Rapport d'information n° 419 (2014-2015) de MM. Jean BIZET , Philippe BONNECARRÈRE , Michel DELEBARRE , Jean-Yves LECONTE , Yves POZZO di BORGO , Mme Patricia SCHILLINGER , MM. Simon SUTOUR et Richard YUNG , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 16 avril 2015

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N° 419

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 avril 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le déplacement de la commission auprès des institutions européennes (23 et 24 mars 2015),

Par MM. Jean BIZET, Philippe BONNECARRÈRE, Michel DELEBARRE, Jean-Yves LECONTE, Yves POZZO di BORGO, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Simon SUTOUR et Richard YUNG,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, MM. Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, MM Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrere, Gérard César, René Danesi, Mmes Nicole Duranton, Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, MM. Claude Haut, Jean-Jacques Hyest, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Michel Mercier, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard.

INTRODUCTION

Une délégation de la commission des affaires européennes du Sénat s'est rendue à Bruxelles les 23 et 24 mars 2015. Cette délégation était composée de MM. Jean Bizet, président, Michel Delebarre, Yves Pozzo di Borgo, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents, MM. Philippe Bonnecarrère, Jean-Yves Leconte et Mme Patricia Schillinger.

Elle s'est entretenue avec M. Maros efèoviè, vice-président de la Commission européenne et commissaire en charge de l'Union de l'énergie, M. Pierre Moscovici, commissaire en charge des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes, M. Günter H. Oettinger, commissaire en charge de l'économie et de la société numérique, Mme Sylvie Guillaume, vice-présidente du Parlement européen, M. Jean Arthuis, président de la commission des budgets, M. Claude Moraes, président de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, M. Alain Lamassoure, président de la commission spéciale sur les rescrits fiscaux au Parlement européen, Mme Sophia in't Veld, députée européenne, M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, M. Gilles de Kerchove, coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, M. Alain Le Roy, secrétaire général exécutif du Service européen d'action extérieure, M. Frédéric Baab, représentant français d'Eurojust, et Mme Christine Roger, directrice « Affaires intérieures » au secrétariat général du Conseil.

La délégation de la commission des affaires européennes du Sénat s'est également entretenue avec des Français occupant des postes de direction dans les institutions européennes sur le thème « la place des Français à Bruxelles », ainsi qu'avec un représentant du « think tank » Bruegel sur les dossiers d'actualité à Bruxelles.

Le présent document présente les principaux enseignements que la délégation de la commission des affaires européennes a tirés de ce déplacement.

I. LES CHANTIERS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

La délégation de la commission des affaires européennes a entendu, à Bruxelles, MM. Pierre Moscovici, commissaire chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes, Jean Arthuis, président de la commission des budgets au Parlement européen, et Alain Lamassoure, membre de la commission des affaires économiques et monétaires et président de la commission spéciale sur les rescrits fiscaux au Parlement européen.

La commission des affaires européennes a, par la suite, auditionné MM. Alain Lamassoure et Jean-Paul Betbèze, économiste, le 1 er avril 2015.

De ces entretiens, il a été tiré un certain nombre d'enseignements.

Organisés moins de deux semaines après l'adoption par le Conseil d'une recommandation visant les déficits français et une semaine après la présentation par la Commission européenne d'un paquet législatif sur la transparence fiscale, les entretiens ont permis d'aborder la situation économique et financière de la zone euro. Deux grands thèmes ont été évoqués : la conciliation entre réduction du déficit budgétaire et investissement, et la question de la gouvernance.

A. UNE COMMISSION EUROPÉENNE AU SERVICE DE LA CROISSANCE

Le Président Juncker a souhaité conférer une orientation plus politique à l'action de la Commission européenne. Cette inflexion se traduit au plan économique par l'accent mis sur la relance de l'investissement et la transparence en matière fiscale. La surveillance des situations budgétaires des États membres a également été effectuée au travers de ce prisme, comme en témoigne l'examen des déficits publics belge, français et italien. L'ambition affichée demeure de consolider la croissance.

1. Une interprétation plus flexible du pacte de stabilité et de croissance

Répondant à une demande du Conseil formulée en juin 2014, la communication de la Commission européenne sur la flexibilité au sein du pacte de stabilité et de croissance du 13 janvier 2015 a pu constituer un des premiers exemples de la nouvelle méthode de travail préconisée par son président. Sans remettre en cause les grands axes du Pacte, la Commission européenne propose une lecture de ses règles prenant mieux en compte les efforts accomplis par les États en faveur de l'investissement et des réformes structurelles. Les ajustements proposés ne doivent pas, dans la mesure du possible, se faire au détriment de la croissance. C'est à l'aune de ces éléments, qu'il convient d'analyser l'absence de sanctions envers la Belgique, l'Italie et la France. La nouvelle Commission européenne ne semble pas, en tout état de cause, favorable à l'adoption de sanctions.

Le cas de la France est assez révélateur, comme en témoigne la recommandation adoptée par le Conseil le 10 mars. Même si le pays n'a pas atteint ses objectifs de déficit pour la deuxième fois depuis 2009 et cela en dépit d'un report, la Commission européenne a proposé de différer le respect du seuil de 3 % du PIB à 2017. Constatant les efforts depuis 2013, elle a refusé de proposer des sanctions. Ce report est cependant assorti d'une obligation d'accomplir des efforts structurels supplémentaires représentant 2,7 % du PIB d'ici à 2017. 4 milliards d'euros de mesures additionnelles doivent, à ce titre, être présentées d'ici au 10 juin 2015. La recommandation doit permettre à la France de ne plus être avec l'Espagne le pays présentant la plus mauvaise performance budgétaire au sein de l'Union européenne. La Commission européenne insiste à ce titre sur le fait que l'Espagne réduit plus rapidement son déficit public.

Il appartient désormais au Gouvernement de présenter les réformes structurelles susceptibles de répondre à l'effort demandé. Selon M. Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, fiscalité et douanes, le choix des réformes à mettre en oeuvre appartient aux autorités françaises. Il s'agit là, selon lui, d'une rupture avec les pratiques de la Commission Barroso, prompte à dicter la liste des réformes à mettre en oeuvre, ce qui constitue un déni de démocratie. La Commission européenne est juste en charge d'évaluer l'impact des réformes proposées en matière de croissance, celle-ci permettant une augmentation des recettes fiscales et donc une diminution du déficit public. Le Premier ministre a présenté le 18 mars 2015 un programme de réformes devant le collège des commissaires, insistant sur celles du marché du travail et du dialogue social. L'institut Bruegel insiste de son côté sur la mise en oeuvre en France d'une nouvelle réforme des retraites et du temps de travail. Il s'agit d'aller plus loin aujourd'hui que les propositions contenues dans le projet de loi sur la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui constitue un signal aux yeux des interlocuteurs de la délégation et non un aboutissement.

Les chercheurs de Bruegel considèrent cependant que ces réformes ne peuvent se faire au détriment de la croissance, ce qu'a confirmé M. Pierre Moscovici. Aller au-delà des efforts demandés serait, dans ces conditions, contre-productif. L'efficacité de l'ajustement structurel ne pourrait par ailleurs être totale, selon le think tank , si l'Allemagne n'investit pas plus de son côté, créant ainsi les conditions d'une consolidation de la croissance européenne en général et française en particulier.

Si la France a besoin d'investissements allemands pour contribuer à sa croissance, celle-ci ne passe pas uniquement par une politique de la demande allemande. Une des divergences fondamentales avec l'Allemagne tient à la question du coût unitaire du travail. Il s'agit également d'évaluer la capacité de la France à s'intégrer dans l'économie mondiale et à faire évoluer sa chaîne de la valeur ajoutée.

La recommandation adressée à la France n'est pas considérée comme punitive par la Commission européenne. Le report obtenu semble même jugé généreux par un certain nombre d'États membres, qui ont accompli les efforts demandés en respectant les échéances. L'isolement de la France au Conseil en raison de sa situation budgétaire est à ce titre devenu une réalité.

2. La mise en oeuvre du plan Juncker en faveur de l'investissement

Le lancement d'un Plan européen en faveur de l'investissement, via notamment la création du Fonds européen pour les investissements stratégiques, peut être envisagé comme un complément d'encouragement aux réformes structurelles, selon M. Pierre Moscovici. Au-delà du montant annoncé pour le Fonds, 315 milliards d'euros, il convient de préciser les conditions dans lesquelles il pourra se déployer.

Il s'agit de faire du Fonds un instrument à la fois opérationnel et visible. Dans ces conditions, il importe de privilégier une approche par le bas, destinée à convaincre les investisseurs privés de souscrire au projet. Il est indispensable, dans ces conditions, qu'une communication adéquate soit mise en place sur le terrain. Le Sénat, qui représente les collectivités locales, a un rôle indéniable à jouer en la matière afin d'informer les élus. Il convient, à ce titre, de favoriser l'émergence de plateformes régionales dédiées à l'utilisation du Fonds. Les structures publiques et parapubliques devraient également être incitées à diffuser ce message, au même titre que la Caisse des dépôts et consignations et la Banque publique d'investissements.

La question de l'optimisation des fonds publics intégrés dans le dispositif demeure cependant entière. 8 milliards d'euros sur les 21 milliards d'euros de fonds européens alloués au dispositif viennent, en effet, garantir la Banque européenne d'investissement alors qu'ils devraient plutôt couvrir les risques des investisseurs privés.

M. Pierre Moscovici a insisté sur la qualité des projets qui devaient être proposés. Ceux-ci doivent correspondre à des initiatives privées et concilier innovation et performance. La qualité de la recherche française représente à ce titre une plus-value. Dans ces conditions, il y a lieu de s'interroger, comme l'a exprimé l'Institut Bruegel, sur les listes de projets d'infrastructures avancées par les gouvernements, à l'image de la France et de l'Italie.

3. Le renforcement de la transparence fiscale

L'action de la Commission européenne se concentre sur trois axes : le paquet législatif transparence fiscale qui vise les pratiques de rescrits fiscaux ou tax rulings , l'adoption du texte définitif sur la taxe sur les transactions financières et la réouverture des négociations sur l'harmonisation de la base d'imposition sur les sociétés.

Le paquet transparence fiscale , présenté le 18 mars 2015, doit permettre de combattre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices sans pour autant pénaliser les entreprises. Il répond à une demande des citoyens européens mais aussi aux ambitions internationales en la matière, comme en témoignent les travaux menés par l'OCDE sur ce thème, à la demande du G20 depuis plusieurs années. La question des tax rulings a notamment été abordée à l'occasion du sommet du G20 réuni à Brisbane les 15 et 16 novembre 2014. Le communiqué final insiste sur la nécessité de taxer les profits « là où les activités économiques profitables sont réalisées et là où la valeur est créée?». Le G20 a ainsi une nouvelle fois appuyé l'action de l'OCDE et demandé l'application dès 2015 du plan d'action de l'OCDE contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), détaillé en septembre 2014. Le G20 a, à cet égard, insisté sur une transparence accrue en matière de rescrits fiscaux, considérés comme « des pratiques néfastes ». Le paquet de la Commission ne condamne pas la pratique des rescrits fiscaux. Ces accords sont couverts par la loi au sein de vingt-deux États membres de l'Union européenne. Il n'est pas illogique qu'une entreprise qui souhaite s'installer sur un territoire entende connaître au préalable le montant de son imposition. Reste que la prévisibilité ne saurait déboucher, aux yeux de la Commission, sur une opacité des dispositifs voire une perversité des pratiques. Il conviendrait qu'il y ait plus de transparence et que les règles soient connues à l'avance. Le dispositif comprend ainsi une proposition de directive destinée à améliorer la coopération entre les États membres en ce qui concerne leurs décisions fiscales en matière transfrontière, via un système d'échange automatique d'information ; l'ambition affichée étant que le texte soit adopté au 1 er janvier 2016. La communication intégrée au paquet envisage, quant à elle, une possible introduction de nouvelles exigences en matière de transparence pour les multinationales et une révision du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises. Ce code fixe les critères qui déterminent si un régime fiscal est dommageable. Il oblige les États membres à supprimer toute mesure fiscale préjudiciable Les critères actuels semblent aujourd'hui dépassés par les mécanismes utilisés par les entreprises pour échapper à l'impôt. Eurostat devrait également être sollicitée pour parvenir à une estimation fiable du niveau de fraude et d'évasion fiscales.

Le deuxième chantier concerne la taxe sur les transactions financières , la TTF. Faute d'avoir abouti à un texte satisfaisant pour l'ensemble des parties fin 2014, les onze États participant à la coopération renforcée ont demandé, le 27 janvier 2015, à la Commission européenne d'apporter son concours pour parvenir à l'adoption d'un texte 1 ( * ) . Si la Commission européenne espère son adoption d'ici l'été prochain, les États tablent sur le 1 er janvier 2016. La TTF pourrait désormais concerner tous les produits financiers ; les produits dérivés seraient donc visés, mais à un taux faible. Cette solution apparaît plutôt satisfaisante pour la France, qui s'est spécialisée dans l'émission de produits dérivés. Une attention particulière devra être apportée au risque de délocalisation des activités financières. Le rendement de la taxe devrait être revu à la baisse. Initialement évalué à 50 milliards d'euros, il pourrait désormais atteindre entre 25 et 30 milliards d'euros.

Le dernier domaine d'action de la Commission européenne concerne l'harmonisation de la base d'imposition sur les sociétés , le projet ACCIS (assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés). Aux termes de celui-ci, une société ne devrait se conformer qu'à un seul régime au sein de l'Union pour calculer son résultat imposable, plutôt qu'aux différents régimes propres à chacun des États membres dans lesquels l'activité est exercée. En outre, les groupes soumis au régime ACCIS auraient la possibilité de ne remplir qu'une seule déclaration fiscale consolidée pour l'ensemble de leurs activités au sein de l'Union européenne. Les résultats imposables consolidés du groupe seraient répartis entre chacune des sociétés qui le constituent, chaque État membre imposant les bénéfices des sociétés résidentes qui y sont établies au taux d'imposition en vigueur. Une formule retenant le capital physique, le nombre d'employés, la masse salariale et le chiffre d'affaires devrait permettre cette répartition. La Commission européenne avait proposé un texte en ce sens le 16 mars 2011. Celui-ci mettait notamment en place un système commun destiné à calculer l'assiette de l'impôt des sociétés actives dans l'Union européenne. Il prévoyait que les sociétés bénéficieraient d'un système de « guichet unique » pour déposer leur déclaration fiscale et qu'elles pourraient consolider tous les bénéfices et toutes les pertes enregistrés dans l'ensemble de l'Union européenne. Les États membres conserveraient leur droit souverain de fixer le taux d'imposition des sociétés. Ce projet n'a jamais obtenu l'accord du Conseil. La Commission européenne souhaite désormais présenter un nouveau texte en juin. Elle ne mésestime pas le fait que la fiscalité des entreprises est sans doute le chantier le plus délicat, dans un domaine où les décisions doivent être prises à l'unanimité au Conseil. Ce faisant, elle entend néanmoins poursuivre son action en faveur de la transparence fiscale et contre l'érosion des bases d'imposition au sein de l'Union européenne, mais aussi réduire les coûts des entreprises et favoriser les investissements étrangers sur le continent. Selon les chiffres avancés par la Commission européenne en 2011, le projet ACCIS permettrait aux entreprises de l'Union d'économiser 700 millions euros chaque année au titre des coûts de mise en conformité, et 1,3 milliard d'euros par le biais de la consolidation.

B. REVOIR LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE DE L'UNION EUROPÉENNE ET CELLE DE LA POLITIQUE DE LA ZONE EURO

Le visage plus politique de la Commission européenne, sa volonté d'impulser une nouvelle dynamique économique, ne sauraient occulter les critiques récurrentes quant à l'efficacité de l'action de l'Union européenne d'une part et la nécessité d'approfondir la gouvernance de la zone euro d'autre part.

1. Un budget inadapté aux missions de l'Union européenne

L'efficacité de l'action de l'Union européenne peut être appréhendée au travers du prisme de son budget. Or, les crédits dont disposent l'Union européenne ne lui permettent pas de répondre aux missions qui lui sont assignées. Elle est en effet affectée par un « effet ciseau », conjuguant diminution de ses ressources propres et augmentation de ses compétences et du nombre d'États membres.

La diminution de ses ressources n'est pas nouvelle, le Conseil européen de Fontainebleau des 25 et 26 juin 1984 marquant, à cet égard, une forme de rupture avec l'introduction d'une contribution des États membres. Jusqu'alors, le budget de l'Union européenne était principalement alimenté par trois contributions spécifiques :

- une part de la Taxe sur la valeur ajoutée, perçue par les États membres ;

- un impôt spécifique visant le chiffre d'affaire des entreprises sidérurgiques et minières, mis en place lors de la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) auquel a succédé en 1970 un prélèvement sur les produits agricoles importés et des cotisations sur le sucre et l'isoglucose ;

- les droits de douane prélevés sur les produits en provenance des pays tiers.

La disparition de la taxe CECA et la diminution des droits de douane induite par la multiplication des accords de libre-échange avec les pays tiers ont bouleversé l'équilibre initial et conduit à la mise en place des contributions nationales, calculées sur le revenu national brut des États membres. Celles-ci n'étaient pour autant envisagées que comme des ressources temporaires et limitées. La poursuite de la diminution des droits de douane et celle de la part prélevée sur la taxe sur la valeur ajoutée ont pourtant produit l'effet inverse. Les contributions directes des États membres ne sont plus aujourd'hui une ressource d'équilibre mais bien le principal canal de financement de l'Union européenne.

Les droits de douane représentent aujourd'hui 14 % des recettes européennes, les prélèvements agricoles 1,2 %. La ressource dite TVA atteint elle 11 %. Sa réappropriation par les États membres a contribué à affaiblir sa part dans le budget total de l'Union européenne. La taxe est en effet levée par les États membres qui en reversent une part au budget de l'Union européenne. La part est aujourd'hui régulièrement minorée par une augmentation des frais de gestion retenus par les États membres avant le reversement : la part TVA affectée au budget de l'Union européenne est aujourd'hui de 0,15 %, compte tenu du plafonnement de son montant introduit en 2004.

Les contributions des États membres représentent donc aujourd'hui un peu moins de 74 % des ressources de l'Union européenne.

La première conséquence d'une telle évolution est l'apparition d'une logique de taux de retour au sein de chaque État membre. Un programme européen n'est finalement jugé pertinent par un État que si les crédits qu'il perçoit au titre de celui-ci sont supérieurs à sa contribution initiale. C'est cette logique qui sous-tend l'apparition du « chèque britannique » en 1984 et des corrections allemande, autrichienne, néerlandaise ou suédoise par la suite. Ces États n'étant plus bénéficiaires nets d'un certain nombre de politiques de l'Union européenne, demandent une révision de leur participation au budget général.

La seconde conséquence tient au montant du budget lui-même. Dans le contexte actuel de réduction des déficits publics, le prélèvement européen peut faire figure de variable d'ajustement. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que le budget européen régresse alors même que le nombre de ses États membres a augmenté, passant de 15 à 28 sur la période et que ses compétences progressent depuis l'adoption du Traité de Lisbonne en 2008.

Une telle évolution n'est pas sans conséquences pratiques. L'Union européenne est confrontée à une forte augmentation de ses impayés en fin d'exercice, passant de 5 milliards d'euros fin 2010 à 24 milliards d'euros fin 2014. Cette situation comporte un risque pour les collectivités locales qui se trouvent en situation d'avancer des fonds en principe cofinancés par l'Union européenne.

Au-delà, ce sont les ambitions de l'Union européenne réaffirmées à chaque Conseil européen, tant en matière économique qu'écologique ou diplomatique, qui sont remises en cause : l'Union ne dispose plus, en effet, des moyens de ses politiques.

2. Une gouvernance de la zone euro à approfondir

Alors même que la dimension du budget de l'Union européenne n'est pas sans poser de difficultés, la question de l'approfondissement de la zone euro telle que traitée en 2012 et 2013 par la présidence du Conseil et la Commission européenne était axée sur la mise en place d'une capacité budgétaire devant permettre de contractualiser les réformes structurelles, de mutualiser une partie de la dette ou de mettre en place un mécanisme d'assurance-chômage. Ces orientations n'ont pas été reprises expressément par la nouvelle Commission européenne dans la note analytique de huit pages qu'elle a diffusée lors du Conseil européen du 12 février. Cette note était présentée comme une contribution aux réflexions actuellement menées par les présidents du Conseil, de la Commission européenne, de l'Eurogroupe et de la Banque centrale européenne, auxquelles est associé celui du Parlement européen (format 4+1).

L'absence de référence à une capacité budgétaire de la zone euro est concevable. Le budget de l'Union européenne représente en effet à peine 1 % du PIB européen alors que le niveau de dépense publique de chaque État membre est compris entre 40 et 55 % de son PIB. Dans ces conditions, il peut être difficile d'imaginer demain un transfert financier conséquent vers l'Union européenne dotant celle-ci de moyens suffisants pour mettre en place une politique contra-cyclique, à l'image d'un mécanisme d'assurance-chômage européen ou même d'un système de retraite européen. Une telle évolution supposerait un budget européen représentant entre 20 et 30 % du PIB de l'Union. Une assurance-chômage appellerait de surcroît une véritable unification des marchés du travail de l'ensemble des États membres. L'ensemble de ces conditions peut donner à ce projet un caractère trop ambitieux.

L'approfondissement de la zone euro continue cependant à faire figure de priorité. Pour l'institut Bruegel, il pourrait être envisagé un« fédéralisme d'exception », expression de l'ancien président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, en 2011, reprise plus récemment par Wolfgang Schaüble, le ministre des finances allemand. 2 ( * ) . Il s'agit, plus concrètement, de mettre en place un « Eurosystème de la politique budgétaire ». Celui-ci serait notamment composé d'un Conseil de gouvernance présidé par un ministre des finances de la zone auquel seraient associés cinq directeurs du budget. Les ministres des finances des États membres de la zone euro participeraient également à la prise de décision. Ce schéma reprend le modèle du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne. Le ministre des finances de la zone euro et les cinq directeurs disposeraient d'une voix prépondérante au moment des votes, qui seraient effectués à la majorité qualifiée. Ce comité souple ne serait opérant qu'en cas de crise. Lui seraient alors transférées les compétences budgétaires des États membres rencontrant des difficultés. Son action serait guidée par deux principes : assurer la soutenabilité de la dette et faciliter la mise en oeuvre d'une politique contracyclique. Il pourrait également disposer du pouvoir de recourir aux fonds du Mécanisme européen de stabilité.

Si le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne incarne une certaine neutralité, l'action de l'Eurosystème budgétaire devrait, quant à elle, être plus politique. Il s'agira en effet d'apprécier si les règles adoptées - two pack, six pack , traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance - sont adaptées à toute les situations. Ce dispositif ne se limiterait pas à sanctionner les excès d'endettement ou les dépenses publiques. Il doit répondre, avant tout, à la logique de la procédure de déséquilibre macroéconomique excessif et viser les déficits comme les excès, à l'image du solde de la balance commerciale allemande.

Même minimaliste au regard du projet de capacité budgétaire, cet Eurosystème budgétaire n'est pas sans poser de difficultés, notamment à l'égard des parlements nationaux. Afin de renforcer le contrôle démocratique de la prise de décision, le Parlement européen pourrait créer en son sein une assemblée dédiée à la zone euro. L'institut Bruegel est consulté dans le cadre des travaux du groupe 4+1. Le rapport du groupe qui devrait être présenté au Conseil européen du mois de juin constituera une première indication sur la possibilité de voir émerger ce « fédéralisme d'exception ».

II. L'AGENDA NUMÉRIQUE EUROPÉEN

Le déplacement de la commission des affaires européennes à Bruxelles a été l'occasion d'un échange avec Günther Oettinger, commissaire pour l'économie et la société numériques sur les grands axes des nouvelles propositions de la Commission qui seront rendues publiques le 6 mai prochain.

La stratégie numérique et notamment le développement d'un marché unique numérique sont désormais considérés comme des éléments essentiels de la politique européenne. Le Sénat s'en réjouit car il s'est fortement mobilisé sur ces sujets en appelant de ses voeux la définition d'une véritable ambition européenne dotant l'Union des moyens d'être acteur et non plus simplement consommateur sur le marché numérique mondial. Dans ce contexte, il s'agit désormais d'apporter des réponses politiques adaptées aux enjeux et au rythme d'évolution du monde numérique

C'est aussi un enjeu de civilisation où il s'agit de préserver la souveraineté de l'Europe sur ses données et de préserver la diversité et le futur de notre patrimoine culturel. Ces priorités sont au coeur des préoccupations franco-allemandes et pourraient fort opportunément faire l'objet d'une coopération renforcée entre les deux États.

A. L'ÉVOLUTION NÉCESSAIRE VERS UNE POLITIQUE VOLONTARISTE ET RÉACTIVE À L'ÉCHELLE DE L'UNION

La Commission européenne avait identifié le secteur numérique comme l'un des piliers de la croissance et formulé en mai 2010 une « stratégie numérique pour l'Europe » qui constituait un des axes de la stratégie UE 2020. L'ambition principale de cet agenda était de mettre fin à la fragmentation des marchés numériques au sein de l'Union en créant un véritable marché unique du numérique d'ici à 2015.

Les objectifs identifiés par la nouvelle Commission dans ce domaine devraient faire l'objet d'une communication dans les prochaines semaines mais il apparaît d'ores et déjà fort probable qu'une vision stratégique numérique plus ambitieuse sera proposée. Cette inflexion d'une approche jusqu'alors principalement fondée sur le consommateur vers une stratégie de l'offre et tenant compte des enjeux industriels, de l'emploi et de la croissance économique est tout à fait indispensable. Le risque serait que la stratégie numérique européenne se limite à approfondir le marché intérieur dans une logique purement consumériste.

Le commissaire Günther Oettinger tient d'ailleurs un discours très volontariste sur l'importance de l'économie numérique au sein de la stratégie de croissance économique. Il souligne que, face à la stratégie américaine qui vise clairement à établir une suprématie du pays dans le domaine du numérique, il est désormais nécessaire de construire une stratégie européenne forte qui nous permettra de cesser de perdre du terrain face aux principaux acteurs mondiaux notamment américains.

Une attention particulière doit être portée à la dimension industrielle du secteur du numérique afin que l'Union européenne ne soit pas condamnée à subir les évolutions technologiques mondiales. La chaîne de création de valeur est bouleversée par le numérique et aucun secteur n'est épargné par ces évolutions. La révolution numérique va ainsi modifier le secteur automobile de façon majeure. La Chancelière allemande le rappelle fréquemment dans ses interventions publiques.

Le commissaire Gunther Oettingher a réaffirmé sa volonté de créer une union numérique européenne à l'horizon 2020 et de disposer de règles unifiées en matière de neutralité du net, de propriété intellectuelle et de sécurisation des données. Selon lui, le cadre législatif n'est plus adapté aux pratiques des géants du numérique car les acteurs numériques américains contournent les lois nationales de protection des données et choisissent le pays ayant le niveau de protection des données le plus bas, et parfois la fiscalité la plus avantageuse pour y stocker les données. Il serait illusoire d'espérer développer un marché numérique à l'échelle de L'Europe si 28 réglementations différentes continuaient à coexister.

La Commission, selon le commissaire Oettinger, s'intéresse également au marché stratégique des données. Les quantités considérables de données produites par les citoyens européens sont la matière première de demain et représentent un potentiel économique immense. Leur utilisation exige de régler des problèmes importants, notamment en ce qui concerne la propriété, la protection des données et la normalisation.

Nos sociétés traversent une transition numérique toujours plus rapide et intense et, dans ce contexte, une véritable européanisation des politiques numériques doit être mise en place dans un délai court. Dans le domaine du numérique encore plus que dans d'autres secteurs, le temps de la décision politique doit s'accélérer pour ne pas être condamné à suivre avec retard les évolutions du marché. Il suffit pour cela de prendre l'exemple du contrat avec l'Institut de création et d'animation numérique (ICAN) qui doit être renouvelé dans les tout prochains mois. Le commissaire Oettinger reconnait l'inadéquation du processus de décision européen face à la vitesse d'évolution du secteur du numérique. Il appelle à des décisions politiques permettant de trancher clairement sur le degré de réglementation souhaité par les États membres. Il s'agit notamment de savoir si les États membres sont d'accord pour agir de façon coordonnée, par exemple, sur le droit d'auteur, la protection des données personnelles, etc.

B. LA PLACE RÉAFFIRMÉE DU DROIT D'AUTEUR DANS LE CONTEXTE DU MARCHÉ NUMÉRIQUE UNIQUE

La modernisation du droit d'auteur à travers la révision de la directive de 2001 est actuellement à l'étude pour, selon un communiqué de la Commission, « assurer un juste équilibre entre les intérêts des créateurs et ceux des utilisateurs ». Cet équilibre doit être préservé, dans le respect du principe de subsidiarité, car la question du droit d'auteur dans le cadre du marché numérique pose inéluctablement celle du risque de disparition de la création intellectuelle. La protection du droit d'auteur permet d'assurer le financement de la création de contenus culturels. Le respect et la préservation de notre patrimoine culturel sont des impératifs à plusieurs titres. Le commissaire Oettinger souligne d'ailleurs clairement l'impact économique positif que constitue la richesse culturelle de l'Europe et sa préservation. Les industries culturelles et créatives constituent une source de croissance, d'emploi et d'avantages compétitifs pour l'Europe.

C. LA RÉGULATION DES PLATEFORMES AU COEUR DE LA STRATÉGIE NUMÉRIQUE

Les grandes plateformes jouent un rôle de plus en plus important dans l'économie et y occupent parfois des positions dominantes. Il est désormais indispensable de poser clairement au niveau européen les questions liées tant à la régulation qu'à la création de ces plateformes.

Soumettre les grandes plateformes à des critères de fonctionnement plus stricts doit permettre de protéger le citoyen et leurs données. Au-delà d'une approche au travers de la seule politique de la concurrence et des infractions au droit européen, il convient désormais d'envisager une législation européenne permettant de réguler le fonctionnement des plateformes.

Il faut clairement éviter de se limiter à une approche purement défensive face aux grands acteurs mondiaux. La question des champions européens est plus que jamais cruciale et il convient non seulement de créer des conditions de concurrence équitables mais aussi de s'attaquer à la question de l'investissement et des difficultés d'accès au capital pour les PME innovantes.

III. LE CADRE STRATÉGIQUE POUR L'UNION DE L'ÉNERGIE

La délégation de la commission des affaires européennes a entendu M. Maros efèoviè, vice-président de la Commission européenne et commissaire en charge de l'Union de l'énergie. De cet entretien, elle a tiré un certain nombre d'enseignements.

« Une énergie durable, sûre et abordable pour les Européens » : tel est l'objectif affiché par la Commission européenne lorsqu'elle a présenté, le 25 février 2015, sa stratégie pour l'union de l'énergie, sous forme de communications au Parlement européen, au Conseil, au Conseil économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d'investissement. L'une des communications portait sur la stratégie, une autre sur l'objectif d'interconnexions électriques. Ces documents étaient accompagnés par deux « feuilles de route », relatives respectivement à la mise en oeuvre de la stratégie pour l'union de l'énergie et à la conférence onusienne sur le climat.

Le cadre stratégique pour l'union de l'énergie comporte cinq directions : la sécurité énergétique, la solidarité et la confiance ; le marché intérieur de l'énergie ; l'efficacité énergétique ; la décarbonisation de l'économie ; la recherche, l'innovation et la compétitivité.

Selon une procédure devenue classique au niveau de l'union, la volonté de créer un véritable marché intérieur s'accompagne d'une réforme proposée de sa gouvernance, tendant dans le cas présent à transformer l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie en véritable agence de régulation au niveau européen.

En dehors de cet objectif, la stratégie pour l'union de l'énergie réunit en un seul projet deux préoccupations nettement distinctes :

- empêcher d'éventuelles pressions russes liées aux livraisons de gaz, d'où la volonté de diversifier l'approvisionnement gazier et de revoir sa distribution (A) ;

- contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre au plan mondial, d'où le poids des objectifs climatiques (B).

A. DIVERSIFIER L'APPROVISIONNEMENT GAZIER ET REVOIR SA DISTRIBUTION

Dans sa présentation, la Commission européenne souligne que l'Union européenne importe 53 % de l'énergie qu'elle consomme, ce qui en fait le principal pôle d'importations énergétiques au monde. Elle aurait pu ajouter, à juste titre, que la dépendance envers les importations ne cesse de croître depuis 1995 pour l'ensemble des combustibles fossiles.

La priorité de la diversification, aux yeux de la Commission européenne, porte toutefois sur un seul produit : le gaz naturel.

Comme pour l'ensemble de la stratégie, aucune disposition normative n'est présentée, mais la Commission européenne veut revoir le règlement sur la sécurité de l'approvisionnement en gaz, mieux exploiter le potentiel du gaz naturel liquéfié, accroître les capacités de stockage, et créer des noeuds gaziers alimentés par de multiples fournisseurs en Europe centrale et orientale, ainsi que dans le Bassin méditerranéen.

Clairement géopolitique dans ses intentions, bien que la Commission affirme que l'union de l'énergie n'est dirigée contre personne, cet axe gazier comporte une innovation spectaculaire dans le domaine précis de l'énergie, qui pourrait servir de précédent pour les relations entre la Commission et les États membres (1).

La volonté de diversifier à l'avenir les sources d'approvisionnement se traduit également au niveau des gazoducs (2).

1. Les contrats gaziers
a) Contrats commerciaux et accords intergouvernementaux conclus par les États membres
(1) Renforcer la main des négociateurs

La Commission européenne justifie ses propositions par la « transparence » qu'elle souhaite introduire à leur propos. La justification avancée est le déséquilibre des rapports de force en présence induit par le fractionnement des négociateurs au quasi-monopole du vendeur. Cette situation, actuellement incontestable, induit, d'après la Commission, des différences de traitement en matière de prix, contraires dans leur principe à l'existence d'un marché de l'énergie. D'où le premier motif avancé pour que la Commission européenne soit représentée aux côtés des États membres lorsqu'ils discutent leurs contrats gaziers : Connaissant les conditions consenties à d'autres États acheteurs, le représentant de la Commission européenne conforterait les arguments des acheteurs.

La transparence des accords intergouvernementaux portant sur la fourniture d'énergie serait étendue aux contrats commerciaux ayant un objet semblable.

(2) Exercer un contrôle a priori sur la validité juridique des accords intergouvernementaux.

Le point de départ du raisonnement tenu par la Commission européenne est que la conformité d'un accord intergouvernemental avec le droit de l'Union n'est vérifiée qu'après sa conclusion. Et la Commission d'en déduire qu'elle devrait participer aux négociations conduites avec des pays tiers.

Certains États membres y voient une mise sous tutelle non seulement privée de fondement juridique, mais également inacceptable. Une proposition similaire formulée en 2011 avait rencontré l'opposition des États membres.

Le nouveau dispositif envisagé comporte une faille considérable, puisque les négociations commerciales échapperaient à ce contrôle a priori , au profit d'une information sur les contrats conclus (voir supra ).

b) Vers des achats groupés ?

Cette idée nouvelle est envisagée par la Commission, sur une base volontaire des États membres. À juste titre, la stratégie pour l'union de l'énergie observe que « toute mesure de ce type doit être pleinement conforme aux règles de l'OMC et aux règles de concurrence de l'UE ».

Il s'agit donc là d'une piste de réflexion plus que d'une véritable orientation.

Au demeurant, ce mécanisme - à activer en cas de crise - devrait être limité aux seuls États qui dépendent d'un seul fournisseur.

La Commission européenne devrait préciser sa pensée dans un rapport prévu pour cet automne.

2. Les réseaux gaziers à double flux
a) L'objectif de départ

La Commission européenne estime nécessaire de diversifier les sources de l'approvisionnement gazier, en s'adressant de façon fortement accrue à trois « fournisseurs stratégiques émergeants » : la zone caspienne et l'Irak ; les ressources disponibles dans l'est de la Méditerranée ; le gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance de tous les pays qui en exportent.

Source : Comprendre les politiques de l'Union européenne - Énergie

Commission européenne

La maîtrise des gazoducs représente donc un enjeu crucial. S'ajoute la possibilité de modifier le sens de circulation du gaz sur certaines liaisons, par exemple à partir de terminaux méthaniers.

Le 5 mars, la Commission européenne a annoncé qu'un premier appel à propositions porterait sur 100 millions d'euros, consacrés en 2015 aux infrastructures énergétiques transeuropéennes visant à rompre l'isolement de certains États membres ou à éliminer des goulets d'étranglement.

Cet objectif, inscrit dans la stratégie pour l'union de l'énergie, est complété par un projet spécifique aux connexions gazières Centre-Sud-Est.

b) Le Groupe de haut niveau sur les connexions gazières Centre-Sud-est

Créé en décembre 2014, le groupe de haut niveau sur les collections gazières entre le centre et le sud-est de l'Europe s'est réuni pour la première fois le 9 février 2015.

L'objectif du travail consiste à établir des priorités pour les chantiers d'infrastructures gazières tendant à compléter le réseau et à renforcer la sécurité de l'approvisionnement. Insistant sur la vulnérabilité de l'Europe centre-orientale et du Sud-Est, ce groupe s'est fixé pour objectif d'assurer à chaque État membre concerné au moins trois sources distinctes d'approvisionnement gazier.

La problématique s'inscrit donc parfaitement dans la stratégie de l'Union européenne s'agissant des États membres. Mais elle fait également une forte incursion dans la politique de voisinage, avec trois corridors susceptibles d'inverser les flux : le corridor sud-est reliant la mer Ionienne et la mer Égée d'une part, l'Ukraine d'autre part ; le corridor centre-est entre la mer Noire et l'Europe centrale ; le corridor Adriatique allant de la mer Adriatique à l'Ukraine.

Des considérations géopolitiques expliquent aussi le réseau énergétique balte, électrique et gazier, qui tend à compléter les liaisons avec la Russie par des connexions intra-communautaires.

B. PARTICIPER À LA POLITIQUE CLIMATIQUE

1. Le bouquet énergétique reste une prérogative des États

Le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne laissant à chaque État membre le soin de déterminer son bouquet énergétique, la stratégie pour l'union de l'énergie ne comporte pas de modification à ce propos, sous réserve de respecter les sous-objectifs découlant de la lutte contre le réchauffement climatique.

À cet égard, le projet d'union de l'énergie reprend un objectif fixé en octobre 2014 : réduire d'au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030 par rapport à l'année 1990. Il est précisé en outre que la réduction de ces émissions en 2030 devra atteindre - 43 % par rapport à 2005 dans les secteurs soumis au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre au sein de l'Union, la réduction tombant à - 30 % pour les secteurs échappant à ce dispositif.

L'objectif global est de « banaliser les énergies renouvelables » dans un système énergétique permettant à l'Union européenne « de conserver sa position de leader mondial pour les technologies et l'innovation en matière d'énergies renouvelables compétitives, ainsi que pour les systèmes et services énergétiques souples et intelligents ».

La Commission européenne estime que les coûts liés à la transition vers une énergie à faible émission de carbone sont comparables à ceux exigés par le simple renouvellement du système énergétique actuel.

2. La transition énergétique et ses contraintes
a) Au moins 10 % d'interconnexions électriques
(1) L'approche traditionnelle de la sécurité des réseaux électriques

Lorsque la Commission européenne se fixe pour objectif « une nouvelle organisation du marché » énergétique, il s'agit en réalité du seul marché de l'électricité.

Par nature, l'énergie électrique se caractérise par la nécessité de maintenir à tout instant un lien très étroit entre consommation et demande, sauf à risquer un black-out .

La principale difficulté traditionnellement rencontrée par tout réseau électrique est l'insuffisance de l'électricité disponible par rapport aux besoins. Pour en diminuer l'occurrence, la Commission européenne s'est particulièrement penchée en 2012 sur le rapport entre la capacité productive installée dans les États membres de la région « Centre-Sud-est » incluant l'Allemagne, l'Autriche, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, la Croatie, la Roumanie et la Bulgarie.

Simultanément, la Commission européenne avait vérifié si les connexions entre États membres de cette région seraient en mesure de satisfaire les pics nationaux de demande, ce qui n'était pas systématiquement le cas.

Mais avant même qu'il n'ait été possible de remédier à cette situation au niveau de toute l'Union, l'essor des énergies renouvelables intermittentes (solaire ou éolienne) est venu introduire une nouvelle source de déstabilisation dans les réseaux électriques.

(2) Le bouleversement introduit par les énergies renouvelables intermittentes

Les énergies renouvelables se sont principalement développées sur les territoires de l'Allemagne, qui représente à elle seule un sixième environ de la consommation électrique au niveau de l'Europe à 28.

À concurrence des deux tiers, la hausse de l'énergie électrique d'origine renouvelable produite en Allemagne provient soit du secteur photovoltaïque soit de l'éolien. Elle est donc intermittente, prévisible seulement à court terme et suivant un rythme non maîtrisé.

Ainsi, l'insuffisance éventuelle de la capacité installée par rapport à la demande s'est compliquée avec les variations subies de la production.

Sur le seul plan des réseaux électriques, cette nouvelle cause de déstabilisation conduit à supprimer les critères précédents (adéquation entre capacité et pic de la demande, complété par le ratio capacité des connexions/pic de la demande), pour leur substituer un critère unique fondé sur le seul ratio capacité des connexions/production annuelle. Ainsi, chaque État membre devra disposer de connexions lui permettant de transférer vers les États voisins au moins 10 % de l'électricité produite par ses centrales. Cet objectif est fixé à l'horizon 2020 ; il devrait atteindre 15 % dix ans plus tard.

Un financement spécifique avait déjà été mis en place avant même la communication du 25 février 2015, avec les projets d'infrastructures d'intérêt commun, le coût total de ces chantiers avoisinant 40 milliards d'euros, dont une partie proviendrait des 5,35 milliards destinés aux infrastructures énergétiques au sein du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe entre 2014 et 2020 3 ( * ) . Pour le reste, ces investissements devront être financés via les tarifs de réseau, en attendant la montée en puissance du Fonds européen pour les investissements stratégiques, dont la création a été décidée le 13 janvier 2015.

La Commission européenne estime qu'une parfaite interconnexion des réseaux électriques permettrait aux consommateurs de l'Union d'économiser 12 à 40 milliards d'euros par an, une fois les investissements amortis.

Sur le plan des procédures d'autorisation, la Commission européenne souhaite simplifier le processus afin de de réduire le délai total à seulement 3,5 ans malgré l'instauration de règles nouvelles renforçant la consultation des citoyens. Une seule autorité nationale doit intervenir, à compter du printemps 2015, quatre ans et demi avant l'échéance fixée pour l'objectif de 10 %.

Pour des raisons évidentes d'isolement, Chypre forme un cas particulier ayant conduit la Commission européenne à l'exclure de l'objectif à l'horizon 2020.

L'Espagne en est également dispensée, bien qu'une politique active d'interconnexions soit à l'oeuvre avec la France : une nouvelle ligne sous-marine doublant les capacités d'échange entre ces deux pays a été inaugurée le 20 février 2015. L'obstacle des Pyrénées impose en pratique d'enterrer les lignes ou d'utiliser des liaisons sous-marines comme celle envisagée à l'échéance 2022 entre Bilbao et Bordeaux, ce qui ralentit leur construction pour des raisons purement économiques, alors que les difficultés sont à la fois techniques et économiques pour Chypre.

b) La recherche et l'innovation

Les principaux axes de recherche et d'innovation concernent l'intégration de l'électricité d'origine renouvelable intermittente dans le marché général de l'électricité.

Sans surprise, figurent dans cette rubrique les « réseaux intelligents » permettant de moduler la demande - dans certaines limites - en fonction de la production disponible, ainsi que le stockage de l'énergie.

La contribution financière de l'Union européenne proviendra d'Horizon 2020, le programme-cadre pour la recherche et l'innovation doté de 80 milliards d'euros, qui devra jouer un rôle de catalyseur et de levier.

Bien que le thème ne soit pas technique, la création de marchés de capacité relève de la même orientation.

3. Quelques politiques sectorielles

La raison d'être de ces politiques est la recherche de l'efficacité énergétique, principal moyen de réduire les émissions de gaz carbonique. Tout progrès dans ces directions est éminemment sectoriel.

Les deux principaux axes identifiés dans la stratégie pour l'union de l'énergie sont l'immobilier et les transports routiers.

a) L'immobilier

La Commission européenne part de deux constats : chauffer les bâtiments en hiver et les refroidir en été représente un poste majeur pour la demande d'énergie en Europe ; les bâtiments dont la performance énergétique est particulièrement insuffisante sont ordinairement habités par des personnes à faible revenu, qu'il s'agisse de locataires ou de propriétaires.

Ayant donc identifié un gisement d'efficacité énergétique, la Commission souhaite amplifier les investissements qui tentent à rendre le parc immobilier plus économe en énergie, tout en notant que le thème de la pauvreté conduit à s'en remettre largement aux autorités nationales, qui peuvent à leur choix verser des subventions ou pratiquer des « tarifs de solidarité ». La Commission européenne observe cependant que ce dernier dispositif doit être « convenablement ciblé », de façon à en « maîtriser les coûts supplémentaires résultant pour les clients non éligibles ».

b) Les transports routiers

Le secteur des transports est la deuxième source d'émission de gaz à effet de serre au sein de l'Union européenne, après celui de l'énergie. À eux seuls, les transports routiers représentent 20 % du total des émissions et 80 % de celles imputables à l'ensemble des transports.

Les mesures déjà prises en ce domaine doivent être complétées après la tenue en juin 2015 d'une « conférence des parties prenantes sur la manière de faire progresser la décarbonisation des transports routiers ».

La Commission chiffre à 18 milliards d'euros minimums les économies de carburant réalisées grâce à la transition énergétique au cours des 20 prochaines années.

* *

*

Il est prématuré de formuler une opinion définitive sur une stratégie dont tous les aspects restent subordonnés à l'adoption ultérieure de dispositions normatives, souvent précédées par le dépôt de nouveaux rapports.

Néanmoins, il apparaît clairement que les orientations du 25 février 2015 ne paressent pas focalisées sur le défi majeur rencontré par l'industrie européenne aujourd'hui et qui risque de se pérenniser en l'absence de mesures spécifiques : les délocalisations énergétiques vers l'Amérique du Nord, après celles en direction de l'Asie en raison des coûts de la main-d'oeuvre.

Ce risque économique sera d'autant plus sensible que l'approvisionnement en gaz fera la part belle au GNL, dont le prix de revient est inévitablement supérieur au méthane transitant par des gazoducs.

L'accent mis sur la politique climatique est un pari sur l'effet d'entraînement que l'Union européenne pourrait avoir à l'échelle mondiale. Si le pari est perdu, le Vieux continent aura l'impression trompeuse de combattre le réchauffement climatique, mais les gaz à effet de serre progresseront dans l'atmosphère depuis d'autres continents.

L'Europe aura peut-être la conscience tranquille, mais sans industrie.

IV. EUROJUST ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

A. LE RÔLE D'EUROJUST

L'unité de coopération judiciaire Eurojust a été créée par une décision du Conseil de l'Union européenne en date du 28 février 2002. Cette création a fait suite à une décision prise lors du sommet européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, premier sommet des chefs d'État et de gouvernement entièrement dédié au domaine de la justice et des affaires intérieures, qui visait à mettre en place un véritable « espace de liberté, de sécurité et de justice » en Europe. Cette décision, notons-le, a coïncidé avec l'entrée en fonction d'Europol dont Eurojust devait constituer, en quelque sorte, le pendant dans le champ judiciaire.

L'objectif était de fournir aux autorités judiciaires des États membres un outil de coopération et de coordination efficace en complément des autres instruments tels que le réseau judiciaire européen et les magistrats de liaison. Dans le même temps, la coopération judiciaire en matière pénale prenait un nouvel essor avec la convention européenne d'entraide judiciaire pénale du 29 mai 2000 qui posait le principe de relations directes entre les autorités judiciaires des pays membres sans l'intermédiaire des autorités centrales.

Si elle a pour vocation générale de faciliter la mise en oeuvre de tous les dispositifs d'entraide répressive et notamment le mandat d'arrêt européen, Eurojust a pour mission plus spécifique de promouvoir et d'améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites engagées sur le territoire d'au moins deux États membres. Sa compétence est calquée sur celle d'Europol avec notamment la criminalité organisée, le terrorisme, les infractions connexes et les autres formes de criminalité.

Eurojust a, par nature, vocation à intervenir dans les dossiers multilatéraux. Toutefois, 69 % des dossiers traités en 2013, et 83 % des dossiers traités en 2014, étaient des dossiers bilatéraux. Le Bureau français d'Eurojust s'est quant à lui, efforcé de privilégier les dossiers multilatéraux avec 57 % des dossiers ouverts en 2013 et 40 % en 2014.

Sinon, l'activité d'Eurojust est en progression constante : 1 576 dossiers ouverts en 2013, 1 804 en 2014.

Des accords de coopération ont été signés avec les États-Unis et la Norvège qui disposent d'un procureur de liaison au sein d'Eurojust.

On sait qu'Eurojust reste fondé sur un modèle intergouvernemental. Chacun des 28 États membres est représenté par un Membre national ayant la qualité de procureur, de juge ou d'officier de police ayant des prérogatives équivalentes. Les Membres nationaux peuvent être assistés par un adjoint et des assistants.

Eurojust compte donc 65 magistrats ou représentants nationaux, auxquels il faut ajouter 230 personnels administratifs. À titre de comparaison, Europol recense 157 officiers de liaison et 858 fonctionnaires.

Le bureau français d'Eurojust est composé de six personnes : un Membre national qui est un magistrat hors hiérarchie mis à disposition de l'unité pour une durée de quatre ans, trois magistrats dont un adjoint et des assistants ainsi que deux assistants administratifs. Le Membre national français est assimilé à un membre du ministère public dès lors qu'il reçoit lui aussi les instructions générales adressées aux parquets généraux et aux parquets par le ministre chargé de la justice. Il a accès, dans les mêmes conditions que les magistrats du ministère public, aux données contenues dans tout traitement automatisé de données à caractère personnel conformément à l'article 695 - 8 et suivants du code de procédure pénale.

L'organe décisionnel d'Eurojust est le collège des 28 Membres nationaux (un par État membre) qui disposent chacun d'une voix en cas de vote. Le collège est présidé par un Membre national élu pour une durée de trois ans.

Le collège prend toutes les décisions de caractère général intéressant le fonctionnement d'Eurojust. Il vérifie, en outre, la compétence de l'unité à l'occasion de chaque nouvelle saisine et dispose également d'un pouvoir général d'impulsion, de coordination et de recommandation.

Eurojust peut être comparé à un « bureau multilatéral d'entraide pénale internationale ». Son fonctionnement est soumis aux principes suivants :


• Eurojust n'intervient qu'à la demande des autorités judiciaires nationales qui conservent la pleine et entière maîtrise de la conduite des enquêtes et de l'exercice des poursuites. Il n'existe pas d'auto saisine ;


• Toutes les communications et les échanges d'informations s'effectuent par l'intermédiaire du Membre national concerné. Les autorités judiciaires nationales d'un pays ne peuvent donc pas saisir directement le Membre national d'un autre pays ; de même, le Membre national d'un pays ne peut s'adresser directement aux autorités judiciaires d'un autre État membre.

Eurojust sert de cadre et de support aux dispositifs d'entraide suivants :


• les réunions de coordination qui permettent de réunir toutes les autorités judiciaires et policières intervenant dans un dossier ;


• les centres de coordination opérationnelle qui permettent de coordonner en temps réel une action concertée dans plusieurs États membres ;


• les équipes communes d'enquête dont Eurojust assure le financement.

Jusqu'à présent, 102 équipes communes d'enquête ont été mises en place sous l'égide d'Eurojust.

La coopération entre Europol et Eurojust a été formalisée par un accord entre les deux agences entré en vigueur en janvier 2010.

La négociation actuelle des deux projets de règlement relatifs à ces agences a démontré la nécessité de clarifier leurs mandats respectifs tout en renforçant leur complémentarité en ce qui concerne notamment :


Le traitement du renseignement . Celui-ci est la vocation naturelle d'Europol dont l'analyse criminelle est la principale mission.

Les responsables d'Eurojust souhaitent que l'unité de coopération judiciaire ainsi que les autorités judiciaires des États membres puissent en bénéficier, ce qui suppose une meilleure fluidité dans la transmission des informations détenues par Europol à Eurojust ;


La coordination des enquêtes judiciaires . Celle-ci est la raison d'être d'Eurojust et la fonction d'appui et de coordination reconnue à Europol dans le projet de règlement actuellement en discussion ne devra pas remettre en cause la pleine et entière compétence d'Eurojust dans ce domaine. De même, s'il est désormais acquis qu'Europol pourra financer la création d'équipes communes d'enquête, Eurojust souhaite que lesdites équipes ne puissent être formellement mises en place que par les autorités judiciaires chargées de l'enquête conformément à l'article 13 de la convention européenne d'entraide judiciaire pénale du 29 mai 2000 précitée.

La lutte contre le terrorisme a toujours été une priorité d'Eurojust. Depuis le 1 er janvier 2014, Eurojust (tous bureaux nationaux confondus) a été saisi au total de 306 dossiers en matière de terrorisme.

Les principaux pays requérants sont la Belgique, l'Italie, l'Espagne, la France et le Royaume-Uni. La France est le premier pays requis (93 fois sur la même période) devant l'Allemagne, l'Espagne, Italie et le Royaume-Uni. Les pays tiers les plus sollicités sont la Suisse et le Maroc ainsi que la Turquie, les États-Unis l'Algérie et la Malaisie.

Ces dossiers ont donné lieu à 41 réunions de coordination à Eurojust entre 2006 et 2014. Le bureau français d'Eurojust a, pour sa part, ouvert 26 dossiers en matière de terrorisme entre le 1 er janvier 2005 et le 1 er janvier 2015.

Il convient de rappeler qu'Eurojust intervient uniquement à la demande des autorités judiciaires nationales chargées de conduire des enquêtes. Or, dans les affaires de terrorisme, les services enquêteurs hésitent parfois à partager des informations confidentielles dans un cadre multilatéral qui n'offrirait pas toujours un niveau de sécurité suffisant. D'où le choix de certains services de privilégier les contacts directs avec les autorités étrangères sans passer par Eurojust. Pourtant, dans les dossiers multilatéraux complexes, seuls Europol et Eurojust sont en mesure d'assurer une coordination efficace au niveau opérationnel. Les États membres devraient progressivement en prendre conscience.

En application de la décision 2005/671/JAI du 20 septembre 2005 relative à la coopération et à l'échange d'informations en matière de terrorisme, Eurojust comme Europol sont en principe destinataires de renseignements concernant les procédures en cours et les condamnations prononcées dans les États membres dans les affaires de terrorisme. Cette décision prévoit également la création dans chaque pays d'un correspondant nationale d'Eurojust pour le terrorisme.

En juin 2009, un protocole signé entre la Direction générale des affaires criminelles et des grâces, le parquet général de Paris, le parquet de Paris et le Membre national français d'Eurojust a permis de simplifier et de systématiser ces échanges d'informations. Ces dernières sont intégrées dans un système automatisé de traitement des données personnelles et de gestion des dossiers. Ce système est également alimenté en informations relatives à d'autres catégories d'infractions graves (traite des êtres humains, trafic de drogue, exploitation sexuelle des enfants pédopornographie, criminalité organisée...) lorsque celles-ci concernent au moins trois États membres et que le dossier a donné lieu à l'émission de demandes d'entraide à destination d'au moins deux États membres.

Il faut relever, hélas, que la décision 2005/671 précitée relative aux infractions terroristes n'est actuellement appliquée, dans toutes ses dispositions, que par quelques États membres dont la France, l'Espagne ou la Belgique.

Il est, par ailleurs, indispensable de renforcer les échanges d'informations (notamment par l'accès aux fichiers d'analyse criminelle) entre Europol et Eurojust.

Il faut comprendre que lorsqu'Eurojust n'est pas associé formellement à un fichier, ses demandes seront traitées par Europol comme celles d'un pays tiers. Il ne pourra donc obtenir des informations sur un dossier particulier qu'avec l'accord préalable de tous les États membres concernés. C'est une difficulté.

L'unité Eurojust est actuellement associée au seul fichier sur les transactions financières suspectes et devrait l'être prochainement au fichier sur les combattants étrangers. Mais ce n'est pas le cas pour les trois autres fichiers « Hydra », « Dolphin » et « Check the Web ».

Relevons encore que l'unité publie, depuis 2008, un rapport périodique sur les condamnations prononcées en matière de terrorisme dans les États membres et dans certains pays tiers.

Au plan législatif, les responsables d'Eurojust préconisent un certain nombre de réformes. Priorité devrait, selon eux, être donnée au recueil des preuves au cours de l'enquête ainsi qu'au partage des renseignements opérationnels entre les autorités nationales et les agences d'Europol et Eurojust.

Sont donc souhaitées des mesures qui seraient de nature :


• à simplifier et à harmoniser le recueil des preuves électroniques qui sont obtenues à partir d'Internet et à assurer leur admissibilité devant la juridiction de jugement lorsqu'elles ont été acquises dans un autre État membre ;


• à compléter le dispositif d'interconnexion électronique des casiers judiciaires (ECRIS) avec la mise en place d'une unité centrale dédiée aux condamnations prononcées contre les ressortissants des pays tiers ;


• à renforcer les échanges d'information entre Europol et Eurojust en permettant à ce dernier d'être associé sans restriction aux cinq fichiers ouverts par Europol en matière de terrorisme.

Les responsables d'Eurojust estiment, enfin, qu'il serait opportun d'élargir le champ d'application de la décision cadre du 13 juin 2002, révisé en 2008, sur l'harmonisation des incriminations et des peines en matière de terrorisme afin d'y intégrer les incriminations visées dans la résolution n° 2178 du Conseil de sécurité de l'ONU ciblant plus spécifiquement le phénomène des combattants étrangers.

Cette mesure a été préconisée par la résolution européenne contre le terrorisme adoptée par le Sénat le 1 er avril dernier.

B. LES PRIORITÉS EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME

La fonction du coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme a été créée, en mars 2004, au lendemain des attentats de Madrid.

Le 19 septembre 2007, M. Gilles de Kerchove a été nommé coordinateur. En cette qualité, il a été chargé :

- de coordonner les travaux du Conseil en matière de lutte contre le terrorisme ;

- de formaliser une vue d'ensemble de tous les instruments dont dispose l'Union européenne, de rendre régulièrement compte au Conseil et d'assurer un suivi efficace des décisions du Conseil ;

- de présenter des recommandations et de proposer des domaines d'actions prioritaires au Conseil en se fondant sur une analyse de la menace et des rapports élaborés par le Centre d'analyse du renseignement de l'Union européenne et Europol ;

- de surveiller la mise en oeuvre de la stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre le terrorisme ;

- de coordonner son action avec celle des instances préparatoires compétentes du Conseil, de la Commission européenne et du Service européen d'action extérieure (SEAE), et de partager avec celles-ci des informations sur ses activités ;

- de veiller à ce que l'Union européenne joue un rôle actif dans la lutte contre le terrorisme ;

- d'améliorer la communication entre l'Union européenne et les pays tiers.

Dans ses orientations stratégiques en matière de justice et d'affaires intérieures formalisées au mois de juin 2014, le Conseil européen a confirmé l'importance du rôle joué par le coordinateur dans la lutte contre le terrorisme. À la suite des attentats terroristes commis à Paris au mois de janvier 2015, ce dernier a participé aux discussions sur le renforcement de la réaction de l'Union européenne en matière de lutte contre le terrorisme, sur le plan intérieur comme extérieur .

Le 12 février 2015, les chefs d'État et de gouvernement ont insisté sur l'importance du dialogue avec les pays tiers sur les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Ils ont cité, en particulier, les régions du Moyen-Orient, de l'Afrique du Nord et du Sahel, mais également la région des Balkans occidentaux. À la suite de cette déclaration, le coordinateur pour la lutte contre le terrorisme et le directeur du Service européen d'action extérieure (SEAE) chargé des questions multilatérales se sont rendus au Liban, le 23 février et en Tunisie, les 24 et 27 février. Ces visites avaient pour but d'identifier et d'explorer les moyens de renforcer les capacités de lutte contre le terrorisme et la coopération internationale.

Du 16 au 20 février 2015, le coordinateur a assisté, à Washington, au Sommet sur « la lutte contre l'extrémisme violent » organisé par le président des États-Unis, M. Barack Obama. Il a participé, aux côtés de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à la réunion ministérielle organisée par le secrétaire d'État américain, M. John Kerry. M. Gilles de Kerchove a également participé à une réunion ministérielle sur les combattants étrangers et a rencontré plusieurs de ses homologues américains chargés des questions de lutte contre le terrorisme.

Le coordinateur pour la lutte contre le terrorisme présente régulièrement au Conseil des rapports sur le fonctionnement et la mise en oeuvre des instruments existants de lutte contre le terrorisme au niveau de l'Union européenne. En décembre 2014, le Conseil a pris acte de deux importants rapports :

- un rapport sur la mise en oeuvre de la stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre le terrorisme en date du 24 novembre 2014 ;

- un rapport sur la mise en oeuvre de la stratégie révisée de lutte contre le financement du terrorisme en date du 30 juillet 2014.

Lors de son entretien avec les membres de la délégation de votre commission des affaires européennes, M. Gilles de Kerchove a souligné les grandes priorités de l'Union européenne dans la lutte contre le terrorisme.

Selon lui, la menace terroriste est tout à la fois sérieuse et complexe. Au premier trimestre 2015, il a identifié trois principaux défis.

Le premier défi tient au phénomène de radicalisation d'un certain nombre de jeunes via Internet ou encore dans les prisons. Face à ce premier risque, des pays comme la France ou la Belgique se sont bien investis. Le combat contre la radicalisation nécessite aussi de traiter la question de l'« islam européen ».

Le second défi réside dans le phénomène des « combattants étrangers ». Ce sont 4 à 5 000 jeunes Européens qui seraient actuellement présents sur les théâtres d'opérations tels que la Syrie ou l'Irak.

Le troisième défi, c'est le développement d'une concurrence et donc d'une possible émulation entre les groupes terroristes que sont, par exemple, Daech et Al Qaïda.

À bien des égards, la menace terroriste a changé de nature. Elle a longtemps été le fait de « vétérans » du terrorisme aguerris par plusieurs années de combat sur des théâtres d'opérations comme l'Afghanistan. À l'heure actuelle, la menace terroriste peut provenir de jeunes Européens inconnus ou peu connus des services de police et capables de mener des attaques meurtrières avec une seule arme à feu voire une simple arme blanche. Il ne faut pas non plus sous-estimer le risque présenté par le développement d'armes ou d'explosifs miniaturisés.

Il faut être conscient que la lutte contre le terrorisme est menée à hauteur de 95 % environ par les États membres et à hauteur de 5 % environ par l'Union européenne. Il n'empêche que les défis que l'Europe doit affronter ont été, semble-t-il, bien identifiés par les chefs d'État et de gouvernement européen, notamment lors de leur Sommet de février 2015.

La Commission européenne n'est pas en reste. Elle devrait publier son « Agenda pour la sécurité » le 28 avril prochain.

Le coordinateur de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme a énoncé six grandes priorités pour la politique européenne de lutte contre le terrorisme.

La première concerne l'amélioration non seulement des mécanismes internes de sécurité intérieure mais aussi et peut-être surtout, des mécanismes externes de la politique extérieure de l'Union européenne avec son voisinage immédiat. Police, justice et diplomatie doivent travailler de concert. Il est clair que toutes les conséquences du « Printemps arabe » n'ont pas été suffisamment analysées. La récente attaque, à Tunis, du musée du Bardo a montré, par exemple, la nécessité de reconstruire les services de renseignement de pays comme la Tunisie.

La seconde priorité c'est, sans doute, le « recalibrage » des outils d'analyse sur les questions d'immigration et d'asile. Le problème des connexions entre certains flux migratoires et la criminalité doit être abordé sans complexe. Il est clair qu'Europol doit travailler avec FRONTEX.

Troisième priorité : l'amélioration du dispositif de contrôle aux frontières extérieures de l'Union européenne. Les moyens de l'agence européenne FRONTEX doivent être renforcés. Il faut sans doute aussi réfléchir à une évolution ciblée du « Code frontières Schengen » afin de systématiser les contrôles aux frontières extérieures de l'Union sur la base d'indicateurs de risque.

La quatrième priorité énoncée par le coordinateur consiste dans la recherche d'un équilibre entre la collecte et le partage des données en matière policière et judiciaire et la nécessaire protection de la vie privée. À cet égard, M. Gilles de Kerchove a vivement plaidé en faveur de la mise en place rapide d'un PNR européen.

La cinquième priorité, c'est une meilleure utilisation par les États et leurs services de police et de renseignement des outils de l'Union européenne. Cela passe bien sûr par une intensification de la coopération et de la coordination avec des organismes comme Europol et Eurojust et, par exemple, par la création d'un fichier européen des combattants étrangers.

La réhabilitation des combattants étrangers « qui n'ont pas de sang sur les mains » pourrait constituer la sixième priorité de l'Union européenne. On constate qu'en la matière, les politiques des États membres sont très diverses. Les Britanniques, par exemple, sont plutôt répressifs ; les Danois le sont beaucoup moins. Il serait, sans doute, nécessaire d'harmoniser les politiques.

Le coordinateur de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme a enfin insisté sur les difficultés que les nouvelles pratiques de cryptage, mises en place notamment pour répondre aux inquiétudes des internautes européens, créent pour les services de police et de renseignement des États membres. Il s'agit là d'un nouveau défi à relever.

V. UNE PÉRIODE D'INTENSIFICATION DE L'ACTION EXTÉRIEURE DE L'UNION EUROPÉENNE

A. DES INSTITUTIONS MOBILISÉES

La rencontre de la délégation avec M. Alain Le Roy, nouveau secrétaire général exécutif du Service européen d'action extérieure, confirme les perceptions positives concernant l'action de Mme Federica Mogherini, Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en fonction depuis le 1 er novembre 2014.

Parmi les signes de l'importance accordée à l'action extérieure, figurent notamment :

- le fait que tous les Conseils européens intervenus depuis l'installation de la nouvelle Commission aient abordé des points de politique extérieure ;

- les propos récents de M. Jean-Claude Juncker sur une armée européenne. Même s'il ne s'agit pas d'une perspective immédiate ces propos traduisent incontestablement un changement de climat, M. Alain Le Roy ayant ajouté que cet intérêt pour les questions de défense européenne était aussi partagé par Mme Mogherini.

Il convient, en outre, de rappeler qu'avec la compétitivité économique, et l'agenda numérique, la politique étrangère est l'une des trois priorités de la présidence lettonne de l'Union annoncée dès le 7 janvier à Bruxelles par le Premier ministre, Mme Laimdota Straujuma. La question des relations avec la Russie occupe bien entendu une place particulière dans les préoccupations de la Lettonie, pays qui compte 40 % de russophones, mais les événements du premier semestre, ont conduit l'Union européenne à être active aussi bien à l'Est qu'au Sud.

B. DES ÉVÉNEMENTS CONDUISANT À S'ENGAGER DAVANTAGE AU SUD ET À L'EST DE L'EUROPE

1. L'Europe et le Sud

Le début de l'année 2015 a été marqué par les attentats de Paris, de Copenhague et de Tunis. En Europe, ces événements ont jeté aussi la lumière sur le problème des « combattants étrangers », établissant un lien direct entre les sociétés européennes et des événements du Proche-Orient et du Moyen-Orient, en particulier la progression de Daech sur fond de conflit en Syrie. Comme nous l'a indiqué M. Alain Le Roy, la lutte anti-terroriste est depuis lors davantage intégrée dans la politique extérieure de l'Union.

Dans le cadre de l'action en faveur de la stabilité dans la région, il a aussi beaucoup insisté sur le rôle de l'Iran et sur le fort engagement de l'Europe dans les négociations sur le nucléaire qui a débouché, il y a quelques jours (le 2 avril), sur l'accord de Lausanne.

2. L'Europe et l'Est

Depuis l'arrivée de la nouvelle Commission européenne, les institutions ont été particulièrement actives dans le conflit ukrainien. Outre le renforcement des sanctions économiques déjà prises contre la Russie 4 ( * ) par le Conseil européen, l'action du président français et de la chancelière allemande a été déterminante dans la conclusion de l'accord du 12 février dernier 5 ( * ) sur l'instauration d'un cessez-le-feu et d'une zone démilitarisée.

Comme l'a clairement mis en avant M. Alain Le Roy, l'action européenne a été d'autant plus efficace qu'en dépit de l'existence des positions de départ sensiblement différentes, les chefs d'États et de gouvernements ont fait prévaloir l'unité de l'Union vis-à-vis de la Russie. Comme M. Maro efèoviè, Vice-président de la Commission européenne, l'a aussi rappelé à notre délégation, cette action de stabilisation dans la région est prolongée par une intervention de l'Union dans la négociation des contacts « gaziers » entre la Russie et l'Ukraine.

Le début de l'année 2015 semble donc marqué une accélération dans l'engagement de l'Europe face aux défis lancés dans son environnement immédiat. C'est dans ce contexte que le lendemain de notre déplacement à Bruxelles, alors qu'elle présentait les rapport sur la politique européenne de voisinage précisément orientée vers seize pays de l'Est et du Sud de l'Europe, Mme Federica Mogherini a pu déclarer « Dans cette période cruciale, l'Union européenne est déterminée à intensifier sa coopération politique, économique et en matière de sécurité avec ses partenaires dans toute la région. » 6 ( * ) .

VI. LA PRÉSENCE FRANÇAISE DANS LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES

La Représentation permanente française auprès de l'Union européenne a communiqué à la délégation un certain nombre de statistiques faisant le point sur la « présence française » dans les institutions européennes au mois de mars 2015 et ce tant à la Commission européenne, qu'au Service européen d'action extérieure (SEAE), au Conseil de l'Union européenne et au Parlement européen.

A. LA COMMISSION EUROPÉENNE

La France occupe la troisième place en nombre total d'agents avec 2 263 fonctionnaires français - toutes catégories confondues - contre 1 961 Allemands et 1 023 Britanniques, les plus nombreux étant les Belges, pays hôte des institutions, avec 5 553 agents, et les Italiens avec 3 566 agents. Avec 1 326 administrateurs français, soit 9,9 % de l'effectif global, la France arrive en deuxième position après l'Allemagne (1 378 administrateurs, soit 10,3 %). La Belgique vient en troisième position (1 309), puis l'Italie (1 294), l'Espagne (1 044), et enfin le Royaume-Uni (686).

S'agissant de l'encadrement supérieur , avec trois directeurs généraux (DG) et trois directeurs généraux-adjoints (DGA), la France occupe le troisième rang après l'Allemagne (4 DG et 6 DGA) et le Royaume-Uni (5 DG et 2 DGA), devant l'Espagne (4 DG, 1 DGA) et l'Italie (2 DG et 2 DGA). Les Pays-Bas, pour leur part, comptent 2 DG et 3 DGA.

29 directeurs sont français. La France occupe, à cet égard, le premier rang ex-aequo avec l'Allemagne, devant l'Italie (26), le Royaume-Uni (17) et l'Espagne (17).

S'agissant de l'encadrement intermédiaire : la France occupe le premier rang (144 chefs d'unité) devant l'Allemagne (122), le Royaume-Uni (72), l'Italie (117) et l'Espagne (84).

S'agissant des cabinets dans le Collège des commissaires , la France compte 29 membres de cabinet couvrant 21 cabinets, 1 chef de cabinet, 5 chef-adjoints ainsi que le porte-parole de Mme Mogherini, Haute représentante.

La France occupe, aussi, la première place au niveau des experts nationaux détachés (END) : 127 END à la Commission contre 110 Allemands, 94 Espagnols et 85 Britanniques.

B. LE SERVICE EUROPÉEN D'ACTION EXTÉRIEURE (SEAE)

Au sein du SEAE, la France occupe une place de premier plan avec :

- 122 administrateurs (sur 940 ), soit 13 % de l'effectif global dont 31 dans des postes de « management » au siège (15) et dans les délégations (16), contre 95 pour l'Allemagne, 105 pour l'Italie, 83 pour l'Espagne et 66 pour le Royaume-Uni ;

- 30 agents temporaires (sur 319), soit 13 % de l'ensemble devant le Royaume-Uni (25), l'Espagne (24), l'Allemagne (22) et l'Italie (18) ;

- 46 experts nationaux détachés sur 410, soit 11,22 % de l'ensemble devant l'Allemagne (33), le Royaume-Uni (31) et l'Espagne (30).

C. LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE

Au Conseil de l'Union, la France compte 144 fonctionnaires soit 5,5 % du personnel du Conseil, un peu moins que l'Allemagne (5,34 %), après les Italiens (7,61 %) et les Belges, pays hôte (17,09 %), les Anglais représentant 3 % de l'effectif. En nombre d'administrateurs, la France arrive en troisième position (90), derrière la Belgique (114) et l'Allemagne (94), devant l'Espagne (80) et l'Italie (69). Le Royaume-Uni compte, pour sa part, 53 administrateurs.

Au niveau de l'encadrement supérieur , on relève pour la France :


• 1 directeur général sur 8, soit la deuxième place ex-aequo avec l'Allemagne (qui détient aussi le poste de secrétaire général du Conseil), le Royaume-Uni, la Pologne et la Finlande ;


• 4 directeurs sur 33, soit la première place ex-aequo avec l'Allemagne et la Belgique ;


• 10 chefs d'unité sur 102, soit la troisième place ex-aequo avec l'Allemagne, après la Belgique (12) et l'Espagne (11) ;


• 9 chefs de secteur et 2 chefs de bureau.

D. LE PARLEMENT EUROPÉEN

Rappelons qu'au niveau politique , la France est représentée, au Parlement européen, par 1 vice-présidente : Mme Sylvie Guillaume, 1 questeur : Mme Elisabeth Morin-Chartier ; 2 présidents de commissions : MM. Alain Cadec, président de la commission de la pêche, et Jean Arthuis, président de la commission des budgets (contre 5 présidents de commissions pour l'Allemagne, 4 pour la Pologne, 3 pour l'Italie et le Royaume-Uni), et 9 vice-présidents de commissions (contre 13 pour l'Allemagne).

La France compte 207 administrateurs sur un total de 2 486, soit 13 % des effectifs.

Au niveau de l'encadrement supérieur , la France compte :


• 2 directeurs généraux, soit le rang de premier ex-aequo avec l'Espagne ;


• 7 directeurs, soit le deuxième rang après l'Allemagne (8), devant l'Italie (6), l'Espagne et la Belgique (5 chacune) ;


• 33 chefs d'unité, soit le deuxième rang après l'Espagne (35), devant l'Allemagne (27), l'Italie (25) et la Belgique (24).

Dans une publication du mois de mars 2015, la Fondation « Robert Schuman » constatait que la présence politique française au Parlement européen était « manifestement en recul à la suite des dernières élections » 7 ( * ) . Au niveau des membres de cabinet et de la fonction publique européenne, la France se situe néanmoins, toujours « dans le trio de tête ». La Fondation relève, certes, que le secrétaire général du Conseil, celui du Parlement européen et le chef de cabinet du président de la Commission européenne sont allemands. Toutefois, souligne-t-elle, si la France ne peut revendiquer un tel « grand chelem », sa présence au sein des cabinets des commissaires et des postes d'encadrement en fait un « pilier » des institutions.

Au cours de ses entretiens avec des Français occupant des postes de responsabilité dans les institutions européennes sur le thème « La place des Français à Bruxelles », la délégation de la commission des affaires européennes du Sénat a retenu un certain nombre d'observations :


• La France est peut être pénalisée, dans les institutions européennes, par une moindre culture parlementaire que celle que partagent les Allemands ou les Britanniques, plus habitués à la logique de compromis ou de coalitions ; d'autre part, il semble que les Allemands et les Britanniques cultivent davantage l'esprit d'équipe ; leur présence est organisée et entretenue de façon plus structurée que la nôtre ;


• Une autre difficulté réside, peut-être, dans l'évolution des carrières des fonctionnaires français qui privilégient des « allers-retours » entre Bruxelles et Paris au détriment d'un ancrage « bruxellois » approfondi ;


• La France souffre de l'absence d'une position forte comme, par exemple, sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire mais aussi, plus généralement, sur un véritable projet politique européen ;


• La France reste un des pays « fondateurs » de l'Union européenne. Beaucoup de pays membres se demandent toujours « ce que pense la France » sur tel ou tel dossier. La France est un pays qui conserve toujours les moyens de convaincre ;


• La France « tiendra » en Europe tant que le pays bénéficiera de la garantie implicite de l'Allemagne. Toutefois, un « agacement » réel est désormais perceptible chez ceux qui s'étonnent du traitement de faveur qui est réservé à notre pays ;


• Il serait peut-être utile de créer un « lieu d'échanges » pour des rencontres régulières sur des thèmes précis entre élus et fonctionnaires européens français.

VII. LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Lundi 23 mars

Entretien avec M. Maros efèoviè, vice-président de la Commission européenne et commissaire en charge de l'Union de l'énergie

Déjeuner avec des Français occupant des postes de responsabilité dans les institutions européennes sur le thème « La place des Français à Bruxelles »

Invités :

Mme Isabelle Benoliel, Directrice à la DG Compétitivité, Commission européenne ; Mme Anne Bûcher, Directrice Réformes structurelles et compétitivité, Commission européenne ; M. Antoine Cahen, responsable du secrétariat de la commission LIBE du Parlement européen ; M. Fabrice Comptour, membre du cabinet de Mme Elzbieta Bienkoswka, commissaire chargée du marché intérieur, de l'industrie, de l'entreprenariat et des PME ; M. Pierre-Louis Lempereur, Conseiller Antici , Service européen d'action extérieure ; M. Elies Messaoudi, assistant de la secrétaire générale de la Commission ; M. Valère Moutarlier, Directeur à la DG fiscalité et Union douanière, Commission européenne ; Mme Isabelle Pérignon, membre du cabinet de Mme Vera Jourová, commissaire à la justice, la protection des consommateurs et l'égalité entre les genres ; M. Jean-Pierre Vidal, chef économiste au cabinet de M. Donald Tusk, président du Conseil européen, M. Alain Scriban, directeur Task force sur la Grèce, Commission européenne ; Mme Ariane Trichon, conseillère chargée de la présence française, Représentation permanente.

Entretien avec M. Alain Le Roy, secrétaire général exécutif du Service européen d'action extérieure (SEEA, Rond-Point Schuman)

Entretien avec M. Günther H. Oettinger, commissaire en charge de l'économie et de la société numériques

Entretiens sur « La lutte contre le terrorisme »

M. Frédéric Baab, représentant français d'Eurojust, Mme Christine Roger, directrice Affaires intérieures au Secrétariat général du Conseil

M. Gilles de Kerchove, coordinateur européen de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme

Dîner offert par M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne

Mardi 24 mars 2015

Entretien avec M. Claude Moraes, président de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, notamment sur le projet de PNR européen, et Mme Sophia in't Veld, députée européenne (Parlement européen)

Échange avec le think tank Bruegel sur les dossiers d'actualité à Bruxelles

Entretien avec M. Pierre Moscovici, commissaire chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes

Déjeuner sur le thème « Méthodes de travail au Parlement européen » avec M. Jean Arthuis, président de la commission des budgets, Mme Sylvie Guillaume, vice-présidente du Parlement européen, M. Alain Lamassoure, président de la commission spéciale sur les rescrits fiscaux

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 16 avril 2014 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Jean Bizet, président, le débat suivant s'est engagé :

M. Simon Sutour. - Le déplacement d'une délégation de la commission des affaires européennes à Bruxelles les 23 et 24 mars dernier a été une très bonne initiative. Je partage les conclusions du président Bizet quant au fait que les parlements nationaux sont désormais mieux pris en considération par les institutions européennes. Sans doute que le traité de Lisbonne y est pour quelque chose. Nous avons maintenant le sentiment que les parlements ont leur mot à dire avec les outils adaptés que sont les avis politiques et les résolutions européennes mais aussi et peut-être surtout les instruments nouveaux que constituent le « carton jaune » et, peut-être, demain, le « carton  orange » et le « carton rouge ».

Très utile a été, en particulier, notre rencontre, à propos du PNR européen, avec le président de la commission Libé du Parlement européen, M. Claude Moraes, ainsi qu'avec la députée européenne Mme Sophia in't Veld forte de ses convictions et avec laquelle le débat a été franc.

J'ai le sentiment que le Parlement européen prend désormais en compte les pressions qui s'exercent de la part des parlements et des gouvernements des États membres récemment victimes d'actes terroristes. Le dossier du PNR européen me paraît donc aujourd'hui bien engagé.

J'ai aussi jugé très positif le déjeuner que nous avons partagé avec les fonctionnaires européens de nationalité française. Cette expérience est à renouveler. J'estime, par ailleurs, que le « format » de notre délégation était approprié à ce type de mission.

Il n'est pas toujours facile de contribuer à l'élaboration de la législation européenne au niveau des parlements nationaux. Nos collègues n'ont, hélas, pas toujours conscience du rôle que jouent à cet égard le Sénat et en particulier sa commission des affaires européennes. J'exprime, une nouvelle fois, mes inquiétudes quant au projet de réforme du règlement du Sénat s'agissant des créneaux horaires de réunion qui pourraient être imposés à cette commission.

La commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale sera-t-elle seule désormais à pouvoir auditionner les commissaires européens ? J'ai confiance dans les amendements qui seront apportés par M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois pour ce projet de réforme de notre règlement.

M. Jean Bizet, président. - Les préoccupations de Simon Sutour sont les miennes. Au cours des quatre derniers mois, plusieurs commissaires européens se sont déplacés à Paris. Il faut un partage équilibré entre le Sénat et l'Assemblée nationale pour les auditions de ces commissaires européens.

Je rappelle que le projet de règlement, s'agissant de la fixation des créneaux horaires des réunions hebdomadaires de notre commission, inclut dans son énoncé l'expression « en principe ». Cela devrait permettre une certaine souplesse. J'ai déjà discuté de cette question avec le président du Sénat et je dois très prochainement m'en entretenir à nouveau avec le directeur du cabinet du président.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Je considère pour ma part que nous devons avoir un débat entre sénateurs, si « nous voulons-nous respecter nous-mêmes ». Je parlerai sans fard.

Reconnaissons, d'abord, que depuis la réforme « Seguin », nous sommes débordés de travail. Je pense, aussi, que la séparation des pouvoirs devrait être mieux respectée. Pour ma part, après trois ans d'absence, j'ai choisi de réintégrer, au Sénat, la commission des affaires européennes dont j'estime qu'elle est la plus importante des commissions de cette assemblée. Je regrette que ce point de vue ne soit pas mieux partagé notamment dans nos groupes politiques.

M. Jean Bizet, président. - Nous allons nous attacher à corriger les imperfections des propositions qui nous ont été soumises.

M. Éric Bocquet. - J'ai apprécié l'échange « transparent » qui vient d'intervenir. Dans mon groupe, aussi, sensibiliser les collègues aux enjeux européens n'est pas toujours chose aisée. Plus globalement, hélas, c'est peut-être le Parlement qui n'est pas toujours vraiment respecté.

S'agissant du déplacement de la délégation de notre commission à Bruxelles, une partie importante des entretiens a été consacrée aux aspects fiscaux de la politique de l'Union européenne. Certains des propos tenus lors de la visite et rapportés par le compte rendu écrit du déplacement m'ont interpellé. Je souhaiterais avoir quelques explications complémentaires sur les notions de transparence fiscale, de rescrits fiscaux, d'opacité voire de « perversité » de certaines pratiques fiscales, de « mesures fiscales préjudiciables » ainsi que sur le projet d'assiette commune consolidée par l'impôt sur les sociétés (ACCIS).

M. Jean Bizet, président. - Les questions que vous évoquez ont constitué, en effet, des points très importants de nos échanges notamment avec le commissaire Pierre Moscovici, Alain Lamassoure et Jean Arthuis. Certains de leurs aspects sont assez techniques. Je me propose de vous faire parvenir une note qui fera un point précis sur tous ces sujets.

À l'issue de ce débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.


* 1 La coopération comprend la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Autriche, la Slovénie, le Portugal, la Grèce, la Slovaquie, l'Italie, l'Espagne et l'Estonie.

* 2 http://www.bruegel.org/publications/publication-detail/publication/870-euro-area-governance-what-to-reform-and-how-to-do-it/

* 3 Les financements relevant du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) couvrent 3 % environ des investissements nécessaires dans le secteur de l'électricité d'ici 2020.

* 4 Les premières sanctions datent de mars 2014.

* 5 Communément dénommé accord de Minsk 2.

* 6 Conférence de presse à la Commission européenne le 25 mars 2015.

* 7 Question d'Europe n° 348 du 16 mars 2015.

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