II. DES STRUCTURES PRODUCTIVES DIFFÉRENTES ET DIVERGENTES

A. UNE ALLEMAGNE QUI PRIVILÉGIE L'INDUSTRIE FACE À UNE FRANCE SE DÉINDUSTRIALISANT

1. Au niveau de la valeur ajoutée

L'activité productive en France et en Allemagne serait marquée par des différences structurelles, le premier pays étant plus tourné vers les services, le second vers l'industrie. Cette observation, probablement inspirée par les divergences observées au cours de ces dernières années, est en partie excessive. Elle ne doit pas cacher l'essentiel, à savoir la prédominance des activités de services dans les deux pays.

Il n'en reste pas moins vrai qu'en tendance, la stabilité du poids de l'industrie en Allemagne contraste avec sa décrue relative en France.

Décomposition de la valeur ajoutée
et de l'emploi par secteur (2008)

De fait, la part de la valeur ajoutée de l'industrie dans le PIB allemand (25,6 % du PIB) apparaît comme près de deux fois celle de la France (13,6 % du PIB).

Inversement, l'ensemble des services aux entreprises, des services financiers et des autres services représentent 52,3 % du PIB en France contre 47,3 % du PIB en Allemagne. Si l'on ajoute la production des administrations publiques et des ménages (avec un écart pour la France qui s'élève à 3,2 points du PIB) on observe que la part des services dans l'activité économique française est supérieure de 9,2 points de PIB par rapport à l'Allemagne.

Par ailleurs au cours de la période récente, la structure productive des deux pays a nettement divergé.

Structure de la valeur ajoutée
(en % du total en valeur)

Source : Eurostat

Au point de départ (2001), l'Allemagne est plus industrielle que la France qui est plus orientée vers les services et l'ensemble « construction-immobilier ».

En Allemagne, le poids de la valeur ajoutée industrielle dans le total dépasse la France de 7,7 points et atteint 25 % de l'activité économique du pays.

Ce n'est toutefois pas l'activité primordiale en Allemagne puisque l'ensemble finances-immobilier y représente une proportion plus élevée de la production (28 %). Les autres activités, qui sont principalement des activités de services (commerce, transport, services collectifs) concentrent environ 40 % des productions allemandes.

Au total, même si l'industrie occupe une place relative élevée, ce sont les services qui forment le gros de l'activité économique allemande tout comme en France.

Mais, la France vérifie plus encore cette observation. Si les productions agricoles et la construction y occupent une place plus élevée qu'en Allemagne (+ 1,5 et + 0,5 points) c'est par la surreprésentation des services que le pays se distingue d'elle. Pour l'ensemble commerce-transport-immobilier-finances, l'écart atteint 3,7 points et encore 2,6 points pour l'immobilier et la finance.

Pour les services collectifs l'écart est de 2,1 points, écart dont on sait qu'il est difficile à analyser étant donné les conditions particulières de valorisation de ces activités 8 ( * ) .

Ces différences structurelles initiales se sont accentuées dans les années 2000 . Si la part de l'agriculture a reculé dans les deux pays (un peu plus en France qu'en Allemagne avec pour résultat un rapprochement entre les deux pays), la France a confirmé le déclin de son industrie, mais un déclin qui n'est que relatif.

Il faut observer que la production industrielle allemande s'accroît nettement plus qu'en France.

Par exemple, de 2005 à 2008, la production industrielle a augmenté de l'ordre de 3 % en France et de 17 % en Allemagne.

Mais, cette dynamique n'a été répercutée sur la valeur ajoutée industrielle que pour moitié.

Ce différentiel entre la production industrielle et la valeur ajoutée industrielle s'explique par le recours massif à des consommations intermédiaires dans le processus de production industriel.

Cependant, même si l'écart concernant la production industrielle entre les deux pays est moins élevé quand on examine la valeur ajoutée industrielle, il subsiste des différences sensibles de dynamique dans ce secteur.

Par rapport à 2001, la part de la valeur ajoutée industrielle recule de 3,6 points en France, pour se situer sous les 15 % (- 13,6 %) en 2008 alors qu'elle s'accroît légèrement en Allemagne (+ 0,7 points) où elle atteint 25,6 % du PIB.

Ces divergences reflètent une dynamique industrielle en ligne avec la croissance en Allemagne et inférieure à celle-ci en France.

Évolution de la valeur ajoutée de l'industrie en volume
(indice 100 en 2000)

France

Allemagne

2001

102,1

101,1

2002

102,7

99,7

2003

104,6

100,1

2004

105,7

104,8

2005

107,2

106,3

2006

107,2

112,4

2007

109,2

116,7

2008

107

112,7

2009

96

93,9

Source : Eurostat

Toutefois, la valeur ajoutée industrielle française a augmenté de 7 % en volume entre 2000 et 2008, si bien qu'on ne peut évoquer un recul absolu de l'industrie sur le territoire français.

Cependant, la dynamique de la valeur ajoutée industrielle est plus forte en Allemagne avec une croissance de 12,7 % au cours de la même période . Sur la période, le différentiel de croissance industrielle entre les deux pays, qui s'accentue particulièrement dans les années 2006 et 2007, atteint 5,7 points.

Entre 2003 et 2007, la valeur ajoutée industrielle en Allemagne croît davantage que le PIB alors que le PIB français connaît une croissance plus dynamique que la valeur ajoutée industrielle française.

Mais il faut relever combien ces comparaisons se révèlent sensibles aux choix des temporalités à partir desquels elles sont conduites.

Globalement, la valeur ajoutée industrielle allemande semble connaître des variations nettement plus fortes à la hausse et à la baisse, qu'en France. En début de période, l'Allemagne subit un recul quand la France connaît une croissance modérée. Au coeur des années 2000, la valeur ajoutée industrielle allemande est dans une phase de très forte expansion : entre 2003 et 2007 elle s'accroît de l'ordre de 17 % (soit une croissance de 4 % l'an en volume contre à peine 1 % en France). L'année 2006 apparaît comme un tournant : la valeur ajoutée industrielle stagne en France (en volume) quand elle progresse en Allemagne de 5,8 %. Mais, la crise globale réduit la valeur ajoutée industrielle allemande en-dessous de son niveau de 2000. Il en va de même pour la France mais avec beaucoup moins d'ampleur (une chute de l'ordre de 13 points entre 2007 et 2009 contre 22 points environ pour l'Allemagne).

L'écart de spécialisation entre les deux pays se renforce également sous l'effet des évolutions du poids relatif des services collectifs et des services financiers et immobiliers.

La part de la production de services collectifs baisse légèrement en Allemagne (de 22,7 à 22,2 points de PIB) quand elle augmente en France (de 24,8 à 25,4 points de PIB). Le différentiel entre les deux pays atteint 1,1 point de PIB, un peu moins que celui relatif à l'ensemble finances-immobilier (+ 1,3 point de PIB) qui va dans le même sens.

Le différentiel de croissance dans la construction à l'avantage de la France est encore plus spectaculaire.

En revanche, s'agissant de services marchands aux particuliers, les écarts sont plus réduits.

Au total, même si les évolutions sont sensibles aux points de comparaison choisis, on ne constate pas tant l'augmentation de la part de l'industrie dans le PIB allemand (part déjà élevée au départ) que sa baisse en France. Celle-ci ne traduit pas un recul absolu, mais un recul relatif dans la structure de l'activité économique française .

* *

*

Les deux pays se distinguent de plus en plus sous l'angle de la place qu'occupe l'activité industrielle dans les activités économiques localisées sur le territoire. La concentration de la France sur l'ensemble « construction-immobilier-finances », ensemble qui n'est pas homogène, vaut d'être relevée. En 2001, il représentait 35,9 % de la valeur ajoutée ; en 2008, cette proportion s'élève à 40,1 % (+ 4,2 points). Le glissement pour l'Allemagne n'est que de 0,5 point notamment du fait du recul de l'activité de construction.

Les structures productives des deux pays déjà différentes à l'origine se sont écartées l'une de l'autre. À ce processus correspond une différenciation des logiques de production, des variables susceptibles de jouer sur ses dynamiques et, par conséquent, des enjeux qu'affrontent les deux pays, ainsi que des effets induits par les caractéristiques du système productif.


* 8 Cette observation doit d'ailleurs être étendue à d'autres services.

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