INTRODUCTION

« C'est en étant davantage Européens que nous pourrons rester souverains. »

La crise financière née aux États-Unis des excès de l'ultralibéralisme, qui a déferlé sur le monde et qui s'est prolongée en crise économique, sociale et morale, a mis en évidence la fragilité de la construction européenne. L'Europe s'est montrée vulnérable pour des raisons spécifiques : sa construction n'étant pas achevée, elle ne dispose pas encore de la cohésion et de tous les instruments nécessaires pour répondre rapidement et avec toute l'efficacité nécessaire à des chocs aussi violents que la crise actuelle. C'est ainsi, par exemple, que lors de la création de l'euro, le pilier monétaire n'a pas été accompagné par celui de la gouvernance économique, indispensable à la gestion de toute monnaie.

Par ailleurs, beaucoup de chefs d'États et de gouvernements n'ont jamais eu le courage d'expliquer à leurs peuples que les trente glorieuses avaient pris fin et que la mondialisation représentait un formidable défi en terme de compétitivité. Ils ont préféré occulter cette dure réalité par des endettements excessifs qui constituent aujourd'hui de sérieux handicaps pour relancer la croissance. Dans d'autres pays, une spéculation exacerbée a provoqué des bulles financières ou immobilières qui devaient bien éclater un jour.

De même, il est devenu habituel pour les gouvernants de revendiquer pour eux-mêmes les mesures positives et d'attribuer à l'Europe la responsabilité de toutes celles qui sont impopulaires.

En outre, l'Europe, trop lointaine et trop technocratique, cède trop souvent à l'inflation normative et prête fréquemment le flanc à la critique. Dans sa gestion quotidienne, la « Commission de Bruxelles » éprouve beaucoup de difficultés à se faire comprendre et encore plus à se faire apprécier. Trop de propositions ou de décisions émanant de sa part et touchant à la vie quotidienne de nos concitoyens complaisamment relayées par la presse, apparaissent inutiles, exagérées, incompréhensibles, prises à contre temps, ou trop pénalisantes aux yeux des citoyens de l'Union. Ceci est d'autant plus regrettable que la Commission a par ailleurs accompli un travail considérable.

Plus que tout, ce que reprochent nos concitoyens à l'Europe, c'est son opacité, sa dérive technocratique et une démocratie largement inachevée.

La coexistence de deux conceptions de l'Europe au sein de l'Union : « l'Europe espace », intergouvernementale essentiellement centrée sur le marché unique, et « l'Europe puissance », politique, intégrée, à vocation fédérale n'a jamais été tranchée ou organisée ; ceci constitue une entrave rédhibitoire à la construction européenne.

Les différents élargissements posent également des problèmes d'efficacité du mode de gouvernance. Il est beaucoup plus difficile de prendre des décisions à vingt-huit plutôt qu'à six, surtout lorsque demeure la règle de l'unanimité.

Sur un plan structurel, l'Europe a encore beaucoup à faire pour être un continent intégré : les différences de performances économiques NORD-SUD, les divergences de compétitivité, les flux migratoires EST-OUEST en matière de main-d'oeuvre sont le signe d'un espace en manque d'homogénéité flagrant.

Certes, cette crise a constitué par ailleurs un formidable accélérateur de l'intégration économique européenne. Qu'il s'agisse de la régulation, de la surveillance budgétaire ou bancaire, il n'eut pas été imaginable de progresser aussi rapidement en période de croisière, même si l'on aurait tort de croire « que la crise est finie ».

Quoi qu'il en soit, l'Europe est dans une situation très délicate et très incertaine ; sur le plan économique, elle doit faire face à la plus grave crise rencontrée depuis la deuxième guerre mondiale. Le chômage atteint des niveaux exceptionnels. Sur le plan politique, de moins en moins de gouvernements, d'hommes politiques, de parlementaires ou de citoyens osent s'afficher comme des militants de la construction européenne ; on constate un développement du scepticisme ou de l'indifférence, un désamour des opinions publiques et l'on assiste à la montée des populismes, des nationalismes et des séparatismes.

Les peuples sont reconnaissants à l'Europe d'avoir établi la paix de façon durable sur leur continent, ils apprécient qu'elle ait été capable d'assumer sa réunification au lendemain de l'implosion de l'URSS, mais face au troisième défi, celui de la mondialisation, ils attendaient d'elle, à tort ou à raison, davantage de protection et moins de rigueur face à la crise. Ils en font donc volontiers un bouc émissaire et sont tentés de se replier sur leur nation, voire sur des identités régionales, alors que face à la mondialisation, l'Europe n'a jamais été aussi nécessaire . Si nous voulons être encore demain des acteurs sur la scène internationale et préserver notre modèle démocratique et social, « l'Europe n'est pas le problème, elle est la solution ».

Nous sommes donc à un moment crucial où notre destin peut basculer vers l'effacement et la décadence. Aucun État européen ne représente à lui seul plus de 1 % de la population mondiale, en 2050, au rythme actuel, plus aucun État d'Europe, sauf peut-être l'Allemagne, ne figurera parmi les dix premières puissances du monde. Inversement, au prix d'un ressaisissement et d'une grande mutation, dans la ligne des « Pères Fondateurs », nous pouvons ensemble continuer à défendre dans le monde nos intérêts et notre modèle sociétal. C'est en étant davantage Européens que nous pourrons rester souverains !

Mais pour y parvenir, il faut réenchanter et refonder l'Europe , entraîner les peuples vers un PROJET renouvelé. Ceci suppose, dans le respect des nations, de l'identité et de la culture de chacun de nos peuples, de nouveaux transferts de souveraineté, davantage d'intégration et beaucoup plus de démocratie.

L'Europe doit être un PROJET de CIVILISATION, servi par une PUISSANCE, organisé selon le mode du FEDERALISME DECENTRALISE et constituant une COMMUNAUTE DE NATIONS.

Le mode de gouvernance actuel est à bout de souffle ; la méthode intergouvernementale n'est plus adaptée à la nouvelle étape de la construction européenne et aux défis qu'elle rencontre.

L'Europe a besoin d'Hommes ou de Femmes d'État davantage inspirés par l'avenir à long terme de leur continent que par leur propre réélection qui en raccourcissant leur horizon conceptuel, les enferme dans le « carré tragique » des sondages, du marketing, de la tactique électorale et de la communication. De même, ayant pris goût à l'exercice de pouvoirs exécutifs de plus en plus puissants, les chefs d'État doivent cesser de se complaire dans la dramaturgie des Conseils européens et accepter qu'une partie du pouvoir qu'ils exercent, soit dévolue à une autorité supérieure. Dans un monde en pleine ébullition et en profonde mutation, les chefs d'État doivent à nouveau montrer le chemin, proposer un PROJET rassembleur, mobilisateur et ne pas craindre d'avancer vers une Europe plus intégrée plutôt que de suivre leurs opinions publiques au gré des états d'âme collectifs.

L'Europe doit notamment se doter d'une voix, d'un visage et d'un patron, démocratiquement désigné, qui incarne à l'intérieur et à l'extérieur, l'ambition des peuples d'Europe et qui soit doté des pouvoirs nécessaires pour la conduire dans le respect des nations et de la subsidiarité, selon une organisation pleinement démocratique, en réformant la Commission, en associant plus régulièrement les parlements nationaux et en accroissant les prérogatives et les responsabilités du Parlement européen.

Un tel projet ne recueillera pas l'assentiment de tous les États européens, ce n'est pas un drame ; il faudra lancer un véritable « appel d'offres fédéral » pour rassembler autour du noyau franco-allemand, les États qui, conscients des enjeux de la mondialisation et de la réorganisation planétaire qui s'esquisse, sont convaincus qu'une Europe plus intégrée est devenue absolument vitale pour l'avenir de nos peuples et leur place dans le monde de demain.

Il conviendra ensuite de réorganiser les relations que ce noyau entretiendra avec les nations qui ont une autre conception de l'avenir européen, plus intéressées par le Marché Unique, le mode de gestion intergouvernemental, une diplomatie classique et par l'atlantisme, et avec qui seront conservés des liens de coopération étroits, mais qui ne pourront empêcher ceux qui veulent aller plus vite et plus loin, de le faire. Dans ce troisième cercle, seront également accueillis d'éventuels nouveaux membres qui pourront par la suite rejoindre le cercle intégré dès lors qu'ils en auront accepté l'objectif et les règles.

Le présent rapport s'attachera à mettre en évidence les difficultés que rencontre le projet européen, à en analyser les causes, avant de souligner les atouts réels dont dispose l'Union européenne pour offrir à ses peuples, une société plus prospère et plus humaine et pour exister encore demain dans la société internationale et y jouer un rôle majeur.

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