V. L'IMPORTANCE DU PORTAGE POLITIQUE

Cela a déjà été souligné et le sera encore à maintes reprises dans ce rapport, l'intérêt d'une démarche prospective est d'ouvrir la voie à des futurs souhaitables. Mais ce qui est vrai dans tous les domaines l'est encore davantage pour ce qui est de la lutte contre la pauvreté : sans portage politique point de salut.

A. LE PLAN PLURIANNUEL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ ET POUR L'INCLUSION SOCIALE

Le Gouvernement a réuni, les 10 et 11 décembre 2012, une conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Sept groupes de travail préparatoires ont été constitués et ont remis leur rapport avant la conférence. Ces travaux ont servi de base à l'élaboration d'un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, présenté par le Premier ministre et adopté lors du comité interministériel de lutte contre les exclusions (Cile), le 21 janvier 2013. C'était la première fois, faut-il le noter, que le Cile se réunissait depuis 2006.

La méthode privilégiée à cette occasion est prometteuse, car fondée sur la concertation entre représentants d'associations et de structures publiques, élus locaux, experts et personnes en situation de pauvreté. Cette méthode avait d'ailleurs déjà été expérimentée à l'occasion de la grande conférence sociale, qui s'était tenue les 9 et 10 juillet 2012 au Palais d'Iéna.

Selon Michel Dinet, président du conseil général de Meurthe-et-Moselle, la consultation a permis de dessiner une « approche transversale de la lutte contre la pauvreté » .

1. Les principales mesures adoptées

Le communiqué de presse du Premier ministre du 21 janvier 2013 fixait la feuille de route suivante :

• Engagement d'un rattrapage du niveau du RSA socle, de 10 %, hors inflation, d'ici à 2017, avec une première revalorisation de 2 % en septembre 2013 ;

• Hausse simultanée, en septembre 2013, du plafond de la CMU complémentaire, de façon à faire entrer 750 000 personnes de plus dans ce dispositif et celui qui l'accompagne, l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) ;

• Instauration d'une « garantie jeunes » pour les 18-25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en formation, en situation d'isolement et de grande précarité. Ce contrat, qui ouvre droit à un accompagnement intensif, à des propositions adaptées de formation ou d'emploi, et à une allocation d'un montant équivalent au RSA, sera lancé en septembre 2013 sur dix territoires, avant généralisation ;

• Aide aux familles monoparentales ou nombreuses en situation de pauvreté, au travers d'une augmentation du montant de l'allocation de soutien familial (ASF) et une majoration du complément familial (CF) ;

• Investissement substantiel dans l'hébergement et l'accès au logement, avec des mesures d'urgence (neuf mille places de plus - hébergement classique et accueil des demandeurs d'asile -, pour en finir avec la gestion « au thermomètre » de l'hébergement d'urgence) et des mesures structurelles d'accès au logement, qui bénéficieront d'un effort budgétaire équivalent ;

• Allongement de la durée des contrats aidés, qui devra tendre vers une durée moyenne de douze mois, pour donner plus de souplesse et, quand cela est nécessaire, plus de temps aux parcours d'insertion des personnes éloignées de l'emploi durable ;

• Lancement d'une réforme du RSA activité, qui souffre d'un taux de non-recours record (68 %), en articulation avec la prime pour l'emploi ;

• Renforcement de l'accès aux crèches pour les enfants de familles en situation de pauvreté : ces enfants devront représenter au minimum 10 % du public accueilli dans les structures d'accueil collectives ;

• Création d'un registre national des crédits aux particuliers (dit « fichier positif ») pour participer à la lutte contre le surendettement, et d'un observatoire de l'inclusion bancaire, qui appréciera publiquement les pratiques des banques envers leurs clients en difficulté financière.

2. Une première évaluation

Une mission d'évaluation du suivi de la mise en oeuvre de ce plan a été confiée à François Chérèque, inspecteur général des affaires sociales et président de l'Agence du service civique, avec le soutien de Simon Vanackere, inspecteur des affaires sociales.

Leur rapport, remis en janvier 2014, formule trois types de recommandations : des recommandations en matière de pilotage de plan ; des recommandations « mesure par mesure » ; des recommandations plus prospectives, concernant en particulier la simplification des procédures et la généralisation du principe de participation des personnes en situation de pauvreté ou de précarité.

Les principales recommandations du rapport d'évaluation
du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté

• Programmer, à mi-parcours du plan, un temps d'échange et de débat autour des deux premières années de mise en oeuvre, afin de procéder aux ajustements nécessaires (décembre 2014 / janvier 2015).

• En vue de l'évaluation du plan en 2014, élargir le travail à d'autres inspections pour permettre un travail plus précis sur certaines thématiques du plan.

• Envisager de fixer, dès 2014, des cibles chiffrées de réduction du non-recours, lorsque cela est possible.

• Prendre position sur la réforme du RSA activité, définir un calendrier d'action précis ainsi que les moyens nécessaires à une réforme efficace.

• Apporter une attention particulière au déploiement de la convention d'objectifs et de gestion (Cog) de la Cnaf et notamment à la montée en charge des « rendez-vous des droits ».

• Poursuivre la mise en oeuvre de la « garantie jeunes » et associer le plus en amont possible les dix territoires de la deuxième étape de la phase pilote.

• Amplifier les efforts engagés en vue d'une sortie de la gestion « au thermomètre » de l'hébergement d'urgence.

• Desserrer la contrainte de l'urgence sur la politique d'hébergement en apportant des réponses structurelles à la question de la demande d'asile.

• Faire des diagnostics à 360° un élément clé de la mise en oeuvre du plan en 2014 pour la thématique « hébergement-logement ».

• Permettre une plus grande souplesse dans l'utilisation des fonds dédiés pour éviter une trop grande rigidité de la gestion des projets.

• Faire émerger progressivement un cadre d'action pluriannuel permettant la contractualisation avec les associations partenaires et la fixation d'objectifs de long terme.

• Faire des États généraux du travail social l'un des temps forts de l'année 2014.

• Aux niveaux national et territorial, continuer à mobiliser les services de l'État en interministériel pour la mise en oeuvre du plan.

• Distinguer un pilotage stratégique (à l'échelon régional) d'un pilotage opérationnel (à l'échelon départemental).

• En ce qui concerne l'État, mobiliser le préfet de région, les préfets de département, et garantir la cohérence de l'action d'ensemble des services de l'État au travers du comité d'administration régionale.

• Assurer le co-portage du plan entre l'État et les conseils généraux, tant au niveau régional que dans les départements.

• Veiller à l'association de l'ensemble des parties prenantes, notamment des associations et des bénéficiaires.

• Pour les personnes bénéficiaires de l'Aspa, automatiser l'accès à l'ACS.

• Examiner les possibilités d'automatisation pour d'autres prestations.

• Faire évoluer le Répertoire national commun de la protection sociale en vue de la détection de cas de non-recours.

• Faire de la fluidité des parcours et de la coordination des acteurs un chantier prioritaire au sein du « club des expérimentateurs ».

• Procéder en régime de croisière à l'évaluation du recours aux principales prestations (RSA, CMU-C, etc.)

• Pour les prestations souffrant d'un non-recours important, engager des recherches-actions permettant d'identifier les causes de ce non-recours.

• Améliorer le processus de prise de décision publique en organisant la territorialisation de certaines statistiques. Mobiliser à cet effet les plateformes régionales d'observation sanitaire et sociale.

• Engager une réflexion, en 2014, sur les implications pratiques, y compris les moyens financiers, d'une généralisation du principe de participation.

• Engager une réflexion générale pour une meilleure prise en compte des « zones rurales isolées » dans les politiques de solidarité.

Tout en se félicitant de la « grosse mobilisation » des acteurs, « les trente rencontres territoriales organisées par la mission ayant réuni plus de six mille personnes », François Chérèque 62 ( * ) souligne qu'une telle évaluation n'en est qu'à ses débuts et qu'il existe « d'importantes marges de manoeuvre » .


* 62 Audition du 6 février 2013.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page