b) Une attrition des moyens de la coopération militaire contradictoire avec la volonté de promouvoir des solutions africaines aux crises du continent

La diminution constante des crédits consacrés à la formation et à la coopération militaire française en Afrique crée un hiatus de moins en moins tenable entre notre volonté politique affichée de faire émerger des capacités africaines de sécurité et la réalité de notre action.

Depuis 2006, le budget d'intervention de la Direction de la coopération de sécurité et de défense a diminué de moitié.

La diminution des moyens de coopération militaire au cours des huit dernières années, en termes de budget comme de coopérants, nuit à la crédibilité de notre posture comme aux résultats obtenus.

Le constat lors de la montée en puissance de la MISMA a été unanime, la caractéristique la plus partagée et la plus handicapante pour les armées africaines est un besoin de formation des cadres auquel nous ne répondons plus, faute de budget et de places offertes dans nos écoles en France.

Nous avons, en matière de formation, une expertise unique reconnue de tous, en particulier des Africains, et enviée par les Américains et les Britanniques.

La dualité de notre coopération qui assure un continuum indispensable entre projets fondamentaux de long terme (coopération structurelle) et actions d'entrainement en vue de l'emploi tactique immédiat (coopération opérationnelle) a montré son efficacité.

Nos partenaires africains reconnaissent que notre coopération est pragmatique, pratique, adaptée, flexible et qu'elle fait l'objet d'un véritable dialogue à la différence des autres partenaires : programme américain ACOTA régulièrement décrié pour sa rigidité, son côté théorique.

Alors, certes, tous nos points d'appui participent d'une façon ou d'une autre à la formation des armées africaines. Pendant l'opération SERVAL, Le commandement des éléments français au Sénégal (COMELEF), pôle opérationnel de coopération à vocation régionale ainsi que les forces de l'opération Licorne que nous avons visitées ont contribué à former des bataillons africains qui ont ensuite rejoint la MISAMA puis la MINUSMA.

Par ailleurs, la décrue des moyens de coopération a été en partie compensée par des financements européens et étrangers des écoles nationales à vocation régionale (ENVR) qui, tout en conservant un encadrement français, sont aujourd'hui éligibles à des financements européens.

Il reste que la Direction de la coopération de sécurité et de défense ne dispose plus que de 345 coopérants pour 149 pays partenaires et 86 millions d'euros dont 80% est à destination de l'Afrique.

Le nombre de coopérations a été diminué par dix ces vingt-cinq dernières années.

Quant aux stagiaires, la formation dans les écoles nationales à vocation régionale (ENVR) a pris le pas sur la formation en France. En 2000, quelque 661 militaires en devenir étaient formés en France et 663 dans les ENVR ; en 2013 ils étaient 2 426 dans les ENVR contre seulement 376 dans les centres français.

Il y a une disproportion entre les moyens mis en oeuvre dans les opérations et celui mis dans la coopération qui est en contradiction avec l'exhortation répétée faite aux responsables africains de mettre sur pieds des armées opérationnelles.

Difficile dans ces conditions de définir une stratégie de coopération structurelle. La volonté de développer la formation dans le domaine crucial pour les populations de la sécurité civile ou de promouvoir en Afrique des formes de services civils au développement pour accompagner les opérations de désarmement se heurtent au manque de moyens.

Ce n'est en effet pas les idées qui manquent. L'organisation en juin dernier du 14ème Forum de l'IHEDN sur le continent africain en a témoigné.

De nombreux intervenants ont évoqué des initiatives à prendre, par exemple pour accompagner des réflexions type « Livre blanc africain», pour inciter à la mise en oeuvre de mesures de confiance entre civils et militaires, pour renforcer la formation des élites militaires, mais aussi civiles, pour faire un effort sur la formation des jeunes officiers, pour développer les capacités locales à former les cadres africains, inciter les institutions africaines à investir dans des écoles africaines, pour développer la coopération avec des partenaires qui partagent notre vision de l'Afrique, comme le Canada, pour promouvoir les initiatives régionales et développer davantage les liens avec nos forces déployées en Afrique à travers des exercices régionaux et des exercices franco-africains au sein de la CEDEAO ou de la CEEAC.

En revanche, notre pays manque cruellement de moyens.

C'est une question de moyens mais aussi de priorités.

Les quelques dizaines de millions d'euros de la coopération structurelle militaire en Afrique émargent aujourd'hui sur le budget du ministère des affaires étrangères dont ce n'est guère la priorité.

Et il y aurait pourtant une cohérence à investir plus généreusement dans cette coopération si nous voulons à terme ne pas avoir à financer des interventions directes comme au Mali dont le coût s'élève à plusieurs centaines de millions d'euros.

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