C. LES ÉTATS, LES ENTREPRISES PRIVÉES ET LES SOCIÉTÉS CIVILES : TROIS PORTES D'ENTRÉE DU DIALOGUE AVEC L'AFRIQUE

Ce dialogue avec les pays africains passe par les trois acteurs majeurs de la transformation du continent que sont les États, les entreprises privées et les sociétés civiles.

Après une décennie d'ajustements structurels qui ont mis à mal les capacités des administrations publiques, il faut aider les Etats africains à structurer des politiques de développement aussi bien au niveau régional dans la coopération interétatique qu'au niveau national et local.

L'émergence économique et l'insertion gagnante dans la mondialisation requièrent un Etat stratège, capable d'élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie de croissance entretenant un consensus social, de concilier les multiples défis internes de son développement, d'arbitrer entre eux lorsque cela s'impose et de défendre ses intérêts sur la scène internationale, d'investir à long terme sur le capital physique et humain tout en préservant le patrimoine naturel et culturel.

C'est pourquoi nous estimons, nous le verrons, que la coopération qu'entretient la France avec les Etats africains doit se recentrer sur l'aide à la gouvernance et la coopération technique et administrative. La France doit renforcer son action en faveur de la modernisation de l'Etat, notamment par une coopération juridique, judiciaire, administrative et territoriale. Elle doit contribuer au renforcement de la gouvernance financière, à l'appui à la mobilisation des ressources nationales, au suivi de la qualité des finances publiques et au renforcement des institutions de contrôle.

Recentrer le dialogue sur l'aide à la gouvernance et la coopération technique et administrative

Le secteur privé a, quant à lui, contribué à près de 80 % du PIB du continent et créé environ 90 % de tous les emplois. Les micro-entreprises et les petites et moyennes entreprises, dont 65 % sont informelles, ont créé 70 à 80 % des emplois. Mais ces PME africaines manquent d'accès aux ressources financières de long terme. Ceci crée un vide, un «chaînon manquant» dans l'économie de ces pays. L'investissement privé ignore souvent ces entreprises de taille moyenne ou petite, dont les besoins en financement ne sont pas satisfaits, faute d'outils de financement adaptés. Les petites et moyennes entreprises sont certainement plus risquées, mais aussi plus rentables, financièrement et/ou socialement. Elles ont un impact environnemental très important et souvent sous-estimé en raison du caractère diffus du tissu de ces PME.

C'est pourquoi notre coopération doit avant tout promouvoir la création d'entreprises. Dans ce secteur, la France a pris une longueur d'avance grâce à l'action de l'Agence française de développement. Dans le cadre de l'initiative du Cap, la France oeuvre depuis 2008 à un soutien du secteur privé par la mobilisation de 2.5 milliards d'euros en 5 ans qui devraient générer un soutien à 1 900 entreprises, petites et moyennes principalement, avec à terme la création de plus de 300 000 emplois

Soutenir le micro-crédit, l'entreprenariat social et les différentes formes de soutien à l'initiative et aux entreprises du Sud

Il faudra sans doute renforcer encore notre action dans ce secteur et diversifier nos méthodes. L'appui à la croissance nécessite d'agir dans plusieurs directions complémentaires : stimuler un environnement des affaires propice à la mobilisation de l'investissement privé ; soutenir les évolutions du cadre institutionnel et règlementaire ainsi que les politiques du travail et de l'emploi ; mieux anticiper les chocs et leurs implications pour les entreprises, favoriser l'investissement de l'épargne nationale et les investissements directs étrangers, contribuer à une fiscalité structurante qui donne aux Etats les moyens d'agir et aux citoyens un sentiment d'équité.

Mais il faut également soutenir le micro-crédit, l'entreprenariat social et les différentes forme de soutien à l'initiative et aux entreprises du Sud, à travers la facilitation de l'accès au crédit sur les marchés locaux (grâce à des mécanismes de garantie en particulier), ou encore le renforcement de leurs fonds-propres (grâce à des fonds d'investissement adaptés).

Dans une économie informelle, de nombreux microprojets qui manifestent un réel potentiel peinent à se développer, voire échouent et cessent leur activité, faute de crédit, parce qu'ils parviennent à un niveau intermédiaire, dans lequel les institutions de micro-finance ne peuvent plus « suivre », tandis qu'ils ne répondent pas aux critères des banques classiques. Il y a sur ce segment un véritable potentiel à soutenir.

Les sociétés civiles, enfin, doivent être des partenaires stratégiques de notre coopération. Les printemps arabes ont montré combien ce dialogue avec les Etats partenaires n'était pas suffisant pour entretenir une relation de qualité. Les sociétés civiles africaines sont, en particulier, les garantes de la qualité de la gouvernance et de la vitalité de la vie démocratique.

L'efficacité des politiques et des actions de coopération est étroitement dépendante de l'adéquation des politiques suivies avec les besoins des populations.

Le dialogue entre Etats constitue, naturellement, le cadre premier dans lequel s'inscrit la politique publique de coopération pour le développement, mais il doit associer de façon croissante les populations. La participation des citoyens et de la société civile des pays partenaires doit donc être systématiquement recherchée dans les actions bilatérales mises en oeuvre par la France et promue aux niveaux européen ou multilatéral, qu'il s'agisse de leur association par l'Etat partenaire, en amont, à la définition des politiques publiques, au pilotage, au suivi et à l'évaluation des actions soutenues.

Les collectivités locales sont également l'un des lieux où s'opère le renforcement de la gouvernance à la faveur du processus de décentralisation et notamment le caractère participatif et démocratique du développement. La décentralisation rapproche le processus de décision et de gestion publique des citoyens, favorisant l'émergence d'une démocratie de proximité. Elle peut contribuer à un développement socio-économique adapté dans des domaines qui souffrent d'approches trop centralisées. Elle favorise la cohésion territoriale et l'enracinement de la démocratie. C'est pourquoi nous devons promouvoir le développement d'une coopération décentralisée française qui est déjà aujourd'hui un atout considérable dans notre relation à l'Afrique.

Dans ce dialogue, la France n'est cependant plus seule. L'époque où nous faisions l'histoire africaine est révolue. L'Afrique a multiplié les partenariats avec les nouveaux pays émergents.

Le type de coopération que nous proposons, le modèle de société que nous promouvons sont aujourd'hui concurrencés par des modèles complémentaires et parfois alternatifs.

C'est aujourd'hui à une Afrique pleinement intégrée à la mondialisation que nous devons nous adresser.

En 2050, le quart de l'humanité sera africain. Il faut désormais penser le monde en plaçant l'Afrique au coeur de nos analyses et donc aussi au coeur de nos choix et décisions.

Voilà le nouveau défi de la politique africaine de la France.

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