Audition de Mme Véronique HESPEL et de MM. Pierre-Emmanuel LECERF et Emmanuel MONNET, membres de l'inspection générale des finances (IGF), auteurs de l'« Étude comparative des effectifs des services publics de l'emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni »
(mardi 31 mai 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Tous trois membres de l'Inspection générale des finances (IGF), vous êtes les auteurs d'un rapport sur les effectifs du service public de l'emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. La comparaison de ces trois services publics de l'emploi peut conforter, nous semble-t-il, les réflexions et les propositions que nous pourrons formuler dans notre rapport. Nous avons en effet constaté que la question des moyens humains du service public de l'emploi ne pouvait être éludée. Le service public de l'emploi français nous semble sous-doté à cet égard. Exposez-nous les constats de votre rapport, avant que nous engagions le dialogue.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf, inspecteur des finances . - Commandé par la ministre de l'économie, Mme Christine Lagarde, et le secrétaire d'Etat à l'emploi, M. Laurent Wauquiez, en juillet 2010, ce rapport visait à comparer les effectifs des services publics de l'emploi en Europe. Faute de temps, nous avons restreint l'analyse à trois pays. Cependant, le rapport a été enrichi de compléments sur sept autres pays européens, qui touchent non seulement aux effectifs, mais aussi à l'organisation et à la performance des services publics de l'emploi.

Les systèmes institutionnels diffèrent d'un pays à l'autre, selon le degré d'intégration du service public de l'emploi. C'est en France que le degré d'intégration est le plus faible malgré l'unification de deux réseaux dans Pôle emploi. Le système allemand, et davantage encore le système britannique, sont plus intégrés.

Dans ces pays, plus ou moins touchés par la crise économique, les niveaux de chômage sont inégaux. Le taux de chômage de la France est le plus élevé des trois. Cependant, le chômage au Royaume-Uni a fortement augmenté pendant la crise, ce qui a eu un impact sur les ressources et la charge de travail du service public de l'emploi.

La définition du service public de l'emploi n'est pas homogène entre les différents pays. Par convention, nous avons retenu quatre missions opérationnelles pour en cerner les contours : l'accueil, l'accompagnement et le placement, l'indemnisation des demandeurs d'emploi et les services aux employeurs. Cette approche correspond au périmètre de Pôle emploi. Nous aurions cependant pu y inclure la formation professionnelle, par exemple.

Nous devions ensuite décompter les effectifs du service public de l'emploi, ce qui n'est pas une tâche aisée. Nous nous sommes appuyés sur des outils méthodologiques de comptabilité analytique, dont la fiabilité est inégale.

Enfin, nous devions comparer et expliquer nos conclusions en termes de moyens et de niveau d'activité. Nous ne nous sommes pas arrêtés à la productivité du service public de l'emploi mais nous nous sommes également intéressés à l'analyse des résultats.

M. Emmanuel Monnet, inspecteur des finances . - Le décompte des effectifs totaux des SPE suppose d'agréger les effectifs des organismes correspondant au périmètre des quatre missions dans les différents pays. Nous avons retenu deux ratios pour comparer les effectifs. Le premier rapporte les effectifs décomptés au nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT), qui ne concerne que les personnes sans emploi. Le second rapporte ces effectifs au nombre de chômeurs au sens des administrations nationales, ce qui reflète plus fidèlement la charge de travail potentielle des services publics de l'emploi mais repose sur des conventions de décompte hétérogènes.

En valeur absolue, les effectifs du SPE français, soit 62 056 équivalents temps plein (ETP), sont supérieurs à ceux du SPE britannique (53 844 ETP) et inférieurs à ceux du SPE allemand (127 450 ETP).

Rapporté au nombre de demandeurs d'emploi, le SPE français a un taux d'encadrement de 215 ETP pour 10 000 demandeurs d'emploi au sens du BIT, soit un niveau inférieur à celui des deux autres pays (420 ETP en Allemagne et 221 ETP au Royaume-Uni). L'écart s'accroît lorsque l'on prend en compte le nombre de demandeurs d'emploi au sens des administrations nationales : 159 ETP pour 10 000 en France, 377 ETP en Allemagne et 349 ETP au Royaume-Uni.

Le taux d'encadrement en France est inférieur pour trois des quatre missions. Il n'est supérieur que pour les services aux entreprises. Nous constatons que le Royaume-Uni accorde une priorité plus nette à l'accompagnement du demandeur d'emploi que les deux autres pays, puisque cette mission y mobilise 51 % des effectifs du SPE.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - A quoi correspondent les effectifs résiduels qui sont cités dans votre rapport ?

M. Emmanuel Monnet . - Ce sont des personnels administratifs affectés à des fonctions support qui concourent à la réalisation des quatre missions. Les effectifs résiduels sont importants à Pôle emploi.

L'Allemagne affecte une plus forte proportion de ses effectifs aux missions d'accueil et d'indemnisation du demandeur d'emploi, tandis que la France consacre un effort plus important aux relations avec l'employeur que dans les autres pays.

La prise en compte de la sous-traitance ne modifie pas l'analyse. En 2009, année prise en compte pour notre comparaison, la France a eu recours à la sous-traitance pour le placement des demandeurs d'emploi. Elle y a consacré un budget inférieur à celui du Royaume-Uni, légèrement supérieur à celui de l'Allemagne, mais en tout cas pas de nature à modifier la hiérarchie que nous avons constatée.

Mme Véronique Hespel . - Au départ, nous avions envisagé de comparer les effectifs des sous-traitants mais ces données ne sont pas disponibles. Nous avons donc préféré rapprocher les budgets et constaté que notre budget de sous-traitance correspondait au tiers de celui du Royaume-Uni.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Quels organismes avez-vous intégrés en France pour effectuer votre comparaison ?

M. Emmanuel Monnet . - Nous avons pris en compte, pour la France, Pôle emploi, les missions locales, les maisons de l'emploi, les caisses d'allocations familiales (Caf), les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), les Cap emploi, l'Apec, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et l'Unedic, en retenant à chaque fois les emplois correspondant aux missions qui nous intéressent.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Les Opca sont-ils à l'extérieur du périmètre ?

Mme Véronique Hespel . - Nous avons extrait du périmètre les organismes chargés de la formation professionnelle. Nous avons choisi une définition conventionnelle afin de simplifier le calcul.

Les collectivités locales manquent à notre identification des effectifs français. Nous avons réalisé une enquête pour connaître la part des effectifs des Direccte affectés à des missions relatives à l'emploi et une enquête auprès des Direccte pour leur demander d'estimer les effectifs affectés, dans les départements, à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Or, le taux de réponse à cette deuxième enquête a été faible, de l'ordre de 15 %, ce qui nous a amenés à exclure ces personnels de notre décompte. En extrapolant à partir de ces résultats très partiels, nous serions arrivés à une estimation de l'ordre de 2 000 postes de travail. On parle beaucoup du coût du RSA pour les départements mais on connaît mal, manifestement, les moyens qui sont consacrés à l'insertion.

M. Emmanuel Monnet . - Sur la mission d'accueil et d'information du demandeur d'emploi, le SPE français paraît le plus apte à fournir un service de proximité à moindre coût en dépit d'effectifs limités. Il nous paraît productif, avec un réseau d'accueil de proximité qui n'est pas négligeable. Ainsi, nous pensons que notre offre de services est satisfaisante sur ce point, quoique moins étendue en matière de guichet unique.

L'offre de services aux entreprises, plus étendue et moins ciblée en France, peut expliquer l'importance relative des effectifs consacrés aux relations avec les employeurs. En effet, nos voisins semblent cibler les grandes entreprises qui sont celles qui proposent le plus de postes.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Outre Pôle emploi, les Opca recherchent aussi les emplois disponibles dans le monde de l'entreprise.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Notre constat en est renforcé : en France, les moyens consacrés aux services aux employeurs sont élevés alors que le Royaume-Uni cible davantage les employeurs engagés dans des partenariats pour recruter les personnes les plus éloignées du marché du travail. L'Allemagne se concentre sur les 20 % d'entreprises qui proposent 80 % des offres d'emploi.

M. Emmanuel Monnet . - Nous avons été surpris de constater que la mission d'indemnisation en France comptait, proportionnellement, moins d'effectifs qu'ailleurs. En effet, le Royaume-Uni présente a priori le degré le plus poussé de rationalisation de ces fonctions. Finalement, nous nous demandons si la supériorité numérique des effectifs des autres SPE en ce domaine est due à une meilleure qualité de service ou à une organisation moins efficace. Il y a là encore matière à investigation.

Mme Véronique Hespel . - Les Caf semblent gérer le RSA de façon extraordinairement économe par rapport au système allemand. Au Royaume-Uni, les services d'indemnisation ont sans doute accueilli une partie des 20 000 agents qui travaillaient dans les Job Center Plus et dont l'emploi a été supprimé avant la crise, ce qui peut expliquer des sureffectifs. En Allemagne, le surcroît de personnel dédié à l'indemnisation s'explique vraisemblablement par le fédéralisme. En effet, toutes les collectivités ont leur système de gestion propre.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - L'introduction d'un nouveau système informatique en Allemagne devrait cependant accroître la productivité de 16 % et permettre de réduire les effectifs.

En ce qui concerne l'accompagnement, les écarts d'effectifs sont très importants entre les pays. Cependant, les trois pays présentent des spécificités institutionnelles fortes et les acteurs sont très différents d'un pays à l'autre.

En Allemagne, les communes sont très impliquées dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi, les Britanniques recourent beaucoup à la sous-traitance et en France de nombreux acteurs se côtoient.

Par ailleurs, l'offre de services en France est plus restreinte. En Allemagne, l'accompagnement est fortement intégré au dispositif d'orientation et de formation professionnelle. Au Royaume-Uni, l'accompagnement du demandeur d'emploi est plus intensif qu'en France. Un demandeur d'emploi britannique passe 7 heures 25 en face à face avec son conseiller sur douze mois, là où un chômeur français est reçu, en théorie, pendant 5 heures. Depuis la crise, seulement 36 % des entretiens prévus à partir du quatrième mois de chômage sont réalisés. En réalité, la durée des contacts avec le conseiller est donc plutôt d'une heure.

Mme Véronique Hespel . - Au Royaume-Uni, le suivi du demandeur d'emploi s'intensifie entre le sixième et le douzième mois. S'il n'a pas trouvé de travail au bout de six mois, il est reçu en entretien toutes les deux semaines et doit présenter les dix démarches de recherche d'emploi qu'il a réalisées depuis le dernier rendez-vous et les dix autres qu'il compte réaliser dans la prochaine quinzaine. Si le demandeur d'emploi est toujours au chômage après douze mois, il est confié à un sous-traitant du SPE.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Cela signifie que les sous-traitants suivent les personnes les moins employables.

Mme Véronique Hespel . - Le demandeur bénéficie ainsi d'un autre interlocuteur lorsque l'accompagnement n'a pas abouti.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Les Britanniques mettent donc en place des moyens pour aider les personnes qui n'ont pu retrouver un emploi grâce au suivi de droit commun.

Mme Véronique Hespel . - Au Royaume-Uni, la moitié des sous-traitants sont des associations. Le SPE britannique passe des contrats avec les sous-traitants qui sont mis en concurrence. Toutefois, on observe que des partenariats de long terme se mettent en place, de sorte que les associations qui interviennent sont à peu près toujours les mêmes. De fait, les projets sont pluriannuels.

M. Claude Jeannerot, président . - Avez-vous comparé la durée moyenne du chômage dans ces différents pays ? L'efficacité de l'accompagnement s'évalue aussi à l'aune de ce critère.

Mme Véronique Hespel . - Nous sommes malheureusement les champions en ce domaine.

Du point de vue des finances publiques, une seule question compte : ces moyens humains rapportent-ils ? Nous avons étudié toutes les évaluations britanniques et allemandes, qui attestent que l'intensification de l'accompagnement réduit la durée d'indemnisation. Les Britanniques ont décidé d'intensifier le suivi car cette approche est la moins coûteuse.

Cependant, les effets d'un suivi plus intensif dépendent du niveau d'emploi, des salaires, de la politique d'offre et du niveau de l'indemnisation. Le système britannique indemnise les demandeurs d'emploi au chômage depuis plus de six mois à un niveau équivalent à celui du RSA, ce qui rend moins surprenante la plus faible durée d'indemnisation en Grande-Bretagne.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Le système britannique oblige-t-il les demandeurs d'emplois à accepter une offre d'emploi ?

Mme Véronique Hespel . - Le point fort de ce système est l'activation.

M. Claude Jeannerot, président . - Cependant, les personnes qui bénéficient du RSA depuis longtemps ne voient pas leur durée moyenne de chômage réduite si les mesures d'accompagnement ne sont pas suffisantes.

Mme Véronique Hespel . - Le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité qui ne sont pas effectivement demandeurs d'emploi est à peu près le même en Allemagne et au Royaume-Uni. Cependant, l'incitation à rechercher un emploi est plus forte au Royaume-Uni qu'en France ou en Allemagne car le lien entre indemnisation et recherche d'emploi est plus fort et contrôlé tous les quinze jours.

M. Claude Jeannerot, président . - Le nombre élevé d'agents du SPE en Allemagne a-t-il un effet sur la durée moyenne du chômage ?

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Dans les deux pays que nous avons étudiés, où les marchés du travail et les systèmes d'indemnisation sont pourtant différents, l'intensification de l'accompagnement réduit manifestement la durée moyenne de chômage. Le SPE allemand a décidé progressivement de se rapprocher d'une cible de soixante-dix demandeurs d'emploi par conseiller. L'équivalent allemand de Pôle emploi, la Bundesagentur für Arbeit, gère la caisse d'assurance chômage et a donc un intérêt budgétaire immédiat à avoir une moindre durée d'indemnisation.

M. Claude Jeannerot, président . - Nous avons observé dans le Nord-Pas-de-Calais un dispositif d'accompagnement renforcé mis en place pour l'emploi des jeunes. Chaque conseiller doit suivre soixante dossiers. Nous constatons que les jeunes, au-delà d'un an d'indemnisation, sont convoqués quasiment chaque semaine. La probabilité de voir ces jeunes sortir du chômage est infiniment plus forte. Malheureusement, Pôle emploi a fait de ce dispositif une variable d'ajustement et tend à en réduire les effectifs.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Le fait que seuls 36 % des entretiens mensuels soient réalisés montre que la variable d'ajustement, face à un surcroît d'activité, a été l'accompagnement. Pôle emploi a accordé la priorité à l'indemnisation des chômeurs dans un délai raisonnable.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Pôle emploi existe aujourd'hui depuis deux ans. Nous vivons une période de légère reprise. C'est l'occasion de mettre à plat ces questions. Comment adapter le dispositif ? Les moyens de Pôle emploi constituent une question essentielle. Des rapports tels que le vôtre présentent des données sans analyse idéologique, ce qui est bienvenu.

Mme Véronique Hespel . - Pour moi, Pôle emploi comporte encore des gisements d'efficience réelle. Alors que Pôle emploi résulte d'une fusion, la hiérarchie et les fonctions supports comportent encore de nombreux doublons. Deuxièmement, un chantier est à mener pour un meilleur ciblage, avec la fixation d'objectifs clairs de taux de retour à l'emploi ou de durée de chômage. De nombreuses procédures doivent être améliorées. Nous appelons de nos voeux un pilotage plus ciblé sur le taux de retour à l'emploi de qualité, ou l'entrée dans une formation qualifiante.

L'Allemagne s'appuie en outre sur un troisième indicateur : combien de chômeurs potentiels ont évité le chômage ? En Allemagne, une entreprise qui licencie doit prévenir la Bundesagentur trois mois avant le départ effectif du salarié de l'entreprise. Ainsi, les agents sont également jugés sur leur capacité à éviter le chômage à des personnes qui vont être licenciées. Lorsque nous avons présenté cet indicateur à Pôle emploi, certains directeurs régionaux l'ont jugé pertinent, car avant le licenciement on peut encore mobiliser les dispositifs qui existent dans les entreprises ou dans les branches.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Vous avez également noté la complexité du SPE français.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - L'Allemagne et le Royaume-Uni ont parié sur l'intensification de l'accompagnement, et donc sur des effectifs supplémentaires, pour diminuer la durée d'indemnisation et bénéficier d'un retour budgétaire positif. Dans les deux cas, on observe un système de pilotage par la performance très développé. Les agences locales sont jugées sur le taux de retour à l'emploi. Dans les deux cas également, la souplesse de gestion est importante : le Royaume-Uni comme l'Allemagne, au pic de la crise, ont recruté jusqu'à 20 % de CDD, ce qui n'est pas possible actuellement pour Pôle emploi car la convention collective limite le nombre de CDD à 5 % des effectifs. Les Anglais ont pu recruter 16 000 ETP en CDD sur neuf mois. Lorsque le chômage stagne ou diminue, le nombre de CDD peut être réduit. Cette souplesse de gestion permet de revenir à un niveau de croisière lorsque le chômage revient à son taux d'équilibre.

Plusieurs pistes peuvent être examinées pour intensifier l'accompagnement des demandeurs d'emploi en France : des gains de productivité peuvent encore être réalisés à la suite de la fusion ; le ciblage des services proposés aux entreprises pour privilégier celles qui s'engagent dans des partenariats ; et l'orientation du système de pilotage vers des indicateurs de performance et de résultats en termes de retour à l'emploi.

Nous avons identifié quatre pistes complémentaires de réflexion, autour de la souplesse de gestion, de l'organisation institutionnelle des minima sociaux et notamment du RSA, où l'accompagnement est assuré par les départements et l'indemnisation par les Caf, de l'articulation entre le SPE et la formation professionnelle et de la répartition des tâches de l'opérateur principal, de ses cotraitants et de ses sous-traitants.

Mme Véronique Hespel . - Quand les services doublonnent, aucune économie d'échelle n'est réalisée. Par ailleurs, l'individualisation du suivi du demandeur d'emploi est insuffisante, ce qui le contraint à naviguer entre différents guichets.

M. Claude Jeannerot, président . - Les opérations sont juxtaposées sans complémentarité.

Mme Véronique Hespel . - Je me suis rendue récemment dans une mission locale où j'ai assisté à un comité de distribution des aides d'un fonds départemental. Dix personnes ont traité soixante dossiers en une matinée. Toutes les collectivités étaient présentes en plus de la mission locale, ce qui interdit toute économie d'échelle. Il convient de rationaliser le système dans l'intérêt du demandeur d'emploi.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - La signature de conventions de partenariat donne l'occasion de belles photos dans la presse, mais n'a pas toujours beaucoup de portée concrète.

Mme Véronique Hespel . - A l'occasion d'une enquête sur l'insertion, j'ai constaté la lassitude des usagers lorsqu'ils devaient raconter leur parcours à une multitude de personnes différentes.

Mme Christiane Demontès . - A vous entendre, j'ai l'impression que le système français souffre d'un pilotage insuffisant. On organise des partenariats sans en évaluer les résultats.

Ne serait-il pas plus simple de confier à Pôle emploi la mission de piloter le SPE ? Je suis satisfaite que l'indemnisation et l'accompagnement du demandeur d'emploi soient réunis dans un seul lieu. Cependant, je constate aujourd'hui que l'indemnisation prend le pas sur l'accompagnement, car le demandeur d'emploi, après avoir réglé la question de son indemnisation durant une heure, n'a pas l'esprit disponible pour discuter de son projet professionnel. Pourquoi un organisme ne piloterait-il pas les autres qui seraient ses sous-traitants ?

M. Claude Jeannerot, président . - Les gains de productivité sont au coeur du problème de la mise en réseau avec les partenaires. Comment le Royaume-Uni pilote-t-il le SPE par exemple ?

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Le partenariat y est complexe à analyser, car il repose sur plusieurs strates. Des partenariats nationaux sont élaborés avec des grandes entreprises qui recrutent des personnes en difficulté. Des partenariats régionaux et locaux les complètent. Ils sont plus ou moins formalisés compte tenu de la décentralisation d'une partie de la gestion des agences, et sont tout à fait adaptables, ce qui ne permet pas de livrer une analyse systémique. Cela dit, les partenariats locaux sont nombreux, avec un ciblage important des PME.

M. Claude Jeannerot, président . - Ces partenariats nombreux signifient-ils que le pilotage effectif est assuré par Job Center Plus ?

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Le pilotage est réalisé essentiellement à travers les résultats. Ainsi, la recherche de partenariats s'organise de façon informelle, sur la base de l'efficacité des opérateurs.

Mme Véronique Hespel . - Je ne crois guère aux grandes conventions nationales. En comparant les différentes réformes de l'Etat, nous avons constaté que les Britanniques se désengagent du suivi et de l'évaluation de ces expérimentations locales pour les laisser se développer. Ainsi, l'initiative locale peut foisonner pour améliorer les résultats. Peut-être pourrions-nous réfléchir à cette voie.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Pôle emploi est financé par 10 % des recettes de l'Unedic et par une subvention de l'Etat, adoptée lors du vote de la loi de finances en fin d'année. La rigueur budgétaire est appliquée à la lettre. C'est pourquoi l'intéressement de Pôle emploi au bon fonctionnement du dispositif est très faible. Le système britannique prévoit-il un intéressement direct ?

M. Emmanuel Monnet . - C'est surtout le cas en Allemagne. Le SPE britannique est une administration soumise aux mêmes contraintes budgétaires que le SPE français. Nous n'avons pas observé de rémunération à la performance dans ce réseau, en tous cas pas au niveau des agences. En Allemagne, le système est tripartite, financé par des cotisations sociales et géré par les partenaires sociaux, et est autonome sur le plan budgétaire. Dans ce cas, le payeur est directement intéressé aux résultats obtenus en matière de retour à l'emploi, qui lui permettent de réaliser des économies.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Le modèle économique allemand permet d'équilibrer les bénéfices et les coûts alors que le système anglais repose sur un service public.

Quelles sont les méthodes de négociation budgétaire de ces pays ? Je pense que nous pourrions améliorer la performance des méthodes de négociation budgétaire en France en faisant dépendre une part du budget des résultats obtenus.

M. Pierre-Emmanuel Lecerf . - Nous avons interrogé des responsables dans les deux pays sur les conséquences, en termes de gestion, qui résultent du pilotage par les résultats. Ils nous ont conseillé d'éviter de donner moins aux agences les moins performantes afin de ne pas pénaliser les demandeurs d'emploi. Le pilotage par la performance est principalement lié à la gestion des ressources humaines. Les managers qui améliorent la performance de leur agence locale sont promus plus rapidement que les autres.

Les directeurs d'agence allemands sont fonctionnaires ou contractuels. Les premiers peuvent bénéficier de parcours accélérés, tandis que la rémunération des seconds comprend une part variable selon l'atteinte des objectifs. Cette gestion est efficace car elle intéresse les directeurs d'agence aux résultats. L'Allemagne compare les performances des agences en tenant compte du contexte local. Les managers sont comparés sur cette base.

En Angleterre, la performance est surtout gérée au niveau du district, échelon intermédiaire entre l'agence locale et les directions régionales.

M. Claude Jeannerot, président . - Je vous remercie de votre contribution, qui nous est utile à ce stade de notre réflexion.

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