b. La délocalisation de la recherche

L'activité de recherche OGM se poursuit en laboratoires en France, mais, depuis 2007, les essais plein champ ont essentiellement dus être arrêtés en France et transférés vers d'autres pays.

Par exemple Limagrain, pour sa phase de recherche, s'implante essentiellement aux Etats-Unis et un peu au Canada, notamment pour la preuve du concept, c'est-à-dire pour vérifier que le système qu'on teste fonctionne, pour la sélection des produits que l'on va commercialiser, et pour les études réglementaires. Cette société a fermé son laboratoire d'Évry et celui qu'elle avait en Angleterre en 2006.

Depuis 2008, elle a transféré ses essais plein champ aux Etats-Unis et dans d'autres pays européens, lorsque le produit est bien identifié, bien caractérisé et prêt à être commercialisé, notamment en République tchèque, en Espagne, en Roumanie, en Slovaquie. Les essais qui sont essentiellement destinés au dossier réglementaire pour l'Europe n'y sont que très peu acceptés, mais ces pays n'ont pas de tradition de « faucheur volontaire » et les recherches y sont donc respectées.

Les autres entreprises ont également délocalisé hors de France et d'Europe leurs outils de recherche. Syngenta a fermé son site anglais il y a quelques années. Bayer a diminué ses effectifs en France, et a fermé un site en Allemagne, s'est maintenu en Belgique, mais surtout a créé un laboratoire important aux Etats-Unis, où cette société a racheté une société de biotechnologies avec une centaine de personnes. BASF maintient un laboratoire en Belgique sur des travaux sur le riz, et développe des activités aux Etats-Unis.

Les sociétés de biotechnologie végétale OGM ont pratiquement disparu en France. La société LemnaGene, en Rhône-Alpes, a été rachetée en 2005 par des Américains, qui ont fermé le laboratoire en 2006. Meristem Therapeutics, qui développait des maïs pour produits pharmaceutiques, a été obligée de fermer il y a maintenant trois à quatre ans. Cellectis qui travaille un peu dans ce domaine, fait l'essentiel de sa recherche sur le végétal aux Etats-Unis. Par contre, au niveau pharmaceutique, cette société a une activité très importante en France, car le génie génétique est accepté lorsqu'il est à des fins thérapeutiques.

A propos du végétal spécialisé, celui ci présente des opportunités très intéressantes pour développer des innovations par transgénèse. Par exemple, la structure variétale des arbres fruitiers et de la vigne est clonale : les plantes sont multipliées par greffage puis commercialisées et identifiées par le consommateur sous leur nom de variété (golden, gala ...).

L'apport d'une nouvelle variété par hybridation conventionnelle est possible mais très lent, et il est difficile de faire pénétrer une nouveauté à tous les échelons de la filière professionnelle. La transgénèse, au contraire, permet une amélioration ponctuelle ciblée d'un caractère. Elle ne modifie pas l'ensemble des caractéristiques agronomiques d'une grande variété, ce qui devrait faciliter l'acceptation de l'innovation.

Le secteur comporte également des productions qui ne sont pas directement alimentaires. C'est le cas des porte-greffes, des plantes ornementales ou médicinales. Certains caractères particuliers peuvent être efficacement traités par transgénèse : ainsi, on connaît suffisamment les gènes qui régulent la floraison de ces plantes pour arriver à réduire drastiquement la période juvénile de l'arbre.

Un sélectionneur de pommiers, par exemple, pourra alors réaliser une amélioration génétique en faisant un croisement par an au lieu d'attendre de cinq à dix ans entre chaque génération. Cette technologie permet également de ne retenir en fin de cycle de sélection que des individus qui ne sont plus porteurs du transgène.

La cisgénèse

La « cisgénèse » est un processus de génie génétique qui permet de transférer artificiellement des gènes entre des organismes qui pourraient être croisés selon des méthodes d'hybridation classiques.

Dans les méthodes de sélection classiques, de multiples rétro-croisements doivent être réalisés, chacun demandant au minimum plusieurs mois, pour créer un nouveau cultivar 2 ( * ) en éliminant les caractères indésirables.

La cisgénèse présente l'avantage sur ces méthodes qu'elle peut permettre la création de nouveaux cultivars plus rapidement et à moindre coût.

A la différence de la transgénèse, les gènes sont transférés seulement entre des organismes étroitement apparentés.

Le végétal spécialisé représente plusieurs centaines d'espèces végétales différentes et plusieurs milliers de variétés, si bien que le nombre de génotypes à analyser et à améliorer est considérable.

De plus, certaines espèces se montrent très récalcitrantes face à ces méthodes. Ainsi s'explique le retard que nous avons pris dans la mise en oeuvre des méthodes de transgénèse les plus innovantes, comme la production de plantes transgéniques qui ne contiennent plus de gène marqueur ou dans lesquelles il est possible de réaliser ultérieurement une insertion ciblée du transgène.

Il faut tenir compte des particularités économiques de ce type de production. Le marché potentiel d'une variété transgénique d'un fruit, d'une plante ornementale ou d'une plante médicinale est très limité par rapport à celui d'une variété de maïs ou de soja. Il est donc très difficile de rentabiliser le lourd investissement que demande la mise en oeuvre des biotechnologies. Cela explique la faiblesse de la recherche privée dans le secteur. En France et à l'étranger, ce sont surtout des acteurs publics qui mènent la recherche.

Par exemple, face au défi que représente pour eux l'évolution de la réglementation sur les pesticides, les producteurs de fruits sont prêts à s'engager dans des domaines d'innovation aussi différents que les méthodes biologiques, le développement de molécules destinées à stimuler les défenses naturelles des plantes, l'amélioration des variétés par hybridation et le développement d'outils de transgénèse. Très peu nombreux sont ceux qui privilégient dogmatiquement un type d'innovation et excluent les autres.

Les biotechnologies non OGM à l'INRA

Les OGM ne constituent qu'une forme particulière d'innovation en biotechnologies et ne doivent pas occulter la dynamique, les atouts et les perspectives d'innovation de la recherche française en la matière.

En France, dans les domaines des biotechnologies vertes et des biotechnologies blanches, l'INRA a développé des partenariats tournés vers l'innovation et inscrits dans des coopérations internationales très fortes.

A titre d'exemple, en biotechnologies vertes, la technique de « eco-tilling » mise au point par une équipe de l'INRA ou les techniques de sélection assistée par marqueur permettent d'accélérer le processus d'amélioration des variétés, en faisant gagner quelques années dans un processus qui dure 10 à 15 ans pour les plantes annuelles. Un groupement sur les biotechnologies vertes a été lancé en 2011.

Quant aux biotechnologies blanches, elles recouvrent une large palette d'outils et de procédés biologiques visant à partir de la biomasse, à transformer en vecteurs d'énergie, en produits chimiques et en polymères les différentes molécules qui seront extraites. Plusieurs projets d'envergure rassemblent de nombreux acteurs publics et privés.

Elles sont considérées par de nombreuses organisations comme un levier majeur de croissance économique et de transition vers une bio-économie fondée sur l'exploitation du carbone renouvelable. L'OCDE estime ainsi que la valeur des ventes de produits issus des biotechnologies blanches devrait passer de 48 milliards d'euros en 2008 à 340 milliards d'euros en 2017.

En revanche, selon la place qu'ils occupent dans la filière, tous ne sont pas prêts à s'engager de la même façon. Les pépiniéristes ou les groupes semenciers, qui interviennent en amont, sont assez demandeurs en matière de recherche. Les producteurs, pour leur part, ont conscience qu'ils fournissent des produits frais ayant une forte image de nature, de terroir, de bénéfice pour la santé, mais que cette image est entachée par certaines communications faites dans les médias, par exemple par une émission intitulée « Du poison dans nos assiettes ».


* 2 Variété de plante obtenue en culture

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