B. LA PERSISTANCE DE LA PIRATERIE MARITIME

Malgré les efforts de la communauté internationale et de l'Union européenne en particulier, la piraterie demeure une menace sérieuse dans le Golfe d'Aden et au large des côtes somaliennes.

Depuis le lancement de l'opération Atalanta en décembre 2008, le nombre total d'attaques dans cette zone a été estimé à 538, dont 416 ayant échoué et 122 réussies.

Toutefois, face au déploiement des navires de guerre, les pirates somaliens ont été amenés à étendre leur zone d'action, très loin des côtes somaliennes, et les attaques touchent désormais une vaste zone de l'océan Indien, allant de Madagascar à l'Inde. Ainsi, on a assisté à des attaques de pirates somaliens à proximité des côtes indiennes ou du Sri Lanka, au large des Seychelles et dans les eaux françaises de Mayotte. Tout récemment, le 26 mars dernier, un cargo iranien le MV Eglantine et ses 23 membres d'équipage ont été capturés par des pirates somaliens dans la zone économique exclusive des Maldives.

Depuis juin 2010, la zone de l'opération Atalanta a d'ailleurs été étendue et recouvre désormais le Sud et l'Est de la zone au large des côtes somaliennes, soit une surface comparable à la mer méditerranée.

Grâce notamment aux rançons, les pirates somaliens utilisent de plus en plus un armement et des équipements modernes, et ont fréquemment recours aux nouvelles technologies (GPS, téléphones satellitaire, etc.).

Par ailleurs, les attaques sont de plus en plus violentes et les pirates n'hésitent pas à recourir à l'usage de la force, et même à des armes lourdes, pour s'emparer des navires et de leur équipage.

Tous les types de navires sont concernés : voiliers et navires de plaisance, paquebots, mais aussi cargos, porte-conteneurs, navires de pêche, navires citernes, vraquiers, câbliers, avec une préférence notable pour les bâtiments bas et lents... Par méprise, les pirates somaliens ont même tenté un jour de s'en prendre à une frégate de la marine nationale, avant de se rendre compte de leur erreur !

Si le nombre d'attaques de piraterie recensées a fortement diminué entre 2009 et 2010, il est resté stable en 2011.

2008

2009

2010

2011

Nombre d'attaques

120

215

199

168

Nombre de navires capturés

44

39

36

22

% captures/attaques

36%

18%

18%

13%

Rançon moyenne (USD)

1 450 000

1 900 000

4 000 000

5 300 000

Durée moyenne de rétention (jours)

59

85

150

/

Présumés pirates interceptés (dont France)

117 (49)

707 (111)

929 (176)

652(27)

Présumés pirates relâchés

60

422

766

406

Présumés pirates appréhendés et remis à autorité judiciaires (dont France)

48 (21)

275 (81)

143 (54)

246 (13)

En 2008, on a recensé 131 attaques de navires, dont un tiers avaient donné lieu à une capture par des pirates. En 2009, 219 navires auraient subi des attaques, dont 39 avec succès. En 2010, on a dénombré 199 attaques de navires, dont 36 réussies et, en 2011, 194 attaques, dont 23 réussies.

En 2010, 36 navires avaient été détournés et 764 marins pris en otage. En 2011, 23 navires avaient été détournés et 481 marins retenus en otage.

Actuellement, d'après le bureau maritime international, on dénombre 14 navires capturés et 199 marins détenus par des pirates au large de la Somalie.

Le « taux de réussite » a toutefois nettement baissé entre 2008 et 2011, passant de 33 % à 12 %.

En revanche, le montant moyen des rançons se serait fortement accru , passant, selon les estimations, de 1,67 millions de dollars en 2008 à 5,36 millions de dollars en 2011. Il est toutefois difficile d'évaluer avec précision le montant des rançons, étant donné que les Etats et les armateurs ne communiquent pas sur ce sujet.

Le montant annuel des rançons versées aux pirates somaliens n'aurait cessé de s'accroître. Il était estimé à 131 millions de dollars en 2011 , contre 80 millions de dollars en 2010.

Le coût global de la piraterie serait cependant bien supérieur, puisqu'il faut tenir compte des primes d'assurance pour les armateurs, les dépenses afférentes aux équipes de protection embarquées ou encore le coût du recours à des sociétés de sécurité privées de protection des navires.

Concernant les primes d'assurance, le surcoût lié à une traversée de l'océan Indien est généralement de l'ordre de 0,5 % de la valeur du navire, soit souvent proche de 20 000 à 30 000 dollars supplémentaires par jour de traversée. Le contournement des zones dangereuses, par exemple par le Cap de Bonne Espérance, induit un allongement des délais et une consommation plus élevée de fioul.

Vos Rapporteurs ont également été très surpris d'apprendre lors de leurs auditions que des sociétés privées s'étaient « spécialisées » dans la négociation des rançons avec les preneurs d'otages et qu'elles prélevaient une part pour le financement de leurs services.

Au total, le « chiffre d'affaires » généré par la piraterie dans l'océan Indien est estimé entre 7 et 8 milliards de dollars .

Au regard de l'importance des montants en jeu, on peut s'interroger : Certains ne tirent-ils pas un profit indirect de la piraterie maritime et n'ont-ils pas un intérêt à ce que ce phénomène se prolonge dans les prochaines années ?

L'océan Indien n'est pas la seule zone où se manifeste la piraterie.

Le détroit de Malacca était une zone fortement touchée par la piraterie dans les années 2000, avant que les pays de la région s'entendent pour renforcer la coordination de leurs efforts, ce qui a permis une nette diminution du nombre d'attaques.

Alors que le Golfe de Guinée était confronté essentiellement à du brigandage, visant notamment les installations pétrolières ou les navires transitant dans le delta, au cours de ces trois dernières années, la piraterie semble s'être aggravé et avoir changé de nature.

Ne se cantonnant plus à des vols d'objets personnels et de sommes d'argent en espèces, les pirates sont désormais assez équipés et organisés pour saisir des navires de fort tonnage, parfois très loin des côtes (à plus de 150 km) et n'hésitant plus à prendre des otages. Ainsi, le 14 septembre 2011, un pétrolier a été détourné par des pirates, au large du Bénin et du Togo, à 50 miles nautiques des côtes, et son équipage pris en otage pendant dix jours.

Le 1 er novembre 2011, le Conseil de sécurité des Nations unies a d'ailleurs adopté la résolution 2018 qui établit un cadre de lutte contre les actes de piraterie commis au large des côtes du Golfe de Guinée.

Enfin, la piraterie semble également en forte progression dans les Caraïbes et au large de l'Amérique du Sud .

Alors que 90 % du transport mondial des marchandises se fait par voie maritime, la piraterie ne constitue pas seulement une entrave à la liberté de circulation en mer, mais elle met aujourd'hui en péril l'ensemble du commerce mondial et la sécurité des approvisionnements.

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