS possède donc une certaine réalité qui s'efface toutefois lorsque les intérêts fondamentaux de ses différents membres sont en jeu.

L'intégration latino-américaine reste une priorité majeure du Brésil. Elle participe de la sécurité collective, car si l'Amérique latine n'est pas un continent sans violence, c'est un continent sans guerre. L'intégration régionale, à travers ses différentes structures, organise donc la coexistence pacifique des pays latino-américains, mais elle n'a pas de réel impact sur la vie du continent, et en particulier sur celle du Brésil qui représente 40 % de son territoire et 45 % de son produit. L'intégration régionale est donc surtout pour le Brésil un élément de rayonnement et de sécurité dans son environnement.

Les bases du partenariat stratégique entre la France et le Brésil n'ont pas changé.

Ensuite, les réalités. Nos échanges économiques sont extrêmement actifs. En 2010, ils ont augmenté de plus d'un tiers, nos exportations ayant augmenté de plus de 40 %. Notre stock d'investissements directs s'élevait à 27 milliards de dollars début 2011, ce qui fait de la France le 4 ème investisseur au Brésil. Le volume des investissements français au Brésil est deux fois plus élevé que celui des investissements français en Chine, trois fois plus élevé que celui des investissements français en Russie et sept fois plus élevé que celui des investissements français en Inde.

Notre relation est également très forte aux plans universitaire et scientifique. La France est la deuxième destination pour les étudiants brésiliens à l'étranger, et la première pour les étudiants boursiers. Les coopérations scientifiques couvrent un champ de disciplines extrêmement large, le Brésil étant le seul pays au monde dans cette situation. C'est une relation très ancienne, mais également très moderne, financée à 90 % par le Brésil, qui prend notamment en charge les bourses de 850 étudiants. L'enjeu est très important au moment où le Brésil accentue son investissement en recherche-développement, qui est passé en quelques années de 0,6 % à 1,2 % du PIB.

Le partenariat franco-brésilien progresse aussi très vite au niveau des sociétés civiles. Je pense en particulier à la coopération décentralisée, avec les relations nouées par exemple entre la région Rhône-Alpes et l'Etat du Parana, entre le Pas-de-Calais et le Minas Gerais ou entre la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et São Paulo.

Autre illustration, le nombre d'apprenants du français est en forte augmentation, comme celui des entrées de cinéma pour des films en français.

Nous sommes donc dans une dynamique qui reste forte.

Le volet militaire du partenariat stratégique est évidemment structurant. Nous touchons là à un aspect véritablement systémique pour le Brésil, avec des éléments politiques et industriels, en lien avec la recherche et la technologie.

Le Brésil s'est doté, il y a trois ans à peine, d'une « stratégie nationale de défense ». Cette stratégie est fondée sur une volonté de souveraineté et d'autonomie de décision, elle-même adossée à une industrie de défense indépendante, élément moteur pour la croissance économique nationale.

Le Brésil possède des champions industriels, comme Petrobras dans l'énergie ou Vale dans les activités minières et la sidérurgie, mais aussi Embraer, troisième avionneur mondial. C'est à travers ces champions industriels et cette stratégie nationale de défense qu'il faut lire notre relation partenariale. Si le Brésil a choisi la France, c'est que la France avait cette même autonomie de décision, cette même volonté de souveraineté, et une capacité à transférer des technologies pour aider à construire au Brésil une industrie de défense.

Notre relation s'est matérialisée par un très important contrat de réalisation de quatre sous-marins Scorpène et d'un sous-marin à propulsion nucléaire, le Brésil gardant la responsabilité de la mise au point de la chaudière nucléaire. Eurocopter a également conclu un contrat pour la vente de 50 hélicoptères dont la plupart seront réalisés au Brésil, dans une usine ayant vocation à fournir ensuite le marché sud-américain. La proposition du Rafale pour le marché des avions de combat se situe dans la même logique, le Brésil souhaitant acquérir une technologie et consolider son champion industriel Embraer.

Comme vous l'aviez souligné dans votre rapport, Monsieur le Président, nous nous trouvons à un moment crucial. Nous devons aujourd'hui mettre en oeuvre les transferts de technologies auxquels nous nous sommes engagés, dans le cadre de l'exécution du contrat des sous-marins. Ce sera la « preuve par neuf » de notre capacité à opérer ces transferts et de la solidité de notre partenariat.

Au cours de ces derniers mois, les visites bilatérales - parlementaires, ministres, autorités militaires - ont été particulièrement nombreuses, témoignant de la densité de la relation bilatérale. Le Brésil a conclu des partenariats stratégiques avec près d'une dizaine de pays différents, mais aucun d'entre eux ne parait aussi structuré que le partenariat franco-brésilien. Il faut veiller à ne pas banaliser ce partenariat stratégique.

Telles sont les principales remarques dont je souhaitais vous faire part sur ce pays très spécifique qu'est le Brésil.

M. Josselin de Rohan, président - Votre exposé est tout aussi riche, clair et intéressant qu'il est empreint de la pédagogie du professeur agrégé que vous êtes.

M. Yves Pozzo di Borgo - Lors de notre mission au Brésil, nous avions retiré de nos entretiens avec les responsables en charge du dossier Rafale le sentiment que la décision n'était pas prise et que la France n'était en rien exclue du jeu. La Présidente Rousseff se trouvait alors en Chine, au sommet des BRICS, et lors d'un déplacement la semaine suivante à Moscou, j'ai eu des échos de l'accueil très favorable qu'elle aurait réservé au Sukhoï 35, celui-ci pouvant être réintégré dans l'appel d'offres. Qu'en est-il ?

Nous avons pu constater avec satisfaction que les entreprises et les PME françaises étaient très actives au Brésil. Nos interlocuteurs brésiliens avaient évoqué les conditions de réalisation du contrat des sous-marins. A-t-il été possible de répondre aux demandes brésiliennes ? Nous avions, en effet, clairement eu le sentiment que la qualité des transferts de technologie réalisés en la matière était très importante pour la relation bilatérale.

M. Robert del Picchia - Vous dressez un tableau très positif du Brésil et vous indiquez qu'aucun coup de fusil n'a été tiré depuis 150 ans. Mais la violence existe ! Vous n'avez pas évoqué les relations du Brésil avec ses voisins et, en particulier, l'Argentine, ancien concurrent, désormais surclassée sur le plan économique.

M. Jean-Pierre Chevènement - Quel est exactement le contenu de la stratégie nationale de défense du Brésil ? Comment expliquer son effort d'équipement actuel ? Pourquoi vouloir se doter d'avions de combat, de sous-marins, lorsque l'on vit en paix depuis 150 ans ? Enfin, avec quels autres pays le Brésil a-t-il noué des partenariats stratégiques ?

M. Jacques Berthou - Dans ce pays qui n'a pas connu la guerre depuis 150 ans, qui n'est pas menacé à ses frontières, mais qui s'équipe en armement, alors qu'il exporte des matières premières, on peut discerner une stratégie d'industrialisation par transfert de technologies dans le domaine de la défense. La logique me semble plutôt économique et la notion de sécurité n'est pas forcément centrale. La technologie n'est-elle pas un critère déterminant pour le choix du futur avion de combat ?

M. Jean Besson - Les achats chinois au Brésil ont suscité une certaine méfiance, compte tenu des agissements chinois récents en Afrique. Pouvez-vous nous en dire plus sur le montant et la nature des investissements chinois au Brésil ? S'agit-il de terres agricoles ? Qu'en est-il du partenariat avec Petrobras portant sur les réserves importantes découvertes à l'Est de Rio ? La coopération décentralisée avec le Brésil est en pleine expansion, comme le montrent par exemple les liens tissés entre Belo Horizonte et Lyon ou encore entre la Région Rhône-Alpes et le Parana, Etat industriel et riche. D'autres coopérations décentralisées répondent, au contraire, à une logique d'aide au développement, concernant par exemple des régions proches de la Guyane.

M. Daniel Reiner - Vous avez fait allusion au fait que les relations entre les Etats-Unis et le Brésil étaient compliquées. Les milieux militaires brésiliens ont pourtant des relations privilégiées avec les militaires américains et il nous revient qu'ils seraient parfois en désaccord avec la classe politique sur les stratégies d'équipement. Qu'en est-il ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga - Vous avez parlé de votre programmation culturelle. Quel jugement portez-vous sur les instruments de notre diplomatie culturelle : Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Instituts français, Direction générale de la mondialisation (DGM) et Audiovisuel extérieur ?

M. Joseph Kergueris - Le Brésil est le cinquième territoire mondial, à l'échelle d'un continent. Quelles relations peut-on établir entre ce caractère continental, sa vision stratégique et ses programmes d'équipement ?

Mme Catherine Morin-Desailly - Je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir invité les membres du groupe d'amitié France-Brésil. Sur le plan culturel, quelles ont été les retombées des années croisées France-Brésil ? Une multitude d'événements a été organisée, peut-on en chiffrer les conséquences en termes scientifiques ou de coopération ? Où en est la préparation des Jeux olympiques de Rio ? Enfin, quel bilan tirez-vous de la mise en place de l'audiovisuel public brésilien TV Brésil, sur le modèle de France Télévisions ?

M. Yves Saint-Geours - En matière de stratégie nationale de défense, je rappelle que le ministère de la défense a été créé il y a dix ans, en remplacement de trois ministères dirigés par les chefs d'état-major. L'armée brésilienne était essentiellement une armée de démonstration, voire, hélas, de maintien de l'ordre dans les années de la dictature militaire, jusqu'en 1985. Avec le retour du régime civil, les militaires ont, logiquement, été considérés négativement. L'effort militaire a chuté et l'industrie de défense a souffert d'un manque d'investissements, notamment dans le domaine terrestre. La création du ministère de la défense témoignait d'une prise de conscience nouvelle sur la nécessité de prendre en compte les enjeux de défense. L'élaboration de la stratégie nationale de défense, en 2008, concomitamment avec la conclusion du partenariat stratégique avec la France, en a été un premier aboutissement. Le ministre Jobim a d'ailleurs lu le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale français.

La stratégie nationale de défense brésilienne appréhende le fait que le Brésil a quasiment fini de conquérir son espace et doit désormais se protéger des menaces et conserver ses ressources naturelles : gisements pétroliers, terres rares... L'ensemble de la stratégie nationale de défense n'est pas destiné à lutter contre une hypothétique invasion, mais bien plutôt à disposer des instruments les plus modernes de cyber-guerre, de contrôle satellitaire et de contrôle technologique, y compris le nucléaire civil -le Brésil étant signataire du traité de Tlatelolco de dénucléarisation militaire de l'Amérique latine au sud du Rio Grande. Il s'agit de dominer son territoire et de protéger ses ressources naturelles, tout en constituant une industrie nationale de défense, qui soit à la fois garante de la souveraineté et de la sécurité, mais aussi un élément de croissance économique global. Le projet « Amazonie verte », avec le contrôle des frontières, répond à la menace des trafics, notamment de drogue ; le projet « Amazonie bleue » tend à la protection de la zone économique exclusive brésilienne.

Je confirme l'importance des préoccupations industrielles et des transferts de technologies. En ce qui concerne l'avion de combat, le Rafale est toujours dans la course, mais ce dossier n'étant pas au rang des premières priorités de la présidente, il n'a pas été rouvert et ne devrait pas l'être avant plusieurs mois. Il n'y a donc aucun élément nouveau et l'avion russe ne peut pas avoir été réintroduit dans la compétition puisque le dossier n'est pas rouvert. La France souhaite naturellement que la décision, attendue probablement d'ici un an à un an et demi, se prenne sur la base de l'instruction réalisée par le ministère de la défense.

La partie brésilienne a obtenu les réponses qu'elle attendait sur les transferts de technologie. Mais au fur et à mesure que les discussions avancent, de nouvelles questions se posent, car il s'agit d'un processus itératif, avec des allers-retours permanents. Le partenariat permet ce dialogue constant et son rôle est de limiter les malentendus.

Le Brésil a signé des partenariats stratégiques avec l'Italie, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud et d'autres émergents comme la Malaisie.

La violence est certes présente dans la société brésilienne. Il y a un taux d'homicide 25 fois supérieur à celui de la France : dans la seule ville de Brasilia, de 3 millions d'habitants, il y a autant de meurtres que dans la France entière ! La violence est endémique.

Les relations avec les voisins du Brésil sont excellentes. Il est vrai que, dominante au début du XX e siècle, l'économie argentine a, depuis, été distancée par l'essor d'un Brésil autrefois quelque peu méprisé. Aujourd'hui, le Brésil essaie de ménager son voisin argentin, notamment au sein du Mercosul, mais il faut souligner que cet accord n'a pas beaucoup de contenu. Les doubles impositions y sont encore en vigueur, et, entre autres, l'usage des compensations est un frein au libre-échange. La relation politique est toutefois apaisée et les relations de voisinage sont excellentes, mises à part quelques fièvres ponctuelles pour lesquelles le Brésil est susceptible d'intervenir, avec au demeurant un bonheur inégal.

S'agissant de la relation avec les Etats-Unis, la plupart des militaires brésiliens ont en effet une certaine proximité avec leurs homologues américains, ne serait-ce qu'en raison de l'héritage de la guerre froide. Il ne faut toutefois pas en exagérer l'importance car la structuration de la relation bilatérale avec la France s'avère payante : 171 officiers brésiliens sont aujourd'hui en France, notamment dans le cadre du contrat sur les sous-marins.

La Chine a acheté quelques mines, notamment de fer, au Brésil et elle est, en flux, le premier investisseur étranger depuis l'année dernière. Toutefois, le Brésil est très attentif à ce que ces investissements ne soient pas une simple captation de matières premières mais qu'ils impliquent bien des emplois et de l'industrie brésiliens. La prudence est de mise sur cette question sensible.

Sur le plan culturel, l'année de la France au Brésil a ouvert la voie à des relations entre les musées, par exemple Beaubourg et Orsay avec la Pinacothèque de São Paulo ou encore l'IRCAM avec le musée de la lumière et du son de São Paulo. Le musée du Nouveau Monde de La Rochelle a lui aussi construit un nouveau partenariat et le flux des expositions et des spectacles s'est accru.

TVBrésil n'a pas eu le démarrage escompté et se heurte à de réelles difficultés d'éclosion, même si certains programmes sont de bonne qualité et remplissent des missions de service public. Je ne peux dresser de bilan du fonctionnement de tous les outils de notre diplomatie culturelle, dans la mesure où le Brésil ne dispose pas d'Institut français, non plus que de la diffusion de France24. La programmation de TV5 peut paraître insatisfaisante - peu de sport, films un peu anciens, documentaires - mais il faut être indulgent, compte tenu de ses moyens limités. Quant à l'AEFE, elle fonctionne de façon satisfaisante, le réseau des trois lycées français étant toutefois sous-dimensionné au Brésil, puisqu'il n'accueille même pas 2 500 élèves. Un projet de nouveau lycée à São Paulo est en cours, qui pourrait accueillir 700 à 800 élèves de plus. Nous nous heurtons toutefois à la difficulté du coût de la vie au Brésil.

La Direction générale de la mondialisation traite bien les sujets globaux qui sont les siens : climat, biodiversité, financements innovants...

Les Brésiliens sont en retard pour la construction d'infrastructures, à la fois pour la Coupe du monde de football de 2014 et pour les Jeux olympiques de 2016. Ils ont, par le passé, su faire preuve de leur capacité de s'organiser au dernier moment, mais le défi est de taille et risque d'engendrer des surcoûts importants.


* 1 Après l'Arabie Saoudite, la Russie, l'Irak, l'Iran et le Canada.

* 2 25 pour 100 000 habitants au Brésil.

* 3 Politique internationale n°131 - printemps 2011

* 4 Différentes configurations sont prévues : transport, recherche et sauvetage au combat, lutte anti-sous-marine, lutte anti-surface. 2 hélicoptères seront pour un usage VIP.

* 5 Voir le rapport d'information n° 271 (2010-2011) de M. Josselin de Rohan, Mme Bernadette Dupont, MM. Jacques Berthou et Jean-Etienne Antoinette - « La Guyane : une approche globale de la sécurité » - http://www.senat.fr/rap/r10-271/r10-2711.pdf

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