CONCLUSION

Face au constat de l'éloignement de la Russie et de son positionnement hostile vis-à-vis des pays occidentaux, vos rapporteurs plaident pour une ligne conciliant fermeté et dialogue.

La fermeté est nécessaire pour demeurer crédibles vis-à-vis d'un acteur qui considère les relations internationales d'abord à travers le prisme des rapports de force.

Nous ne pouvons toutefois en rester là. Il nous faut reprendre et approfondir le dialogue avec la Russie pour éviter l'impasse.

D'abord parce que celle-ci reste un interlocuteur incontournable des relations internationales, avec lequel nous entretenons des liens historiques économiques, culturels étroits.

Ensuite parce que la situation actuelle comporte de vrais risques . La Russie actuelle n'est certes pas la puissance menaçante qu'a été l'URSS pendant la guerre froide, même si elle aimerait qu'on le pense.

En fine tacticienne, la diplomatie russe sait saisir toutes les opportunités lui permettant de consolider ses positions et d'infléchir l'ordre mondial dans le sens qu'elle souhaite.

Dans ce contexte, il ne faut pas sous-estimer sa capacité à passer à l'acte en fonction des occasions qui se présentent , comme elle l'a fait l'année dernière en Crimée et récemment en Syrie, et comprendre le rôle déclencheur que jouent sa marginalisation et son isolement diplomatique.

Pour vos rapporteurs, il est urgent de tenter de l'intégrer dans un nouveau concert européen , en reconnaissant ses préoccupations sécuritaires et en l'amenant, avec toute la considération à laquelle elle aspire, mais sans complaisance, à prendre en compte les nôtres.

La France peut y contribuer en réactivant l'héritage historique de sa relation spéciale avec la Russie.

EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 7 octobre 2015, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, a procédé à l'examen du rapport de M. Robert del Picchia et Mme Josette Durrieu, co-présidents du groupe de travail sur « les relations avec la Russie : comment sortir de l'impasse ?».

Après l'exposé des rapporteurs, un débat s'est engagé.

M. Gaëtan Gorce. - On ne peut aujourd'hui rien comprendre de la situation dans laquelle on se trouve avec la Russie si l'on ignore ce qui s'est passé dans les années 1990.

C'est un sentiment extrêmement fort que nous avons rencontré chez nos interlocuteurs russes, qui nous a fait comprendre ce que le pays a pu subir à la fois sur le plan économique et sur le plan diplomatique.

Sur le plan économique, cette période a correspondu à un libéralisme échevelé et à un appauvrissement du pays en parallèle.

Sur le plan diplomatique, elle a correspondu à un recul de la situation de la Russie et la perception par les Occidentaux que la dissolution de l'URSS est la conséquence d'une défaite que celle-ci aurait subie, alors que la fin de l'URSS n'est pas vécue comme telle par les Russes.

Dans les deux cas, on peut comprendre la méfiance qui s'exprime aujourd'hui en Russie à l'égard des Occidentaux. Au moment où l'Occident et les Américains ont été influents, cela s'est traduit par un affaiblissement de la position stratégique de la Russie et de sa position économique. Cela explique à mon sens une grande partie des difficultés que l'on rencontre, la Russie et ses dirigeants se plaçant aujourd'hui sur un terrain nécessairement différent de celui qui a prévalu durant cette période.

Que peut-on imaginer ? Cela a été fort bien dit par mes collègues. Nous devons, me semble-t-il, réexaminer cette situation d'un point de vue global, en considérant que la Russie constitue un partenaire incontournable, tant en matière de sécurité sur le continent que pour son développement.

La position qui a été celle de l'Union européenne, qu'on a peut-être laissée un peu trop libre de ses mouvements ces dernières années, n'était pas tenable.

La question de la sécurité du continent est trop sérieuse pour être laissée à l'Union européenne. Il était indispensable que la France et l'Allemagne s'en ressaisissent pour tenter de dégager des solutions, mais si l'on veut que ces solutions puissent prospérer, telles qu'elles ont commencé à être amorcées par les accords de Minsk et mises en oeuvre, il faut évidemment élargir cette préoccupation de dialogue à d'autres sujets.

On ne peut considérer que l'on pourrait séparer les questions, au moins dans leur approche. C'est un point de vue personnel.

La question ukrainienne et la question syrienne sont distinctes, mais la question ukrainienne a montré que la réouverture du dialogue avec la Russie, dans des conditions certes difficiles, permettait de faire avancer les choses. Il faut donc adopter la même attitude s'agissant de la question syrienne, et considérer que nous ne pouvons nous contenter d'opposer une fin de non-recevoir à la position russe. Il ne s'agit pas non plus d'y adhérer, mais la discussion doit s'ouvrir pour tenter de dégager une solution.

Vladimir Poutine nous dit aujourd'hui très clairement qu'il ne laissera pas faire en Syrie ce que nous avons fait en Libye. Il nous passe ce message de manière assez explicite, et il est prêt à jouer la provocation, voire à pratiquer une forme d'escalade. On l'a vu encore récemment avec les incidents de Turquie.

Il faut donc prendre cette situation très au sérieux, car elle peut déboucher sur une situation extrêmement grave. Il nous faut prolonger l'effort que nous avons engagé sur la question ukrainienne, dans la fermeté, à propos de la question syrienne, en essayant de voir quelles sont les options possibles.

J'espère que c'est ce qui se passe. Je veux croire que les déclarations qu'on nous fait en disant qu'il n'est pas question de discuter avec Bachar el-Assad ne servent pas à mettre de côté le dialogue inéluctable qui devrait avoir lieu par ailleurs.

Enfin, il faut indiquer que la France a pour ambition de retrouver un discours fort sur la question européenne avec l'ensemble des partenaires européens. La France devrait pouvoir avancer des propositions dans ce domaine et montrer sa disponibilité. Ce message pourrait être consolidé par des indications sur notre intention de lever les sanctions diplomatiques ou personnelles les plus humiliantes concernant le personnel politique russe dans les prochaines semaines, si la situation en Ukraine devait s'améliorer.

À un moment où les tensions peuvent s'exacerber, nous avons tout intérêt à inverser la stratégie qui a été conduite et à mettre en place les outils permettant de reconstruire le dialogue. Cela ne signifie pas que l'on aboutira à des résultats à court terme, mais c'est ainsi qu'il faut considérer le sujet, me semble-t-il.

Mme Nathalie Goulet. - J'aimerais que l'on fasse un point dans ce rapport sur les conflits gelés. On a en effet oublié le Nagorny Karabagh. Le Caucase Sud est totalement bloqué par la Russie, qui empêche également le groupe de Minsk de travailler, or aucune solution n'est possible sans la Russie. Faut-il continuer dans de tels schémas, qui ne mènent à rien ? Je n'ai pas non plus entendu parler de la Palestine. Le rôle de la Russie dans la région est essentiel, alors que l'on redoute une troisième intifada. Enfin, les tensions entre la Russie et la Turquie se font de plus en plus ressentir, notamment depuis l'intervention russe en Syrie. Quelle est la position des rapporteurs à propos de la Palestine, de la Turquie et au sujet d'un changement de périmètre ? J'ajoute que l'on pourrait ramener la diplomatie parlementaire au rôle qu'elle devrait avoir. C'est en effet dans ces moments de grande tension qu'elle a peut-être le plus d'utilité !

M. Claude Malhuret. - Je félicite nos rapporteurs pour ce rapport complet, précis et équilibré, tout le monde en conviendra. Tout le monde est sans doute également d'accord avec le fait qu'il faut parler avec la Russie. De quelle façon ? Cela pose deux questions essentielles. En premier lieu, la Russie est-elle aujourd'hui un partenaire ou un adversaire ? On ne parle en effet pas aux deux de la même façon. En second lieu, faut-il dialoguer à la Russie parce qu'elle est maîtresse du jeu au Moyen-Orient et faire des concessions qui permettraient d'obtenir des avantages ? La première question, je l'ai abordée lors d'une précédente séance de notre commission, lorsque nous avons parlé des Mistral, en expliquant que la Russie n'est pas aujourd'hui un partenaire mais, au mieux, un interlocuteur - Crimée, Ukraine, Géorgie, Abkhazie - je n'y reviens pas.

Depuis quelques jours, la façon dont la Russie entre en action en Syrie éclaircit les choses. Ceux qui plaidaient en faveur d'un grand marchandage consistant à sacrifier la Crimée et à mollir sur l'Ukraine comme prix à payer pour obtenir le soutien de Vladimir Poutine au Moyen-Orient se rendent compte que ce serait un marché de dupes, pour une raison simple : les objectifs de Vladimir Poutine au Moyen-Orient, à quelques exceptions près, ne sont pas les nôtres. Depuis une semaine, cette réalité s'est brutalement transformée en évidence. Nos priorités, ce sont la destruction de Daech, le confortement de nos rapports avec nos alliés majoritairement sunnites, un rapprochement prudent avec l'Iran, et une solution de paix en Ukraine. Les priorités de la Russie sont le maintien de Bachar al-Assad, d'un axe russo-syrano-irano-chiite, pour faire court, et la création de poches sécessionnistes dans les pays de l'ancienne URSS. À l'évidence, nos priorités et celles de Vladimir Poutine sont donc différentes.

La Russie est-elle maîtresse du jeu ? Beaucoup de personnes, si elles ne sont pas paniquées, sont du moins inquiètes et, estimant Daech dangereux, le problème des réfugiés étant insoluble et divisant l'Union européenne, et Vladimir Poutine semblant en bien meilleure position, demandent l'aide de ce dernier. Ce qu'on ne prend pas en compte - et je m'en étonne - c'est la position défavorable de la Russie. Premièrement, si Vladimir Poutine est intervenu en urgence en Syrie, c'est parce que, quelques semaines de plus, et le régime tombait ou risquait de tomber. Il risquait ainsi de perdre son seul allié en Méditerranée, et ses seules bases portuaires. Cette situation était bien plus catastrophique à court terme pour Vladimir Poutine que pour nous.

En second lieu, le rouble a perdu 70 % de sa valeur ; l'économie est en chute libre, et ce n'est pas parce que son appareil de propagande permet à Vladimir Poutine d'avoir 70 % d'opinions favorables dans les sondages - qu'est-ce qu'un sondage en Russie ? - qu'il faut ne pas voir la situation économique catastrophique qui s'aggrave.

Cette catastrophe économique tient plus à la chute du pétrole qu'aux sanctions ou, du moins, autant à l'une qu'à l'autre. Elle va s'aggraver, d'ici six mois à un an, par le retour de l'Iran, après l'accord sur le nucléaire, qui va permettre à ce pays d'abreuver le monde de millions de barils et de concurrencer encore plus le pétrole et le gaz russes.

Enfin, la guerre en Ukraine revient à des millions de roubles par jour, et des soldats meurent.

Dernier point : le rapprochement avec la Chine, que certains présentent comme la preuve de l'habileté diplomatique de Vladimir Poutine, est un échec retentissant, dont bénéficient uniquement les Chinois ! Je ne comprends pas qu'on ne le voie pas.

Les échanges entre la Russie et la Chine ont baissé de 30 % depuis cet accord, signé il y a un peu plus d'un an. Aucun des grands projets prévus n'a vu le jour ; ils sont au point mort et ne se réaliseront jamais. Les seuls à en tirer profit sont les Chinois, qui bénéficient de livraisons de pétrole et de gaz à prix bradé, Vladimir Poutine n'ayant d'autre solution, comme l'a dit Josette Durrieu, que de trouver en urgence des débouchés pour son pétrole.

Ma conclusion est qu'il faut parler avec Vladimir Poutine non comme avec un partenaire maître du jeu, mais comme avec un adversaire potentiel, qui est loin d'être dans une situation favorable.

Parler avec la Russie, oui, mais pas au point de renoncer d'une part à nos intérêts stratégiques, d'autre part à la solidarité avec nos alliés.

La conclusion du rapport - « fermeté et dialogue » - me convient donc tout à fait.

M. Jeanny Lorgeoux. - Au-delà des tumultes de l'heure, je voudrais poser une question qui ressortit au registre géopolitique, et qui interroge directement la nature de la relation entre la France et la Russie, que je pourrais caractériser, faute de mieux actuellement, par la phrase : « Je t'aime, moi non plus » !

Ma question s'adresse directement à nos excellents rapporteurs : selon eux, la Russie se cabre-t-elle par psychose obsidionale, du fait de la menace que représenterait l'OTAN sur ses frontières ? S'agit-il, de manière plus fondamentale, d'une politique de reconquête de son espace, pour reprendre le terme employé par Josette Durrieu, qu'Hélène Carrère d'Encausse qualifierait de « reconquête de l'empire allogène » ?

Au fond, la Russie est-elle dans une posture défensive ou offensive ?

M. Yves Pozzo di Borgo. - Le rapport l'a dit, « grâce » à l'Ukraine, le Conseil européen a, pour la première fois peut-être, une politique étrangère commune. C'est le côté presque positif de cette tension avec la Russie. Dans un rapport de la commission des affaires européennes, que je suis en train de rédiger avec Simon Sutour, nous allons insister sur ce point.

Il faut également souligner l'action de la France, et notamment du Président de la République. J'étais avec lui lors de sa rencontre surprise avec Vladimir Poutine, et je considère que la France a été l'acteur majeur de la relance des accords de Minsk. Quelles que soient les analyses politiques - je suis moi-même un opposant au Président de la République - c'est l'un des points les plus positifs de son action et de celle de la France.

Troisième élément : le rapport n'insiste pas assez selon moi sur l'attitude des Américains dans cette affaire. Après la signature des accords de Minsk, le président polonais, qui a fait à cette occasion des déclarations plutôt négatives, est arrivé au Conseil européen avec Petro Porochenko pour essayer de casser le format Normandie. Par ailleurs, les Américains essayent d'avoir une action sur ce qui s'est passé en Ukraine en utilisant les pays baltes comme relais, avec l'aide du Royaume-Uni.

Ceci a également des conséquences sur l'OTAN. On peut s'interroger lorsqu'on entend les propos que tient la porte-parole de l'OTAN, Carmen Romero. Je ne suis pas sûr que ceux-ci soient dans l'esprit du rapport. C'est un élément fondamental de l'analyse, et il nous faut donc l'évaluer.

En conclusion, ce rapport est un très bon rapport. Toutefois, la décision ayant été prise de ne pas remplacer un centriste par un centriste après l'invalidation d'Aymeri de Montesquiou, je ne participerai pas au vote. Pour autant, cela ne signifie pas que je ne suis pas d'accord avec ce que contient le rapport.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Merci pour cet excellent travail. Vous avez eu tout à fait raison de rappeler les trop nombreux rendez-vous manqués, qui nous ont amenés à ce divorce. Il est cependant toujours possible de se remarier, et l'on peut donc vivre dans l'espoir.

Vous avez également fait référence au travail que l'Allemagne et la France sont capables de mener avec les accords de Minsk et les discussions dans le cadre du format Normandie. Il me semble que l'Europe occidentale, avec les pays baltes et la Pologne, est plutôt dans une logique de rapports de force avec la Russie, entraînant un durcissement des relations entre ce pays et l'Union européenne. La Russie se veut un interlocuteur sérieux, mais il semble que Bruxelles ait échoué à s'imposer, même si l'Union européenne avait perdu de sa crédibilité bien avant l'affaire ukrainienne.

Vos propositions sont assez ambitieuses. Ne pensez-vous pas que tout ce qui relève de la relation entre l'Union européenne et la Russie est l'expression de voeux pieux ? En effet, la Russie est prête à traiter de questions régionales avec Berlin ou Paris, mais pas au-delà.

M. Gilbert Roger. - Les propositions de Robert del Picchia me paraissent équilibrées et tant mieux si on peut les mettre en oeuvre.

M. Jacques Legendre. - Autrefois, Staline demandait : « Le pape, combien de divisions ? ». Quand on analyse nos rapports avec la Russie, il serait intéressant de connaître la force réelle de Vladimir Poutine.

Vladimir Poutine et la Russie actuelle, ce n'est pas l'URSS. L'URSS a perdu la course aux armements quand le président Bush a voulu lancer la course aux étoiles. Ce fut une des origines de la chute de l'URSS.

Il est vrai qu'il faut déplorer et constater que la Russie est dans une phase d'affirmation diplomatique, et qu'elle a entrepris de reconstituer son appareil militaire. Il ne faut pas pour autant craindre que la Russie cherche à mettre ses pas dans ceux de l'URSS, car ce serait surestimer les moyens d'action de Vladimir Poutine.

Ceci étant, nous avons intérêt à avoir des rapports amicaux et suivis avec la Russie. Mon propos n'est pas d'en nier l'intérêt.

S'agissant de l'Ukraine, il faut bien mesurer ce qu'a représenté la révolution de Maïdan. On trouve, en Ukraine, un peuple qui a aspiré à une certaine démocratie qu'il ne trouvait pas chez lui. Il en voulait à ses dirigeants, et il a été, semble-t-il, assez surpris de voir la vigueur avec laquelle la Russie intervenait dans l'affaire.

L'aspiration des Ukrainiens de base, pour autant que j'aie pu le ressentir dans le cadre de mes déplacements au titre du Conseil de l'Europe, était de vivre et de se développer comme le font leurs voisins polonais. Ils ne cherchaient pas à tout prix à être agressifs vis-à-vis de la Russie, avec laquelle ils conservent de nombreux contacts et à laquelle ils sont très attachés, beaucoup de familles étant mixtes.

Il est également vrai que, pour la Russie, l'Ukraine est un sujet très sensible. Nous ne devons pas chercher à arracher un lambeau de l'ancienne URSS à la Russie, ni faire du suivisme par rapport à l'OTAN ou par rapport aux demandes américaines.

Sur ce point, on doit à la fois rappeler le droit de l'Ukraine à être un pays indépendant et à vivre de façon démocratique, et le fait que l'Ukraine s'inscrit dans une histoire...

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je félicite les rapporteurs : j'ai trouvé ce texte excellent, et son analyse et ses propositions équilibrées. J'ai hâte de lire le rapport !

Il représente une certaine évolution de notre politique étrangère. C'est une évolution récente dont je me félicite : pendant longtemps, nous avons été seuls à demander que l'on renoue le dialogue, et à insister sur le fait que nous ne gagnerions jamais contre Daech sans une ouverture à la Russie et à l'Iran.

Un point que vous avez indiqué est extrêmement important : il s'agit de l'influence des États-Unis qu'il conviendrait de limiter. Nous devons rester vigilants au sein des organisations internationales, notamment de l'OTAN. Nous avons un rôle considérable à jouer si nous voulons retrouver la place qui était celle de la France en matière de politique étrangère. Au sein de l'OTAN, beaucoup d'États d'Europe de l'Est, comme les États baltes, sont extrêmement inquiets des avancées russes. Nous devons y faire attention.

M. Cédric Perrin. - Différentes questions ont été posées quant aux motivations de Vladimir Poutine en Syrie. Cherche-t-il à faire diversion par rapport à l'Ukraine ? S'agit-il d'une lutte contre l'État islamique, face à l'inefficacité des frappes occidentales ? Cherche-t-il à diviser les Occidentaux, à sauver Bachar el-Assad, ou tout simplement à sauver la base de Tartous ?

Je rejoins Jeanny Lorgeoux sur ce sujet : ne s'agit-il pas d'une question de puissance ? En s'imposant dans le jeu en Syrie, la Russie se place comme une puissance mondiale, comme au bon vieux temps de l'Union soviétique.

Avez-vous tenté d'évaluer le « soft power » russe sous cet angle ? N'est-ce pas une tentative de Vladimir Poutine d'améliorer l'image de son pays en Europe, et notamment en France ? Chacun a entendu parler d'une prochaine chaîne de télévision en français qui pourrait être mise en place sur E box, puis éventuellement sur des réseaux plus élargis.

M. Jean-Pierre Raffarin, président.- Lors d'un exposé à l'université de la défense, un politologue nous avait brossé un tableau géopolitique et avait insisté sur ce que le cours du pétrole représentait pour l'économie et l'armée russes. Je rejoins Jacques Legendre lorsqu'il affirme que la Russie est loin d'avoir les moyens économiques de ses ambitions...

En second lieu, la forte dégradation de la relation entre les États-Unis et la Russie est une tendance lourde, et constitue un fait marquant.

Mme Josette Durrieu, rapporteure . - Pour répondre à Nathalie Goulet : oui, le sujet de la Palestine, problème essentiel, est à nouveau banalisé ! En Turquie, la priorité de Recep Tayyip Erdoðan, concerne dans l'ordre, les Kurdes, Bachar el-Assad et Daech.

Par ailleurs, Yves Pozzo di Borgo a raison de souligner que l'Union européenne a pris une initiative indépendamment de toute action américaine. C'est une bonne chose.

Hélène Conway-Mouret a attiré l'attention sur le fait que les préoccupations des pays occidentaux de l'Union européenne et de sa partie Est ne sont pas les mêmes. Les Polonais et les Baltes ont aujourd'hui peur de la Russie. On a même par moments le sentiment qu'ils sont déjà presque en guerre.

En conclusion, ce qui est en jeu, c'est la sécurité du continent européen et sa réorganisation. Les mots qui doivent se substituer aux termes de « isolement et sentiment d'humiliation », s'agissant de la Russie, qui sont fort dommageables, sont bien : « dialogue mais fermeté ».

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Pour en revenir à la phrase : « Je t'aime, moi non plus » et au phénomène de psychose obsidionale, je pense que l'on est confronté aux deux. La Russie évolue entre deux attitudes, l'une offensive, l'autre défensive.

Pour ce qui est de Maïdan, l'un de nos interlocuteurs russes nous a fait sentir la grande sensibilité de la question en faisant un parallèle avec l'indépendance de la Catalogne !

Pour ce qui est de l'OTAN et des États-Unis, les Russes dénoncent la position de l'OTAN, lorsqu'elle désirait s'installer « trop » près de chez eux.

Quant à la levée des sanctions, nous sommes d'accord, pour autant que le cessez-le-feu continue à être respecté, ce qui est le cas jusqu'à présent, et que les élections ukrainiennes puissent se dérouler comme prévu en novembre.

Pour ce qui est de la Pologne, celle-ci devrait pouvoir être impliquée dans nos négociations en faveur d'un dialogue ouvert avec les Russes. On pourrait tenter d'avancer dans cette direction avec l'Allemagne. Je sais bien combien cela sera difficile mais chacun est d'accord avec le fait que la seule solution réside dans le dialogue.

Mme Josette Durrieu, rapporteure. - Je voudrais terminer en répondant à Jeanny Lorgeoux. La Russie se cabre par rapport à l'OTAN. Est-ce une politique de reconquête de son espace ? Oui ! Est-ce offensif ? Oui, mais il existe également de leur côté le sentiment d'une démarche offensive de l'OTAN...

C'est une façon de déterminer la ligne de crête. Incontestablement, la Russie est repartie à l'offensive.

Le rapport est adopté, M. Yves Pozzo di Borgo ne participant pas au vote.

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