M. Richard Bailey, Président-Directeur général du groupe Pacific Beachcomber

Mesdames et Messieurs, bonjour,

Je suis très heureux de participer à ce colloque. Je m'appelle Richard Bailey. J'interviens sur le sujet du tourisme, un secteur économique plein d'espoir pour la France du Pacifique.

J'ai le privilège de diriger le groupe Pacific Beachcomber en Polynésie française. Nous possédons et exploitons 7 hôtels ainsi que le paquebot de croisière Paul Gauguin en Polynésie. Notre groupe emploie environ 1 300 personnes, et oeuvre pour le développement du secteur touristique du Pays depuis plus de 25 ans.

Pour comprendre les difficultés du tourisme en Polynésie, il n'y a qu'à regarder Google Earth. La distance, l'exiguïté des terres, l'isolement et la fragilité écologique et culturelle sont et resteront les contraintes déterminantes des orientations stratégiques du secteur. La Polynésie française est loin non seulement de la France, mais aussi du reste du monde. Aucun endroit de la planète n'est d'ailleurs plus loin de tout autre endroit que la Polynésie. Sa biodiversité est moins variée que d'autres régions car toutes les espèces n'ont pas réussi à s'étendre à travers l'immensité de l'océan, mais cette même distance l'aura en revanche très bien préservée.

Il en va de même pour le peuple polynésien, sa langue et sa culture. Les îles du Pacifique sud ont été parmi les dernières terres de la planète à recevoir une occupation humaine. En même temps, l'isolement continue à les protéger contre les assauts de la « mondialisation » auxquels bien d'autres n'ont pas résisté.

Il existe de moins en moins d'endroits au monde où l'on peut s'évader en toute sécurité, découvrir une culture riche et exotique, dans un milieu naturel et de très grande beauté.

Les contraintes au développement doivent donc être vues comme le revers d'une médaille dont la face principale est l'extrême richesse et authenticité de son patrimoine culturel et de sa beauté naturelle, encore préservés grâce précisément à cette insularité.

Il va de soi que la voie du développement durable s'impose, car elle seule permet de préserver l'environnement en associant les populations dans cette démarche de croissance tout en répondant par ailleurs aux critères financiers de l'investisseur et de son impératif de résultat, car son business model repose solidement sur la préservation naturelle et culturelle du milieu dans lequel il évolue.

Cependant, les coûts de production en Polynésie sont très élevés. Ils sont élevés en raison non seulement de l'insularité et de la distance, mais aussi en raison d'un long héritage d'assistance économique par la France, assortie d'un niveau de progrès social sans égal et très convoité d'ailleurs dans le Pacifique. La destination est donc plus apte à être commercialement compétitive en qualité qu'en prix, d'autant que le tourisme durable et responsable a un coût plus important qu'un développement alternatif.

Pour toutes ces raisons les séjours de luxe à des prix relativement élevés apparaissent les plus adaptés à la destination, et c'est effectivement cette offre qui réussit à satisfaire les visiteurs et à mobiliser les capitaux privés.

Dans son rapport annuel, la Banque Mondiale explique que l'activité économique à travers le monde continuera à être distribuée de façon inégale, avec une concentration dans les agglomérations urbaines, près des côtes, et dans des pays partageant des frontières avec des voisins. Les îles du Pacifique ne possédant aucun de ces avantages, la Banque Mondiale conclut à la permanence de leur déficit de croissance en comparaison avec le reste du monde car les coûts de production sont de façon systémique plus élevés que les prix du marché. Il n'y aura pas de solution miracle, ni même l'espoir d'une quelconque croissance, sauf à exploiter certains créneaux économiques bien précis, comme le tourisme.

Un autre créneau porteur, qui dans un contexte de développement durable croise directement le tourisme, est celui des énergies renouvelables. Les nouvelles technologies en matière d'énergies renouvelables vont naturellement pénétrer un marché privé au point le plus sensible, c'est-à-dire là où le prix du courant conventionnel est le plus élevé. Le kWh en France coûte en moyenne 12 centimes d'euros, contre 50 en Polynésie, soit 4 fois plus. Notre groupe a été le pionnier dans le monde d'une technologie innovante qui consiste à capter le froid dans les profondeurs de la mer pour climatiser un de nos établissements hôteliers. Une charge prohibitive peut donc être transformée en avantage compétitif à travers la recherche et le déploiement commercial de nouvelles technologies, et rien n'empêche la Polynésie de devenir dans ce domaine un pôle de compétitivité dans le monde.

C'est d'ailleurs dans cette optique que notre groupe a pris le pari audacieux de construire sur l'atoll de Tetiaroa un complexe hôtelier unique au monde, 100 % autonome en énergie renouvelable, avec une innovation technologique inédite.

Je termine comme il se doit en avançant trois conditions pour développer le tourisme dans la France du Pacifique. Il faut :

- Une offre de produits en adéquation avec la demande et inscrite dans le développement durable, avec un transport aérien international pérenne et une promotion dynamique de la destination.

- Une action gouvernementale, avec l'appui bien entendu de l'État, qui reconnaît explicitement l'importance du tourisme en le plaçant au centre et non pas à la périphérie de l'économie locale : politiquement, fiscalement, législativement, administrativement et publiquement ; une action focalisée sur l'environnement et sur la culture.

- Réunir des conditions favorables à inciter les investissements locaux et internationaux, pour créer une économie privée vivace et pérenne.

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