C. PROTÉGER LES INTÉRÊTS DIRECTS ET INDIRECTS DE LA FRANCE EN ARCTIQUE

Proposition n° 46 : Renforcer l'effort scientifique français sur l'Arctique, dans un cadre de coopération internationale.

Le « chantier arctique », initiative nationale destinée à coordonner et promouvoir les travaux de la communauté scientifique française en Arctique, doit être consolidé.

Dans le cadre du Conseil arctique, y compris auprès des membres observateurs, une coordination et une mutualisation de l'effort de recherche doit être encouragée, ainsi que le partage des résultats, s'agissant notamment de la recherche environnementale qui permettra de mieux connaître et donc de mieux protéger le milieu arctique.

Si la recherche appliquée est plus difficilement mutualisable, les « Polartechs » ne sont pas un vain investissement : à l'image des technologies spatiales, les technologies polaires sont susceptibles de déboucher sur des innovations de très haute valeur ajoutée, y compris en milieux tempérés.

Proposition n° 47 : Dans le prochain Livre blanc, qui prendra la suite du Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale de 2013, développer l'analyse des intérêts économiques et stratégiques de la France en Arctique, et des menaces et risques associés.

L'océan Arctique est, certes, le seul océan du globe dans lequel la France n'est pas territorialement présente. En effet, bien que l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon, par sa proximité avec le Canada, puisse constituer pour la France un point d'entrée vers l'Arctique, il se situe géographiquement dans l'Atlantique nord, à une latitude d'ailleurs proche de celle de la France.

La France possède néanmoins des intérêts directs et indirects en Arctique, justifiant qu'elle y conforte son statut diplomatique, scientifique et économique, et affirme au moins implicitement, comme l'a fait explicitement la Chine, son statut de pays du « proche-Arctique » (« near Arctic ») :

- Ces intérêts sont, tout d'abord, d'ordre scientifique et environnemental, puisque la France est très présente dans la recherche polaire arctique et antarctique, notamment grâce à l'Institut Polaire français Paul-Émile Victor.

- Ces intérêts sont ensuite économiques : il s'agit d'accompagner et de soutenir les activités économiques françaises, et d'assurer la protection de nos entreprises et ressortissants présents dans cette zone. La multiplication des bateaux de croisière est notamment préoccupante, y compris par le passage du Nord-Ouest, qui demeure dangereux, alors que les moyens de recherche et de sauvetage en mer seraient insuffisants en cas d'accident grave.

- Enfin, en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations unies, de l'OTAN et de l'Union européenne, la France serait nécessairement impliquée en cas de crise dans l'océan Arctique, ce qui justifie son intérêt pour l'avenir de cette région.

Proposition n° 48 : Maintenir et développer une capacité d'action maritime et aérienne en Arctique, dans le cadre de coopérations avec les pays de la zone.

Dans le contexte budgétaire actuel, cet effort n'est envisageable que dans un cadre international, incluant des exercices et la mise en commun de moyens, afin de parvenir collectivement à des capacités suffisantes pour répondre aux enjeux de sécurité.

Ce type de coopération est nécessaire pour maintenir une bonne connaissance et une expérience du milieu arctique . Elle doit permettre de reconnaître les routes maritimes du Grand Nord et de se préparer à l'hypothèse d'un accident. Les moyens actuellement consacrés à la recherche et au sauvetage demeurent en effet limités, malgré l'accord trouvé entre pays riverains en 2011. Or une augmentation du trafic maritime est, à terme, vraisemblable, même si c'est à une échéance incertaine.

La Marine française a ainsi, par exemple, participé récemment à une opération de sauvetage au large du Groenland, dans le cadre d'une coopération opérationnelle avec le Danemark. Un avion de surveillance maritime Falcon 50M a été déployé, conjointement avec un avion de patrouille maritime Challenger danois, fin août 2015, pour un exercice en commun qui a abouti à une intervention opérationnelle de sauvetage réel. L'avion français Falcon 50M, issu de la Flottille 24F de la base aéronautique navale de Lann-Bihoué, s'est alors posé pour la première fois sur la base américaine de Thulé (Groenland). Ce type d'exercice permet de maintenir un savoir-faire français en milieu arctique.

La mondialisation a accru l'importance économique, écologique et diplomatique des espaces maritimes, qui sont devenus l'un des enjeux majeurs de l'évolution du contexte géostratégique. Votre commission a détaillé les enjeux de cette maritimisation dans un rapport de 2012, dont les conclusions demeurent d'actualité 171 ( * ) . Être capable de surveiller, de contrôler et d'agir sur de vastes espaces maritimes nécessite au minimum le maintien à niveau des capacités de la marine nationale et le développement de nos capacités industrielles dans tous les secteurs concernés par le développement des activités maritimes.


* 171 « Maritimisation : la France face à la nouvelle géopolitique des océans », Rapport d'information de MM. Jeanny Lorgeoux et André Trillard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n° 674 (2011-2012).

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