4. Pour une gestion des industries extractives au service de tous

Ces dix dernières années ont vu non seulement un essor des activités d'investissement étranger dans le domaine des industries extractives, mais aussi une prolifération des acteurs. La gamme d'entreprises opérant dans le secteur de l'extraction en Afrique va des multinationales qui dominent le pétrole et l'exploitation minière au niveau mondial aux acteurs régionaux plus petits et plus spécialisés. Les compagnies chinoises publiques et privées jouent un rôle de plus en plus important, tout comme les entreprises venant d'autres marchés émergents. Bon nombre des investisseurs étrangers présents en Afrique se plient aux meilleures pratiques internationales, souvent dans un contexte d'activité difficile.

Toutefois de nombreux rapports soulignent combien les bénéfices de ces industries sont inégalement répartis. Le dernier en date, du Africa Progress Panel (APP) présidé par M. Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations unies et prix Nobel de la paix, souligne les défis auxquels sont confrontés les pouvoirs publics pour mettre en place une gestion efficace et équitable des ressources naturelles de l'Afrique qui serait à même de transformer le continent.

Le premier concerne la structure de l'activité d'investissement. Les entreprises étrangères présentes en Afrique recourent massivement aux sociétés offshores et aux juridictions à faible taux d'imposition. Dans certains cas, à travers leurs activités d'investissement, les multinationales sont également liées à des réseaux complexes de sociétés fictives. Ces configurations s'accompagnent de divulgations publiques pour le moins sommaires et de vastes possibilités d'évasion fiscale.

La deuxième source d'inquiétude réside dans les interactions entre l'activité des investisseurs étrangers et les marchés locaux. Les industries extractives fonctionnent généralement comme des enclaves à faible valeur ajoutée, qui ont peu de liens avec les entreprises locales et les marchés de l'emploi. Sur plus d'une décennie de boom des matières premières, l'Afrique continue d'exporter majoritairement des matières premières brutes et d'importer des biens de consommation et des produits agricoles de base

L'Africa Progress Panel souligne ainsi qu'une mauvaise gouvernance des entreprises publiques et des actifs est associée à des pertes de revenus importantes. « En 2012, l'Angola a été incapable d'expliquer la présence de « résidus financiers » à hauteur de 4,2 milliards de dollars, essentiellement de l'argent manquant, dans les comptes de la compagnie pétrolière d'État. Le Nigéria aurait perdu quant à lui 6,8 milliards de dollars entre 2010 et 2012 ». Des pertes de revenus de cette ampleur peuvent nuire considérablement aux finances publiques et aux efforts des pays pour réduire la pauvreté.

Les accords de négoce de concessions sont souvent associés à une sous-évaluation des actifs. Aucun pays n'a perdu autant à cause de cette pratique que la République démocratique du Congo. Le rapport contient une analyse détaillée de cinq contrats de privatisation à travers la vente d'actifs publics à des investisseurs étrangers opérant par l'intermédiaire de sociétés offshore enregistrées aux Îles Vierges britanniques et dans d'autres juridictions. Il estime la totalité des pertes encourues dans ces contrats en raison d'une sous-évaluation des actifs à 1,3 milliard de dollars, soit plus du double du budget total dépensé pour la santé et l'éducation. Dans un pays où 7 millions d'enfants sont déscolarisés, avec le sixième taux de mortalité infantile le plus élevé au monde et une malnutrition endémique, des pertes de cet ordre ont un coût humain considérable

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