DÉBATS

B. DÉBATS
M. Michel Le Scouarnec, sénateur du Morbihan

On peut faire des expériences avec des « bouts de ficelle », mais cela ne suffit pas : il faut davantage de moyens ! J'ai bien compris qu'il existe des inégalités à l'intérieur d'une même région. La question est donc de savoir comment favoriser l'accès de tous aux cultures scientifiques.

Il me semble que l'école primaire ne consacre pas suffisamment de temps aux sciences. En 1987, je suis venu enseigner en ville dans une école de grande taille. On travaillait en équipes pédagogiques - histoire, géographie et sciences -. Le dernier arrivé se chargeait des sciences, ce qui m'incombait. Les choses sont sans doute restées les mêmes. Les sciences paraissent tellement vastes qu'on ne sait par quel bout les prendre ; en outre, le programme est compliqué.

Si vous faites l'élevage de têtards ou de poussins, il faut aller à l'école le dimanche pour surveiller le bon déroulement de l'expérience. Il faut une certaine passion pour cela, et il serait bon qu'un certain nombre de scientifiques soient recrutés parmi les enseignants. Avant 1970, le directeur de l'École normale me disait qu'un baccalauréat scientifique était préférable à un baccalauréat littéraire pour devenir instituteur. Peut-être faut-il que l'enseignement des sciences soit dispensé par un passionné, si l'on veut intéresser les enfants à cette matière et faire en sorte que l'école primaire constitue le socle d'une réussite ultérieure.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

Il va falloir que M. Leleux et tous les orateurs présents écrivent au Conseil supérieur des programmes, au ministère de l'éducation nationale, - dont trois membres de la commission font partie - car nous peinons à faire entendre tout ce que vous venez de dire. Plus vous serez nombreux à écrire, plus nous parviendrons à faire vivre les sciences dans l'école du socle !

Mme Dominique Gillot, sénatrice du Val d'Oise, rapporteure pour avis des crédits consacrés à l'enseignement supérieur au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur »

Je vous remercie d'avoir organisé cette table ronde, qui permet de rappeler l'importance de la CSTI et l'intérêt de son partage. La CSTI participe à la construction de la société contemporaine. Il faut inventer de nouveaux systèmes, de nouveaux partenariats. Vous n'êtes pas les seuls à défendre ce point de vue. Il y a trois semaines, un colloque de la Conférence des présidents d'université (CPU) portait sur l'innovation et le partage des connaissances interdisciplinaires en vue de développer de nouvelles filières, sur la base d'un travail transversal. Ce débat préoccupe aujourd'hui les établissements d'enseignement supérieur et de recherche, les organismes, et les grandes écoles.

Mme This Saint-Jean a estimé qu'il n'y avait pas suffisamment de places pour les sciences dans les médias. Or, ceci est très controversé. Alain Bougrain-Dubourg prétend qu'il n'y en a jamais eu autant, mais pas forcément aux bonnes heures. Il conviendrait donc de réaliser une évaluation de la diffusion de la culture scientifique et des sciences dans les médias. Peut-être cela permettrait-il de faire tomber des idées reçues - ou de les confirmer - et d'agir.

On a également évoqué la place de la formation des sciences dans les ÉSPÉ. Ressentez-vous une volonté d'intégrer les associations et les partenaires de vos centres dans les équipes ? Ceci mériterait également d'être évalué de manière précise.

Une autre question se pose, celle de la place des technologies. On a parlé d'Internet et des MOOCs, des cours en ligne, des réseaux de collecte d'informations pour la recherche, qui amplifient les sciences participatives et leur donnent une place dans la société, tout en étant utilisées par les chercheurs des établissements d'enseignement supérieur et de recherche. C'est un moyen de motiver, d'élargir le vivier, et d'asseoir la recherche de manière bien plus rapide. Ce type de démarche se généralise-t-il ou cela reste-t-il à développer ?

On a aussi parlé de points aveugles. En a-t-on l'explication ? La profusion d'initiatives, la faiblesse de l'accompagnement institutionnel constituent-elles une explication ? Je pense que les politiques « en silo », auxquelles on est habitué, ne favorisent pas la mutualisation des informations, des expériences, et des pratiques. La caractérisation, la qualification et la quantification du phénomène me semblent nécessaires. Pensez-vous que ce soit en cours et que l'on puisse y travailler ?

La faiblesse des moyens a été abordée à maintes reprises ; elle est souvent considérée comme un frein au développement de la CSTI. En tant que rapporteure pour avis des crédits de l'enseignement supérieur, je pense que, dans la situation actuelle, demander des moyens supplémentaires est assez utopique et irréaliste. Il faut donc tenir compte de la situation réelle et développer de nouvelles pratiques. Les établissements d'enseignement supérieur et de recherche se penchent d'ailleurs sur cette question. Confronté au principe de réalité, on peut toujours manifester et réclamer de l'argent, mais comment fait-on évoluer les pratiques, comment sortir des cadres habituels ?

On a évoqué les sciences humaines et sociales. La science, c'est aussi le transfert et le partage, catalysés par le numérique, qu'il faut domestiquer et surveiller de façon vigilante, de l'école élémentaire jusque dans le domaine de la recherche. Le Centre de recherches interdisciplinaires (CRI), à Paris, développe aujourd'hui dans les écoles une expérience appelée « Les savanturiers ». Ceci pose la question des lieux, des liens et des ressources. Il faudrait que chacun se penche sur une nouvelle narration de la politique scientifique, afin de créer la nouvelle société de la connaissance.

Seriez-vous d'accord, les uns et les autres, pour saisir l'opportunité de la Conférence Climat 2015 (COP 21), à Paris, pour définir un agenda sur la recherche, la société, et la diffusion de la culture scientifique et technique, autour des questions essentielles pour l'avenir de la société que vous portez à travers vos actions, qui participent à l'élévation du niveau de conscience et de connaissance ?

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

Je suis d'accord avec vous sur le fait que l'on ait peu de moyens et qu'il soit difficile de les inventer. On peut toutefois les redéployer. Le gouffre financier que représente le crédit impôt-recherche mériterait par exemple quelques ajustements en faveur du partage de la culture scientifique !

Mme Corinne Bouchoux, sénatrice de Maine-et-Loire

Je salue les propos de la rapporteure.

Par ailleurs, quelque chose ne va pas lorsque, sur un sujet politique aussi important que celui que nous traitons ce matin, une grande famille politique est absente du débat !

Je suis issue d'un département où il n'y avait pas de Front national il y a six ans ; aux dernières élections municipales, le Front national s'est retrouvé premier dans 70 % des communes ! Je pense que, pour le vivre ensemble, le partage de la culture scientifique est une réponse rationnelle à un mal-être que nous ne pouvons nier. Bonne nouvelle cependant : selon des chiffres qui m'ont été communiqués par une importante association d'Angers, on a compté plus de personnes présentes aux réunions de partage de la culture scientifique qu'à toutes les réunions politiques cumulées. La culture scientifique intéresse donc la population et apporte de vraies réponses aux questions qu'elle se pose.

Il faut cependant être lucide - et je regrette que Mme This Saint-Jean, avec qui je suis souvent d'accord, ne soit plus là : dans notre système universitaire actuel, le partage des savoirs est le point qui arrive en dernier. Seuls comptent la bibliométrie et le nombre de publications. Les restructurations de l'enseignement supérieur accablent certains enseignants ; d'autres sont en lutte contre un système qu'ils critiquent et les derniers se débattent avec leur habilitation à diriger des recherches (HDR), où la culture scientifique n'occupe qu'une place de dernier ordre !

Avec la réforme des collectivités territoriales, nous sommes à la vieille d'un immense Monopoly, où les cartes des régions ont été redécoupées sur un coin de table, avec plus ou moins de bon sens. Quelles seraient vos préconisations sur ce sujet extrêmement important, tant en matière de compétences que de péréquation des moyens, pour faire en sorte que ce qui s'annonce soit une promotion des valeurs que tous portent ici, et ne vienne pas affaiblir un sujet aussi stratégique ?

J'aimerais pouvoir disposer de toutes vos contributions, afin que nous puissions être armés lors du débat qui s'annonce, en juillet et octobre. Je vous remercie de votre aide !

Mme Françoise Laborde, sénatrice de la Haute-Garonne

Je ne puis que saluer ici « Les petits débrouillards » et l'implication de la région Midi-Pyrénées !

Chacun a insisté sur la pluri-annualité, les appels d'offre, la volonté politique, la volonté administrative et les problèmes de réglementations, qui ne facilitent guère l'approche des matières scientifiques chez les plus jeunes. Je suis cependant plus sceptique à propos de ce qui a été proposé sur la substitution à l'histoire des arts de l'histoire des arts et des techniques : il ne faut pas tirer la couverture à soi, et risquer de léser les autres disciplines. Ce n'est pas constructif !

Je suis également très dubitative en matière périscolaire. Certes, les PEDT vont constituer une certaine avancée, mais je suis désolée que cela se fasse dans le cadre périscolaire, et non en milieu scolaire.

Étant sur la même ligne que chacun d'entre vous, je n'abuserai pas de votre temps. Je vous remercie pour ce débat très intéressant.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

Étant donné les demandes et la qualité des propos que nous avons entendus aujourd'hui, je vous propose que nos débats soient retranscrits sous forme d'un rapport d'information de la commission. Si vous avez, les uns et les autres, des contributions supplémentaires, faites-les vite parvenir au secrétariat de la commission. Nous réaliserons une belle publication, qui répondra aux voeux de nos collègues, comme à ceux de Corinne Bouchoux.

Je passe à présent la parole aux différents intervenants, pour une intervention conclusive.

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