C. UNE MOINDRE RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE QUE LES MÉTROPOLES

De nombreux acteurs et observateurs de l'économie rurale soulignent l'étroite dépendance de la vie des territoires à la survie des entreprises qui les jalonnent. En effet, une entreprise qui disparaît en milieu rural est beaucoup moins fréquemment « remplacée » par d'autres entreprises cumulant des effectifs équivalents, que dans les zones urbaines.

Les Chambres de commerce et d'industrie développent la notion de « criticité territoriale », rejoignant ce constat que la disparition d'une petite entreprise dans les campagnes a des répercussions beaucoup plus graves et moins réversibles que dans les villes. En conséquence, les aides devraient , selon elles, être concentrées sur ces entreprises pour qui tout est plus difficile, avec un moindre accès aux ressources qui leur sont nécessaires, une moindre attractivité vis-à-vis des cadres et un accès plus complexe aux marchés.

Pour sa part, Laurent Davezies, dans «  La Crise qui vient » 53 ( * ) , relève que « près de 20 % de la population du pays se trouvent aujourd'hui dans des zones d'emploi très vulnérables, qui ont franchi un seuil, difficilement réversible, de déclin productif ». Dans ces territoires, concentrés notamment en Lorraine, Picardie, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Haute-Normandie, l'histoire récente montre en effet que même les périodes de croissance ne permettent pas de regagner des emplois.

Outre cet effet de cliquet, la crise risque d'aggraver la situation de ces territoires par un second effet lié à un probable tour de vis budgétaire qui ne manquerait pas d'affecter la base publique ainsi que la base sanitaire et sociale , même si la population et le pouvoir d'achat des retraités sont simultanément appelés à progresser encore au cours des vingt prochaines années.

Pour reprendre la terminologie de Schumpeter, le processus de « destruction créatrice » inhérent à l'économie, et qui conditionne la croissance, est bien souvent, dans les campagnes, un processus de « destruction » tout court, tandis que la « création », lorsqu'elle a lieu, se produit ailleurs, dans les métropoles .

Laurent Davezies constate ainsi que tout le territoire n'est pas touché de la même manière. Pour la première fois depuis la crise de 1974, les grandes métropoles ont été largement protégées. Ainsi se dessinerait « une France productive, marchande et dynamique, concentrée dans les grandes villes où se forgent les nouveaux atouts de la compétitivité du pays ».

Quelles seraient les implications démographiques d'une rétractation de l'emploi, d'une fragilisation de l'économie résidentielle et d'une raréfaction des services qui se produiraient dans une majorité de territoires ruraux ? Elles sont difficiles à anticiper. En effet, d'une part, si l'attractivité des campagnes diminue tandis qu'augmente celle des métropoles, l'exode rural de l'emploi se renforce. Mais d'autre part, comme le coût relatif du logement dans les zones rurales recule, l'« exode urbain » du chômage et de la pauvreté s'accélère...

En l'absence de mesures politiques de rééquilibrage entre les territoires, la seule certitude est donc la paupérisation des campagnes. L'expérience des pays du Sud de l'Europe ayant pratiqué d'importants ajustements structurels dans la période récente tend à valider le pronostic d'une accélération sensible de l'exode urbain.


* 53 Seuil, octobre 2012.

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