LES FORCES SPÉCIALES FRANÇAISES AU SAHEL

LA TASK FORCE SABRE

Vos rapporteurs ont pu visiter une des bases de la TF SABRE fin avril 2014. Ils en retirent les éléments suivants.

Les forces spéciales françaises obtiennent actuellement des résultats très significatifs dans la lutte anti-terroriste au Sahel . Au cours des six derniers mois, sept chefs terroristes importants et près de soixante-dix combattants ont été neutralisés ou faits prisonniers. Cinq otages du CICR ont été libérés. Ces actions déstabilisent les groupes armés terroristes du Nord Mali, dans une phase où les effets des accords de Ouagadougou se font attendre.

Leur efficacité repose sur :

a. Une chaine de commandement dédiée et une boucle de décision courte entre le décideur politique, les chefs militaires à Paris et les opérateurs sur place ;

b. La coopération avec l'ensemble des services de renseignements intérieurs et extérieurs à Paris et sur le terrain ;

c. Une surveillance élargie et continue de la bande d'opération avec des drones ;

d. Des capacités aériennes et une mobilité terrestre importantes (avions, hélicoptères, véhicules de patrouille adaptés) pour projeter leur puissance dans des délais compatibles avec la durée du renseignement.

Néanmoins, la flotte d'hélicoptères déployée sur le théâtre souffre d'une disponibilité insuffisante . Les difficultés logistiques (pièces, délais d'acheminement et de réparation) et les conditions d'emploi extrêmes (les moteurs du Caracal doivent être changés toutes les 60 heures, contre 3 000 heures en métropole) en sont la cause . Un effort significatif sur cette capacité est donc nécessaire.

Si ces opérations se prolongent dans la durée, ce qui est probable, une relance de nos réflexions sur le nombre de drones MALE nécessaires à l'armée française, pour pouvoir agir avec le minimum d'autonomie et sur le besoin en hélicoptères lourds ( comme par exemple le Chinook américain, en service dans de nombreuses armées européennes telles que le Royaume-Uni, les Pays Bas, la Belgique, et qui emporte 39 hommes, contre seulement 14 pour le Caracal ) sera nécessaire .

LES HOMMES

DES FORCES SPÉCIALES

L'image que l'on se fait des hommes des forces spéciales a sans doute été influencée par celle de « Rambo », soldat d'exception qui retourne seul chercher ses camarades retenus prisonniers au Vietnam. Cette image est très éloignée de la réalité. Les hommes des forces spéciales ne constituent pas une infanterie d'élite. Bien évidemment, une condition physique excellente est nécessaire pour faire partie des forces spéciales. Mais cela ne suffit pas, il faut aussi des qualités intellectuelles et psychologiques au-dessus du commun, en particulier une stabilité émotionnelle sans faille et une capacité à agir seul, sans directives. Les forces spéciales sont formées pour agir différemment des forces classiques, en s'affranchissant de la doctrine militaire traditionnelle. La véritable spécificité des hommes des forces spéciales est là : ils traitent et résolvent autrement les problèmes qui leur sont posés. Comme l'affirme avec conviction Gérard Chaliand 16 ( * ) , ils sont « capable de penser par eux-mêmes et parfois de dire "non" à un ordre stupide, ce sont des locomotives, pas des freins ».

Dans son ouvrage précité ( Histoire secrète des forces spéciales ), Eric Dénécé relate l'interview du Capitaine de Corvette Laurent Isnard qui dirigea le commando Hubert (p.231 et suiv.) : « C'est l'audace et l'imagination dans la conception. C'est-à-dire qu'une force spéciale n'est pas faite pour faire ce qu'un régiment doit faire. On nous donne une mission, on doit être capables de trouver une solution originale et adaptée dans l'esprit de la mission (...). Pour nous, il n'est pas question de rentrer quelque part pour tout casser ou tirer à l'arme automatique dans tous les coins (...). D'autres sont capables de le faire et ce n'est pas ce que l'on nous demande (...). Si on nous dit de venir quelque part tranquillement en voiture, et de s'arrêter devant un local, on va profiter de la voiture, on ne va pas vouloir faire une démonstration de chute libre ou de plongée. (...) On va faire ce qui est le plus simple, le plus pratique et qui ne déformera pas la mission, qui ne risquera pas de remettre en cause ce qui a été ordonné ».

Quant à Jean-Dominique Merchet, dans son ouvrage précité ( Une histoire des forces spéciales ), il relate l'interview du Général Henry Poncet, qui a commandé le dispositif Licorne (p. 175) : « La guerre autrement, c'est mettre l'imagination au pouvoir. Et qui peut le faire ? Des emmerdeurs, des iconoclastes, des trublions qu'on doit laisser cogiter pourvu qu'en dernier ressort un chef, en l'occurrence le chef d'état-major des armées, dise : "oui on fait - non on ne fait pas". Ces agitateurs d'idée sont une denrée rare et ce n'est pas Saint-Cyr qui va former des gens non-conventionnels ! »


* 16 Auteur de « Mémoires, tome I - la pointe du couteau ».

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