ANNEXES

PRÉSENTATION DU RAPPORT EN DÉLÉGATION

Jeudi 19 mai 2016

Roger Karoutchi, sénateur des Hauts-de-Seine, président . - Mes chers collègues, nous entendons ce matin Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach à qui nous avions confié, voilà quelques mois, la préparation d'un rapport d'information consacré à la ressource en eau et à la façon dont nous devons nous préparer à la gérer.

Moi qui ne suis pas un spécialiste de la question, j'ai parcouru leur rapport et le moins que l'on puisse dire est que l'ensemble des témoignages et les éléments qui y sont apportés sont loin d'être rassurants.

Si le réchauffement climatique est une menace reconnue, on a tendance à croire qu'elle ne concerne que les zones sahariennes ou les îles du Pacifique et que la France, elle, sera épargnée. Nos collègues rapporteurs sont beaucoup plus inquiets, et nous avec. Dans ce domaine, quelle que soit notre tendance politique, nous sommes peut-être trop optimistes. Je ne vois, dans les textes, ni réelle prise de conscience ni esquisse d'une véritable politique de l'eau par rapport à ce manque d'eau qui risque d'être une réalité d'ici à quelques années.

À ce titre, il sera intéressant de poursuivre la réflexion dans le cadre d'un débat en séance publique, afin de sensibiliser l'ensemble de nos collègues ainsi que le Gouvernement sur ce sujet.

Je cède maintenant la parole à nos deux rapporteurs, en les félicitant pour leur travail.

Henri Tandonnet, sénateur de Lot-et-Garonne, rapporteur . - Monsieur le président, mes chers collègues, nous venons d'achever une longue traversée du pays de l'eau, et c'est avec un peu d'inquiétude que nous nous apprêtons à vous présenter le résultat de nos travaux.

Un peu d'inquiétude car nous avions l'intuition, en proposant à la délégation d'inscrire le thème de l'eau à son programme de travail, que cette ressource indispensable, et même sacrée, était en danger sans qu'on en ait pleinement conscience : le fait est qu'aucun des vingt et un articles de l'accord final de la Cop21 n'y fait référence. Cela n'a pas manqué de faire réagir : un groupe de travail sur l'eau a été constitué et devrait trouver un relais à l'occasion de la Cop22 qui se tiendra prochainement au Maroc.

La cinquantaine d'auditions que nous avons menée, les déplacements que nous avons effectués sur le terrain, dans deux bassins versants différents, dans des laboratoires de recherche ou auprès des instances européennes, ont malheureusement confirmé ce premier sentiment.

C'est donc un signal d'alarme que nous avons voulu actionner pour attirer l'attention du Sénat sur une évolution plus que préoccupante. C'est d'ailleurs précisément ce rôle de veille et, le cas échéant, de lanceur d'alerte qui a été dévolu à notre délégation depuis 2009.

Au terme de notre étude, il nous est apparu assez clairement que le moment était venu de dégager quatre temps.

Tout d'abord, le temps du réalisme car certaines données sont désormais avérées et doivent impérativement être prises en compte dans nos choix de politiques publiques. La première d'entre elles est que le dérèglement climatique n'est plus contestable. En d'autres termes, l'ère du climato-scepticisme est révolue. Les études scientifiques, notamment celles du Giec, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, convergent sur le fait que le réchauffement du système climatique est sans équivoque. Les derniers scénarios tablent sur une augmentation des températures qui pourrait aller jusqu'à 4,8°C. Le lien entre cette hausse et les activités humaines est qualifié « d'extrêmement probable », comprendre que cette probabilité est supérieure à 95 %. Il faut aussi souligner l'inertie du processus accéléré que nous avons engagé depuis notre entrée dans l'ère industrielle : même en interrompant aujourd'hui toute nouvelle émission de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, il faudra des siècles pour stabiliser le climat à son nouvel équilibre. Enfin, la France ne sera pas épargnée par le réchauffement : sa situation géographique la soumet au risque de voir augmenter la température jusqu'à 5°C supplémentaires en été.

La deuxième observation, qu'il n'est pas inutile de rappeler, c'est qu'en plus de l'augmentation des températures moyennes on constate aussi une modification du régime des précipitations, qui se renforcera encore dans les années à venir.

Si le volume global des pluies restera à peu près équivalent, il va se répartir différemment dans le temps et dans l'espace. En bref, il pleuvra davantage au nord et moins dans le sud, davantage en hiver et moins en été. On doit donc s'attendre à plus de sécheresse l'été, sur l'ensemble du territoire, et à la survenance plus fréquente de phénomènes climatiques violents, de type tempête ou inondation.

Le croisement de toutes ces données nous donne la perspective suivante : en dépit d'un réseau hydrographique dense, d'un stock de nappes souterraines important et d'une situation géographique privilégiée, la France est exposée à un vrai risque de pénurie d'eau.

Les régions les plus potentiellement affectées par cette évolution ne sont pas forcément celles auxquelles on pense. Contrairement aux idées reçues, le pourtour méditerranéen resterait plutôt préservé, grâce au stock naturel important que constituent les glaciers alpins et aux grands ouvrages de réserves d'eau qui y ont été construits. En revanche, deux zones sont identifiées comme très vulnérables : le bassin Seine-Normandie, où l'on prévoit une diminution notable des débits moyens annuels, et le bassin Adour-Garonne. Avec la disparition des glaciers des Pyrénées et la hausse constatée des températures de deux degrés, l'Aquitaine ne peut déjà plus être considérée comme le « pays des eaux ».

Dans le même temps, et c'est la troisième donnée à prendre en compte, la demande d'eau va s'accroître en raison de quatre facteurs : l'augmentation de la population, qu'elle soit permanente par le fait des migrations internes tout particulièrement sur les zones littorales, ou ponctuelle, par exemple au moment des vacances ; l'augmentation des besoins alimentaires, corrélés à l'expansion démographique ; l'évolution des modes de vie, de loisirs ou de tourisme ; la hausse des prélèvements aquatiques, pour assurer la production énergétique, notamment nucléaire.

Il en résultera inévitablement un effet de ciseaux : hausse de la demande et réduction de la ressource. La question qu'il faut se poser est la suivante : comment nous préparer à gérer cette situation pour ne pas la subir ? Je laisse à mon collègue Jean-Jacques Lozach le soin de poursuivre.

Jean-Jacques Lozach, sénateur de la Creuse, rapporteur . - Mes chers collègues, la question de bon sens que vient de poser Henri Tandonnet m'amène tout naturellement à notre second temps : le temps du partage. Il convient en effet, en la matière, de privilégier une approche collective.

Depuis la loi du 3 janvier 1992, l'eau « fait partie du patrimoine commun de la nation ». C'est une ressource qui n'appartient à personne, elle est la propriété de tous. De fait, les usagers de l'eau sont innombrables.

On pense évidemment, en premier lieu, à la consommation humaine en eau potable, avec toutes les contraintes qui s'attachent à son prélèvement, son traitement, son acheminement et sa distribution.

Ajoutons aussitôt les agriculteurs, pour lesquels elle constitue tout à la fois le moyen d'assurer leur revenu mais aussi de produire l'alimentation humaine et animale et de participer à l'indépendance alimentaire de notre pays. Sans oublier, aussi, le rôle joué par l'agriculture dans notre balance commerciale.

Suivent ensuite les producteurs d'énergie, qu'il s'agisse de l'eau utilisée pour faire fonctionner les centrales nucléaires et permettre le refroidissement des réacteurs ou bien encore de celle qui est destinée à la fourniture d'hydroélectricité, l'eau étant, je vous le rappelle, notre première source d'énergie renouvelable et notre seul moyen de stockage de l'énergie. Elle est tellement ancienne et habituelle qu'on oublie souvent de l'évoquer comme énergie renouvelable, en privilégiant les références à l'éolien, au solaire ou à l'énergie bois.

Puis viennent les industriels, car l'histoire du développement industriel s'est construite, dès l'origine, en partenariat avec l'eau : pour l'acheminement des matières premières ou des produits finis, ce qui englobe donc également le secteur du transport fluvial et de la batellerie ; pour assurer le processus de fabrication ou bien encore pour effectuer le rejet des sous-produits ou des déchets qui en découlent. Les préoccupations environnementales étaient en effet absentes au moment de l'industrialisation du pays.

Je citerai également les pratiquants d'activités sportives, de loisirs et touristiques, qui suscitent des besoins en hausse, dont la courbe est proportionnée à celle de l'évolution des modes de vie actuelle. Les pêcheurs, les pratiquants de sports d'eau - canoë-kayak, canyoning, nage en eau libre,... -, les golfeurs, les skieurs, avec le recours accru aux canons à neige en raison du réchauffement climatique, notamment dans les stations de basse altitude, les vacanciers et les touristes sont, par nature, de forts consommateurs d'eau.

Et, pour finir, les milieux naturels : la faune et la flore aquatiques, la biodiversité sont autant d'« usagers » de l'eau sur lesquels veillent, avec une vigilance extrême, les associations de protection de l'environnement.

Vous l'avez compris, les intérêts des uns et des autres se trouveront fatalement en contradiction et entraîneront des conflits d'usages, tout particulièrement durant la période estivale, lorsque les pics de chaleur se heurteront aux pics de besoin.

Dès lors, pouvons-nous hiérarchiser les usages de l'eau ? C'est évidemment un débat difficile et sensible, qui comporte le risque d'aviver les conflits précisément au moment où nous souhaitons les anticiper pour ne pas en subir les effets.

Néanmoins, il nous paraît nécessaire d'affirmer que la priorité absolue, celle qui doit s'imposer sans contestation, est celle qui conditionne la survie de la population. Elle s'exprime en deux termes : l'alimentation et la sécurité sanitaire. Il en résulte qu'en toutes circonstances il nous faudra veiller à l'approvisionnement alimentaire, à la fourniture d'eau potable répondant à nos critères nationaux de qualité et à la sécurisation des installations nucléaires.

Ce faisant, il est à notre sens primordial de ne pas mettre en opposition frontale les intérêts des consommateurs et ceux du monde agricole. En effet, tous partagent l'objectif commun de disposer d'une alimentation suffisante et à coûts accessibles.

Nous saisissons cette opportunité pour mettre en lumière un aspect trop méconnu de l'eau. Si l'on prononce le mot « eau », nous vient aussitôt à l'esprit l'eau visible, celle qui alimente les fleuves ou les lacs, ou bien encore celle qui se stocke dans les glaciers et les nappes phréatiques, dont on connaît l'existence même sans vraiment la voir.

Mais il existe aussi une eau invisible, une eau virtuelle : c'est celle qui correspond à la quantité d'eau qu'il a fallu mobiliser pour produire les biens de consommation dont l'utilisateur final ignore souvent le volume, et même parfois l'existence. Se pose la question de la justesse des estimations. En effet, les chiffres sont tellement variables d'une source à l'autre que l'on ne sait auxquels se fier avec certitude mais, schématiquement, un kilo de salade, c'est équivalent à 50 litres d'eau ; un kilo de maïs, à 500 litres ; un kilo de blé, à 1 300 litres ; et un kilo de viande de boeuf, à 13 500 litres.

Donc, lorsque nous importons des tomates d'Espagne ou du Maroc, c'est l'eau de pays encore plus fragilisés que le nôtre que nous achetons. Pour le dire de façon technocratique, l'eau virtuelle permet d'équilibrer le bilan hydrologique d'un pays sans importer réellement de l'eau. Il est nécessaire d'avoir cette réalité en tête pour promouvoir la vision de justice et de partage que nous soutenons pour le monde de demain, et que nous voulons promouvoir au travers de ce rapport.

En 2007, seule année pour laquelle ce calcul complexe a été effectué, au vu de nos échanges commerciaux, la France a été virtuellement importatrice nette d'eau à hauteur de 8,4 milliards de mètres cubes. Rapportés aux plus ou moins 33 milliards de mètres cubes prélevés sur le territoire métropolitain à la même époque, c'est loin d'être négligeable.

Puisque j'évoquais aussi la sécurité des installations nucléaires, une petite précision sémantique doit être faite. Il faut bien distinguer ce qui relève du prélèvement aquatique de ce qui correspond à une consommation effective d'eau.

Le secteur énergétique est, de loin, celui qui prélève le plus d'eau - 63 % -, mais il est faible consommateur - 22 % - car il restitue, après usage, l'eau aux milieux naturels. Certes, cette eau peut avoir été modifiée au passage, notamment en termes de température, ce qui n'est pas neutre quand elle est reversée dans une eau courante à étiage bas, donc déjà plus chaude qu'à la normale. C'est ce qui rend possible, par exemple, l'élevage de crocodiles au pied de la centrale de Civaux, dans la Vienne.

À l'inverse, le secteur agricole ne ponctionne que modestement les stocks pour l'irrigation - 10 % - mais absorbe à lui seul presque la moitié - 48 % - de la consommation, car l'eau ne retourne pas aux milieux naturels dont elle provient, étant pour partie restituée dans l'atmosphère par évapotranspiration.

Henri Tandonnet, sénateur de Lot-et-Garonne, rapporteur . - Après avoir posé le cadre général, entrons dans le vif du sujet. J'en viens donc à notre troisième temps : le temps de l'action.

Lorsque l'on se trouve confronté à une situation de pénurie, il n'y a guère de choix : il faut soit réduire la demande, soit accroître l'offre. Le débat ne se pose pas exactement dans ces termes face à la réalité physique de l'eau qui s'impose à nous sans que l'on puisse la dominer. Un point important est à souligner : la ressource en eau ne se crée pas, elle se gère. Pour préserver l'avenir, il importe d'engager parallèlement une mosaïque d'actions concrètes afin de maîtriser la consommation, de mieux gérer la ressource et de miser sur les bénéfices à attendre des progrès technologiques. C'est en quelque sorte le triptyque que nous préconisons pour préparer l'avenir.

La première des réponses est donc d'économiser l'eau. Cela paraît évident, ce n'est pourtant pas si simple.

D'abord, nous, élus locaux, le savons bien, les réseaux de distribution sont largement perfectibles : environ 20 % à 25 % en moyenne de l'eau prélevée n'arrivent pas à l'usager ; ce taux peut aller jusqu'à 40 % ou 50 % dans les zones rurales. Cela pose la question des capacités d'investissement pour surveiller le réseau et le renouveler. C'est d'autant plus préoccupant qu'il s'agit en l'espèce, le plus souvent, d'eau traitée et rendue potable, donc chère.

Ensuite, on peut assigner au monde agricole l'objectif de produire plus, durablement, avec moins de terre et d'eau. De nombreuses recherches en sélection variétale sont en cours pour créer des espèces moins gourmandes en eau et plus résistantes au stress hydrique. De même, les initiatives qui se multiplient désormais en faveur de l'agro-écologie, et l'agroforesterie doivent être encouragées. Je citerai également l'irrigation de précision, qui bénéficie d'une technologie avancée avec des données recueillies par sondes, drones, voire satellites. Si l'agriculture est le plus gros consommateur d'eau, elle présente en même temps le plus fort potentiel d'amélioration de son efficience.

Enfin, il faut poursuivre l'éducation et l'information auprès des consommateurs car les chiffres montrent que les campagnes de sensibilisation ont déjà entraîné la modification des comportements et produit des effets sur les niveaux de consommation.

Le deuxième pilier du triptyque relève, à notre avis, du pur bon sens. Il consiste à mieux gérer la ressource en régulant les flux.

Plutôt que de consacrer des fonds publics à l'effacement des seuils nuisant à la continuité écologique des rivières, sans d'ailleurs avoir de certitude sur son efficacité, il semble plus prometteur de préserver les zones humides et de favoriser l'aménagement des tracés et des berges, ainsi que leur enherbement, qui permet de retenir et filtrer les eaux de ruissellement. C'est là une mesure simple et peu coûteuse qu'il faudrait encourager.

Mais surtout, dès lors que l'on enregistrera demain, plus encore qu'aujourd'hui, davantage de précipitations en hiver et moins d'eau en été, ne serait-il pas logique de constituer des réserves lorsqu'elle est abondante, de la stocker plutôt que de la laisser retourner à la mer, afin d'en disposer quand elle viendra à manquer ? Je pourrai revenir sur la typologie des retenues déclinée dans le rapport si vous le souhaitez mais la réglementation demeure trop restrictive pour être incitative, et je ne parle même pas de la réalisation de grands projets d'ouvrages structurants de type barrage dont on a le sentiment que la simple évocation est taboue.

Dans l'ordre d'idées assez proche de mieux gérer la ressource, nous pouvons aussi modifier nos réflexes. Actuellement, lorsque l'eau vient à manquer, l'habitude est de prendre des arrêtés de rationnement, d'interdire dans les zones touchées tel ou tel usage de l'eau. Or, au cours de pics de chaleur comme ceux que l'on a connus en 2003, les observations tendent à le montrer, lorsqu'on utilise l'eau pour l'arrosage des espaces verts en ville ou pour l'irrigation des cultures en milieu rural, on favorise localement la baisse des températures et on limite donc les besoins en eau. Les toits végétalisés, que l'on voit fleurir dans de nombreuses métropoles, relèvent de la même inspiration.

L'idée est d'utiliser l'eau qui aura été stockée dans des réserves de proximité, alimentées, entre autres, par la récupération des eaux pluviales, pour arroser parcs et jardins en milieu urbain, champs en milieu rural, et favoriser ainsi l'évapotranspiration, et donc la baisse des températures. Grâce aux images satellites, on sait qu'il fait plus frais dans un verger ou un champ de maïs irrigué que dans le chaume voisin. En Adour-Garonne, entre les coteaux du Gers et les vallées de Lot-et-Garonne, l'écart peut être de 4°C à 5°C.

Jean-Jacques Lozach, sénateur de la Creuse, rapporteur . - Notre troisième axe consiste à miser sur la recherche, tant publique que privée. De grandes entreprises françaises sont réputées mondialement, font une très grande partie de leur chiffre d'affaires à l'international et investissent massivement en matière de recherche et développement : Veolia, Suez environnement et, à un degré moindre, la Saur. En l'espèce, on peut presque imaginer être en mesure de créer un supplément de ressource en permettant de mobiliser de l'eau qu'on pensait perdue.

Quatre ressources en eau sont ainsi qualifiées de non conventionnelles. Citons, d'abord, la réutilisation des eaux usées traitées : à des fins d'arrosage, comme cela se fait pour le maïs dans la plaine de Limagne, ou bien pour des besoins de consommation humaine ou animale. Il y a également la désalinisation de l'eau de mer, qui se pratique déjà en Guadeloupe, ainsi que la réalimentation des nappes phréatiques et la récupération des eaux pluviales. Chacune d'entre elles a ses avantages et ses inconvénients. Mais surtout, elles ont un coût, ce qui suppose évidemment de faire des choix politiques. La désalinisation de l'eau de mer est ainsi une technologie fortement consommatrice d'énergie.

Cette observation nous amène tout naturellement à notre quatrième temps : le temps du politique. Quelle gouvernance veut-on pour l'eau ? Nous avons gardé pour la fin le volet le plus aride de notre étude, celui dans lequel nous avons essayé de comprendre qui fait quoi et comment dans le domaine de la gestion de l'eau. Il est courant de parler du « mille-feuille » administratif. En l'occurrence, la situation est encore beaucoup plus complexe tant elle est l'objet d'une profusion de textes d'origines diverses, dans laquelle il n'est guère aisé, et c'est un euphémisme, de se repérer.

Le niveau européen régule l'ensemble depuis l'adoption de la fameuse DCE, la directive-cadre sur l'eau d'octobre 2000, qui constitue l'une des premières politiques intégrées en matière environnementale et qui s'attache essentiellement à la qualité des eaux. On pourrait d'ailleurs s'interroger sur la pertinence de fixer des objectifs identiques au vu de la diversité des situations des États membres : entre l'Espagne, frappée par la sécheresse, et les Pays-Bas, où 60 % des activités sont situées en zone inondable, les enjeux sont évidemment très différents.

Vient ensuite le niveau national, où quatre lois spécifiques ont successivement organisé le cadre juridique d'ensemble, jusqu'à la Lema, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006. Sans oublier les textes non dédiés à l'eau mais à effet collatéral comme les Grenelle I et II, la Gemapi - gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations - ou la future loi sur la biodiversité en cours d'adoption par le Parlement.

Au niveau territorial, cette fois, la planification locale s'organise autour des bassins versants, qui ont servi de référence à l'échelon européen, notamment pour l'élaboration de la DCE. Au niveau de ces bassins, on produit des schémas de périmètres divers. Les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, ou Sdage, au nombre de douze, soit un pour chaque bassin de la France métropolitaine et d'outre-mer, fixent des objectifs à la fois quantitatifs et qualitatifs. Les derniers en date couvrent la période 2016-2021. Les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, ou Sage, au nombre de soixante-six, sont eux aussi des outils de planification et correspondent à la déclinaison concrète des Sdage à une échelle plus locale.

Enfin, surplombant l'ensemble de cette construction dans une perspective de moyen-long terme, on constate, et c'est somme toute assez heureux, que la dimension prospective devient prégnante, avec la production de nombreux travaux de réflexion destinés à éclairer les choix pour l'avenir. L'exemple type en est l'exercice Garonne 2050, auquel Henri Tandonnet a d'ailleurs apporté sa contribution.

Henri Tandonnet, sénateur de Lot-et-Garonne, rapporteur . - Si l'on cherche cette fois à identifier les acteurs de l'eau, on reste abasourdi par la multitude d'intervenants potentiels. En voici la liste, et encore sommes-nous bien conscients qu'elle n'est pas exhaustive : des structures d'expertise au niveau international, qu'elles soient dédiées aux évolutions climatiques ou spécialisées dans le domaine de l'eau ; des centres de décisions européens, soit au moins quatre directions générales au sein de la Commission ; plusieurs ministères français, l'environnement, mais aussi l'agriculture, la santé ou l'aménagement du territoire ; un foisonnement d'instances spécialisées, dénommées observatoire public, office public, agence nationale, conseil, comité, centre, académie, et j'en oublie certainement ; tous les niveaux de collectivités territoriales, communes, intercommunalités, départements ou régions ; enfin, bien sûr, parce que, depuis la loi de 1964, la ressource en eau fait l'objet en France d'une gestion intégrée par bassins hydrographiques, il convient de citer les comités de bassin, les préfets coordonnateurs de bassin et les agences de l'eau.

La gestion par bassin apparaît comme un modèle d'organisation tout à fait pertinent. Cependant, je trouve que l'appellation « parlements de l'eau », officiellement utilisée pour désigner les comités de bassin, est quelque peu surfaite car ce ne sont que des organismes consultatifs. Il faut le dire, les agences de l'eau sont des agences de l'État et les bassins sont administrés de façon très centralisée. Si les résultats obtenus au regard des objectifs fixés à la suite de la DCE sont aussi maigres, c'est dû à l'absence de relais entre la politique décidée au niveau national, menée par les agences de l'eau, et les territoires.

La conséquence s'impose d'elle-même : face à cette pluralité d'intervenants, entraînant émiettement des compétences et dilution des responsabilités, comment savoir avec certitude qui décide, qui choisit et qui arbitrera, le cas échéant, les conflits d'usages ? Il est donc urgent, à notre sens, de clarifier l'organisation de notre gestion de l'eau, pour accorder plus de flexibilité et plus de place aux acteurs locaux.

En ce sens, de nouveaux outils de gestion, encore en devenir, restent à renforcer, je pense notamment aux projets de territoires ou à la Gemapi, que notre collègue Pierre-Yves Collombat connaît bien, qui peuvent se révéler performants si les collectivités concernées savent s'en emparer. La grande question à venir est de savoir si celles-ci vont être en mesure, au travers de la Gemapi, de relayer les instructions de l'État sur un sujet essentiel pour les populations.

Telles sont, monsieur le Président, chers collègues, les conclusions de notre étude. Si nous parvenons, par nos questionnements et nos inquiétudes, à sensibiliser les décideurs et, plus largement, nos concitoyens à l'acuité du problème de la ressource en eau et à la nécessité d'anticiper les conflits d'usage pour ne pas en souffrir demain, nous aurons le sentiment du devoir accompli. Les solutions seront longues à mettre en place. Nous formulons des préconisations. Sans doute ne feront-elles pas l'unanimité.

Roger Karoutchi, sénateur des Hauts-de-Seine, président . - Le rapport est très détaillé, illustré par de nombreux exemples, et certaines des propositions qui y figurent peuvent effectivement être débattues. Nous allons maintenant passer aux questions. Je donne tout d'abord la parole à l'un des principaux acteurs de la Gemapi.

Pierre-Yves Collombat, sénateur du Var . - Je félicite mes collègues pour ce travail complet et précis. Ne reste plus qu'à agir... Je voudrais insister sur le problème de la gouvernance, que je connais bien pour avoir beaucoup travaillé sur la Gemapi et le sujet des inondations.

En matière d'eau, les tropismes sont évidents : personne ne s'intéresse vraiment à la ressource en tant que telle et aux risques y afférents ; on est avant tout sensible à la préservation de la biodiversité, à la qualité de l'eau.

Évelyne Didier, sénatrice de Meurthe-et-Moselle . - Ce n'est pas incompatible.

Pierre-Yves Collombat, sénateur du Var . - En théorie, oui, mais, en pratique, ce n'est pas la même chose. Le problème de la ressource ne retient pas l'attention, contrairement au phénomène des inondations, par exemple, qui, lui, bénéficie d'une large couverture médiatique.

De plus, on observe une multitude d'acteurs en présence, mais on n'identifie aucun chef de file désigné pour assurer la coordination de l'ensemble, chacun défendant son pré carré. Quel paradoxe ! Dans le cadre de mes travaux sur la Gemapi, je ne m'attendais pas à avoir comme principaux adversaires tous ceux qui s'occupent de l'eau.

D'un côté, l'État se contente d'imposer une réglementation spécifique, appuyé par des agences de bassin bureaucratisées qui n'ont plus de moyens financiers et dans lesquelles les élus n'ont pas leur mot à dire. De l'autre, les collectivités territoriales peinent à se mettre en ordre de bataille, sans avoir de ressources adéquates. L'État doit intervenir pour aider les intercommunalités à se saisir, à l'échelle des bassins versants, de la compétence eau.

Yannick Vaugrenard, sénateur de la Loire-Atlantique . - Je veux d'abord remercier très sincèrement Jean-Jacques Lozach et Henri Tandonnet, parce que, au moment où a été décidée cette étude en délégation, j'étais quelque peu dubitatif, ne comprenant pas quels pouvaient être les problèmes liés à l'eau en France. Notre pays est bordé par de nombreuses mers et un océan, traversé par quantité de fleuves et connaît, certes, des situations de crise, mais ponctuellement, en été. Je réside au sud de Bretagne et c'est peut-être la raison pour laquelle je n'avais pas véritablement pris en compte la mesure du problème.

C'est d'ailleurs le rôle de la délégation à la prospective et de ses membres d'être des lanceurs d'alerte. Sur le plan politique et intellectuel, c'est un travail que je trouve particulièrement enrichissant. Ce rapport permet de faire prendre conscience à nos concitoyens de cette problématique de l'eau et de la nécessité de la protéger, pour notre génération et les générations futures. Je suis particulièrement surpris d'apprendre, malgré le retentissement médiatique et la présence de nombreux responsables scientifiques et politiques réunis à Paris dans l'objectif de trouver des solutions ambitieuses pour l'environnement, que la Cop21 n'a que très partiellement abordé le sujet de l'eau. Il faut donc replacer ce dernier sur le devant de la scène politique.

Vous évoquez les difficultés de certaines régions françaises pour l'avenir, notamment sur le bassin Seine-Normandie, qui englobe l'Île-de-France dont la population ne cesse de s'accroître. Il s'agit donc d'une problématique nationale forte, qui nécessite l'attention de tous pour trouver des solutions adéquates. Une première réponse consiste à sensibiliser de manière accrue l'ensemble des citoyens, y compris au niveau scolaire, sur l'importance de préserver la ressource en eau.

Au niveau de l'Union européenne, ne faudrait-il pas engager une coopération entre l'ensemble des États membres et prévoir des mécanismes de solidarité ? La question mérite d'être posée. Quant à la complexité de la gouvernance, c'est presque une tradition française, quoique le degré atteint en la matière pour ce qui est de l'eau soit tout de même très surprenant. Il conviendra effectivement de donner davantage de responsabilités aux collectivités territoriales, dans le cadre d'une véritable démocratie de proximité et en bonne intelligence avec l'État.

Enfin, je souhaite évoquer la question de la qualité de l'eau au regard du risque terroriste particulièrement élevé aujourd'hui. Cette problématique est-elle envisagée sérieusement ? Comment sont protégés nos réseaux d'eau par rapport à une éventuelle menace de contamination et quels sont les moyens susceptibles d'être mis en oeuvre dans une telle hypothèse ?

Évelyne Didier, sénatrice de Meurthe-et-Moselle . - À mon tour je félicite nos collègues qui ont fait oeuvre utile en nous alertant sur la nécessité d'une prise de conscience dans le domaine de l'eau. On le sait, on ne peut pas avancer sur un sujet s'il n'y a pas d'abord une acceptation et une compréhension, même partielle, de la part de tous.

Ayant participé aux travaux sur la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006, j'ai pu constater à quel point le débat se focalisait sur les conflits d'usages. Nous n'avions pas, à l'époque, suffisamment insisté sur l'idée que la ressource en eau ne se créait pas mais qu'elle se gérait. C'est un point fondamental à mettre en avant, et vous l'avez fait. Les politiques de l'eau sont encore trop axées sur le curatif. Il est temps de privilégier la prévention. Nous consacrons ainsi énormément d'argent pour rendre l'eau potable alors que cela coûterait sans doute moins cher de limiter les pollutions.

Je partage le point de vue de Yannick Vaugrenard sur la Cop21, au cours de laquelle le sujet sur l'eau a été d'emblée écarté, afin de privilégier la recherche du consensus sur le climat. Néanmoins, le Giec a décidé de se saisir de la question.

La hiérarchisation des priorités sera sûrement nécessaire, mais les choix seront complexes. Faudra-t-il arrêter de refroidir une centrale nucléaire ? Sans doute pas. Faudra-t-il changer de modes de cultures ? En définitive, nombre de préconisations formulées dans ce rapport, je pense notamment aux retenues collinaires, sont déjà évoquées depuis longtemps. Je suis persuadée que l'interdiction de certains usages sera inévitable : les canons à neige, la culture du maïs dans le sud-ouest.

Henri Tandonnet, sénateur de Lot-et-Garonne, rapporteur . - Pour le maïs, cela se discute.

Évelyne Didier, sénatrice de Meurthe-et-Moselle . - Je sais que le débat est ouvert !

Sur ce sujet, l'Europe a une position paradoxale : elle subventionne massivement la culture du maïs, qui nécessite beaucoup d'eau, et affiche sa volonté, en parallèle, de préserver la ressource. L'adaptation doit être la règle à l'avenir : changer nos habitudes, limiter les activités de gaspillage, comme le lavage des voitures ou l'arrosage des pelouses. Regardez Las Vegas : on a détourné, sur des milliers de kilomètres, de l'eau, qui servait aux pâturages pour pouvoir alimenter les fontaines de la ville. Regardez Marrakech, où se tiendra la Cop22, avec ses allées bordées de roses alors que la région est quasi désertique. L'homme n'est pas sérieux quand il agit de la sorte. Il faudra bien, à un moment donné, remettre en cause de tels comportements.

Gardons à l'esprit que l'eau n'est pas uniquement une ressource, elle est aussi un milieu. L'eau est essentielle à la vie, et la vie est née dans l'eau. Ce rapport est très intéressant et utile pour rappeler cette évidence et évoquer les questions qui fâchent. Quant à la gouvernance, vos propos sont éclairants. Il conviendra de revoir l'architecture des ministères, afin d'éviter les conflits et contradictions.

Roger Karoutchi, sénateur des Hauts-de-Seine, président . - Lors de la Cop21, un débat sur l'eau fut organisé in extremis , mais, le sujet étant trop conflictuel, il n'était pas question de le mentionner dans l'accord final. Je connais bien ce problème pour avoir participé, voilà longtemps, à la recherche d'un accord israélo-jordanien sur la répartition des eaux du Jourdain. Les États étaient plutôt d'accord sur l'idée de partager, c'est la technostructure qui bloquait tout.

Louis Duvernois, sénateur représentant les Français établis hors de France . - Je salue également le travail de nos collègues, qui est de grande qualité parce qu'il est éclairant. En la matière, nous ne sommes jamais suffisamment informés. Sur un évènement aussi médiatisé que la Cop21, que l'on ait pu oublier - même si l'on s'est rattrapé modestement par la suite - la crise aquatique, indissociable de la crise climatique, cela en dit long. Sans parler d'échec, ce fut tout de même un beau raté. C'est la raison pour laquelle je souscris à la volonté de poursuivre et d'amplifier les campagnes d'information.

Plus encore que l'Assemblée nationale, le Sénat représente les territoires et doit donc se saisir de la question de l'eau. Au travers des interventions des uns et des autres ce matin, nous voyons bien le rôle fondamental que doivent jouer les territoires. Ce rapport devrait pouvoir s'inscrire dans la durée et être relayé au sein de notre assemblée et par les médias, dans le but de sensibiliser, d'informer, plutôt que de dramatiser.

Il s'agit non pas de faire de l'écologie politique mais de trouver une politique de l'écologie, qui satisfasse tout le monde et qui nous prémunisse de difficultés que nous pourrions rencontrer peut-être plus rapidement que nous pensons.

Henri Tandonnet, sénateur de Lot-et-Garonne, rapporteur . - Compte tenu de l'ampleur du sujet, nous avons limité notre étude à la France métropolitaine. Si la Cop21 n'a pas abordé la question de l'eau, c'est qu'elle est, vous l'avez tous dit, encore plus complexe à l'échelle internationale, se trouvant parfois au coeur de certains conflits.

À l'évidence, on ne peut pas parler d'eau sans parler d'écologie, mais d'écologie humaine : c'est un aspect fondamental. Jusqu'à présent, on a privilégié une gestion de l'eau vue sous le prisme anglo-saxon de l'abondance de la ressource. L'accent était mis plutôt sur la qualité que sur la quantité. Or les deux sont liées. Dans notre rapport, nous appelons à une vision plus « méditerranéenne » de ce dossier, notamment eu égard au climat : dans une quinzaine d'années, le climat de Nice pourra être observé à Poitiers.

Effectivement, la crise climatique est aussi une crise aquatique. Sur la question de la sécurité en cas de menace terroriste, je serais bien en peine de répondre. Je peux néanmoins vous dire que le chlore permet de prévenir de nombreuses pollutions, sans que ce soit pour autant une solution miracle.

Par ailleurs, parmi nos pistes de réflexion, nous proposons d'actualiser la Lema de 2006, rédigée à une période où l'hypothèse d'une pénurie d'eau n'était pas aussi marquée qu'aujourd'hui pour pouvoir influencer le débat. Il faut à mon sens légiférer dans un objectif de partage de l'eau et de meilleure adéquation entre les besoins et les ressources. Dans cette démarche, le point de vue écologique ne peut évidemment être oublié : les pollutions, notamment dues aux intrants agricoles, sont une réalité. Une écologie bien pensée impose de raisonner plus globalement, au-delà du cadre strictement franco-français. Jean-Jacques Lozach a bien expliqué le phénomène de l'eau virtuelle. Pourquoi se restreindre de faire des cultures irriguées alors que l'on pourrait stocker l'eau quand elle est disponible en abondance, pendant des périodes limitées ? Faute d'agir en ce sens, on va continuer d'importer de l'eau de pays encore plus fragiles que nous sur ce sujet, comme le Maroc, la Tunisie ou l'Espagne.

Jean-Jacques Lozach, sénateur de la Creuse, rapporteur . - L'évolution en matière de gouvernance de l'eau est quelque peu paradoxale. Historiquement, la gestion de l'eau a été l'une des premières politiques publiques vraiment décentralisée : la gestion par bassin remonte à une cinquantaine d'années, avant les lois de décentralisation. Or, aujourd'hui, l'on assiste de manière insidieuse à une sorte de recentralisation rampante. À vouloir mettre autant de monde autour de la table, on ne peut qu'aboutir à une technocratisation des structures, du type comités de bassins et agences de l'eau. On pèche presque par excès de démocratie locale, les élus locaux finissant par être dépossédés des décisions qui les concernent.

Sur le risque de pénurie dans un pays comme le nôtre, la prise de conscience au sein de la population est largement insuffisante, voire quasi nulle. Pourtant, les chiffres avancés par le Giec sont alarmants. À l'horizon 2050, on devrait assister à un déplacement du climat vers le nord de l'ordre de cent cinquante kilomètres. Les oliviers pourront pousser au nord de la Loire. Et 2050, c'est demain matin, il y a donc urgence.

Saluons tout de même une avancée positive, au niveau des élus. Au cours des dernières années, de nombreuses études sur le sujet ont été commandées par les départements, les régions, parfois des intercommunalités, et je citerai de nouveau l'étude de prospective Garonne 2050. Il faut donc distinguer le degré de prise de conscience des élus, notamment des élus locaux, de celui de la population. Un effort de pédagogie et de sensibilisation doit donc être effectué.

Parmi les pistes de recherche, Henri Tandonnet a évoqué le rechargement des nappes phréatiques, avec des techniques pour le moins sophistiquées. Rappelons qu'entre le moment où les études préalables sont lancées et celui où ce genre de réalisations est mis en oeuvre il s'écoule une dizaine d'années. De plus, pour concrétiser les préconisations formulées dans le rapport, il faudra trouver des moyens humains et, surtout, financiers, dans un contexte de redressement des comptes publics. Sur ce point, il importe que l'État n'aille pas trop loin dans la ponction qu'il est en train d'exercer sur les fonds de réserve des agences de l'eau, à hauteur de 175 millions d'euros l'année dernière et de la même somme cette année. Il n'est plus possible de continuer de la sorte si l'on veut mettre en place une politique ambitieuse pour l'eau.

Je terminerai sur une remarque plus générale. Chacun en est conscient, il faut de la volonté politique, de la responsabilité collective, des moyens, etc. Mais tout est fonction du degré d'acceptabilité sociale, qui est un facteur clé s'agissant de la mise en place de l'ensemble des solutions que nous préconisons dans le rapport. Cette question se pose autant pour la réutilisation des eaux usées traitées, que j'évoquais tout à l'heure, que pour la construction de grands équipements structurants. On en a eu un exemple paroxystique avec le projet de barrage de Sivens. Des élus, dont notre collègue président du conseil général du Tarn, se sont retrouvés pris entre deux feux, si je puis dire, entre les agriculteurs et les défenseurs de l'environnement. Et je souligne que la capacité de la retenue prévue à Sivens était de 1,5 million de mètres cubes, à comparer au volume du réservoir du barrage de Serre-Ponçon, qui atteint près de 1,3 milliard de mètres cubes. Si, sur une retenue aussi modeste que celle-là, on assiste déjà à une levée de boucliers aussi violente, la mise en place de tels équipements à l'avenir s'annonce extrêmement difficile.

Henri Tandonnet, sénateur de Lot-et-Garonne, rapporteur . - Dans un rapport qu'il avait remis au gouvernement avant de devenir ministre de l'environnement, Philippe Martin avait évoqué la notion de projet territorial. Il paraît en effet pertinent de vouloir réunir tout le monde autour d'une même table : élus, agriculteurs, environnementalistes ; j'y insiste, on ne fera rien sans les agriculteurs.

Roger Karoutchi, sénateur des Hauts-de-Seine, président . - Mes chers collèges, Il me reste maintenant à vous demander formellement l'autorisation de publier, sous la forme d'un rapport d'information, les travaux de nos deux rapporteurs, que je remercie une fois encore pour cet excellent travail de prospective. Je veillerai à ce qu'un débat en séance publique soit organisé, car il nous appartient de sensibiliser le Gouvernement et l'ensemble de nos concitoyens sur ce sujet important.

La délégation autorise la publication du rapport d'information sous le titre « Eau : urgence déclarée ».

COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE L'ONERC

Audition par la délégation à la prospective de Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc), et Éric Brun, chargé de mission

Mardi 10 mars 2015

Roger Karoutchi , sénateur des Hauts-de-Seine, président . - Mes chers collègues, je voudrais en votre nom accueillir Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc), et Éric Brun, chargé de mission. Dans le cadre du programme annuel de travail de notre délégation, un rapport d'information consacré à l'eau sera préparé au cours de cette session avec, pour co-rapporteurs, nos collègues Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach, qui seront tous deux les principaux questionneurs de nos intervenants, ce qui n'empêchera pas, naturellement, que chacun puisse aussi intervenir comme il le souhaite.

Pour ce rapport consacré à l'eau, l'axe de réflexion retenu est notamment celui de la gestion de la ressource, qui va devenir un problème crucial dans les années à venir, ainsi que celui des conflits d'usages et de la bonne manière d'en prendre la mesure pour le régler à un horizon de moyen-long terme. Par définition, notre délégation se préoccupe bien sûr de la situation actuelle, mais prise comme base d'une perspective à explorer à échéance éloignée.

C'est la raison pour laquelle il nous a semblé pertinent de commencer par envisager la question de l'eau sous l'angle du réchauffement climatique et de ses conséquences. Vous êtes donc, messieurs, les tout premiers experts que nous entendons à ce sujet. Je vous remercie de votre disponibilité et de la contribution que vous allez apporter à notre réflexion.

Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) . - L'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique est une petite institution créée par la loi en 2001 pour que son action s'inscrive dans le long terme, de manière pérenne et indépendamment des changements de structures administratives ou des réorganisations du ministère de l'écologie, son autorité de rattachement.

Notre mission est de faire des recommandations sur l'adaptation aux évolutions climatiques. Notre équipe, constituée de cinq personnes au sein du ministère de l'écologie, est en charge de cette politique nationale d'adaptation. Elle est le point focal français du Giec - Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat - , elle participe à la négociation climatique, elle représente la France dans certains groupes d'experts au niveau européen sur l'adaptation en Europe et elle a quelques tâches de coopération régionale ou bilatérale. Cette équipe resserrée travaille de manière transversale, l'idée étant non pas d'accumuler des compétences et d'être spécialiste sur tous les sujets, mais de travailler intelligemment en réseau, réseau interministériel, réseau interdisciplinaire : l'adaptation consiste essentiellement en l'incorporation d'une nouvelle méthode dans différentes politiques sectorielles, dans différents domaines, dans différents ministères, sur le très long terme. En matière d'adaptation, l'eau est un sujet fondamental au tout premier rang de nos préoccupations. Cela peut paraître évident mais il est bon de le redire.

Notre propos s'organisera en deux parties : une première partie où nous vous livrerons des connaissances scientifiques stabilisées sur le réchauffement climatique et son impact sur l'eau, qui sera présentée par Éric Brun ; une seconde que j'assurerai avec un discours peut-être un peu plus libre, de vision prospective, en essayant de participer à la construction de votre propre vision. Si nous nous permettons de le tenir, c'est parce qu'effectivement l'Onerc est au coeur de nombreux réseaux : réseau mondial du Giec, réseau mondial de la négociation climatique, réseau européen de l'adaptation, réseau national, réseau interrégional, y compris l'outre-mer avec lequel nous travaillons beaucoup ; nous publions une lettre aux élus parmi de nombreuses autres publications. Nous sommes au coeur de cet ensemble, à l'interface entre science et politique, ce qui nous donne une position privilégiée. Moi-même, je participe à de nombreuses réunions internationales et j'essaierai de vous transmettre ce que j'ai acquis au cours des cinq dernières années, depuis la conférence de Copenhague en 2009 notamment.

Éric Brun, chargé de mission à l'Onerc . - J'exposerai d'abord les évolutions d'ores et déjà constatées puis je présenterai les projections attendues pour les cinquante ou cent prochaines années. Je concentrerai mon propos sur la métropole, car un tel exercice se révèle beaucoup plus difficile pour l'outre-mer.

Un powerpoint est projeté.

Ce premier document, fourni par Météo France et qui n'est pas encore publié, montre l'évolution, depuis cinquante ans, des précipitations, de la quantité de pluie tombée chaque année en France au cours de la période 1960-2010. Les zones marquées en bleu ou en vert clair sont celles où les précipitations ont augmenté ; celles en jaune ou en orange ont vu les précipitations diminuer. En gros, sur la moitié nord de la France, les précipitations ont plutôt augmenté tandis qu'elles ont diminué sur la moitié sud. Nos collègues de Météo France insistent sur le fait que, pris point par point, le constat n'est pas forcément significatif au niveau statistique du fait de la grande variabilité observée d'une année sur l'autre. Si années sèches et années humides se succèdent, la cohérence globale est parlante. S'il pleut plus dans la moitié nord, ça n'empêche pas que les sécheresses soient plus sévères parce qu'en fait on observe une relation étroite entre l'augmentation des températures et l'augmentation de ce qu'on appelle l'évapotranspiration, c'est-à-dire l'évaporation des sols et la transpiration par les plantes. Autrement dit, un accroissement des précipitations à l'avenir n'entraînerait pas automatiquement une diminution des sécheresses. Si on enregistre en même temps plus de pluie et des températures plus chaudes, on a un équilibre à trouver. En fait, ce petit graphique le montre pour le bassin de la Seine, plus les températures projetées y seront élevées - en l'occurrence de deux à trois degrés suivant les scénarios -, plus l'évaporation des sols augmentera, venant compenser la hausse des précipitations.

Sur la période 1959-2009, tous les points de mesure traités par Météo France et homogénéisés montrent une augmentation des températures en France. La moyenne sur l'ensemble des points s'élève au rythme de 0,3 degré tous les dix ans, soit une croissance d'1,5 degré en cinquante ans. La répartition n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire. Le quart sud-est voit ses températures augmenter davantage que la partie ouest parce que le climat océanique fait que l'océan se réchauffe plus lentement et produit donc un réchauffement moins fort dans la partie ouest ; on observe plus de précipitations sur le nord et des températures plus élevées tandis que, sur le sud, on constate des températures plus élevées mais aussi moins de précipitations. Il en résulte des sécheresses plus importantes. Météo France a défini un indicateur de sécheresses « agricoles », qui tient compte, au cours de l'année, non pas des quantités de pluie mais des températures et donne le taux de l'humidité dans le sol. Ainsi, depuis 1959, le nombre de sécheresses dites agricoles a augmenté. Il ne s'agit pas d'une augmentation régulière, je vous l'ai dit : on remarque très bien le pic de 1976, dont tout le monde se souvient, et puis aussi celui de 1989-1990. Il y a déjà eu de grandes sécheresses dans le passé mais on observe, dans les périodes récentes, que ces sécheresses sont de plus en plus fréquentes. Ce n'est pas qu'elles soient forcément plus sévères, mais il y en a de plus en plus. Ce petit trait noir qu'on voit un peu augmenter correspond à la moyenne sur plusieurs années, pour lisser l'effet d'une année sèche suivie d'une année humide. Le fait que les sécheresses agricoles sont de plus en plus fréquentes et augmentent se voit aussi sur cette carte d'humidité des sols, en tendance sur cinquante ans ; le phénomène touche les deux tiers de la France.

Par conséquent, le constat est clair : il fait de plus en plus chaud, il pleut de plus en plus dans les régions nord, de moins en moins dans les régions sud mais les sécheresses augmentent aussi bien au nord qu'au sud.

En ce qui concerne les projections, j'ai établi un document extrait de cartes produites par le cinquième rapport du Giec, sur la base de données qui datent d'à peine une année pour l'ensemble du globe, à partir de modèles calculés sur un point tous les cent cinquante kilomètres environ, soit un niveau de résolution bien différent de ce que l'on a vu précédemment. Cette carte synthétise tout ce que le Giec a produit en matière de simulation et quels que soient les scénarios climatiques. On y exprime les variations à attendre de précipitations pour la fin du siècle en fonction de l'augmentation moyenne des températures sur le globe, selon des scénarios qui tablent sur deux, trois, quatre ou cinq degrés. En faisant la synthèse, on peut calculer un pourcentage de précipitations, en plus ou en moins, par degré d'augmentation de la température. En retenant le scénario moyen d'une augmentation de trois degrés d'ici à la fin du siècle, il faudrait multiplier les valeurs du pourcentage de base par trois, soit une baisse des précipitations de 36 % à 40 % dans les régions où vous voyez de l'orange foncé, et une hausse de 36 % à 40 % pour celles notées en bleu. La France, elle, se situe dans une zone intermédiaire entre la partie nord, celle des couleurs vertes et bleues, où les précipitations augmentent, et la partie sud - voyez l'Espagne, toute la Méditerranée -, pour laquelle les modèles anticipent une diminution des précipitations. Cela confirme ce que l'on observe déjà depuis cinquante ans en matière de projections climatiques à échéance 2080-2100 : plus de précipitations dans le nord de la France et moins dans le sud.

Il s'agit là de projections pour la fin du XXI e siècle. Jusqu'à présent, je m'étais fondé sur une carte des événements correspondant aux cinquante dernières années, qui sont particulièrement éclairants. Météo France avait produit, dans les années 2003-2004, des statistiques rétrospectives pour cent ans mais avec beaucoup moins de points puisque les séries de mesures homogénéisées remontant au début du XX e siècle sont beaucoup plus rares. Pour ces raisons, Météo France a préféré refaire l'évolution sur cinquante ans, avec beaucoup plus de données et davantage de fiabilité, mais les grandes tendances restent les mêmes.

Je vous l'ai dit, la France se situe juste dans la période de transition entre plus de précipitations au nord et moins au sud, mais quand on regarde en détail l'évolution saison par saison, notamment en été, on constate que la quasi-totalité des modèles climatiques prévoit un assèchement sur l'ensemble du territoire français. C'est un point important : avec plus de précipitations annuelles, la moitié nord en aura davantage en hiver mais moins en été, tandis que, pour les régions sud, les quantités de précipitations diminueront quelle que soit la période de l'année. Des équipes scientifiques travaillant au sein de l'Institut Pierre-Simon Laplace ont fait des simulations pour différents bassins versants, notamment ceux de la Seine et de la Somme. J'ai extrait un résultat pour la Somme, transposable pour la Seine : son débit, au vu de l'évolution observée de 1950 à 2000 telle que prolongée sur la base des scénarios climatiques du quatrième rapport du Giec, va diminuer d'à peu près 50 % d'ici à la fin du siècle. D'autres extrapolations faites dans le cadre du projet Explore 2070 du ministère de l'écologie pour l'ensemble du territoire métropolitain aboutissent à une baisse des débits, pour un scénario intermédiaire de changement climatique, de l'ordre de 10 % à 40 %. De même, des simulations faites pour la Somme sur la hauteur des nappes phréatiques réalimentées par les précipitations essentiellement hivernales tablent sur une baisse de cinq mètres, ce qui est considérable.

Par ailleurs, les régions montagneuses, qui alimentent une bonne partie de nos grands fleuves, vont subir de très fortes diminutions de l'enneigement. Cela a pour conséquence de décaler le pic de débit pendant la période printanière. Prenons le débit moyen de la Durance sur une centaine d'années, qui enregistre un grand pic au printemps avec la fonte des neiges, et les projections en cas de doublement de gaz carbonique. Ce sont des travaux, déjà assez anciens, qui datent de l'époque où l'on imaginait à peine que le gaz carbonique pourrait doubler, alors qu'aujourd'hui on en est plutôt à son triplement ou quadruplement. Or, à cette époque et avec les modèles d'alors, on calculait que le pic printanier de débit se produirait avec une avance de l'ordre de deux à quatre semaines, ce qui est considérable. Ce n'est pas anodin car la conséquence en est qu'en été, à partir des mois de juin et juillet, les débits seront beaucoup plus faibles que ce qu'ils sont actuellement : la fonte des neiges ayant eu lieu plus tôt, on aura davantage d'évaporation. De même, les climatologues prévoient une baisse considérable des glaciers dans les Alpes françaises, qui alimentent en partie les rivières ; cette source essentielle en eau aujourd'hui est donc vouée à disparaître avec le temps.

Nicolas Bériot, secrétaire général l'Onerc . - Après cette présentation des faits scientifiques établis, venons-en à l'approche prospective pour le long et le très long terme.

Il convient nécessairement de prendre du recul et de bien situer les deux cents ans d'histoire de notre société industrielle par rapport aux autres échelles de temps. Pendant plusieurs dizaines d'années, on a distingué trois domaines : le social, l'environnemental et l'économique, le développement durable se situant à l'intersection des trois. Comme un certain nombre d'auteurs l'ont dit et l'ont écrit, ce schéma me semble dépassé, car ces trois domaines ne sont pas du tout de même nature.

Je vous propose un autre schéma, dans lequel, à l'échelle du temps, on intègre, dans la biosphère ou l'environnement, la société, puis l'économie. La Terre a 4,5 milliards d'années ; les espèces, les requins par exemple, ont cent millions d'années ; le renouvellement des espèces se compte en millions ou en dizaines de millions d'années : tels sont les ordres de grandeur en jeu en cas d'extinction et d'apparition de nouvelles espèces. Pour leur part, les premières grandes civilisations humaines remontent à cinq mille ans, notre histoire industrielle, à deux cents ans. La société humaine est complètement dépendante de la biosphère, des écosystèmes, des équilibres environnementaux, qui nous nourrissent à proprement parler.

L'économie, elle, s'inscrit dans des cycles dont la durée oscille entre cinq et trente ans, en fonction notamment de la durée de vie des entreprises. Le système économique est dépendant de la société, de ses ressources, notamment humaines. Il faut avoir ces chiffres en tête : nos deux cents ans d'histoire industrielle sont autant d'années qui ont modifié les paysages, qui ont fait apparaître l'industrie, un nouveau type d'agriculture aussi. Ayons aussi en tête ces échelles de temps et toute cette interdépendance : l'économique dépend du social, le social d'une biosphère et d'écosystèmes fonctionnels.

Venons-en à la situation actuelle, en partant de l'usage de l'eau, pour aborder ensuite la notion d'adaptation dans les domaines de l'énergie, de l'agriculture, des sols ou d'autres aspects.

Pour ce qui concerne les prélèvements bruts de l'eau, rappelons quelques chiffres. Les prélèvements bruts couvrent l'eau prélevée sachant qu'une partie de cette eau est rejetée dans le milieu. Le premier secteur consommateur, c'est l'énergie, à hauteur de 64 % ; viennent ensuite l'eau potable, 17 %, l'industrie, 10 %, puis l'agriculture, 9 %. En termes de consommations nettes de la ressource en eau, l'agriculture vient en premier avec 50 %, puis l'eau potable, 30 %, ensuite l'industrie et l'énergie pour 20 %. En 2014 et depuis un certain temps déjà, en France même, la saturation de l'utilisation de la ressource en eau à certains moments de l'année et dans certaines régions est effective. Il y a donc déjà aujourd'hui un certain nombre de conflits d'usage. On l'a vu, les climats ont évolué, ils ont eu un impact sur la production agricole que l'on peut calculer sur trente ans, ce qui nous renvoie à la notion d'adaptation. Que faire pour s'adapter, dans l'avenir, à pareille situation ?

L'adaptation au changement climatique est un concept très récent, c'est une discipline qui n'existait même pas il y a dix ans et cette expression n'est comprise que depuis à peine quelques années. Vous, qui êtes des spécialistes, distinguez bien ce qui relève de l'adaptation au changement climatique ou de l'atténuation du changement climatique, mais cette notion est complètement nouvelle. En tant que praticiens, ce que nous découvrons au travers des chantiers d'adaptation - par exemple celui, en France, du plan national d'adaptation au changement climatique -, c'est que le travail sur l'adaptation, dans quelque domaine que ce soit, nous conduit à réfléchir à l'activité, à sa dépendance aux moyennes climatiques, aux extrêmes, aux ressources naturelles, à l'accès à l'eau, etc.

Cette réflexion sur l'adaptation nous amène à la conclusion suivante : s'adapter aux climats futurs, au pluriel car il y a plusieurs scénarios, c'est d'abord s'adapter au climat actuel. Si notre usage de la ressource et notre robustesse par rapport au climat, ses variations, ses extrêmes, étaient déjà rationnels, satisfaisants, nous serions armés pour aborder les climats futurs. Ce n'est pas de la théorie. Nous l'avons vécu au cours des dernières années en travaillant avec différents ministères, différents secteurs, différentes composantes de la société civile, sur tous les sujets d'adaptation, notamment pour produire le plan national d'adaptation aux changements climatiques 2011-2015, lequel recense vingt domaines, quatre-vingts mesures, deux cent cinquante actions. Il s'agit donc de devenir tout de suite robuste, résilient, mobile, adaptable à différentes configurations, situations climatiques, pour retrouver la marge de manoeuvre perdue du fait de l'émergence des conflits d'usage. Il est nécessaire de recouvrer une certaine liberté d'action afin de s'adapter tant au climat présent qu'aux climats futurs.

En matière de voies d'adaptation, deux secteurs se dégagent : l'énergie et l'agriculture. L'énergie évidemment, en termes d'efficacité énergétique et d'économie d'énergie, puisque cela permettra un moindre recours aux centrales thermiques nécessitant des procédés de refroidissement. Le projet de loi en cours d'adoption sur la transition énergétique s'est déjà engagé dans cette direction. Je m'en réjouis, en ma qualité d'expert dans le domaine de l'énergie et du climat, bien que j'aie le sentiment personnel que, dans le secteur énergétique, notre potentiel de recherche est insuffisamment exploité. Pourquoi ? Parce qu'il y a, selon moi, des enjeux industriels, des enjeux de filière, qui sont pesants et hérités des choix faits au cours des décennies passées, qui provoquent une certaine inertie à l'encontre de notre effort en matière de recherche libre, indépendante, fondamentale, transdisciplinaire, transversale, etc.

Dans le domaine de l'agriculture, il existe différentes pistes d'adaptation : accroître le stockage d'eau, développer une agriculture écologiquement intensive et moins consommatrice en eau, réduire les pertes et les mauvaises utilisations, lutter contre les fuites ; voilà ce que l'on peut faire tout de suite même si ce n'est pas la panacée. Vous êtes sans doute, pour certains d'entre vous, meilleurs connaisseurs du secteur agricole que je ne le suis. Force est de constater actuellement un mouvement très fort en faveur de la transformation de l'agriculture dans nombre de pays du monde, qui dépasse l'aspect technique et relève d'une sorte de mouvement social, d'une relation repensée à l'agriculture, à l'usage des sols. De nouvelles notions émergent : celle de la sécurité alimentaire évidemment, mais aussi celle de la justice alimentaire, de la reconquête d'une souveraineté sur l'accès à une alimentation saine. On entend ce discours aussi bien au Pérou qu'en Australie, en Chine, en France. Les nouvelles formes d'agriculture seront plus économes en ressources diverses, en intrants évidemment mais aussi en eau. Un sol sain, un sol riche en matière organique est aussi un sol vivant, un sol qui reçoit mieux l'eau, qui la stocke mieux, qui en garde davantage. Tout cela est prouvé. L'année 2015 a été déclarée année internationale des sols. L'une des premières fonctions des sols, c'est de stocker de l'eau. Cela suscite beaucoup de travaux pour la restauration des sols : on peut restaurer des sols en quelques années, réduire les ruissellements, obtenir des sols qui captent mieux l'eau, réduire également leur artificialisation. On peut favoriser un urbanisme qui respecte davantage les sols, qui ne les artificialise pas trop, qui encourage la végétalisation.

Sur le plan des réseaux et de la consommation domestique de l'eau, il faut évidemment lutter contre les fuites sur les réseaux. Le plan national d'adaptation au changement climatique comporte une mesure phare : baisser, d'ici à 2020, d'environ 20 % les consommations d'eau. C'est faisable simplement en réduisant notamment ces fuites par l'entretien des réseaux.

Il est également possible d'agir par le biais de l'éducation et de la formation à l'éducation au développement durable. On va vers une civilisation où le citoyen se recentre sur la satisfaction de ses besoins fondamentaux : on sort du linéaire pour aller au circulaire. Des citoyens plus responsables, plus informés, plus exigeants sur la qualité de l'eau veulent savoir ce qu'ils boivent, connaître les composants, les pollutions. Dans le domaine de la recherche, je suis personnellement très attaché au développement d'une recherche indépendante, fondamentale, transversale, interdisciplinaire. Il est important de susciter une société de la connaissance. À titre anecdotique, mais ce n'est pas anodin, j'étais en Australie l'année dernière, où le gouvernement australien n'est pas intéressé, a priori , par les politiques climatiques et reste pour ainsi dire sceptique sur le réchauffement climatique. Au sein de l'organisme météorologique australien, il a fallu changer des noms de programme ou d'unités pour que la notion de changement climatique n'y apparaisse pas. De même, l'un des états américains refuse toute référence à la notion de changement climatique, de réchauffement climatique, ainsi qu'à celle de hausse du niveau marin préférant parler de « nuisances invasives ». Cette négation de la connaissance scientifique me semble grave et j'espère qu'en Europe, et en France tout particulièrement, on ne sera jamais dans ce genre d'impasse.

Dans le cadre d'une vision de long terme, il convient d'abandonner le concept de développement et de croissance linéaires pour s'inscrire dans une logique holistique et circulaire. L'heure est à l'économie circulaire, l'écoconception, le recyclage, l'économie des matières premières ; on veut retrouver les cycles de la nature, de l'eau, du carbone, adopter des démarches biomimétiques.

Enfin, définir une vision de très long terme, c'est également soutenir une vision d'abondance à retrouver car la nature est abondante. Nous avons, depuis deux cents ans, créé des circonstances et des systèmes économiques qui engendrent de la rareté. Bien souvent, la rareté économique n'est qu'artificielle. La nature elle-même est abondante. À nous de nous en rapprocher, de nous fonder sur le biomimétisme, de travailler avec la nature et non pas contre elle ou en défense, de maintenir des écosystèmes fonctionnels qui ont plus de valeur que tous les circuits économiques, de préserver la biodiversité, de favoriser la biomasse, l'accumulation de matière organique, la restauration de sols vivants, de développer une société de la connaissance, l'éducation au développement durable, la recherche indépendante, d'acter et d'accompagner la transformation de l'agriculture. Ce mouvement qui, je crois, est mondial souhaite préserver la diversité dans les solutions économiques, dans les systèmes. Votre délégation dispose d'un vaste champ de créativité et d'innovation si vous travaillez sur le long terme, étant entendu qu'il importe d'agir dès à présent. En rétablissant ces équilibres maintenant, nous deviendrons plus forts pour aborder le futur.

Roger Karoutchi , sénateur des Hauts-de-Seine, président . - Merci messieurs. Je vais d'abord donner la parole à nos deux co-rapporteurs.

Henri Tandonnet , sénateur de Lot-et-Garonne, rapporteur . - Vous nous avez donné une vision somme toute assez inquiétante du futur avec le réchauffement climatique et ses conséquences notamment sur le sujet qui nous occupe, celui de l'eau. En définitive, si j'ai bien compris, il y a eu non pas forcément pénurie mais une répartition différente de la ressource en eau, et cela va se poursuivre selon les territoires et dans le temps. Le niveau des précipitations conserve un volume à peu près équivalent mais se répartit de façon différente et la pénurie vient plutôt du réchauffement que de l'absence d'eau. Or, si l'eau n'est pas récupérée sur les continents, elle se retrouvera dans les océans. Ai-je bien interprété vos propos ?

Éric Brun, chargé de mission à l'Onerc . - Il faut distinguer deux éléments. D'après les observations effectuées sur le territoire métropolitain, la quantité de pluie a peu évolué au cours des cinquante dernières années. Il y en a davantage au nord, moins au sud, mais quand le rythme des pluies change au cours d'une saison, qu'il en tombe plus en été ou en hiver, on recueille localement la même ressource. Quand l'écart est constaté dans deux parties d'un même pays assez éloignées l'une de l'autre, mettons de cinq cents kilomètres entre la moitié nord et la moitié sud, se pose le problème des transferts d'eau. La France n'est pas un pays où l'infrastructure permet aujourd'hui d'apporter de l'eau d'une région vers une autre, excepté par le chemin naturel des fleuves, tel que c'est actuellement le cas.

Ainsi, le Rhône et, surtout, la Durance constituent depuis des siècles la source d'eau du quart sud-est de la France pour l'agriculture. Des pays comme l'Espagne avaient envisagé de créer des grands transferts d'eau dans les régions au nord, notamment en provenance des zones montagneuses des Pyrénées mais nous n'avons pas ce type d'infrastructure, qui n'est d'ailleurs pas forcément souhaitable en termes d'adaptation pour le futur. Même si un déficit de précipitations posera des difficultés à notre agriculture, notamment au cours des mois d'été, la France n'est pas un pays de sécheresse permanente.

Présidence de Henri Tandonnet.

Jean-Jacques Lozach , sénateur de la Creuse, rapporteur . - Je reviens sur deux des diapositives que vous avez projetées et présentant, en courbes, les conséquences du réchauffement climatique sur les débits des rivières et sur la baisse des nappes phréatiques. Peut-on en déduire que, pour des raisons mécaniques, la courbe serait similaire en ce qui concerne le niveau des retenues des barrages hydroélectriques ? Et puisque je parle d'hydroélectricité, pensez-vous que celle-ci reste une solution d'avenir, en dépit de son image datée des Trente Glorieuses et des multiples barrages construits dans les années cinquante ? Cela m'évoque aussi, dans un domaine voisin, l'usine marémotrice de la Rance, qui est restée, je crois, un modèle unique. Pourquoi cette voie a-t-elle été abandonnée ? Est-ce pour des raisons financières, technologiques ou d'autres motifs ?

Ma deuxième question est relative à la stratégie, puisque vous vous en souciez également. L'Union européenne a engagé une stratégie spécifique d'adaptation au changement climatique ; est-elle également dédiée à la problématique de l'eau ?

Éric Brun, chargé de mission à l'Onerc . - Pour ce qui concerne votre première question, en termes de ressources pour les barrages hydrauliques, les situations observées sont très diverses. Par exemple, pour les barrages en région montagneuse, là où se trouvent les infrastructures les plus importantes aujourd'hui, il y aura toujours de la ressource en eau en quantité sans doute suffisante. Si le pic de débit des rivières alpines, qui se produit aujourd'hui au mois de mai globalement dans les Alpes, arrive quinze jours ou un mois plus tôt, cela peut poser un problème en termes non pas de capacité de stockage, mais d'usage de l'eau qui est stockée. S'agissant du barrage de Serre-Ponçon, une partie y est dédiée au maintien du débit du canal de la Durance pour les besoins en eau d'une grande fraction du sud-est de la France et une autre est destinée à la production d'électricité aux périodes où on en a le plus besoin, notamment l'hiver en raison de la consommation électrique liée au chauffage.

Le problème central est plutôt celui d'une gestion intelligente de la ressource, de l'équilibre à trouver entre des usages différents, de choix à faire, mais je ne vois pas que nous rencontrions de difficultés pour remplir ces grands barrages. Le Maroc a engagé d'énormes investissements pour pouvoir compenser les diminutions de ses ressources en eau grâce à un stockage bien plus important que par le passé, et sa motivation porte davantage sur la capacité d'éviter des étiages trop sévères de ses rivières et sur la fourniture d'eau pour l'irrigation que sur un besoin hydroélectrique. Pour en revenir à la France, mon appréciation doit être tempérée par le fait que chaque barrage est différent - ils ne sont pas alimentés par les mêmes rivières, la même filière - mais, globalement, je pense que la menace ne porte pas forcément sur la capacité à pouvoir stocker de l'eau pour de tels usages.

Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Onerc . - Sur la question spécifique des barrages hydroélectriques, vous gagneriez à auditionner des représentants d'EDF, car ce groupe fait partie des organismes qui, en France, ont le plus tôt travaillé sur les questions d'adaptation au changement climatique. En outre, EDF est sans doute, en France, l'un de ceux qui ont le plus de compétences internes en termes d'étude et de recherche en ces domaines.

Sur la question de l'usine marémotrice, je crains de ne pas être assez qualifié pour vous répondre. Ce que je puis dire, en revanche, d'une manière générale, c'est qu'il faut ouvrir l'éventail des possibilités en matière de production de l'énergie, tant celles-ci sont multiples. Je citerai en particulier les énergies dites marines, c'est-à-dire l'énergie des marées, des courants, les hydroliennes, l'énergie thermique des mers. Ces différents types d'énergie n'utilisent a priori pas de ressource en eau douce, et donc vont dans le bon sens par rapport au problème que vous vous posez. Les énergies marines constituent de ce point de vue un vrai potentiel.

Par ailleurs, c'est en avril 2013 que l'Union européenne a adopté une stratégie d'adaptation au changement climatique. Elle contient d'abord un socle de connaissances, puisque l'expertise climatique et les données concernant l'adaptation doivent être mises en commun. Son deuxième axe de travail, qu'on pourrait appeler l'incorporation - en anglais le mainstreaming - de l'adaptation dans les différentes politiques sectorielles comprend aussi les incitations, les questions de financement. Le troisième porte sur les questions de coopération transfrontalière, par exemple les questions de partage d'un bassin fluvial, etc. Si l'Union européenne n'apporte pas encore d'idées nouvelles qui pourraient nous servir, elle fournit tout de même une information utile. L'Agence européenne pour l'environnement gère ainsi une plate-forme dénommée Climate-ADAPT : c'est un serveur européen, l'un des éléments de la stratégie européenne, qui consiste en un recueil d'informations venant des pays membres.

Yannick Vaugrenard , sénateur de la Loire-Atlantique . - Merci pour cette présentation aussi intéressante que préoccupante, voire inquiétante parfois. L'un des graphiques qui nous a été présenté montre un niveau des eaux de la Somme à un indice 40 en 1950, puis 20 en 2100. Cela signifie-t-il qu'inéluctablement en 2250 nous serons à zéro ? Et si c'est vrai pour la Somme, l'est-ce pour d'autres rivières ? On mesure les conséquences que cela pourrait avoir à la fois sur notre réflexion et sur l'avenir des générations futures. C'est ma première remarque.

La deuxième porte sur l'innovation et la recherche dans le domaine de l'exploitation des océans. Nous n'en sommes probablement qu'aux prémices. Ne pensez-vous pas que, dans ce domaine, nous travaillons insuffisamment, que ce soit au niveau européen ou au niveau international ? J'évoquerai à mon tour l'énergie hydrolienne, des marées et des courants marins, qui s'annonce relativement peu coûteuse, si ce n'est, peut-être, en exploitation.

Une autre question se pose : le stockage des énergies renouvelables. La recherche fondamentale n'est pas allée suffisamment loin, alors que si tel était le cas, pour l'énergie éolienne ou l'énergie solaire par exemple, on pourrait franchir un pas considérable dans le domaine non seulement des économies d'énergie mais aussi des « énergies propres ».

Dernier point, il me semble qu'innovation et solidarité sont indissociables. Aujourd'hui, on compte probablement une ou deux voitures par ménage aux États-Unis contre une voiture pour cinquante ou cent personnes en Chine ou en Inde, et moins encore en Afrique. Or, nul doute que va se généraliser le souhait, somme toute légitime, de consommer et d'avoir une voiture individuelle comme c'est le cas sur le continent européen.

Éric Brun, chargé de mission à l'Onerc . - Sur la première question qui concerne les tendances de long terme, le Giec considère qu'à cause de l'inertie du climat, et quoi qu'on fasse, le réchauffement va se poursuivre pendant plusieurs siècles, et ce quand bien même on aurait déjà réduit sensiblement les émissions de gaz carbonique. Ainsi, le niveau des océans va continuer à monter parce qu'on sait que l'équilibre des grandes calottes glaciaires, par exemple celle du Groenland aujourd'hui, est déjà affecté. Il lui faudra quelques centaines d'années, voire quelques milliers, pour fondre complètement mais le Groenland est aujourd'hui en péril. Or, il représente l'équivalent de six mètres d'eau quand on répartit la fonte des glaces sur l'ensemble des océans ; c'est absolument considérable. Le jour où le Groenland aura complètement fondu, les deux premiers étages des maisons seront déjà sous l'eau à Manhattan et, en France, la Camargue et l'ensemble des zones dites basses seront particulièrement touchées.

Sur la question de la ressource en eau, le graphique que j'ai montré présente un effet de saturation : le niveau baisse pour atteindre à peu près 25 mètres cubes par seconde, mais, lorsqu'il n'y a plus d'eau à évaporer dans les sols, il n'y a plus de perte possible. Ce qui va s'observer, par exemple pour la moitié nord de la France, c'est la persistance de pluies en hiver, peut-être davantage qu'actuellement, sans évaporation à cette saison : il y aura donc un effet de maintien. Les nappes phréatiques baisseront mais continueront d'être alimentées pendant l'hiver, ce qui permettra de maintenir des débits assez importants dans ce type de rivières, au moins dans les régions où les nappes phréatiques sont importantes, ce qui est le cas, je crois, pour 60 % de la surface de la France métropolitaine. Il ne faut pas craindre que la Somme ou la Seine aient un débit d'étiage quasiment nul en été parce qu'une bonne partie de leur alimentation provient des précipitations hivernales. En revanche, pour de petites rivières du sud de la France, des Cévennes ou des Alpes, là où le manteau neigeux aura considérablement diminué ou bien où les glaciers auront disparu, on pourra constater des étiages beaucoup plus sévères parce que le bassin versant est plus petit, l'écoulement beaucoup plus rapide et qu'il n'y a pas ou quasiment pas de nappe phréatique dans les régions montagneuses. Et comme ce sont aussi des régions d'implantation d'ouvrages hydroélectriques, peut-être faudra-t-il y maintenir une partie des débits par des ouvrages de stockage.

Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Onerc . - Sur le niveau de la recherche dans le domaine de l'exploitation des océans et du stockage des énergies marines renouvelables, n'étant pas un spécialiste, je ne saurai dire qu'elle est insuffisante. Au sein de la communauté des climatologues, à laquelle nous appartenons, et dans le domaine de la météorologie et de la climatologie, la coopération mondiale en matière de recherche a commencé voilà cent cinquante ans. Toute l'information y est partagée et la recherche extrêmement ouverte pour ce qui concerne la description des systèmes naturels, du climat, des impacts, des vulnérabilités, etc. En revanche, quand on aborde les solutions à envisager, on touche à des enjeux industriels, à des filières et forcément la recherche n'est pas organisée de la même manière. Je m'étonne un peu que, en France, on ait donné finalement à un organisme qui est en charge de l'énergie nucléaire une mission complémentaire sur les énergies alternatives, à un organisme en charge du pétrole une mission complémentaire sur les énergies nouvelles. Au titre de mon appartenance au monde scientifique, cela ne me semble pas optimal parce que, pour remettre les choses à plat sur un problème aussi fondamental que l'énergie, au niveau tant national qu'international, il faut disposer d'une liberté de penser, d'une indépendance indispensables à la recherche. À un tel niveau, il reste des choses à faire, il peut y avoir de bonnes surprises dans le domaine de l'énergie et il faut aussi créer des ponts entre recherche fondamentale et recherche appliquée. L'État se doit vraiment d'avoir une pensée indépendante informée et, si je suis persuadé qu'il existe des solutions potentielles, on n'est peut-être pas encore complètement structuré pour aller vers cette vision, cette recherche à long terme et une véritable innovation.

Sur le lien entre innovation et solidarité, cela renvoie à la question climatique, ce qui nous éloigne peut-être un peu de votre réflexion portant sur la prospective sur l'eau. Le champ de la négociation climatique est un champ où, par définition, doit s'exercer la solidarité puisque le problème climatique mondial ne peut être résolu si chacun continue le business as usual en fonction de ses intérêts à court terme et sans tenir compte de l'enjeu global.

Quant à l'innovation, j'y suis personnellement extrêmement attaché. Le XX e siècle a vu le développement de nombreuses filières et de filières géantes. Mais l'on se trouve désormais un peu prisonnier de ce que l'on a créé. À l'occasion de la négociation climatique mondiale, de la Conférence Rio+20 et pendant les années qui ont suivi, on a assisté à un mouvement mondial qui dépasse largement la question des politiques climatiques. Il s'agit d'un mouvement de transition écologique dans lequel il y a énormément de remises en question et de perspectives.

Pierre-Yves Collombat , sénateur du Var . - J'ai une petite idée sur la réponse à la question que vous posiez en filigrane sur les raisons qui ont poussé à confier la recherche à Total ou aux responsables de l'industrie atomique. Elle est toute simple : ce sont eux qui ont l'argent et tous les gouvernements qui se succèdent depuis quelques années se préoccupent davantage de l'aspect financier que de la liberté de la recherche. Cela étant, je n'engage que moi en disant cela.

J'en viens à ma question. J'ai l'impression que votre raisonnement en matière de ressource en eau est du même type que celui qu'on pouvait avoir en matière de la ressource en énergie fossile, c'est-à-dire que, la ressource s'épuisant, il faut la ménager. Or, sauf erreur de ma part, l'eau qui est « consommée » est rejetée quelque part, elle ne disparaît pas, elle retourne à la nature. La ressource dont vous parlez, est-ce l'eau douce ou est-ce l'eau en général ? Le problème de fond est, me semble-t-il, non pas la « protection de la ressource » mais plutôt la répartition de l'usage dans la durée, sur une ou plusieurs années. Cela pose un problème de stockage, soit en préservant la nature, ou les sols, ce que vous avez abordé, soit en créant des équipements, pour mieux répartir la ressource en eau sur le territoire, entre le nord et le sud en tenant compte localement des conflits d'usage.

Quand vous avez, comme dans le sud, une urbanisation galopante, il est évident que cela augmente les occasions de conflits d'usage. Pour terminer, je suis frappé par l'incompréhension des problèmes. On y fait des distinctions entre les compétences « gestion de la ressource » et « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations », la fameuse Gemapi. Or, actuellement, un certain nombre d'établissements publics de bassin gèrent à la fois les deux compétences ; ce n'est d'ailleurs pas illégitime car un bassin sert à la ressource mais aussi à écrêter des crues, et cela soulève la question du financement. Je vous avoue que j'ai un peu de mal à suivre ! Puisque vous appartenez au ministère de l'écologie, avez-vous l'impression d'une coupure entre les réflexions de long terme, époque où « nous serons tous morts », comme dirait Keynes, et la gestion actuelle ?

De même, vous avez évoqué le problème de renouvellement des réseaux des collectivités qui sont effectivement très vieux et qui pose de redoutables problèmes de financement : les communes rurales, notamment, n'en ont pas les moyens et l'obtention de subventions auprès des agences de bassin n'est pas toujours très facile.

Je garde l'impression de quelques ratés dans la mise en oeuvre des outils qui nous permettraient précisément de faire face au problème qui va se poser à nous.

Éric Brun, chargé de mission à l'Onerc . - Sur la question du renouvellement de l'eau, il faut distinguer plusieurs types d'usage. Certains endroits enregistrent peu de pertes : c'est le cas des zones de barrages, où l'eau est restituée à la rivière. À l'inverse, dans les zones d'irrigation, où l'on essaie d'humidifier les sols pour que les plantes puissent avoir leur fonctionnement physiologique naturel et produire de la biomasse, se produit un phénomène d'évapotranspiration qui va alimenter l'atmosphère, constituer éventuellement des nuages mais qui se déplaceront ailleurs, vers d'autres pays ou au-dessus des océans. Dans ce cas, l'eau est perdue localement. Entre ces deux extrêmes, il existe toutes sortes d'intermédiaires : on va utiliser de l'eau mais elle sera rendue sous une forme où elle n'est plus utilisable pour son premier usage. Par exemple, l'eau potable utilisée va partir dans les réseaux d'assainissement, sera retraitée et servira plutôt à alimenter des nappes ou sera dédiée à d'autres usages.

Henri Tandonnet , président, rapporteur . - Sur ce point particulier, quand vous dites que l'eau évaporée par les plantes est perdue, n'a-t-elle pas néanmoins une influence sur les températures en rafraîchissant l'atmosphère à l'échelle régionale ? Dans le sud-ouest, des études montrent que l'irrigation des maïs entraîne des effets bénéfiques sur la baisse des températures : la température sur un chaume ou sur des terrains irrigués et des plantations n'est pas du tout la même.

Éric Brun, chargé de mission à l'Onerc . - Vous avez raison, mais, pour obtenir l'évaporation de l'eau, il faut consommer énormément d'énergie ; faites-en l'expérience avec un litre d'eau à bouillir dans une casserole. Dans la nature, l'eau évaporée limite le réchauffement mais très localement et pour une courte durée, et accroît l'effet de serre. Des études ont été menées dans le cadre du Grand Paris pour développer des villes dans lesquelles l'îlot de chaleur serait moins important : une des solutions consisterait à revégétaliser avec des toits végétalisés ou des espaces verts qui provoqueraient une évaporation réduisant la chaleur du soleil mais, j'y insiste, de façon limitée et très localement.

Nicolas Bériot, secrétaire général de l`Onerc . - Pour donner une réponse plus complète à votre question, il serait intéressant que vous rencontriez la direction de l'eau et de la biodiversité. Notre vision à l'Onerc est générale et transversale, il faut compléter nos propos par des informations plus spécialisées dans ces secteurs.

Gérard Bailly , sénateur du Jura . - Ma première question porte sur les inondations : sont-elles plus fréquentes que lors des dernières décennies, y a-t-il eu, comme on serait tenté de le croire, modification de la pluviométrie, en termes d'abondance ou de localisation ?

La deuxième est d'ordre technique. Lorsqu'on refroidit une centrale nucléaire, quelle fraction de l'eau utilisée s'évapore et quel est le pourcentage restitué à la rivière ?

Par ailleurs, a-t-on vraiment tenu compte des conséquences de l'urbanisation sur la perte des eaux de ruissellement qui ne sont pas récupérées par les sols ? Vous avez aussi parlé d'agriculture et c'est un milieu que je connais bien, étant élu du Jura. Je ne suis pas dans une région où on irrigue mais je crois qu'il est possible de réguler les besoins en eau des plantes tout en améliorant les résultats agronomiques. Dispose-t-on d'études en la matière ?

Enfin, nous avons évoqué les pertes sur les réseaux d'eau, qui peuvent s'élever à 60 % ou 70 %, voire davantage. Les agences de l'eau ont des projets mais les remplacements de canalisations ont un coût élevé. Dans un village à côté de chez moi, les canalisations qui avaient été posées en 1905 ont été changées en raison de gros problèmes rencontrés pendant l'été, mais on m'a indiqué que les agences de l'eau n'ont plus ce type de priorité au regard des consignes qui leur sont données par le ministère de l'écologie.

Éric Brun, chargé de mission à l'Onerc . - En ce qui concerne l'intensité des précipitations, le Giec explique très clairement la situation : s'il y a moins de précipitations sur une année, celles-ci se produisent sur des épisodes plus intenses parce qu'une atmosphère plus chaude est plus chargée en vapeur d'eau. Il n'y a donc aucune contradiction entre le fait d'anticiper moins de précipitations dans le sud de la France mais davantage d'inondations. Cela étant, on ne peut attribuer forcément les précipitations observées en octobre, novembre et décembre 2014 dans le midi au changement climatique, même si ce facteur accroît leur probabilité de survenance. Une science se développe aujourd'hui autour de ce qu'on appelle l'attribution du changement climatique, notamment pour les événements extrêmes, et elle correspond très bien avec le fait qu'on ait une atmosphère globalement plus chaude : l'une des explications des événements de l'automne dernier est que la mer Méditerranée était particulièrement chaude à cette époque, entraînant un fort volume de vapeur d'eau potentiellement disponible, et donc des pluies plus intenses.

En ce qui concerne les centrales nucléaires, je ne saurais vous répondre. EDF peut vous apporter des éléments très concrets sur la quantité d'eau nécessaire au refroidissement des centrales. Je citerai néanmoins un usage un peu particulier : celui de l'eau sous la contrainte des températures. Pendant la canicule de 2003, EDF a eu beaucoup de difficultés à gérer le fait que les rivières étaient chaudes en raison d'un débit très bas. Pour préserver la biodiversité, il ne faut pas dépasser un certain niveau de température au risque d'une surmortalité des poissons. Il importe donc d'éviter que le refroidissement des centrales nucléaires n'entraîne, en aval, une augmentation de la température mettant en danger de nombreux écosystèmes. Cette problématique de la température de l'eau est peu connue. Si l'on imagine que, dans le futur, les rivières seront de plus en plus chaudes, surtout en été, il n'y a pas encore d'étude extrêmement poussée qui permette de quantifier ces phénomènes. EDF sera certainement à même de répondre beaucoup plus précisément, notamment à la question de la quantité d'eau nécessaire évaporée dans les tours de refroidissement.

Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Onerc . - Je ne suis pas en mesure de répondre de manière utile, informée et précise aux questions sur l'irrigation ou sur le traitement des fuites des réseaux ou leur financement, qui ne sont pas de ma compétence.

Pierre-Yves Collombat , sénateur du Var . - C'est exactement ce cloisonnement des compétences qui freine nos progrès et nous conduit à l'inertie. Je trouve dommage que, précisément, les réflexions que vous menez et qui impliqueraient des changements de pratique restent confinées à ce niveau et qu'il faille consulter d'autres spécialistes pour nous expliquer les bonnes raisons qui font qu'il n'est pas possible de changer. Vous n'y êtes pour rien mais je regrette qu'il y ait autant de cloisons étanches entre les différents secteurs d'un même ministère.

Éric Brun, chargé de mission à l'Onerc . - Nous avons l'habitude de travailler avec nos collègues et Nicolas Bériot a parlé du plan national d'adaptation au changement climatique adopté en 2011 par la France, après une très longue période de concertation multisectorielle avec les acteurs concernés. La capacité intellectuelle humaine ne peut affronter seule, dans la complexité du monde d'aujourd'hui, tous les problèmes de politiques publiques, les problèmes techniques, les problèmes scientifiques. Mais pendant toute cette phase d'élaboration du plan national d'adaptation au changement climatique, il y a eu une vraie synergie avec des expertises mobilisées pour répondre à ces questions.

Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Onerc . - Je voudrais préciser que le fonctionnement de ce plan national quinquennal d'adaptation au changement climatique repose sur un réseau interministériel de dix-sept pilotes relevant de différents ministères. Pour la question de l'eau, ce rôle revient à la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie.

Jean-François Mayet , sénateur de l'Indre . - Vous avez affirmé, à propos du réchauffement, d'une part, qu'il a commencé il y a très longtemps, d'autre part, qu'il se poursuivra pendant des siècles. Quand j'entends par ailleurs qu'il est imputable à l'activité humaine, je m'interroge. Le réchauffement a commencé à une époque où la population mondiale était bien moindre et la consommation d'énergie fossile quasi nulle. J'ai la conviction que les émissions de CO2, à l'origine d'une partie de ce réchauffement, vont très rapidement cesser car les industriels du monde entier produiront, d'ici à trente ans, avec un impact écologique faible, voire nul, des voitures, des camions, des avions. N'étant pas un spécialiste du sujet, je pose la question : peut-on considérer qu'on vit un cycle normal où l'activité même n'a aucune influence ?

Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Onerc . - La question de l'origine anthropique ou non du changement climatique est un vaste débat. Il est clair, en comparant l'état du climat avant et après, que nous sommes aujourd'hui dans une phase de transition : le climat n'est plus stabilisé. Il l'a été, en gros, pendant douze mille ans mais, depuis 1750, selon la théorie à laquelle nous adhérons et sur la base de laquelle sont prises les décisions politiques actuelles, le climat a commencé à changer d'une manière brutale, avec des atteintes portées aux écosystèmes et aux systèmes climatiques notamment au cours du dernier siècle. Pour faire évoluer le climat vers un nouvel état de stabilité, il faut agir sur un certain nombre de paramètres. Peut-être, comme vous le dites, et c'est aussi mon souhait, va-t-on résoudre complètement la question des émissions de gaz à effet de serre dans les vingt, trente, quarante, cinquante ans. Cela étant, en raison de l'importance des atteintes à l'environnement, l'inertie des systèmes, la fonte des glaces, le réchauffement océanique vont continuer à produire des effets pendant une très longue période.

Éric Brun, chargé de mission à l'Onerc . - C'est surtout en raison de l'inertie des océans qu'il devra s'écouler encore des centaines d'années avant d'atteindre un nouvel équilibre. Pour ce qui est de la cause anthropique du changement climatique, il faut savoir que le dernier rapport du Giec a été approuvé par l'ensemble des pays qui y sont représentés, c'est-à-dire la quasi-totalité des pays membres de l'Onu, y compris les pays producteurs de pétrole. Face aux données scientifiques produites librement par des milliers de chercheurs de par le monde, toutes les évidences sont sur la table.

Henri Tandonnet , président, rapporteur . - Vous qui disposez d'une vue globale et internationale des choses, pensez-vous que certains des pays méditerranéens qui ont connu les difficultés auxquelles nous risquons d'être confrontés dans les années à venir pourraient nous fournir des exemples pertinents d'adaptation des ressources aux besoins ? Vous avez dit que la nature est abondante. Personnellement, je ne lui fais pas tout à fait confiance pour résoudre d'elle-même le problème de ses ressources et des bonnes manières de les préserver.

Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Onerc . - Je citerai l'exemple de l'Australie, dont le territoire comporte des zones désertiques. Certaines sociétés ont su gérer la durabilité, la soutenabilité pendant des milliers d'années grâce à des pratiques extrêmement économes, le plus souvent en sachant composer avec la nature. Pour ce qui est de trouver directement des idées, par exemple dans les pays méditerranéens, c'est plus compliqué. Je peux vous dire que la zone méditerranéenne est déjà fortement impactée sur le plan écologique et le sera potentiellement plus encore dans le futur. Dans de nombreux endroits, la végétation n'a pas été préservée et le sol n'est plus capable de soutenir la vie ni même de stocker de l'eau. C'est en partie réversible, il est des opérations assez importantes de reverdissement de déserts. L'expérience l'a montré, il est possible, en quatre ou cinq ans, de reconstituer un sol : en lui apportant de nouveau de la matière organique, la structure même du sol change, celui-ci devient plus apte à stocker de l'eau et la vie revient.

Henri Tandonnet , président, rapporteur . - Merci de ces propos qui ont notamment mis en lumière la dimension internationale de toutes ces questions, lesquelles appellent à l'évidence des réponses globales.

CONTRIBUTION ÉCRITE D'ASSOCIATIONS D'ÉLUS

CONTRIBUTION DE L'ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE

Question : Pourriez-vous décrire les compétences et missions exercées par les communes qui en font des acteurs historiques et importants dans le domaine de l'eau ?

La caractéristique première de la gestion de l'eau en France est d'être fortement décentralisée.

Les lois sur l'eau de 1964 et 1992, complétées par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006, ont en effet établi les principes d'une gestion de la ressource par bassins versants s'appuyant sur un découpage en bassins hydrographiques. Des Comités de bassin, sortes de petits « parlements de l'eau », sont chargés de définir les grandes orientations de la gestion de l'eau à l'échelle de ces bassins. Ils sont appuyés techniquement et financièrement par les agences de l'eau dont les moyens proviennent de redevances perçues auprès des usagers de la ressource.

Ce modèle français a, depuis sa création, fait la preuve de son efficacité. À tel point qu'il a largement inspiré la réglementation européenne, la directive-cadre de 2000 en particulier, fondée sur la notion de bassins hydrographiques. Ce modèle permet en effet de prendre en compte la gestion de l'eau au plus près des territoires. De nombreux autres pays ont transcrit notre mode de gestion dans le monde.

Dans le droit en vigueur, les compétences en matière d'« eau potable » et d'« assainissement des eaux usées » sont des compétences obligatoires des communes.

Ce sont les communes qui ont la charge de la distribution de l'eau potable sur leur territoire, notamment pour des raisons de proximité de la ressource. La distribution de l'eau s'est exercée à l'échelle communale dans le prolongement de ses obligations en matière d'hygiène (police de la salubrité) et d'assainissement et de sécurité (notamment la lutte contre les incendies).

Pour assurer ces compétences le maire, responsable du service d'eau et d'assainissement, se doit de garantir :

- une bonne gestion de son service, ce qui passe par l'organisation de la planification ;

- un service continu.

Les élus en charge de ces services ont aussi le devoir de les réglementer.

Jusqu'à la promulgation de la loi NOTRe, des transferts des compétences en matière d'« eau potable » et d'« assainissement » pouvaient s'effectuer de manière volontaire à certaines catégories d'EPCI à fiscalité propre, permettant la structuration d'autorités organisatrices à l'échelle de « bassins de vie ». Par ailleurs, certaines communes ou EPCI à fiscalité propre ont historiquement adhéré à des syndicats, pour organiser l'exercice de ces compétences selon des logiques de « territoires ».

Il s'agissait d'une organisation sur la base du volontariat qui permettait aux élus locaux, en tant que principaux acteurs de l'eau, de répondre aux défis de la performance des services publics locaux d'eau et d'assainissement.

Question : Quelles sont les avancées obtenues et les difficultés rencontrées par les communes pour s'adapter aux besoins des territoires et anticiper les changements, anticipés ou probables, en vue de garantir, sur le plan tant quantitatif que qualitatif, les grands équilibres dans la gestion de l'eau ?

La récente réforme territoriale prévoit le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et d'agglomération. Cela va provoquer des bouleversements dans l'organisation administrative des territoires et des services publics. De plus, cette réorganisation est opérée quasi simultanément à une importante redéfinition des périmètres des communautés qui sont actuellement en train de fusionner à des échelles très larges. Ces nouveaux périmètres ne coïncident ainsi pas nécessairement avec celui d'une utilisation optimisée de la ressource en eau, ce qui ne rend pas opérationnelle la rationalisation souhaitée par le Gouvernement.

La difficulté actuelle relève dans le fait que la réforme territoriale impose un carcan territorial et administratif alors que les élus locaux et l'AMF prônaient une rationalisation des services d'eau et d'assainissement prenant en compte les facteurs physiques, géographiques de la qualité et de la proximité de la ressource en eau, tout en insistant sur les nécessités des interconnexions.

Il convient dans ce cadre figé de retrouver une vision d'ensemble basée sur la ressource et non sur les échelons administratifs. Les élus locaux doivent maintenant anticiper les échéances en réfléchissant à concilier les principes de la loi, les objectifs de préservation de la ressource, les infrastructures existantes. Le bassin versant pourrait constituer une bonne échelle d'action.

Question : Comment les communes interviennent-elles aux côtés des autres échelons de collectivités territoriales, des acteurs économiques et des agences de l'eau, que ce soit au niveau du petit cycle ou du grand cycle de l'eau ?

• Articulation des différents niveaux de collectivités :

La suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l'exercice des compétences des collectivités territoriales entraîne un changement des relations entre les collectivités territoriales dans le domaine de l'eau.

Le contexte actuel de difficultés économiques des collectivités laisse à penser que les départements et les régions, qui contribuaient grandement au financement et à l'assistance technique du bloc local dans le domaine de l'eau, pourraient revoir à la baisse leurs interventions même s'ils ont toujours la possibilité d'intervenir au titre de la solidarité (pour les départements).

Par ailleurs, la loi NOTRe prévoit que les régions peuvent se voir attribuer tout ou partie des missions d'animation et de concertation dans le domaine de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques, lorsque l'état des eaux de surface ou des eaux souterraines présente des enjeux sanitaires et environnementaux justifiant une gestion coordonnée des différents sous-bassins hydrographiques de la région. Dans ce cas, « la région exerce ces attributions en coordination avec le comité de bassin, sans préjudice des compétences des autres collectivités, de leurs groupements et des syndicats mixtes, et sans préjudice des missions des personnes morales de droit public auxquelles la commission locale de l'eau a confié son secrétariat, ainsi que, le cas échéant, les études et les analyses nécessaires à l'élaboration du schéma d'aménagement et de gestion des eaux et au suivi de sa mise en oeuvre. »

• Importance du travail de terrain avec les acteurs du monde économique, exemple du lien entre le bloc local et les agriculteurs pour la reconquête de la qualité de l'eau

Ces dernières années, les élus locaux s'engagent considérablement pour atteindre un objectif de « bon état écologique de l'eau et des milieux aquatiques ». Il s'agit d'une prise de conscience de l'importance vitale de préserver la ressource et de ne pas s'en tenir uniquement à la seule mise en place de périmètres de protection autour des captages. Des solutions simples appliquées en amont évitent parfois aux services publics de devoir mettre en place de coûteux traitements en aval.

Il convient, par exemple, de valoriser les partenariats contractuels initiés localement entre les collectivités et les agriculteurs. Ces derniers sont incités financièrement à modifier leurs pratiques culturales qui peuvent soit polluer, soit, au contraire, contribuer à la protection de la ressource. Ils s'engagent notamment à limiter leurs intrants (pesticides et nitrates).

La moindre productivité des terrains fait l'objet d'une indemnisation par la collectivité, qui s'évite ainsi d'avoir à terme à investir dans des traitements supplémentaires. Les résultats sont probants sur la durée et contribuent, en effet, aux enjeux du développement durable des territoires. L'AMF est partenaire avec l'ONEMA d'un projet initié par la FNAB qui recense dans un guide pratique ces projets de préservation de la masse d'eau portés par les collectivités.

• Lien entre les comités de bassin et le bloc local

Les comités de bassins versants français travaillent, avec les agences de l'eau, à la connaissance des flux d'eau de leurs bassins qui peuvent nécessiter des méthodes et des moyens, notamment techniques et financiers.

Les maires et présidents d'intercommunalités, compétents en matière d'eau, siègent aux cotés des représentants de l'État et de l'ensemble des acteurs concernés dans ces comités de bassins, permettant ainsi une articulation des acteurs et la mise en oeuvre de politiques cohérentes et homogènes.

Les élus locaux sont en effet parties prenantes des comités de bassin, qui sont de véritables « parlements de l'eau », et élaborent la politique de gestion de l'eau sur leur territoire (bassin hydrographique), en cohérence avec les cadres national et communautaire. Cette gouvernance locale est à maintenir et à développer. Il est essentiel aujourd'hui de préserver l'implication comme le rôle des élus locaux, les comités de bassin et les agences de l'eau.

En effet, la politique de l'eau en France par bassin a permis de grandes avancées en termes, entre autres, d'assainissement et de reconquête de la qualité des eaux.

Cependant l'AMF déplore la situation nouvelle faite aux Agences par des prélèvements intempestifs de Bercy qui amputent les capacités d'investissements, retardent l'atteinte des objectifs de la DCE et amputent les moyens humains des Agences de l'eau.

Question : Dans un contexte de difficultés économiques et sociales accrues, de préoccupations environnementales grandissantes et de multiplication des conflits d'usages, quels sont, pour l'Association des Maires de France, les enjeux prioritaires et les leviers mobilisables dans le domaine de l'eau ?

L'AMF partage les objectifs de rationalisation et de mutualisation afin de garantir la fourniture d'un service d'eau et d'assainissement de haute qualité à coût maîtrisé, tout en préservant la ressource et permettant la mise en oeuvre d'une solidarité entre les territoires. (Notre association a d'ailleurs conduit sur ces sujets des actions visant à promouvoir les communes nouvelles).

Cependant, cette nouvelle réorganisation risque d'entraîner une importante rigidité dans l'exercice des compétences « eau et assainissement » avec probablement des difficultés d'application face aux réalités de terrain. Le périmètre des communautés à venir ne coïncide pas nécessairement avec celui d'une utilisation optimisée de la ressource en eau.

Le modèle de gestion de l'eau, par bassins versants, a été inventé il y a plusieurs décennies en France. Il a prouvé son efficacité pour répondre aux objectifs de préservation de la ressource en eau et aux fondements de la politique de l'eau. Ce modèle a permis des anticipations dans la gestion des inondations et dans l'exercice d'outils de gestion « amont/aval ».

Réunissant tous les acteurs de l'eau, il apparaît comme l'échelon pertinent en termes de réflexion politique mais également en termes d'outils qui pourraient être mis à la disposition des collectivités pour qu'elles puissent préparer l'échéance de 2020.

L'AMF a toujours défendu une approche pragmatique, qui unit la nécessaire prise en considération du contexte géographique (bassins versants, ressources en eau, géologie, climat...), environnemental (gestion compatible avec le milieu naturel) mais aussi de bonne administration (gouvernance, solidarité et maîtrise des coûts).

C'est pourquoi les solutions possibles varient en fonction des situations locales mais l''amont et l'aval restent liés pour une réflexion coordonnée à l'échelle des bassins qui est indispensable.

L'AMF a pour priorité de rappeler aux élus locaux d'anticiper la réorganisation du domaine de l'eau dans ce sens.

La question du choix des périmètres doit être abordée d'abord au regard de la réalité des territoires et des contraintes de la ressource, le tout en répondant aux obligations fixées par la loi NOTRe.

Question : En particulier, à l'heure où s'engagent d'importantes réformes en matière d'organisation territoriale, quelles incidences emporte la création de la compétence Gemapi ? Quelles préconisations l'AMF souhaiterait-elle formuler pour améliorer la gouvernance de l'eau ?

La loi Maptam a créé une compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » et l'a attribuée, exclusivement, aux communes, communautés et métropoles.

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre exerceront obligatoirement cette compétence à compter du 1 er janvier 2018 (délai redéfini par la loi NOTRe).

La création de cette compétence, par le Gouvernement, visait apparemment à répondre à deux objectifs :

- confier à une seule autorité publique une compétence au contenu enfin précisément défini et ainsi mettre un terme aux interventions d'autorités multiples (État, conseils généraux, syndicats intercommunaux, riverains, associations propriétaires d'ouvrages de protection contre les inondations, etc.) sur les mêmes champs de compétences.

- attribuer cette compétence aux communes, aux communautés et aux métropoles, en raison de leur responsabilité en matière d'aménagement de l'espace (Scot, PLUI, PLU, etc.) et de leur capacité à instituer et lever une taxe (dite « Gemapi »), créée pour l'occasion et affectée au financement de cette nouvelle compétence.

Néanmoins, de trop nombreuses incertitudes demeurent, qu'il s'agisse :

- de son évaluation et de son impact financier pour les collectivités ;

- de la cohérence du périmètre défini et limité ;

- de l'absence de connaissance précise de l'état et du linéaire des digues qui seraient « mises à leur disposition » ainsi que de l'absence de bilan des missions d'appui technique mises en place dans ce but par les Préfets de bassin, selon le souhait des associations d'élus ;

- de l'insuffisante articulation entre le périmètre retenu pour l'application de cette nouvelle compétence et celui commandé par la réalité hydrographique des territoires ;

- et, bien sûr, des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité nouvelle pesant sur les élus locaux et s'ajoutant à la responsabilité du maire au titre de ses pouvoirs de police.

Lors du dialogue national des territoires l'AMF a défendu que cette nouvelle compétence Gemapi soit organisée de manière coordonnée. L'AMF faisait en effet le constat que les élus étaient bien seuls face à la mise en oeuvre de cette compétence. D'où l'idée (reprise par les services de l'État par arrêté du 20 janvier 2016 modifiant l'arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux) de la création de la SOCLE, Stratégie d'Organisation des Compétences Locales de l'Eau, arrêtée par le Préfet coordonnateur de bassin, après avis du comité de Bassin, pour le 31 décembre 2017 au plus tard.

Les missions d'appui technique doivent, en effet, organiser cette coordination car il n'est pas possible d'avoir une politique efficace en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations en se fondant uniquement sur le périmètre administratif de l'intercommunalité.

Des structures existantes ont déjà investi ce champ de compétences qu'il convient de coordonner afin qu'elles répondent aux objectifs fixés par la loi Maptam.

Question : Quelles bonnes pratiques l'AMF jugerait-elle utile de faire partager en la matière ?

L'AMF souhaite promouvoir la gestion intégrée de l'eau, ce qui implique, à l'échelle d'une unité hydrographique cohérente, une concertation et une organisation de l'ensemble des acteurs et des compétences en conservant au maximum le lien de proximité avec les usagers.

L'AMF souhaite explicitement que soit intégrée une vision patrimoniale de la ressource en eau, une politique de protection de cette ressource et ses milieux compatible avec les activités économiques, une politique de prévention active des risques liés à l'eau tant dans ses excès (inondations) que pour les risques d'étiage.

Question : Quels sont les principaux enseignements tirés par l'AMF du colloque qu'elle a co-organisé, le 8 juillet dernier, sur « Politiques publiques eau, milieux aquatiques, inondations : Quelles organisations dans les territoires ? » ? Quelles suites entend-elle lui donner ?

Le principal enseignement tiré du colloque sur l'eau du 8 juillet 2015 est que l'échelle hydrographique est la plus pertinente pour une gestion efficace de l'eau : il est important de travailler aux outils et méthodes pour articuler actions menées aux échelles administratives et actions menées aux échelles de bassin pour une gestion équilibrée, durable et intégrée.

Cette performance repose depuis toujours sur la garantie d'un approvisionnement en eau potable sécurisé et sur la maîtrise de la qualité des effluents, sur la protection de la ressource, sur le respect des impératifs de maîtrise du prix de l'eau, de solidarité avec les territoires mais également en termes d'accès à l'eau pour tous.

L'AMF a constaté une nouvelle fois l'importance stratégique des Agences et leur capacité à intégrer les futures missions de l'Agence pour la biodiversité.

* * *

CONTRIBUTION DE L'ASSEMBLÉE DES DÉPARTEMENTS DE FRANCE

• Les compétences des départements dans le domaine de l'eau

Les départements ne disposent d'aucune compétence légale dans le domaine de l'eau (hormis l'assistance technique), mais sont historiquement des acteurs incontournables du petit cycle et du grand cycle de l'eau, notamment par les financements qu'ils apportent au bloc communal (souvent) et la maîtrise d'ouvrage qu'ils organisent (parfois).

Ainsi, les départements interviennent tant sur la qualité de l'eau potable (certains départements portent des plans départementaux sur la ressource en eau potable), que l'assainissement collectif et non collectif, la gestion des rivières et des cours d'eau ou encore la lutte contre les inondations et les submersions marines. Certains départements sont d'ailleurs propriétaires et maitres d'ouvrages de digues.

Ces dernières années, des départements se sont retirés du financement de cette politique publique en raison des contraintes budgétaires auxquelles ils ont à faire face. Le contexte budgétaire actuel délicat pour les départements, consécutif à la non-compensation par l'État des minimas sociaux dont ils ont la charge (principalement RSA), amplifie les incertitudes quant à leurs interventions dans la politique de l'eau.

• Les impacts des lois récemment votés sur l'action des départements dans le domaine de l'eau

Les lois de réforme territoriale récemment votées ont un impact fort sur la possibilité d'actions pour les départements dans les politiques de l'eau :

- la création de la compétence Gemapi aura pour conséquence le transfert des ouvrages départementaux (digues) aux EPCI, et l'impossibilité d'intervenir directement sur les items qui composent cette compétence ;

- la suppression de la clause de compétence générale supprime la possibilité pour les départements d'intervenir dans tous les domaines de la politique de l'eau. Les départements pourront cependant continuer à intervenir par l'intermédiaire de financements aux communes et EPCI (solidarité territoriale).

Par ailleurs, deux axes peuvent encore légitimer l'intervention des départements :

- l'article L. 211-7 du code de l'environnement énumère les domaines dans lesquels les collectivités et leurs groupements peuvent intervenir dans le cadre d'un Sage et en dehors des domaines fléchés pour la Gemapi. Les départements peuvent donc poursuivre des actions dans le cadre de l'approvisionnement en eau, la lutte contre la pollution...

- les départements restent compétents pour la politique « Espaces naturels sensibles ». L'article L. 142-2 du code de l'urbanisme qui prévoit les utilisations possibles des recettes de la taxe d'aménagement dédiée aux espaces naturels sensibles (TAENS) comprend des domaines liés à la politique de l'eau (l'acquisition de sites destinés à la préservation de la ressource en eau, leur aménagement et leur gestion, qualité des champs naturels d'expansion des crues).

• Pistes d'amélioration de la gouvernance de la politique de l'eau

L'une des questions qui se pose dans le Gemapi votée dans la loi Maptam, est la participation à la gouvernance et au financement des EPTB/Epage sachant qu'ils seront des syndicats mixtes agissant pour le compte des collectivités qui leur auront délégué la compétence Gemapi.

Les départements attendent des éclairages sur cette question.

Par ailleurs, des réflexions sont en cours au niveau national sur la composition du collège des élus des comités de bassins. Le maintien des représentants des départements est un élément important dans la mesure où ils seront toujours en capacité de financer les collectivités infra-départementales et de leur fournir une ingénierie technique.

En effet, concernant la Gemapi, l'une des conséquences pourrait être le manque d'ingénierie pour les collectivités en charge de cette compétence. Les EPCI ainsi que les EPTB/EPAGE ne disposent pas aujourd'hui de l'ingénierie technique nécessaire pour conduire la compétence Gemapi nécessitant une expertise pointue. Les départements, par le biais de leurs agences techniques départementales notamment, peuvent jouer ce rôle d'ingénierie et de conseils.

• Les enseignements du colloque du 8 juillet 2015

L'ADF a co-organisé un colloque le 8 juillet dernier en association avec les autres associations nationales d'élus et l'Association française des établissements publics de bassins territoriaux.

Les principaux enseignements que l'ADF a tirés de ce colloque sont :

- les nombreuses incertitudes juridiques autour de la compétence Gemapi ;

- le besoin de financements des collectivités titulaires de la compétence Gemapi, au-delà de la taxe instituée par la loi, au regard du coût que représente la rénovation des digues ;

- la nécessité d'une action coordonnée de l'ensemble des niveaux de collectivités territoriales et des agences de l'eau pour améliorer l'efficacité de l'intervention publique ;

- le besoin d'ingénierie technique, notamment pour la compétence Gemapi ;

- les attentes vis-à-vis du département via son rôle de chef de file des solidarités territoriales ;

- le besoin d'accompagnement des collectivités en charge de la Gemapi (guides techniques, recensement des bonnes pratiques...).

NOTE DE LÉGISLATION COMPARÉE

Consacrée à la gestion de l'eau en Espagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, cette note a été commandée par la délégation à la prospective dans le cadre de la préparation de ce rapport d'information.

ESPAGNE

L'Espagne est le pays le plus aride de l'Union européenne. Il connaît des périodes chroniques de sécheresse, d'aridité et de pénurie d'eau. 67 % du territoire sont touchés par la désertification, le taux de précipitation ne se situant qu'à 85 % de la moyenne européenne. De ce fait, la plupart des bassins hydrographiques n'atteignent pas 60 % de la capacité totale de leur réserve hydraulique. Cependant, la Péninsule ibérique est aussi un grand consommateur d'eau (2 700 mètres cubes d'eau par habitant et par an en 2009 173 ( * ) ) et l'un quatre des États qui comptent, avec 1 300 ouvrages, le plus de barrages au monde 174 ( * ) . Les régions du Sud et du Sud-Est font notamment usage de cette ressource pour l'irrigation.

Le Livre blanc sur l'eau en Espagne publié en décembre 1998 a défini les principaux enjeux auxquels la loi sur l'eau adoptée quelques années plus tard a tenté d'apporter des solutions. Selon les hypothèses retenues par ce document, à cause d'un taux de natalité et d'un taux de mortalité particulièrement faibles, la population espagnole pourrait diminuer à moyen terme et ne devrait donc pas voir croître ses besoins hydriques de façon importante. L'augmentation des besoins en eau due à l'amélioration du niveau de vie et à l'évolution des comportements devrait, quant à elle, être compensée par une gestion plus efficace des approvisionnements, notamment en ce qui concerne les fuites dans les réseaux.

Le problème de la gestion de l'eau en Espagne procède également de la concentration de la population dans les régions méridionales et côtières, notamment sur le littoral méditerranéen 175 ( * ) .

Compte tenu de ces éléments, cette note évoquera successivement :

- le contexte et les conflits d'usage entre régions ;

- le cadre législatif applicable à la gestion de l'eau ;

- et enfin les politiques mises en oeuvre.

1. Éléments de contexte : risque climatique et conflits d'usage entre régions

La rareté de la ressource en eau, accrue par le changement climatique, donne lieu à des conflits d'usage entre les régions.

• L'incidence du changement climatique

Du fait du changement climatique, l'Espagne est confrontée à une diminution du débit des cours d'eau. Le débit moyen de l'Èbre, pour ne retenir que cet exemple, a diminué de moitié environ entre 1947 et 1997, ce déclin étant encore plus net depuis la fin des années 1960. Selon certains experts, les précipitations pourraient de surcroît se réduire de 22 à 34 % entre 1995 et 2060 dans le sud.

Le pays ressent également les effets de prélèvements importants sur les eaux souterraines, notamment pour l'irrigation agricole, ce qui entraîne parfois des conséquences sur la qualité de la ressource, laquelle pourrait ne pas atteindre, de ce fait, les objectifs de qualité fixés par la directive-cadre sur l'eau (DCE).

Les prélèvements excessifs ont parfois des effets sur l'environnement, à l'instar de la salinisation des eaux souterraines dans des zones côtières ou la réduction des zones humides, particulièrement importantes au plan écologique dans les zones semi-arides, entraînant la réduction de la surface des zones de reproduction des oiseaux migrateurs et la diminution de la biodiversité 176 ( * ) .

• Les conflits d'usage entre les régions

Certaines régions du pays sont plus touchées par la sécheresse que d'autres car l'environnement se caractérise aussi bien par sa diversité que par la distribution inégale de la ressource. Si les Canaries et la Communauté valencienne sont exposées à un risque de désertification élevé, tel n'est le cas ni de la Galice ni des Asturies. De même, la rive gauche de l'Èbre dispose de ressources hydriques abondantes, contrairement à la rive droite. Des îlots d'humidité existent, y compris dans des régions très sèches. Cette répartition inégale des ressources crée une certaine concurrence, voire des rivalités, entre les communautés autonomes, notamment au sujet du gaspillage des ressources, en particulier entre celles situées en amont et en aval d'un même fleuve.

On retiendra, à titre d'exemple, que des voix se sont fait entendre en Castille-La Manche pour estimer qu'en Murcie on utilise de l'eau pour des usages inappropriés (terrains de golf...) à une zone aussi peu humide. En 2013, un Valencien consommait en moyenne 158 litres par jour, contre 112 litres pour un Navarrais... 177 ( * )

Nombre de régions déficitaires en eau avancent l'argument de la solidarité pour dénoncer l'« égoïsme » des régions excédentaires et demander à ce que, à l'instar des ressources financières, les ressources en eau soient réparties équitablement. Certaines affirment même que ce sont elles qui devraient bénéficier de cette ressource pour mieux la gérer. Les communautés autonomes disposant de ressources abondantes contestent pour leur part l'épithète « excédentaire » en affirmant n'avoir pas de quoi répondre aux besoins en eau de leur propre population. De plus, comme la plupart ne font pas partie des communautés autonomes les plus développées du pays, elles demandent que la « solidarité hydraulique » aille de pair avec la « solidarité des revenus » 178 ( * ) . En outre, les régions réputées excédentaires peuvent aussi connaître un mauvais approvisionnement en raison d'un manque d'infrastructures de stockage ou de transport, quand bien même des ressources existent.

Par ailleurs, toutes les régions estiment disposer d'un droit légitime à gérer ce qu'elles considèrent comme « leurs » eaux, et interprètent la législation dans un sens qui leur est favorable. L'Andalousie a, par exemple, demandé à assumer seule la gestion du Guadalquivir car 90,2 % de la superficie du bassin ainsi que les sources et l'embouchure du fleuve sont situés sur son territoire. D'autres communautés réclament, quant à elles, la gestion partagée des fleuves. Or, les cours d'eau traversant plusieurs territoires sont du domaine exclusif de compétence de l'État, qui veille à la répartition des compétences et des ressources, tant financières qu'hydrauliques 179 ( * ) .

L'eau demeure vitale au développement des régions sèches (du point de vue de l'agriculture, de l'industrie, du tourisme et de la population) et donc du pays tout entier. Deux zones se dessinent sous l'angle de la disponibilité des ressources en eau : l'Espagne sèche au Sud-Est et l'Espagne humide, au Nord-Ouest.

2. Le cadre législatif

Les principales règles applicables en matière de politique de l'eau résultent de la loi n° 29 du 2 août 1985 sur l'eau, modifiée 180 ( * ) . Ce texte dispose que toutes les eaux, qu'elles soient souterraines ou superficielles, constituent une « ressource unique » (recurso unitario) appartenant au domaine public hydraulique (article 1 de cette loi 181 ( * ) ).

On en présentera ici les traits principaux, sous l'angle de :

- la répartition des compétences ;

- la pluralité des acteurs ;

- la planification hydrologique ;

- et la participation collective.

• La répartition des compétences

L'Espagne est le premier pays à avoir utilisé le concept de bassin hydrographique (cuenca hidrográfica) comme unité de gestion de l'eau. Un tel bassin est indivisible (article 16).

Lorsqu'un bassin hydrographique est situé dans une seule et même communauté autonome, il est géré par celle-ci, qui peut se voir transférer les compétences de l'État en la matière (article 18).

Néanmoins, en Espagne, la gestion de l'eau reste centralisée, puisque les bassins hydrographiques qui chevauchent plusieurs communautés autonomes, dits « extracommunautaires », relèvent de la compétence exclusive de l'État 182 ( * ) et sont gérés par des confédérations hydrographiques (articles 21 et 22). Ces dernières sont des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de l'Environnement, jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie de fonctionnement. Neuf entités sont dotées d'une telle structure, à savoir les bassins : de Cantabrie, du Douro, de l'Èbre (première confédération hydrographique existant depuis 1926), du Guadalquivir, du Guadiana, du Jucar, du Miño-Sil, du Segura et du Tage.

Six administrations intracommunautaires ( administraciones hidráulicas intracomunitarias ) existent de surcroît en Andalousie, Catalogne, aux Canaries, en Galice, aux îles Baléares et au Pays basque.

En vertu de l'article 27 de la loi sur l'eau, les confédérations hydrographiques sont dirigées par un conseil (junta de Gobierno) qui comprend :

- un président nommé en Conseil des ministres ;

- au moins cinq représentants de l'administration (précisément des ministères de l'Environnement, de l'Agriculture et de la Pêche, de la Science et de la Technologie, de la Santé ainsi que de l'Économie, outre un représentant des services fiscaux si ceux-ci sont chargés de la perception des redevances ;

- un tiers de membres correspondant à au moins trois représentants des usagers, y compris les utilisateurs d'eau ;

- des représentants des communautés autonomes dont le nombre est fixé en fonction du nombre de celles qui participent à la confédération ainsi que de la superficie et de la population de celles-ci ;

- et enfin des représentants des provinces dont le nombre dépend du pourcentage du territoire de ces dernières concerné par le bassin hydrographique.

L'OCDE souligne la sous-représentation des associations investies dans la protection de l'environnement ou l'utilisation de l'eau pour les loisirs, ainsi que celle des scientifiques et des associations de protection des consommateurs, estimant que ce dispositif pourrait introduire un déséquilibre dans la gouvernance des confédérations qui, selon la même source, sont caractérisées par des moyens limités en termes de management hydrologique, écologique et économique. Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que ces organismes étaient, traditionnellement, tournés vers l'amélioration et la maintenance des infrastructures d'approvisionnement en eau 183 ( * ) .

Si les confédérations hydrographiques sont des organismes autonomes, elles coopèrent cependant avec les communautés autonomes dans l'exercice de leurs compétences (article 25).

Le Conseil national de l'eau est l'organisme consultatif compétent au niveau de l'Espagne tout entière. Présidé par le ministre de l'Environnement, il réunit des représentants de l'administration nationale et ceux des administrations des communautés autonomes, des associations représentant les collectivités locales, des agences de bassin, des organisations professionnelles et syndicales et des associations dont l'objet a trait à la protection de l'environnement (article 19). Le conseil est consulté sur :

- le projet de plan hydrologique national, avant sa transmission par le Gouvernement au Parlement, et les projets de plans hydrologiques de bassin avant leur approbation par le Gouvernement ;

- les projets de texte généraux relatifs à la protection de l'eau et au domaine public hydraulique ;

- les plans et projets de caractère agricole, urbain, industriel ou énergétique susceptibles d'avoir une incidence importante sur la planification hydrologique et les usages de l'eau ;

- et les questions relatives à deux confédérations hydrographiques ou plus ayant trait à l'approvisionnement en eau.

Il peut être consulté, dans ces matières, aussi bien par le Gouvernement que par les exécutifs des communautés autonomes (article 20). Selon une étude, « Lors du conflit suscité par la loi relative au plan hydrologique national, [le conseil] a souvent été vu comme un défenseur de la position gouvernementale [...] il a rendu, en janvier 2001, un avis finalement très favorable à un document vivement critiqué par les associations écologistes et divers mouvements citoyens » 184 ( * ) . Au total, d'après la même source, « En Espagne les déboires du plan hydrologique national rendent malaisée l'identification de la stratégie nationale de l'eau, tandis que l'affirmation du pouvoir régional menace la répartition des compétences établies par la Constitution. [...] l'empilement institutionnel se traduit par un chevauchement des compétences nuisant à la lisibilité, si ce n'est à l'efficacité, de l'action publique. Cette dispersion s'accompagne d'un risque réel d'accentuation des disparités [...] entre régions [...]» 185 ( * ) .

• La pluralité des acteurs

En vertu de l'article 59 de la loi sur l'eau modifiée, à quelques exceptions près, tous les usages privatifs de l'eau supposent l'obtention d'une autorisation administrative (concesión) , accordée pour au plus 75 ans compte tenu des prévisions des plans hydrologiques, en prenant en compte l'exploitation rationnelle des ressources superficielles et des ressources souterraines. Une pluralité d'acteurs sont concernés par la gestion hydrique puisque :

- la captation des eaux relève des confédérations hydrographiques ou des communautés autonomes ;

- les communautés autonomes exercent également des compétences en matière d'environnement, de gestion du domaine public hydraulique dans les bassins qui ne relèvent que d'une autonomie, de l'aménagement du territoire et de la protection des écosystèmes ;

- les communes (corporaciones locales) sont responsables de l'approvisionnement en eau (traitement et distribution), des égouts et du traitement des eaux usées urbaines ;

- enfin l'État intervient en matière de planification des approvisionnements, de traitement des eaux, de soutien technique aux communes et de gestion des bassins dont le périmètre concerne plusieurs communautés autonomes.

La « complexité tarifaire » 186 ( * ) , que signale une étude, résulte de cette division des compétences entre trois niveaux de collectivités publiques.

• La planification hydrologique

Répondant à des objectifs généraux fixés par la loi, la planification hydrologique est formalisée dans le plan hydrologique national (Plan Hidrológico Nacional) .

Cette planification tend à maintenir le bon état et à garantir : la protection adéquate du domaine public hydraulique, la satisfaction de la demande en eau, l'équilibre et l'harmonisation du développement régional et sectoriel en augmentant les ressources disponibles, en protégeant la qualité, en économisant son emploi et en rationnalisant ses usages dans le respect de l'environnement et des autres ressources naturelles (article 40).

Le plan hydrologique national est, quant à lui, établi en application de la loi n° 10 du 5 juillet 2001 qui lui est consacrée. Il tend en particulier à :

- assurer le bon état du domaine public hydraulique ;

- gérer l'offre d'eau et satisfaire la demande au moyen d'un approvisionnement rationnel, soutenable, équilibré et équitable de l'eau, qui garantit une qualité suffisante pour chaque usage et la protection à long terme de la ressource ;

- assurer l'équilibre et l'harmonisation du développement régional et sectoriel ;

- et optimiser la gestion des ressources, notamment dans les territoires menacés de pénurie, en protégeant la qualité et en économisant ses usages, dans le respect de l'environnement.

À chaque bassin hydrographique correspond un plan hydrologique élaboré par l'organisme chargé de la gestion du bassin et, dans cette zone, de l'administration et du contrôle du domaine public hydraulique (article 23). Ce plan est élaboré en deux étapes par cet organisme de gestion, en collaboration avec les ministères compétents, et en garantissant la participation du public. La première étape consiste à élaborer un schéma des principaux thèmes à évoquer en matière de gestion des eaux, lequel est mis à la disposition du public pendant au moins six mois, et la seconde en la rédaction du projet de plan lui-même qui est également mis à la disposition du public pendant la même durée (articles 71 à 81 du décret n° 907 du 6 juillet 2007). Soumis au ministère de l'Environnement, ces plans sont enfin approuvés par un décret royal.

De plus, le plan hydrologique national , établi par le ministère de l'Environnement, soumis au public pendant au moins six mois et approuvé par la loi, contient les mesures nécessaires à la coordination des plans hydrologiques de bassin. Ces plans hydrologiques étant, le cas échéant, mis en conformité avec le contenu du plan national après son adoption par le Parlement (articles 84 et suivants du décret précité).

Bien public appartenant au domaine public hydraulique, l'eau ne peut être utilisée à des fins privées que sous réserve de l'autorisation (concesión) délivrée par les pouvoirs publics. L'ensemble des autorisations délivrées sont consignées dans un « Registre des eaux » qui a un caractère public (article 80).

Compte tenu des potentiels conflits d'usage, l'article 60 de la loi sur l'eau dispose que pour l'attribution des autorisations d'exploitation, on respecte l'ordre de priorité établi par le plan hydrologique de bassin eu égard aux nécessités qui ont trait à la conservation des ressources et de l'environnement.

À défaut, l'ordre de préférence décroissant est celui qui résulte du même article, à savoir :

- l'approvisionnement de la population, y compris les besoins nécessaires aux industries faiblement consommatrices situées dans les zones peuplées et connectées aux réseaux de distribution de l'eau ;

- l'irrigation et les usages agricoles ;

- les usages industriels pour la production d'électricité ;

- les autres usages industriels ;

- l'aquaculture ;

- les loisirs ;

- la navigation et le transport aquatique ;

- et enfin les autres usages.

• Les modalités de la participation collective

Il existe en Espagne une longue tradition de participation collective à la gestion de l'eau.

Les utilisateurs qui exploitent une prise d'eau ou une concession d'eau en commun sont tenus de se regrouper au sein de communautés d'irrigants . Ces organisations millénaires de droit public sont chargées de gérer l'exploitation collective des eaux publiques. Il en existe des milliers, réunies au niveau national dans la fédération FENACORE, laquelle rassemble toutes les entités chargées de la gestion de l'eau, notamment à des fins agricoles.

Plusieurs communautés d'utilisateurs d'eaux superficielles ou souterraines qui partagent des intérêts communs peuvent se regrouper pour défendre leurs intérêts. Les individus et les communautés d'usagers ont également la faculté de se regrouper en assemblées centrales d'usagers pour défendre leurs droits face à des tiers (article 81).

La loi sur l'eau prévoit la consultation du public à chacune des étapes de la planification, l'accessibilité de l'information aux formats papier et numérique et sa mise à disposition pendant au moins six mois pour recueillir d'éventuelles observations ou suggestions (voir supra ).

Au total, la gestion, la protection et la conservation des ressources hydriques sont, pour l'essentiel, réparties entre les usagers (via les communautés d'irrigants) et l'administration (par l'intermédiaire des confédérations hydrographiques).

3. Les politiques mises en oeuvre

On considérera ici, d'une part, les mesures prises pour lutter contre la pénurie d'eau, d'autre part, la question du prix de la ressource et enfin la gestion de la sécurité.

• La lutte contre la pénurie d'eau

Comme l'observe l'OCDE, la plupart des bassins touchés par le risque de pénurie connaissent une intense utilisation de l'eau destinée à l'irrigation, alors même que les techniques pourraient considérablement limiter l'évaporation et les pertes qui en découlent. Il s'ensuit, selon la même source, qu'il serait utile d'instituer des modes de formation des prix qui favorisent les technologies les plus économes en eau dans la production agricole 187 ( * ) .

Selon une étude de 2006, l'évolution de la politique de l'eau au début du XXI e siècle se présentait comme suit : « Le dernier exemple de la politique d'augmentation de l'offre est illustré par le Plan Hydrologique National (PHN) élaboré par le Parti Populaire. Le PHN projetait un accroissement de l'offre, pour répondre à une nouvelle phase d'expansion des cultures irriguées et à la multiplication des complexes touristiques (hôtels, golfs, résidences secondaires, piscines, etc.) le long de la côte méditerranéenne. Le PHN, approuvé en 2001 par le Parlement espagnol, prévoyait la construction de 118 barrages et de 41 usines de dessalement dont 16 sur la côte méditerranéenne. Le point central du PHN était le transfert de 1 050 hm 3 /an des eaux de l'Èbre. Ces 1 050 hm 3 /an, dont 56 %de l'eau dérivée seraient attribués à l'agriculture, et répartis entre les bassins de la Catalogne, du Júcar, du Segura et du Sur (classés comme déficitaires, voire très déficitaires en eau).

En réponse aux détériorations sociales (expropriations, main d'oeuvre immigrée en situation illégale et sous-payée, etc.) et environnementales (surexploitation et salinisation des aquifères, inondations de vallées, etc.), naît au début des années 1990 le mouvement Nouvelle Culture de l'Eau. Quant au PHN de 2001, il a, depuis son approbation, entraîné de nombreuses manifestations. Dès l'annonce du PHN en septembre 2000, des milliers d'habitants du delta de l'Èbre se sont regroupés spontanément dans un mouvement social appelé Plate-forme de défense de l'Èbre. Puis, le mouvement a gagné toute la Catalogne et l'Aragon et enfin l'ensemble du pays. [...] Ces manifestations prennent même un caractère européen avec la marche bleue contre le PHN qui [...] s'est terminée à Bruxelles le 9 septembre 2001 » 188 ( * ) .

Le dessalement de l'eau a été proposé comme une alternative, lors de la révision du plan national hydrologique. Neuf cent usines de traitement et de dessalement des eaux existent d'ores et déjà dans le pays dont la capacité de dessalement était évaluée à 2,8 % du captage national en 2011. Eu égard à son coût, cette solution ne pourrait contribuer que de façon limitée aux besoins futurs. Le traitement de l'eau offrirait davantage de perspectives, tout en nécessitant une hausse du prix de vente de l'eau traitée afin de faire face à la pénurie 189 ( * ) .

• Le financement et le prix de l'eau

Le financement de l'eau est complexe en Espagne, où chaque étape du cycle de l'eau (captation, distribution, traitement, planification) est gérée par une entité distincte, ce qui pourrait induire une perte d'efficacité et un manque de transparence 190 ( * ) . Les tarifs ne sont pas les mêmes d'une communauté autonome à une autre. En 2013, le coût unitaire du litre d'eau s'élevait à 2,73 euros par mètre cube en Murcie, contre un euro en Castille-et-Léon, tandis que la consommation journalière par habitant des particuliers atteignait, en 2013, 130 litres par personne, en baisse de 3,7 % par rapport à 2012, le prix moyen du mètre cube étant de 1,83 euro 191 ( * ) .

Dans ce domaine l'OCDE fait valoir que la consommation per capita des ménages, qui est d'ores et déjà l'une des plus élevées en Europe, pourrait continuer à croître faute d'augmentation des prix, et souligne que la consommation urbaine a été moins rapide dans les zones où les prix ont le plus augmenté 192 ( * ) .

Selon une autre étude publiée en 2010, l'effort (calculé en fonction du prix de l'eau et du revenu disponible par habitant) demandé aux Espagnols pour financer le service de l'eau représenterait 56 % de l'effort réalisé par les Européens. De même le coût du traitement des eaux usées pour les ménages est-il l'un des plus faibles de l'OCDE qui juge également souhaitable de limiter, dans l'agriculture, la facturation à la surface au profit d'une facturation fonction de la consommation. D'un point de vue général, il serait donc utile, selon la même source, que les prix reflètent les coûts, qu'il s'agisse des coûts afférents au prélèvement, à la consommation, au traitement ou aux services qui leurs sont associés 193 ( * ) .

Cependant, il serait utile, note l'OCDE, de diffuser les informations relatives au rapport qualité-prix dans le domaine de l'eau afin d'améliorer la qualité et de réduire les coûts 194 ( * ) .

D'aucuns s'appuient sur ces données pour estimer que le prix de l'eau devrait être augmenté de 79 %, ce qui permettrait un gain de 1,63 milliard d'euros, et encouragerait un usage plus économe. Selon l'étude dont procèdent ces chiffres, en effet, « Compte tenu des caractéristiques climatiques et des restrictions d'utilisation qui en découlent, il est incohérent que le prix de l'eau et l'effort de l'usager soient inférieurs [en Espagne] à la moyenne européenne » 195 ( * ) .

L'attribution des concessions pour l'exploitation de l'eau pourrait, selon l'OCDE, être utilement réalisée dans le cadre d'appels d'offres afin de permettre la perception de revenus et d'améliorer l'efficacité du mécanisme d'attribution, d'autant que la gestion des prélèvements sur les aquifères devrait, selon la même source, mieux prendre en compte le risque de surexploitation 196 ( * ) .

Quant au déversement des eaux usées dans le domaine public hydraulique, il fait l'objet d'une taxe de contrôle qui repose sur le principe « pollueur-payeur » (article 111 bis). En 1998, le Livre blanc sur l'eau en Espagne soulignait que cette redevance n'était cependant pas suffisamment efficace pour garantir la bonne qualité de l'eau des fleuves, d'autant que l'irrigation des sols était facturée non pas en fonction du volume d'eau consommé mais d'après la superficie cultivable, ce qui, ajouté au faible prix de l'eau en Espagne, n'incitait guère à limiter la consommation d'eau.

• Sécurité et qualité de l'eau

Les stations du Réseau officiel d'évaluation du débit (ROEA) contrôlent depuis 1912 la quantité d'eau. Ce réseau est complété par les Systèmes automatiques d'information hydrologique ( SAIH) et les Systèmes automatiques d'information sur la qualité des eaux ( SAICA ) 197 ( * ) .

Systèmes d'alerte en temps réel, les SAIH permettent la prévention et la gestion des crues. Bien que la pluviométrie ne soit pas abondante en Espagne, il arrive en effet que le pays souffre de graves inondations. Ce dispositif permet aussi d'anticiper les périodes de sécheresse, et de connaître plus précisément la qualité de l'eau et, de manière générale, la situation de chaque bassin. Les systèmes SAIH collectent des informations concernant le niveau et le débit des fleuves ainsi que le niveau d'eau stocké dans les barrages, permettant de prévoir le comportement des bassins. Les données collectées sont transmises par radio ou satellite. Chaque SAIH fonctionne de manière autonome dans chacune des confédérations hydrographiques.

Le SAICA a été mis en place par le ministère de l'Environnement entre 1993 et 1995. Ce réseau compte deux cents stations automatiques d'alerte qui transmettent de manière continue des informations concernant la qualité des eaux continentales superficielles au ministère et aux confédérations hydrographiques. Les stations sont situées dans des zones considérées comme sensibles, notamment en raison du fait qu'elles servent à approvisionner la population ou qu'elles sont protégées, et peuvent être exposées à la pollution urbaine, industrielle, ou due aux déchets.

PAYS-BAS

Comme le rappelle l'introduction de l'accord conclu entre les différents acteurs de la politique de l'eau néerlandais, « Nederlands is waterland », les Pays-Bas sont le pays de l'eau. L'eau revêt, en effet, une importance capitale : 60 % des activités économiques sont situées en zone inondable, qu'elles soient au-dessous du niveau de la mer (26 % du territoire) ou purement et simplement inondables (29 % du territoire), sans compter le fait que 100 000 personnes, sur les 17 millions qui composent la population totale, vivent dans des zones situées hors du périmètre protégé contre les inondations 198 ( * ) .

À la demande du président des agences de l'eau des Pays-Bas, l'OCDE a publié en 2014 un rapport sur les perspectives de la politique de l'eau, intitulé Water Governance in the Netherlands. Fit for the future ? Cette étude a été menée durant un an au cours duquel plus d'une centaine de personnes a été auditionnée. L'essentiel des informations figurant dans la présente note sont issues de document.

On examinera successivement :

- les acteurs, les instruments et les moyens de la politique de l'eau ;

- les grands traits de la politique de sécurité et la qualité des eaux ;

- enfin, les recommandations formulées par l'OCDE.

1. Les acteurs, les instruments et les moyens de la politique de l'eau

• Les acteurs

Six types d'entités publiques contribuent, à des degrés divers, à la mise en oeuvre de la politique de l'eau.

Le ministère des Infrastructures et de l'Environnement assure la coordination et la planification de la politique de l'eau et sa coordination avec les autres politiques (environnement, infrastructures...).

Rijkswaterstaat est l'agence publique qui, dotée de neuf mille collaborateurs, réalise sous le contrôle de ce ministère les travaux d'infrastructures (écluses, entretien des digues et des canaux...) que nécessitent la politique de l'eau et celle des transports routiers (autoroutes...).

Les douze provinces néerlandaises sont chargées de la planification de l'espace, de la gestion des eaux souterraines, de la création et du contrôle des agences de l'eau (voir infra ), auxquelles elles peuvent adresser des instructions par voie réglementaire (article 3.11 de la loi sur l'eau), ainsi que de la surveillance des dispositifs de protection contre les crues et de la délivrance d'autorisations de pompage des eaux souterraines.

Les vingt-trois agences de l'eau 199 ( * ) ( waterschappen ) gèrent les systèmes aquatiques et assurent la défense contre les inondations, ainsi que l'approvisionnement en eau et la préservation de sa qualité, outre le transport et le traitement des eaux usées. Le statut de ces entités de droit public est fixé par la loi, en vertu de l'article 133 de la Constitution du royaume, qui prévoit aussi que la création et la suppression de ces agences résultent de décisions des provinces qui en assurent le contrôle. Les agences de l'eau entretiennent 3 400 kilomètres de digues principales ( primaire waterkeringen ) et 14 000 kilomètres d'autres digues. Les organes de ces institutions, dont l'origine remonte au Moyen-Âge, sont composés de représentants des habitants et des parties prenantes concernées par la politique de l'eau, désignés pour quatre ans. Leur président est nommé par le roi pour six ans.

Les trois-cent-quatre-vingt-dix communes des Pays-Bas 200 ( * ) sont chargées de la planification spatiale sur leur territoire, de la collecte des eaux usées et de leur transport, de l'assainissement urbain et de la collecte des eaux pluviales.

Le « commissaire du Delta » ( deltacommissaris ), nommé par le roi pour sept ans renouvelables une fois 201 ( * ) , est chargé, sous l'autorité directe du ministre, en vertu de la loi sur l'eau qui détermine son statut, d'une mission stratégique tenant au suivi de l'ensemble de la politique de mise en valeur du delta ( deltaprogramma ) que constituent les Pays-Bas. La seconde phase de ce programme, en cours de réalisation, tend notamment à améliorer la sécurité, à mettre en place une stratégie soutenable pour la fourniture d'eau douce, à améliorer la gestion de la zone de l'Ijsselmeer, à protéger le delta Rhin-Meuse et à mettre au point un cadre pour la (ré)allocation des zones construites, eu égard au risque d'inondations.

Outre les lois et règlements en vigueur, les relations des pouvoirs publics font l'objet d'un accord administratif sur l'eau (bestuurs akkoord water) qui précise leurs engagements respectifs dans la mise en oeuvre et le financement de la politique de l'eau aux Pays-Bas. La plus récente version de ce document, mis à jour de façon périodique, date d'avril 2011.

• Les instruments

Le principal texte en la matière est la loi sur l'eau (waterwet) dans la rédaction qui résulte de modifications opérées en 2011, lesquelles ont été adoptées afin de réduire le nombre de législations spécifiques. Ce texte poursuit trois objectifs :

- prévenir et, si nécessaire, limiter les inondations, les dommages qu'elles occasionnent et la pénurie d'eau ;

- protéger et améliorer la qualité chimique et écologique des systèmes aquatiques ;

- et contribuer à l'accomplissement des fonctions sociales de ces systèmes 202 ( * ) .

Bien qu'elle considère qu'il est « aisé de travailler » grâce à la loi néerlandaise sur l'eau, l'OCDE estime que quelques incohérences subsistent, et notamment le fait que :

- les agences de l'eau ne peuvent plus contrôler les rejets d'eaux usées (égouts) alors même qu'elles sont responsables du traitement et de la qualité des eaux de surface ;

- « bien que le mantra soit la coopération entre les communes et les agences de l'eau pour réduire les coûts, on ne sait pas clairement qui est responsable de l'exécution et du financement des programmes conjoints » 203 ( * ) ;

- les agences de l'eau ont peu de prise sur la qualité et le volume des effluents, biens qu'elles aient des contacts avec les ménages et les entreprises qui les produisent ;

- faute d'un « oeil extérieur », l'application des normes relève de l'autorégulation.

La préparation d'une loi sur la planification environnementale, susceptible d'être votée en 2018, pourrait offrir, selon l'OCDE, l'occasion de parachever les progrès accomplis au cours de ces dernières années, afin de mieux prendre en compte la relation existant entre la gestion de l'eau et la planification spatiale.

Outre cet instrument législatif, plusieurs documents de planification sont actuellement élaborés périodiquement.

Au niveau national, tout d'abord, le ministère des Infrastructures et de l'Environnement, en vertu de l'article 4.1 de la loi sur l'eau, établit pour six ans un plan national de l'eau qui détermine les objectifs généraux à mettre en oeuvre pour une période donnée.

Les douze provinces établissent également leur propre document de planification en matière de politique de l'eau et participent, de même que les agences de l'eau, à la préparation des plans municipaux applicables aux eaux usées.

Selon l'OCDE, « La loi sur la planification écologique devrait remplacer tous ces plans stratégiques par un seul plan intégré, élaboré par le Gouvernement et les provinces, lequel inclurait les questions d'aménagement spatial, d'environnement, d'eau, de paysage, de culture, d'énergie et d'infrastructures » 204 ( * ) .

• Les moyens

Selon l'accord administratif sur l'eau d'avril 2011 205 ( * ) , le coût total annuel de la politique de l'eau, qui s'élevait à 7 milliards d'euros en 2010, pourrait atteindre, si aucune mesure de correction n'était prise, un montant compris entre 8 et 9 milliards d'euros en 2020. L'accord tend de ce fait à économiser environ 750 millions d'euros par an à cette date.

La loi sur l'eau a prévu la création d'un fonds particulier, le « fonds delta » (deltafond) , afin d'identifier les ressources affectées à la politique concernant l'ensemble du pays. Les moyens initialement prévus, soit 1 milliard d'euros par an de 2013 à 2028, ont été réduits à 600 millions d'euros par an 206 ( * ) .

Observant que les Pays-Bas disposent d'un « solide système de gestion des eaux doté d'un haut degré de protection contre les risques d'inondation » 207 ( * ) , l'OCDE estime cependant que, dans un contexte de croissance atone et de hausse du risque climatique, le coût du financement de ce dispositif suscite des interrogations.

Le coût total de la politique de l'eau aux Pays-Bas s'élevait, en 2012, à 6,67 milliards d'euros, répartis entre les agences de l'eau (42 %), les compagnies de distribution d'eau potable (21 %), les communes (20 %), l'État (15 %) et les provinces (2 %), comme le montre le tableau suivant.

RÉPARTITION DES DÉPENSES TOTALES RELATIVES À LA GESTION DE L'EAU
AUX PAYS-BAS EN 2012

(en millions d'euros)

Organismes de gestion de l'eau

Répartition des coûts

Coûts totaux
par institution

% des coûts
totaux

Ministère des Infrastructures et de l'Environnement

1 010

15 %

Provinces

136

2 %

Agences de l'eau (watershappen)

2 790

42 %

Communes

1 360

20 %

Compagnies de distribution d'eau potable

1 370

21 %

Total

6 670

100 %

Source : OCDE, Water Governance in the Netherlands. Fit for the future? , 2014, p. 206

Le maintien de la qualité de l'eau absorbait les deux-tiers des dépenses totales et reposait sur les agences de l'eau, les communes, les sociétés de distribution, tandis que la gestion de la qualité et du risque d'inondations ne représentait que 17 % et 14 % du total.

La répartition des dépenses par type et par institution pour 2012 figure dans le tableau ci-dessous.

RÉPARTITION DES DÉPENSES TOTALES PAR OBJECTIF ET PAR INSTITUTION
AUX PAYS-BAS EN 2012

(en millions d'euros)

Qualité
de l'eau

Gestion
du risque d'inondation

Gestion
de la qualité
et de la quantité d'eau

Autres

Total

Ministère des Infrastructures
et de l'environnement

273

650

50

37

1 010

Provinces

X

20

64

52

136

Agences de l'eau (watershappen)

1 467

270

992

62

2 790

Communes

1 360

X

X

X

1 360

Compagnies de distribution d'eau potable

1 370

X

X

X

1 370

Total

4 470

(67 %)

940

(14 %)

1 106

(17 %)

151

(2 %)

6 670

(100 %)

Source : OCDE, Water Governance in the Netherlands. Fit for the future? 2014, p. 207

Au vu de ces éléments, l'OCDE considère que la complexité du mode de gestion néerlandais de l'eau rend difficile de savoir « qui paie combien pour quel service » 208 ( * ) . Cependant, il s'avère, selon ses estimations, que 94 % des dépenses relatives à la qualité de l'eau et à la lutte contre la pénurie (gestion des quantités) seraient payées par les consommateurs, tandis que l'essentiel du coût de la protection contre les inondations est financé par l'État.

Le financement des agences de l'eau repose sur un système de taxation destiné à faire face :

- au coût du traitement de eaux usées, en fonction d'un « équivalent de la pollution » égal au volume moyen des polluants émis par les ménages et par les entreprises ;

- au coût du « maintien des pieds au sec » et de l'approvisionnement en eaux de surface acquitté par les propriétaires de biens fonciers (ménages et autres) ;

- et au coût des rejets des ménages et des entreprises dans les eaux de surface par biais d'une taxe.

Les agences de l'eau bénéficient aussi du concours d'une banque ad hoc , que l'OCDE qualifie de « modèle unique qui pourrait être intéressant pour d'autres pays désireux d'assurer un financement stable, prévisible et peu onéreux des investissements liés à l'eau » 209 ( * ) .

Pour ce qui concerne le coût de la fourniture d'eau potable, les prix variaient, en 2012, entre 1,09 et 2,07 euros par mètre cube.

Notamment du fait des changements climatiques, l'OCDE observe que, selon diverses études, plusieurs types de charges supplémentaires pourraient alourdir le coût de la politique de l'eau au cours des années à venir, comme le montre le tableau suivant.

ESTIMATION DES COÛTS FUTURS POSSIBLES DES RESSOURCES EN EAU

(en euros)

Coûts futurs:

Estimations

Eau potable

+ 66 millions entre 2010 et 2020

Qualité de l'eau

+ 7,1 milliards au total entre 2007 et 2027

Gestion locale des crues

+ 2,5 milliards au total entre 2015 et 2050 au titre du climat

+ 800 millions par an d'ici 2027 pour le traitement des eaux usées

Défense contre les inondations

+ 1,2 à 1,6 milliard d'euros au titre du Deltaprogramma

+ 100 à 300 millions par an pour l'usage récréatif des espaces côtiers

+ 1,1 à 1,2 milliard par an jusqu'en 2025 pour maintenir le risque d'inondation au niveau actuel

+ 0,9 à 1,2 milliard par an pour faire face à la montée du niveau de la mer (contre 700 millions en 2009)

Source : OCDE, Water Governance in the Netherlands. Fit for the future? , 2014, p. 230

Bien qu'elles n'aient qu'un caractère estimatif, ces données posent, d'après la même source, la question du financement des dépenses futures, de sorte que, selon l'OCDE, il convient notamment d'ores et déjà de :

- limiter les charges (notamment l'impact négatif du développement spatial sur la gestion de l'eau) ;

- appliquer le principe pollueur-payeur de façon systématique ;

- faire peser le coût de la gestion des eaux sur ses bénéficiaires ;

- accroître la transparence dans la répartition des coûts ;

- assurer des financements stables et non soumis aux fluctuations politiques pour les infrastructures nécessaires à la préservation de la sécurité ;

- et de poursuivre les économies d'échelle dans le traitement des eaux usées.

L'Organisation recommande aussi la mise en place de mécanismes d'évaluation indépendants des institutions chargées de la gestion des eaux.

2. La politique de sécurité et la qualité des eaux

On évoquera successivement la gestion des volumes d'eau (inondations et sécheresse) et la qualité des masses aquatiques.

• Inondations et sécheresses

La protection contre les inondations constitue une question majeure dans ce que les pouvoirs publics néerlandais qualifient de « delta le plus sûr du monde » (de best beveiligde delta ter wereld) 210 ( * ) .

Le risque encouru varie, selon les données de l'OCDE, entre une inondation tous les dix mille ans dans la Randstad , conurbation qui réunit Utrecht, Amsterdam, La Haye et Rotterdam - soit plus de sept millions d'habitants sur le quart du territoire - et une inondation tous les deux cent cinquante ans dans certaines parties du Limbourg.

Les mesures de mise en sécurité prises depuis la catastrophe de 1953, au cours de laquelle plus de 1 800 personnes avaient péri du fait d'une inondation, ont fait en sorte que, désormais, la population « ressent le risque d'inondation comme relativement faible » 211 ( * ) .

À côté du risque d'inondation, l'OCDE estime que le risque de manque d'eau pourrait se faire sentir « de façon significative » dans les années à venir à cause des changements climatiques (accroissement de la salinité due à l'entrée d'eau de mer, hausse des précipitations en hiver, sécheresse en été...) pouvant occasionner un manque à gagner de 700 millions d'euros à la fréquence d'une fois tous les dix ans, voire de 1,8 milliard d'euros une fois par siècle, en cas d'extrême sécheresse 212 ( * ) .

Dans le domaine de la gestion des risques, l'OCDE recommande d'accroître la conscience du risque d'inondation dans l'opinion publique, notamment pour influer sur certaines décisions, afin de limiter la vulnérabilité. À ce titre, elle estime qu'il conviendrait que, lors des transactions immobilières, les acheteurs soient informés des dangers afin que les prix de vente soient, entre autres, calculés d'après ce paramètre.

Constatant qu'un tiers des équipements de lutte contre les inondations ne sont pas conformes aux normes et que les gros consommateurs d'eau ne sont pas au courant des risques de pénurie, l'Organisation recommande d'informer la population de ces questions afin de la rendre consciente des enjeux. Dans le même esprit, elle suggère d'améliorer la perception collective de la valeur économique d'un écosystème de gestion des eaux douces « en bon état de marche » et, par conséquent, une évaluation économique du coût de l'absence de mesures destinées à améliorer la qualité de l'eau.

• Qualité des eaux

Selon l'OCDE, les objectifs fixés par la DCE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qui a certes été transposée par les Pays-Bas, n'ont pas été atteints en 2015, même si la qualité des eaux de surface est suffisante, exception faite de celles de la Meuse. De surcroît, même après la mise en oeuvre des mesures prévues par cette directive, on estime qu'au plus 40 % des systèmes aquatiques atteindront les objectifs fixés par ce texte.

Exception faite de la Meuse, si la qualité des eaux des rivières qui traversent le pays est suffisante, celle des surfaces gérées au niveau régional est insuffisante, plusieurs indicateurs tels que ceux issus de l'observation de la diversité des oiseaux (en voie de réduction) ou de la quantité de nitrates constituent des motifs de préoccupation. L'OCDE met cette situation en relation avec le fait que, bien que dotés d'une surface agricole de 19 100 km 2 , les Pays-Bas sont parmi les premiers exportateurs mondiaux de légumes, fruits, fleurs et viande, ce qui a une conséquence sur les quantités de nitrates et de phosphore 213 ( * ) dans l'eau.

De fait, seuls 3 % des 723 masses d'eau identifiées aux Pays-Bas sont considérées comme « naturelles » tandis que 55 % sont « artificielles » et 42 % « fortement modifiées ». Dans ces deux derniers cas, la DCE fixe respectivement pour objectif le rétablissement d'un « bon potentiel écologique » et d'un « bon état écologique ».

Il s'ensuit que, selon l'OCDE, « on ne peut ignorer le relativement faible niveau d'ambition pour atteindre les objectifs de bon état des eaux prévus par la directive, dans la mesure où 86 % des masses d'eau font l'objet de dérogations actuellement. Dans le futur, ceci pourrait être contesté par la Commission européenne. La justification des dérogations (en particulier dans le bassin du Rhin) a trait à la faisabilité technique, aux coûts disproportionnés que les mesures nécessaires entraîneraient et aux conditions naturelles (pollution historique), ainsi qu'au long délai nécessaire pour l'environnement résultant de l'anthropocène. C'est pourquoi le Gouvernement a fixé la date limite pour améliorer la qualité de l'eau à 2027 » 214 ( * ) .

Au total, l'Organisation estime que l'on assiste à une stagnation de l'amélioration de la qualité des eaux tant en ce qui concerne les quantités de nitrate, de phosphore et de pesticide que pour ce qui est du rétablissement des dynamiques naturelles.

Par contraste, il convient de relever qu'en ce qui concerne la transposition de la directive du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (91/271/CEE), les Pays-Bas font figure d'exemple en Europe, d'autant que l'application des dispositions de ce texte est, selon l'OCDE, un « prérequis » pour l'application de la DCE.

3. Les recommandations de l'OCDE

Au terme de son étude, l'OCDE estime que les Pays-Bas ont un « excellent palmarès » 215 ( * ) en matière de politique de l'eau dans plusieurs domaines.

• Efficacité et responsabilité

L'OCDE s'interroge sur la mesure dans laquelle les progrès réalisés en vertu de la loi sur l'eau pour affermir le contrôle des provinces sur les agences de l'eau sont de nature à garantir l'efficacité et la responsabilité (accountability) de la gestion de l'eau dans le pays 216 ( * ) .

Elle recommande également de limiter l'écart qui apparaît du fait que l'étendue d'un bassin hydrologique (les Pays-Bas en comptent quatre, eux-mêmes divisés en sept sous-bassins) ne correspond pas aux frontières administratives qui s'y rapportent, afin de résoudre deux sujets d'actualité :

- la fragmentation de la gestion des eaux usées entre les municipalités (pour la collecte) et les agences de l'eau (pour le traitement), d'une part ;

- et le degré d'intégration entre la fourniture d'eau potable (par des sociétés privées) et la gestion des eaux usées (par les communes et les agences de l'eau), d'autre part.

Tout en observant que ni la réduction ni l'accroissement du nombre de structures associées à la gestion de l'eau ne constituent un objectif en eux-mêmes, l'OCDE estime que toute réforme en la matière devrait reposer sur une évaluation pragmatique des réponses apportées à quatre questions 217 ( * ) :

- les municipalités exploitent-elles réellement les synergies potentielles entre la planification urbaine, le drainage et la collecte des eaux usées afin de fournir le meilleur service au meilleur prix ?

- les agences de l'eau gèrent-elles les services de traitement des eaux usées à la bonne échelle ?

- quelle est la valeur ajoutée du mode de gouvernance des agences de l'eau pour la gestion des services de traitement des eaux usées ?

- et quelle est la performance relative du modèle des agences de l'eau en ce qui concerne le traitement des eaux usées ?

Sur le plan financier, le même rapport s'interroge sur la gouvernance des agences de l'eau, observant que « le fait que les agences de l'eau soient des organismes démocratiques [...] dotés d'un pouvoir fiscal et de revenus affectés dérive de leur objectif initial de défense contre les inondations. Une telle gouvernance et un tel mode de financement sont moins appropriés pour investir dans des opérations de gestion des eaux usées » 218 ( * ) .

• Équité dans le paiement des coûts

En outre, le rapport souligne la question d'équité que soulève le fait que les bénéficiaires de certaines activités qui ont une incidence sur la gestion des eaux tels que les promoteurs de constructions en zone inondables ou les activités qui polluent l'eau douce n'assument pas les coûts correspondants, qu'il s'agisse des coûts de traitement des eaux ou de dépollution. Il conviendrait, indique-t-il, que des incitations économiques permettent de gérer de façon efficace aussi bien l'excès que la pénurie d'eau et la pollution.

Au vu de ces éléments, l'OCDE recommande :

- d'instituer un organisme de contrôle indépendant des coûts (observatoire national ou régulateur) afin de connaître les coûts de substitution (opportunity cost) et d'évaluer les performances financières ;

- de faciliter l'accès des parties prenantes à une information indépendante sur les coûts, les risques et les performances ;

- et de fournir une présentation harmonisée des dépenses de gestion de l'eau compte tenu des différents usages de celle-ci.

Dans le même esprit, l'Organisation estime souhaitable :

- d'instituer un dispositif de taxation des prélèvements d'eau afin de gérer les prélèvements, voire de conclure des accords de partage de l'utilisation de l'eau dans les zones soumises à un risque de pénurie ;

- et de réaliser une étude globale du coût économique de la pollution aquatique, afin d'adopter un équilibre cohérent entre agriculture et nature et de définir les instruments de lutte contre la pollution diffuse (impôts, échange de quotas...).

Dans une lettre du 17 mars 2014 à l'intention du Président de la Seconde Chambre des États généraux, homologue de l'Assemblée nationale française, le ministre des Infrastructures et de l'Environnement des Pays-Bas a formulé les réactions du Gouvernement néerlandais au rapport de l'OCDE. Estimant que ce document était « bon et utilisable » (goed en bruikbaar) , il considérait nécessaire de faire prendre conscience aux habitants du fait que, faute d'équipements de protection, 60 % du pays seraient immergés alors qu'y vivent neuf millions de personnes et qu'y sont produits 70 % du produit national brut. Il annonçait également que des efforts seraient faits en la matière aussi bien dans le cadre du « plan delta » qu'avec les signataires de l'accord administratif sur l'eau.

Relevant que l'OCDE avait noté la stabilité du financement de la politique de l'eau aux Pays-Bas, il annonçait son intention d'engager des discussions, avec les entités concernées, sur le financement de long terme du dispositif et la saisine du Conseil consultatif sur les relations financières, un organisme public d'évaluation indépendant.

Le ministre se déclarait également soucieux d'améliorer l'équilibre entre eau, construction et aménagement de l'espace, dans le cadre des procédures de planification nationales, régionales et locales.

Soulignant les progrès réalisés en matière de pollution aquatique, il indiquait sa volonté de limiter la pollution diffuse, tout en annonçant la publication d'indicateurs qui présenteraient une image moins pessimiste de la situation en la matière.

S'agissant de la possibilité d'introduire davantage de transparence au sujet du financement, le ministre renvoyait enfin aux travaux de la commission d'information sur la chaîne de l'eau.

ROYAUME-UNI

La fourniture des services d'eau et d'assainissement a été privatisée au Royaume-Uni en 1989. À cette occasion, les fonctions de distribution et celles de régulation ont été séparées, les premières étant confiées à des entreprises du secteur de l'eau titulaires d'une licence délivrée par les pouvoirs publics, les secondes à trois entités indépendantes créées à cette occasion : l'Autorité des Rivières nationales (National Rivers Authority) devenue aujourd'hui l'Agence pour l'environnement, l'Inspection de l'Eau potable (Drinking Water Inspectorate) et le Bureau des Services de l'eau (Office of Water Services) .

Il existe onze bassins en Angleterre et au Pays de Galles. Au Royaume-Uni, les ressources en zones humides sont importantes, avec notamment 400 000 kilomètres de rivières, près de 6 000 lacs d'une superficie de 2 000 kilomètres carrés, près de 1 000 kilomètres carrés de plaines inondables et environ 400 000 hectares d'autres zones humides telles que des marais, marécages ou lagunages 219 ( * ) .

Publié en 2009, le premier plan de répartition par bassins du pays a été révisé en 2015.

Selon le rapport d'activité 2014 de l'Inspection de l'Eau potable, publié en juillet 2015, il existe en Angleterre :

- 338 sources d'eau en surface ;

- 1 947 sources d'eau souterraines ;

- 1 176 sites de traitement des eaux ;

- 3 974 sites de stockage ;

- 316 199 kilomètres de conduites ;

- et 37 717 systèmes privés d'alimentation en eau.

Le Royaume Uni connaît du reste un déséquilibre entre le Sud et l'Est, plus peuplés, où les pluies sont relativement moins abondantes que dans le Nord et l'Ouest, moins densément peuplés, d'autant que se poursuit un mouvement d'urbanisation et de concentration de la population qui touche spécialement le grand Londres et le Sud-Ouest et pourrait nécessiter de nouveaux investissements 220 ( * ) .

En 2008, l'utilisation moyenne d'eau par jour et par personne, en Angleterre et au Pays de Galles, s'élevait à 150 litres 221 ( * ) . La consommation destinée à l'irrigation est globalement faible (2%), sauf dans certaines régions et à certaines périodes où elle peut égaler la distribution d'eau.

On examinera successivement :

- les acteurs, les instruments et les moyens de la politique de l'eau ;

- et la politique de sécurité et la qualité des eaux.

1. Les acteurs, les instruments et les moyens de la politique de l'eau

• Les acteurs

Plusieurs types d'entités, publiques et privées, participent à la mise en oeuvre de la politique de l'eau au Royaume-Uni.

Le ministère de l'Environnement, de l'alimentation et de l'agriculture (Department for Environment, Food and Rural Affairs) définit le cadre général de la politique de l'eau et de l'assainissement, ce qui inclut :

- l'édiction des normes ;

- la préparation de la réglementation ;

- et la délivrance d'autorisations.

L' Agence de l'Environnement (Environment Agency) est chargée de protéger et d'améliorer l'environnement. Créée en 1996, elle compte environ 10 600 collaborateurs. Ses compétences s'étendent :

- à la réglementation des industries et des déchets de grande importance ;

- au traitement des terres contaminées ;

- à la qualité des ressources en eau ;

- à la pêche ;

- à la navigation sur les rivières intérieures, dans les estuaires et dans les ports ;

- ainsi qu'à la préservation et à l'écologie.

Elle intervient également dans la gestion du risque de crue des principales rivières, des réservoirs, des estuaires et de la mer.

L' Autorité de Régulation des services de l'eau (Water Services Regulation Authority, Ofwat ) a été créée par la loi sur l'industrie de l'eau de 1991. Il s'agit d'une entité gouvernementale non ministérielle (non-ministerial government department) ayant pour mission de :

- protéger les intérêts des consommateurs ;

- s'assurer que les missions de distribution de l'eau et d'assainissement sont mises en oeuvre de façon satisfaisante dans toutes les régions d'Angleterre et du Pays de Galles ;

- veiller à ce que les activités autorisées par la licence attribuée à un distributeur d'eau sont correctement réalisée et que toute obligation imposée à celui-ci du fait de la délivrance de cette licence est respectée ;

- et d'atteindre l'objectif de résilience (resilience) entendue comme la « capacité à faire face à et à se remettre d'une perturbation, et à anticiper les tendances et les variations afin de maintenir les services pour les personnes et protéger l'environnement naturel aujourd`hui et dans le futur » 222 ( * ) .

Ces objectifs doivent être atteints de la façon que l'autorité jugera la plus appropriée afin de s'assurer :

- qu'il n'existe aucune préférence ou discrimination injustifiées dans la détermination des tarifs ;

- que l'on n'observe aucune préférence ou discrimination injustifiées (in)directe(s) de la part des entreprises en matière de fourniture de services ;

- que les intérêts des consommateurs sont protégés lorsque les compagnies des eaux vendent des terres ;

- et que les consommateurs sont protégés de toute activité non régulée d'une entreprise.

L'Autorité promeut aussi l'économie et l'efficacité des entreprises détentrices d'une licence, en contribuant au développement durable.

Les compagnies privées titulaire d'une licence , d'une durée limitée, dans le domaine de l'eau sont au nombre de trente-deux en Angleterre et au Pays de Galles 223 ( * ) , dont dix-huit constituant des monopoles régionaux fournissant soit des services en matière d'eau, soit des services aussi bien en matière d'eau qu'en ce qui concerne l'assainissement.

Il existe enfin des acteurs à l'échelle locale , qu'il s'agisse des collectivités territoriales (local government) ou de structures spécifiques à l'instar de celles chargées de la gestion des inondations (lead local flood authorities) .

• Les instruments

La législation anglaise se caractérise par plusieurs lois relatives à l'eau, qu'il s'agisse de la fourniture des services ou de la gestion des risques liés à l'eau. On évoquera ici, parmi ces textes, la loi sur l'industrie de l'eau de 1991 et celle sur l'eau de 2014.

La loi sur l'industrie de l'eau de 1991 (water industry act 1991) a créé l'Autorité de régulation de l'eau et a encadré les services de distribution d'eau et d'assainissement. Ce texte :

- détermine le régime de délivrance des licences attribuées aux fournisseurs, lesquelles sont valables pour une durée déterminée ;

- élabore les dispositifs de protection des consommateurs ;

- définit les obligations des entreprises de distribution de l'eau ;

- encadre les services d'assainissement ;

- et fixe les règles financières en la matière.

La loi sur l'eau de 2014 (water act 2014) a pour objectif :

- de réformer le marché de l'eau afin de le rendre plus innovant et plus sensible aux besoins des consommateurs, et d'améliorer les conditions de la fourniture d'eau en cas d'aléas naturels (sécheresse, crues...) ;

- de proposer des mesures pour permettre aux foyers soumis à un risque élevé d'inondation de souscrire des assurances ;

- et d'assurer une « transition douce » (smooth transition) vers un marché sans contraintes à long terme.

S'agissant du secteur de l'eau, les principales mesures ont visé à :

- permettre aux utilisateurs professionnels, associatifs ou publics de changer de fournisseur d'eau ou d'assainissement ;

- établir un accord transfrontalier avec l'Écosse ;

- autoriser les professionnels à fournir de nouvelles sources de services de distribution d'eau ou d'assainissement ;

- développer un réseau national de fournisseurs en facilitant l'achat et la vente d'eau entre les compagnies privées du secteur de l'eau ;

- permettre aux détenteurs de petites réserves d'eau de vendre leurs excédents au réseau public ;

- charger les ministres de fixer l'étiage auquel une entreprise d'eau doit envisager de faire face aux sécheresses ;

- permettre aux promoteurs et aux nouvelles entreprises de distribution d'eau et d'assainissement de raccorder les nouveaux projets immobiliers aux réseaux d'eau et d'évacuation ;

- améliorer les règles applicables au rapprochement des entreprises de traitement de l'eau ;

- et attribuer à l'Ofwat un nouveau rôle, transversal, pour mieux garantir le service à long terme et anticiper les changements nécessaires à l'amélioration de la régulation de l'industrie de l'eau.

• Les moyens

L'Ofwat est notamment chargée de la régulation des prix et de la protection des consommateurs. Elle détermine périodiquement le tarif maximal qu'une entreprise du secteur de l'eau peut facturer aux consommateurs. Lors de la détermination des prix pour 2015-2016, elle s'est attachée à :

- étudier les « business plans » qui lui ont été soumis par chaque entreprise du secteur de l'eau ;

- publier des guides à destination de ces entreprises au sujet des risques et des bénéfices, lesquels comprennent une proposition de montant du coût du capital inférieur à celui contenu dans les « business plans » ;

- préparer des projets de détermination des prix (draft determination) ;

- et fixer les limites de prix que les entreprises de l'eau ne peuvent excéder lorsqu'elles facturent le consommateur.

Pour la période 2014-2015, la facture moyenne nationale était de 396 £, soit environ 490 €. À l'horizon 2019-2020, l'objectif serait d'obtenir une baisse de 2%, ce qui aurait pour effet de porter la facture moyenne nationale à 376 £, soit environ 465 € 224 ( * ) .

Ce même document estime à 44 milliards de livres l'investissement soit 54,9 milliards d'euros, en matière d'amélioration des services, d'amélioration de la « résilience » (voir supra ) et de protection de l'environnement pour les cinq années de l'étude.

Le captage est facturé en fonction de la consommation dans l'agriculture, la distribution domestique et publique, et la production industrielle et énergétique. Le prix de vente au consommateur tient compte de la rareté, de la variation de coûts par rapport à l'importance de la licence, de la façon dont l'eau est consommée, de la source de distribution et de la périodicité de la licence 225 ( * ) .

2. La politique de sécurité et la qualité des eaux

On évoquera ici les mesures prises pour faire face aux inondations qui touchent périodiquement certaines parties du pays et à la sécheresse avant d'envisager la question de la qualité de l'eau.

• Inondations et sécheresses

En matière d'inondation

En Angleterre, près d'une propriété sur six court le risque d'être inondée.

L'article 7 de la loi sur la gestion des inondations et de l'eau de 2010 précise que l'Agence pour l'Environnement développe, entretient, applique et surveille la stratégie pour la gestion des risques en matière d'inondation et d'érosion côtière. Elle doit à ce titre :

- définir la stratégie de lutte contre les inondations en déterminant les autorités chargées de la gestion du risque et leurs fonctions en la matière, les objectifs et les mesures proposées pour les atteindre, les conditions et le rythme auxquelles elles doivent être mises en oeuvre, les coûts et bénéfices, la révision de la stratégie ou encore l'impact du changement climatique ;

- consulter les autorités, le public et, dans la mesure où ils sont concernés, les ministres compétents en la matière au Pays de Galles et en Écosse ;

- rendre publiques les orientations de la stratégie adoptée ;

- et rédiger des guides relatifs à l'application de cette stratégie.

Tout projet de stratégie ou de guide est soumis au ministre compétent, qui peut l'approuver, le modifier ou le rejeter. En cas d'accord, ce projet est déposé devant le Parlement.

Au niveau local, des autorités compétentes en matière de lutte contre les inondations (lead local flood authority) développent, entretiennent, appliquent et surveillent la mise en oeuvre de la stratégie relative à la gestion des risques en matière d'inondation pour leur zone géographique. Elles doivent en particulier établir et tenir à jour un registre des structures et des éléments susceptibles d'avoir un effet significatif sur un risque d'inondation dans la région et enregistrer les informations qui y sont relatives, notamment leur propriétaire (article 21 de la loi précitée).

À l'échelle régionale, des comités régionaux compétents en matière d'inondations et de questions touchant aux côtes réunissent des membres des « lead local flood authorities » et des membres indépendants dotés d'une expertise en la matière afin de :

- s'assurer de la cohérence des projets mis en oeuvre pour identifier, informer le public, et gérer les risques d'inondation et d'érosion côtière ;

- encourager la réalisation d'investissements efficaces, ciblés et prenant en compte les risques d'inondation et d'érosion côtière, lesquels offrent tant un bon rapport qualité-prix que des bénéfices aux collectivités locales ;

- et servir de lien entre l'Agence pour l'Environnement, les « lead local flood authorities » , les autres autorités chargées de la gestion des risques et toute autre entité appropriée afin de favoriser une meilleure compréhension des risques d'inondation et d'érosion côtière dans la région.

Le rapport Comprendre les risques, autonomiser les collectivités, construire la résilience , rédigé en application de la loi de 2010 précitée présente les objectifs de la gestion du risque d'inondation et d'érosion côtière et la manière de les atteindre. Il s'agit en la matière de :

- comprendre les risques d'inondation et d'érosion côtière, travailler en commun pour mettre en place des projets à long-terme afin de les gérer et s'assurer que les autres projets les prennent en compte ;

- empêcher la réalisation de projets immobiliers dans les zones concernées par un risque d'inondation ou d'érosion côtière et être vigilant dans la gestion des terres partout ailleurs afin d'empêcher une augmentation des risques ;

- construire, entretenir et améliorer les infrastructures et systèmes de gestion des inondations et de l'érosion côtière pour réduire la probabilité des dommages aux personnes, à l'économie, à l'environnement et à la société ;

- augmenter la conscience collective du risque qui demeure et s'engager auprès des personnes menacées par les inondations afin de les encourager à mieux gérer les risques auxquels elles s'exposent et à rendre leur propriété plus « résiliente » ;

- et enfin améliorer la gestion des inondations.

En matière de sécheresse

L'Agence pour l'Environnement a publié en 2015 un rapport sur le risque de sécheresse en Angleterre, où trois types de pénurie sont susceptibles de survenir, ensemble ou séparément : la sécheresse environnementale, la sécheresse agricole et la sécheresse par manque de fourniture d'eau.

La sécheresse est considérée comme une « urgence civile » (civil emergency) inscrite au registre des risques nationaux des urgences civiles 2015. Interviennent en premier lieu pour gérer les cas de sécheresse :

- l'Agence pour l'Environnement, qui assure la surveillance stratégique et prend en charge la surveillance, le signalement, le conseil et les actions destinés à réduire l'impact d'une sécheresse sur l'environnement et les utilisateurs d'eau ;

- les entreprises du secteur de l'eau, qui gèrent la fourniture d'eau pour leurs clients et prennent les mesures pour maintenir celle-ci tout en minimisant l'impact environnemental ;

- et le Gouvernement qui met en oeuvre des politiques liées aux ressources en eau.

Toutes les entreprises du secteur de l'eau sont tenues de disposer d'un « plan sécheresse » décrivant les actions qu'elles mettront en oeuvre, le cas échéant. La plupart de ces documents font référence à un large éventail de mesures destinées à réduire le risque de sécheresse et à assurer la continuité de l'approvisionnement.

Il en va ainsi des procédures permettant une meilleure flexibilité dans la gestion des ressources aquatiques en cas de pénurie exceptionnelle d'eau. Tel est le cas des « permis de sécheresse » (drought permits) et des « ordres de sécheresse » (drought orders) .

Les entreprises du secteur de l'eau peuvent demander un « permis de sécheresse » auprès de l'Agence pour l'Environnement, qui les autorise à capter de l'eau dans certaines sources ou à modifier ou suspendre les obligations contenues dans la licence de prélèvement d'eau qui leur a été attribuée.

Les « ordres de sécheresse » sont, quant à eux, établis par le ministre. Ils vont plus loin que les « permis de sécheresse » car ils portent sur les rejets d'eau ainsi que sur les autres prélèvements et rejets de l'entreprise en question. Ils autorisent également les entreprises à interdire ou limiter l'utilisation de l'eau par les consommateurs.

• Qualité des eaux

La Royal Geographical Society notait, en 2012, dans une étude qu'elle consacrait aux défis de la politique de l'eau, une détérioration de la qualité de la ressource tirée des nappes phréatiques pour la consommation humaine au Royaume-Uni, tandis qu'en Ecosse 64 % des eaux de surface et 76 % des eaux souterraines étaient considérées comme de bonne qualité 226 ( * ) .

L'inspection de l'eau potable (drinking water inspectorate) a été créée en 1990 afin d'assurer de façon indépendante la sûreté de l'approvisionnement en eau en Angleterre et au Pays de Galles et la qualité de l'eau potable pour les consommateurs.

L'eau est testée au quotidien par les entreprises qui la distribuent. Les inspecteurs de l'eau potable vérifient, quant à eux, ces tests de façon indépendante et évaluent les performances des laboratoires des entreprises concernées. Lorsque les résultats ne répondent pas aux normes en vigueur, les inspecteurs sont en droit d'exiger d'une entreprise qu'elle procède aux améliorations nécessaires pour assurer la qualité de l'eau potable. Les inspecteurs effectuent également des vérifications sur place pour s'assurer que ce travail d'amélioration est réalisé à temps.

En 2014, les entreprises de distribution d'eau ont réalisé plus de 3,8 millions de tests en Angleterre, tant lorsque l'eau arrive à son point de distribution que lorsqu'elle quitte le système de traitement ou un réservoir de stockage. Il en est résulté que 0,04 % des échantillons ne respectaient pas les normes en vigueur ce qui correspond à une nette amélioration par rapport à la fin du XX e siècle, époque à laquelle le même indicateur variait, selon les régions du pays, entre 1,5 et 2 %.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Sophie Auconie , ancienne députée européenne, gouverneure au Conseil mondial de l'eau

Bernard Barraqué , directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Michel Dantin , député européen député européen, maire de Chambéry, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée

Jean Launay , député du Lot, président du Comité national de l'eau

Serge Lepeltier , ancien ministre de l'écologie, président de l'Académie de l'eau

Michel Lesage , député des Côtes d'Armor, auteur d'un rapport d'évaluation de la politique de l'eau en France

Anne-Marie Levraut , ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts, auteure d'un rapport d'évaluation de la politique de l'eau

Ghislain de Marsily , membre de l'Académie des sciences, professeur émérite à l'Université Pierre-et-Marie-Curie

Rémy Pointereau , sénateur du Cher

Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement (Astee)

Pierre-Alain Roche , président du conseil d'administration

Direction de l'eau et de la biodiversité - Ministère de l'environnement

François Mitteault , directeur

Jean-Baptiste Butlen , sous-directeur de l'action territoriale et de la législation de l'eau par intérim

Daniel Berthault , chef du bureau Eaux souterraines et ressources en eau

Aurélie Carroget , chargée de mission Eau et changement climatique

Électricité de France

Alain Vicaud , directeur de l'environnement et de la prospective de la division production nucléaire

Antoine Badinier , directeur délégué de la division production & ingénierie hydraulique

Véronique Loy , directrice adjointe des affaires publiques

Fédération française de Canoë-Kayak (FFCK)

Vincent Hohler , président

Philippe Graille , directeur général

Bernard Lalanne , directeur du développement et de la communication

Fédération nationale de la pêche en France et de la protection du milieu aquatique (FNPF)

Hamid Oumoussa , directeur général

Jacques Fouchier , administrateur

Jérôme Guillouët , responsable du service technique

Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Tristan Mathieu , délégué général

Frédéric Blanchet , membre de la commission scientifique et technique

France Hydro Électricité

Anna Pénalba , présidente

Jean-Marc Lévy , délégué général

France Nature Environnement (FNE)

Bernard Rousseau , administrateur et responsable du pôle « Ressources en eau et milieux naturels aquatiques »

Marine Le Moal , coordinatrice du réseau Eaux et milieux aquatiques

Jeunes agriculteurs

Guillaume Darrouy , administrateur national chargé des dossiers sur l'eau

Ulrike Jana , conseillère environnement

Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc)

Nicolas Bériot , secrétaire général

Éric Brun , chargé de mission

Office international de l'eau

Jean-François Donzier , directeur général

Suez Eau France

Igor Semo , directeur des relations institutionnelles

Joëlle de Villeneuve , directrice marketing, développement durable et communication

Déplacement à l'Agence de l'eau Adour-Garonne
15 et 16 juillet 2015

Agence de l'eau Adour-Garonne

Laurent Bergeot , directeur général

Franck Solacroup , directeur du département Ressources en eau et milieux aquatiques

Mathias Daubas , responsable de l'unité Gestion des ressources

Pierre Marchet , expert Eaux souterraines

Association climatologique de la Moyenne Garonne et du Sud-Ouest

Jean-François Berthoumieu , directeur

Institut de la filtration et des techniques séparatives (IFTS)

Vincent Edery , directeur général

Déplacement au Centre de recherche et d'innovation de Veolia
7 décembre 2015

Bruno Tisserand , directeur du programme Villes

Marie-Thérèse Suart-Fioravante , directeur des relations institutionnelles

Philippe Bréant , directeur du département Projets

Nathalie Vigneron-Larosa , chef de projets

Santosh Philip Abraham , directeur - Veolia recherche et innovation

Emmanuel Soyeux , chef de projets R&D senior

Isabelle Saudrais , ingénieur-chercheur dans le traitement des eaux usées

Sylvain Chastrusse , technicien

David Benanou , expert en chimie analytique

Pierre Lavaud , chercheur en instrumentation Eau potable ressource

Mamadi Haidara , chargé de mission à la direction des affaires publiques

Déplacement au Centre international de recherche sur l'eau et l'environnement (Cirsee) de Suez environnement
9 décembre 2015

Carlos Campos , directeur du Cirsee

Igor Semo , directeur des relations institutionnelles - Suez Eau France

Anne Gourault , directrice déléguée aux relations institutionnelles France - Suez environnement

Cathy Feray , directrice du laboratoire Lab'Eau

Virginie Lellu , responsable des développements de méthode et administratrice du système informatique LIMS au Lab'Eau

Zdravka Do Quang , responsable du pôle Analyse, capteurs et applications

Mar Esperanza , responsable du laboratoire d'expertise

Jérôme Enault , ingénieur de recherche Évaluation des risques sanitaires

Farrokh Fotoohi , directeur général Smart solutions - Ondeo Systems

Bénédicte Nozières , responsable qualité service Client Smart - Smart solutions - Ondeo Systems

Déplacement à l'Agence de l'eau Seine-Normandie
16 décembre 2015

Michèle Rousseau , directrice générale

Louis Hubert , directeur de la stratégie territoriale

Sarah Feuillette , chef du service Prévisions, évaluation, prospective et développement durable

Déplacement à Bruxelles
10 et 11 février 2016

EurEau, Fédération européenne des associations nationales de service d'eau et d'assainissement

Bruno Tisserand , directeur du programme Villes, président - EurEau Veolia

Sarah Mukherjee , membre du Comité exécutif, directrice de l'environnement de Water UK

Bertrand Vallet , responsable de secteur

Bureau européen de l'environnement (BEE)

Faustine Bas-Defossez , responsable Agriculture et bioénergie

Balázs Horváth , responsable Eau et sols

WWF Union européenne

Geneviève Pons , directrice

Martina Mlinaric , chargée de mission

Commission européenne - DG Agriculture et développement rural (AGRI)

Josefine Loriz-Hoffmann , directrice de la direction F, chargée des programmes de développement rural

Mariusz Stefan Migas , chef d'unité

Alexandra Catalão , gestionnaire de programmes, Politiques de l'UE

Commission européenne - DG Environnement (ENVI)

Jorge Rodriguez Romero , chef d'unité, direction C1 qualité de vie, eau et air

Lourdes Alvarellos , chargée de mission

Alia Atitar de La Fuente , chargée de mission

GLOSSAIRE

Atténuation

Initiatives et mesures prises pour limiter l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique provoquant le dérèglement climatique.

Adaptation

Initiatives et mesures prises pour réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains aux effets des changements climatiques, réels ou prévus.

Aquifère

Formation géologique souterraine de roches poreuses ou fissurées, dans laquelle l'eau peut s'infiltrer, s'accumuler et circuler. Le mot aquifère désigne à la fois le contenant (les roches) et son contenu (l'eau).

Bassin versant

Le bassin versant se définit comme l'aire de collecte considérée à partir d'un exutoire, limitée par le contour à l'intérieur duquel se rassemblent les eaux précipitées qui s'écoulent en surface et en souterrain vers cette sortie. Aussi dans un bassin versant, il y a continuité : longitudinale, de l'amont vers l'aval (ruisseaux, rivières, fleuves) ; latérale, des crêtes vers le fond de la vallée ; verticale, des eaux superficielles vers des eaux souterraines et vice versa. Les limites des bassins versants sont les lignes de partage des eaux superficielles.

Biodiversité

Contraction de biologique et de diversité, la biodiversité représente la diversité des êtres vivants et des écosystèmes : la faune, la flore, les bactéries, les milieux mais aussi les races, les gènes et les variétés domestiques. Les humains appartiennent à une espèce - Homo sapiens - qui constitue l'un des maillons de cette diversité biologique.

Mais la biodiversité va au-delà de la variété du vivant. Cette notion intègre les interactions qui existent entre les différents organismes précités, tout comme les interactions entre ces organismes et leurs milieux de vie. D'où sa complexité et sa richesse.

Convention d'Aarhus

Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, négociée au sein de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies et signée le 25 juin 1998 à Aarhus (Danemark) par 39 pays, dont la France, et par l'Union Européenne.

COP

La Conférence des Parties (COP ou CDP) instituée lors de l'adoption de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) au Sommet de Rio en 1992 est l'organe suprême de la Convention et réunit toutes les parties à la Convention, soit les 195 pays qui l'ont ratifiée.

Elle se réunit tous les ans pour faire le point sur l'application de la Convention, adopter des décisions qui élaborent davantage les règles fixées et négocier de nouveaux engagements.

Les principaux sujets de discussion depuis Bali (2007) sont l'atténuation, l'adaptation, le financement, les transferts de technologie et la transparence.

La « responsabilité commune mais différenciée », reconnaissant la responsabilité historique des émissions de GES des pays développés dans le dérèglement climatique est une problématique transversale à toutes les composantes de la négociation.

Dérèglement climatique

Le dérèglement climatique désigne une variation statistiquement significative de l'état moyen du climat ou de sa variabilité, persistant pendant de longues périodes. Le dérèglement climatique peut être attribué aux activités humaines altérant la composition de l'atmosphère, et à des causes naturelles.

Écosystème

Complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une unité fonctionnelle.

Empreinte écologique

Indicateur exprimant la demande de ressources naturelles de la part de l'humanité.

Étiage

Période pendant laquelle le niveau d'un cours d'eau est le plus bas. En période estivale, l'étiage correspond à une sollicitation forte pour l'irrigation. L'hiver est également une période d'étiage pour les cours d'eau de montagne ponctionnés pour l'hydroélectricité, les canons à neige...

Évapotranspiration

Effet cumulé de l'évaporation directe de l'eau des sols - passage de l'état liquide à l'état vapeur dans l'atmosphère - et de la transpiration de l'eau par la végétation. L'évaporation se traduit directement sur les plans d'eau ou sur les sols humides, la transpiration se fait par les feuilles, soit directement à partir de la pluie qu'elles ont interceptée et assimilée, soit par l'intermédiaire de l'extraction racinaire de l'eau du sol.

Gaz à effet de serre (GES°

Constituants gazeux de l'atmosphère, tant naturels qu'anthropiques, qui absorbent et réémettent le rayonnement infrarouge.

Pollution diffuse

Les pollutions diffuses font suite à l'entraînement des produits épandus sur les parcelles vers les eaux souterraines et superficielles, sans qu'il y ait, à proprement parler, faute de l'utilisateur.

Stress hydrique

Situation résultat d'un manque d'eau de qualité satisfaisante et en quantité suffisante pour satisfaire les besoins humains et ceux de l'environnement. Le stress hydrique est notamment atteint si une population dispose de moins de 1 000 mètres cubes d'eau par habitant et par an pour l'ensemble de ses usages. On parle de pénurie si elle peut accéder à moins de 500 mètres cubes d'eau par habitant et par an.

TABLEAU DES SIGLES UTILISÉS

ACMG

Association climatologique de la Moyenne-Garonne

ANSES

Agence nationale de sécurité sanitaire

de l'alimentation, de l'environnement et du travail

ASTEE

Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement

CEREMA

Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et

CGAAER

Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux

CGEDD

Commissariat général de l'environnement et du développement durable

CNE

Comité national de l'eau

CNRS

Centre national de la recherche scientifique

DCE

Directive cadre européenne sur l'eau 2000/60 du 23 octobre 2000

DOE

Débit d'objectif d'étiage

DREAL

Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement

EPTB

Établissement public territorial de bassin

FFCK

Fédération française de canoë-kayak

FNE

France nature environnement

FNPF

Fédération nationale de la pêche en France et de la protection du milieu aquatique

GEMAPI

Gestion de l'eau et des milieux aquatiques et prévention des inondations

GIEC

Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat

ICU

Îlot de chaleur urbain

INRA

Institut national de la recherche agronomique

IRSTEA

Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (ex-Cemagref)

LEMA (LOI)

Loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques

MAAF

Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

MAPAM / MAPTAM
(LOI)

Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles

NOTRE (LOI)

Loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République

ONEMA

Office national de l'eau et des milieux aquatiques

OUGC

Organisme unique de gestion collective

PNACC

Plan national d'adaptation au changement climatique

SAGE

Schéma d'aménagement et de gestion des eaux

SDAGE

Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux


* 173 Ministerio de medio ambiente y medio rural y marino, « Sistema Automático de Información Hidrológica. El programa S.A.I.H. Descripción y funcionalidad. El presente y el futuro del Sistema », p. 1.

* 174 Fuentes (2011), « Policies Towards a Sustainable Use of Water in Spain », OCDE, Economics Department Working Papers, n° 840, p. 5. Selon ce document, l'Espagne occupait en 2006 la 5 e place dans le classement à raison de la consommation d'eau issue de captage, et par tête parmi les membres de l'OCDE, derrière les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l'Australie.

* 175 Libro blanco del agua en España. Documento de Síntesis, décembre 1998, p. 2-3.

* 176 Fuentes (2011), art. cit. p. 6-9.

* 177 Instituto Nacional de Estadística, Notas de prensa, 1 de octubre de 2015, p. 6.

* 178 Antonio Gil Olcina, Conflictos autonómicos sobre trasvases de agua en España, Investigaciones geograficas, p. 13.

* 179 Sylvie Clairmont, « L'évolution des politiques française et espagnole de l'eau. Entre directives communautaires et décentralisation administrative » dans Économie rurale, 309 (2009), p. 38.

* 180 Real decreto legislativo 1/2001 del 20 de julio por el que se aprueba el texto refundido de la Ley de Aguas.

* 181 Les références entre parenthèses dans le texte infra renvoient à ce texte, sauf indication contraire.

* 182 Article 149-1-22 de la Constitution espagnole.

* 183 Fuentes (2011), art. cit. p. 16.

* 184 S. Clairmont, « L'évolution des politiques françaises et espagnole de l'eau... », art. cit. p. 43.

* 185 S. Clairmont, art. cit. p. 46.

* 186 Albert Martínez Lacambra et al. « La financiación del ciclo del agua en España. Problematica y retos de futuro » dans Presupuesto y gasto público, 57 (2009), p. 55.

* 187 Fuentes (2011), art. cit. p. 11-12.

* 188 Marie François, « La pénurie d'eau en Espagne : un déficit physique ou socio-économique ? » dans Géocarrefour, 81/1 (2006), p. 6-7.

* 189 Ambassade de France en Espagne, Service pour la science et la technologie, « Le dessalement de l'eau de mer en Espagne : un secteur en réorientation », juillet-août 2014, p. 2. et Fuentes, (2011), art. cit. p. 10.

* 190 Albert Martínez Lacambra et al. « La financiación del ciclo del agua en España. Problemática y retos de futuro » dans Presupuesto y gasto público, 57 (2009), p. 55-56.

* 191 Instituto Nacional de Estadística, Notas de prensa, 1 de octubre 2015, p. 1.

* 192 Fuentes (2011), art. cit. p. 16 et 18.

* 193 Idem , p. 18 et 19.

* 194 Idem, p. 21.

* 195 A. Martínez Lacambra et al., art. cit. p. 63 et 64.

* 196 Fuentes (2011), art. cit. p. 23.

* 197 Sur ces systèmes, v. Ministerio de medio ambiente y medio rural y marino, Sistema automático de Información Hidrológica. El programa S. A.I.H. Descripción y funcionalidad. El presente y el futuro del sistema.

* 198 OCDE, Water Governance in the Netherlands. Fit for the future?, 2014, p. 53.

* 199 Depuis le 1 er janvier 2014, cf. Vater in beeld, p. 16.

* 200 Au 1 er janvier 2016.

* 201 Article 3.6a de la loi sur l'eau.

* 202 Article 2.1 de la loi sur l'eau.

* 203 OCDE, rapport précité, p. 102.

* 204 OCDE, rapport précité, p. 107.

* 205 Bestuurs akkoord water, April 2011, p. 5.

* 206 OCDE, rapport précité, p. 85.

* 207 OCDE, rapport précité, p. 143.

* 208 OCDE, rapport précité, p. 207.

* 209 OCDE, rapport précité, p. 211.

* 210 Bestuurs akkoord water, april 2011, p. 18.

* 211 OCDE, rapport précité, p. 55.

* 212 OCDE, rapport précité, p. 57.

* 213 OCDE, rapport précité, p. 64-65.

* 214 OCDE, rapport précité, p. 93.

* 215 OCDE, rapport précité, p. 19.

* 216 OCDE, rapport précité , p. 33.

* 217 OCDE, rapport précité, p. 120.

* 218 OCDE, rapport précité, p. 22.

* 219 Royal Geographical Society, Water policy in the UK. The challenges, Londres, 2012, p. 7.

* 220 Id. , p. 3, 22 et 23.

* 221 Id., p. 15.

* 222 Dans son rapport de décembre 2015, le groupe de travail de l'Ofwat sur la « résilience » retient la définition suivante : « Resilience is the ability to cope with, and recover from, disruption, and anticipate trends and variability in order to maintain services for people and protect the natural environment now and in the future » (p. 4).

* 223 Selon le site Internet de l'Ofwat.

* 224 Ofwat, Setting price controls for 2015-20. Overview, décembre 2014, p. 14.

* 225 OCDE, Water resources allocation. United Kingdom, 2015, p. 1.

* 226 Royal Geographical Society , op. cit., p. 9.

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