Mme Chloé Calvignac, Correspondante pour le suivi des affaires européennes, Service de la coopération régionale et des relations extérieures, Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Je serai immanquablement amenée à évoquer des questions abordées par les intervenants précédents. Je me limiterai donc à vous faire part du potentiel et des perspectives de la Nouvelle-Calédonie en tant que tête de pont de l'Union européenne dans le Pacifique. Bien sûr, certains éléments de ma présentation peuvent également s'appliquer aux autres Pays et Territoires d'Outre-Mer (PTOM) de la région.

Cette intervention a été préparée avec ma collègue Peggy Roudaut, Chef adjointe du Service de coopération régionale et des relations extérieures.

Pour pouvoir être tête de pont, il faut bien sûr disposer d'atouts. Mise en pratique des valeurs et principes de l'Union européenne, citoyenneté européenne de ses ressortissants, excellence dans des domaines d'intérêt commun avec les Petits États Insulaires en Développement, liens historiques et culturels forts avec les pays de la zone et, bien sûr, volonté affichée de renforcer son intégration régionale sont les principaux atouts de la Nouvelle-Calédonie pour pouvoir assumer ce rôle.

Ils prédisposent la Nouvelle-Calédonie à être le porte avion, la vitrine ou encore l'un des postes avancés de l'Union européenne dans le Pacifique. Et pourtant, le bilan qui a pu être dressé dans le cadre de réflexions récentes démontre que ces atouts ne sont pas suffisamment exploités 2 ( * ) .

Quelles en sont les raisons ? Nous examinerons d'abord les difficultés à contourner, puis nous présenterons quelques domaines concrets dans lesquels les atouts de la Nouvelle-Calédonie pourraient être mieux exploités. Enfin, nous verrons les principales pistes étudiées pour pallier les difficultés rencontrées.

Les difficultés à contourner : j'en citerai deux qui me semblent les plus importantes.

Tout d'abord, les spécificités, atouts et compétences des PTOM sont souvent peu connus des décideurs européens, et de nos partenaires dans la région. Manque de visibilité et de connaissance des savoir-faire des PTOM, mais aussi un positionnement difficile (ni région ultrapériphérique, ni pays tiers ACP) qui ne favorise pas toujours une valorisation optimale du rôle qu'ils peuvent jouer.

Par ailleurs, les partenariats, politiques de développement et outils financiers vis-à-vis des PTOM et des pays ACP cohabitent davantage qu'ils ne se complètent. Ainsi, les modes de programmation régionale du FED ne permettent pas le montage de vrais projets de partenariat ACP-PTOM. Ce n'est que récemment que les stratégies régionales de l'UE précisent le rôle que peuvent jouer les PTOM et intègrent des objectifs qui leurs sont dédiés (stratégies Union européenne-Caraïbes et Union européenne-Pacifique), cela constitue une avancée positive à souligner.

Il y a trois « domaines » dans lesquels les atouts de la Nouvelle-Calédonie pourraient être mieux exploités.

Il s'agit d'abord du dialogue politique dans lequel la Nouvelle-Calédonie pourrait jouer un rôle plus important, par exemple dans le cadre des institutions communes de l'UE avec les pays ACP et avec les organisations régionales. Ce rôle renforcé s'inscrirait parfaitement dans l'objectif de l'UE d'accroître sa visibilité dans la région, et avec la nécessité de défendre plus efficacement les valeurs de l'Union et les objectifs et intérêts communs dans les enceintes multilatérales ou lors de négociations internationales.

Il s'agit aussi de reconnaître l'expertise des PTOM dans certains domaines d'intérêt particulier pour la région et de renforcer leur participation aux projets financés par l'Union européenne dans les pays ACP. La Nouvelle-Calédonie a par exemple une expertise considérable en gestion de l'environnement et des techniques environnementales.

Troisième domaine, il s'agit bien sûr de porter des projets européens résultant de solides partenariats et synergies entre Pays ACP et PTOM en allant au-delà de la simple association des uns aux projets des autres 3 ( * ) .

Voilà donc trois domaines, dialogue politique, partage de l'expertise des PTOM, montage de projets régionaux, dans lesquels nous considérons que des progrès substantiels pourraient être accomplis.

Quelles sont les pistes de travail ?

Certains pourront souligner qu'il s'agit de questions de « tuyauterie administrative et financière », mais la résolution de ces questions opérationnelles constitue le socle d'une intégration et d'un développement régional réussis.

Il s'agit notamment de :

- adopter un nouveau mode de programmation régionale, qui permettrait aux PTOM d'utiliser les fonds pour des projets réunissant un PTOM avec un ou plusieurs ACP sur une thématique choisie 4 ( * ) , tout en encourageant la mise en oeuvre de projets par des organisations régionales dont les ACP et les PTOM sont membres, comme c'est le cas par exemple de la CPS 5 ( * ) ;

- mettre en place de manière pérenne une instance de concertation, qui réunirait tous les acteurs de la coopération régionale pour fixer les priorités stratégiques de développement, partagées par les PTOM et les ACP et en cohérence avec celles de l'Union européenne. Il convient de noter des premières avancées dans ce domaine, à travers l'association des PTOM du Pacifique à plusieurs réunions organisées par la délégation de l'Union européenne à Fidji sur la programmation régionale des pays ACP ;

- faciliter un meilleur accès à l'information sur les appels d'offre de marchés publics auprès des parties prenantes intéressées des PTOM. Cela doit s'inscrire dans une stratégie plus globale de promotion des savoir-faire des PTOM dans la zone, et du renforcement de leur visibilité.

Une meilleure exploitation du rôle que peuvent jouer les PTOM, tant sur le plan politique qu'opérationnel, présente donc un intérêt non négligeable pour l'Union européenne et ses États membres, en permettant de participer au renforcement de l'intégration régionale et au développement inclusif des pays et territoires du Pacifique.

À ce titre, le maintien de la présence physique de la Commission européenne dans un PTOM nous semble essentielle afin de démontrer la cohérence de son approche et de promouvoir ce rôle renforcé pour les PTOM. Le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a proposé d'héberger le bureau régional de la BEI à Nouméa, qui pourrait ainsi accueillir une plate-forme d'organisations régionales et européennes, favorisant des synergies et une émulation sur les dossiers régionaux et européens.


* 2 C'est dans ce contexte que la Commission a proposé en 2012 d'inclure, dans la stratégie UE-Pacifique, l'objectif d'encourager une intégration régionale réussie des PTOM et de renforcer leur capacité à promouvoir les valeurs de l'UE et à devenir les catalyseurs d'une croissance inclusive et durable au service du développement humain dans la région.

* 3 La majorité des projets est portée, sous les 9 ème et 10 ème FED, par les seuls ACP ou par les seuls PTOM, avec une simple « dimension régionale » et un bénéfice indirect aux pays ACP ou aux PTOM. C'est le cas par exemple du projet TEP VERTES, qui a inclus un échange de bonnes pratiques avec les pays ACP. C'est aussi le cas de projets ACP tels que PROC-FISH et SCI-FISH auxquels les PTOM ont été associés via les programmes de pêche hauturière de la CPS. Pour le projet du 10 ème FED, INTEGRE, les PTOM se sont efforcés d'identifier des « projets miroirs » mis en oeuvre dans les ACP (notamment le projet RESCUE) pour répondre aux demandes de renforcement de la coopération PTOM-ACP.

* 4 C'est ce que font entre eux les pays ACP, comme par exemple le projet North-REP sur les énergies renouvelables entre FSM, Palau et RMI.

* 5 La CPS a d'ailleurs été choisie pour la mise en oeuvre du projet INTEGRE pour faciliter les synergies avec les pays ACP.

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