PREMIÈRE PARTIE : UN EFFORT BUDGÉTAIRE IMPORTANT POUR UN DISPOSITIF UNIVERSEL VISANT DEUX OBJECTIFS

I. UN CRÉDIT D'IMPÔT POUR L'ENSEMBLE DES ENTREPRISES, INTRODUIT PAR VOIE D'AMENDEMENT

A. LE RAPPORT GALLOIS, ÉTAT DES LIEUX D'UN MANQUE DE COMPÉTITIVITÉ DÉBOUCHANT SUR DES PROPOSITIONS DISCUTABLES

Dans sa lettre de mission adressée au Commissaire général à l'investissement en 2012, le Premier Ministre dresse un bilan de la situation industrielle de la France et indique qu' « il ne peut y avoir d'économie forte sans industrie forte ». Il entend ainsi donner « un nouvel élan à l'industrie française ».

Le rapport rédigé par Louis Gallois a confirmé le diagnostic porté sur la situation de l'industrie française, et la nécessité d'une intervention publique. Le commissaire général à l'investissement préconisait alors un « choc de compétitivité ».

La quatrième proposition du rapport Gallois était ainsi formulée : « créer un choc de compétitivité en transférant une partie significative des charges sociales jusqu'à 3,5 SMIC - de l'ordre de 30 milliards d'euros, soit 1,5 % du PIB - vers la fiscalité et la réduction de la dépense publique. Ce transfert concernerait pour 2/3 les charges patronales, et pour 1/3 les charges salariales. »

Si cette proposition du rapport Gallois est discutable, la présentation du CICE montre que le dispositif retenu est sensiblement éloigné des préconisations du rapport Gallois.

B. UN CRÉDIT D'IMPÔT DESTINÉ AUX ENTREPRISES, ASSIS SUR LA MASSE SALARIALE INFÉRIEURE À 2,5 FOIS LE SMIC

1. Un dispositif pour deux objectifs

La création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) dans la troisième loi de finances rectificative pour 2012 1 ( * ) constituait le premier volet du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi . Si le rapport Gallois s'attachait à la question de la compétitivité, le Gouvernement affirme viser à travers le CICE deux objectifs : la compétitivité et l'emploi. L'exposé des motifs qui accompagnait l'amendement du Gouvernement à la loi de finances rectificative pour 2012 précisait ainsi : « première décision du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi présenté par le Premier ministre à l'issue du séminaire gouvernemental le 6 novembre, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) vise à donner aux entreprises les moyens de redresser la compétitivité de la production française et à soutenir l'emploi. Il répond pleinement à la problématique de la compétitivité coût qui participe de la perte de compétitivité de notre pays. Il donnera aussi aux entreprises un ballon d'oxygène pour investir et innover, au service de leur compétitivité hors coût. »

Dans sa communication, le Gouvernement a régulièrement insisté sur les deux objectifs attribués à ce dispositif. Pourtant, les économistes se montrent dubitatifs à l'égard de politiques publiques visant à atteindre deux objectifs distincts à l'aide d'un seul instrument . Il n'est pas certain qu'un même outil soit pertinent pour soutenir les deux objectifs donnés.

2. Le fonctionnement du CICE

En vigueur depuis le 1 er janvier 2013, le CICE prend la forme d'une réduction de l'impôt à acquitter en année n au titre de l'exercice n-1. Ce crédit d'impôt est codifié aux articles 244 quater C, 199 ter C, 220 C et 223 O code général des impôts , ainsi qu'à l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales 2 ( * ) .

Défini à l'article 244 quater C du code général des impôts, le CICE est un avantage fiscal qui concerne les entreprises employant des salariés, soumises à un régime réel d'imposition (ce qui exclut les micro-entreprises et les auto-entrepreneurs), quels que soient leur forme et le régime d'imposition de leur résultat, qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés.

L'assiette de ce crédit d'impôt est constituée par les rémunérations brutes soumises aux cotisations sociales (masse salariale), versées par les entreprises dans la limite de 2,5 fois le salaire minimum en vigueur (smic). Son taux, qui était de 4 % des rémunérations versées au titre de l'année 2013 qui a vu le lancement du CICE, est passé à 6 % à partir du 1 er janvier 2014.

Selon les dispositions des articles 199 ter C et 220 C du code général des impôts, le CICE est imputé sur l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été versées. La partie n'ayant pas trouvé à s'imputer est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période.

La créance de CICE est néanmoins remboursable l'année même de sa constitution dans certains cas : les PME au sens de la réglementation communautaire, les entreprises nouvelles 3 ( * ) répondant à certaines conditions, les jeunes entreprises innovantes (JEI) et les entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation ou de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire 4 ( * ) .

Les entreprises déclarent le CICE via une déclaration spéciale n° 2079-CICE-SD.

La liquidation de l'impôt sur les sociétés

L'impôt sur les sociétés (IS) est liquidé de la manière suivante :

- étape 1 : l'IS brut au titre de l'exercice est calculé (il faut totaliser les montants de l'IS au taux normal, de l'IS à taux réduit, de l'impôt sur les plus-values nettes et de l'IS à un taux particulier) ;

- étape 2 : les créances fiscales de l'exercice qui sont imputables et non restituables au titre de l'exercice sont imputées sur l'IS brut déterminé à l'étape 1 ;

- étape 3 : les créances fiscales de l'exercice qui sont reportables au titre de l'exercice sont imputées sur l'IS brut dû après imputation des créances non restituables déterminé à l'étape 2, le CICE faisant partie des créances fiscales qui sont reportables au titre de l'exercice ;

- étape 4 : les créances fiscales de l'exercice qui sont restituables sont imputées sur l'IS brut dû après imputation des créances reportables déterminé à l'étape 3 ;

- étape 5 : l'IS dû après imputation des créances restituables déterminées à l'étape 4 est comparé aux acomptes versés. Si l'IS dû excède les acomptes versés, la différence constitue le solde à payer. Dans le cas contraire, on constate un excèdent d'IS qui, en principe, donne lieu à une restitution.

Source : réponse du ministère du budget au questionnaire budgétaire

3. Un dispositif nécessairement universel, du fait du cadre juridique européen

Le CICE s'adresse à l'ensemble des entreprises, sans distinction de taille ou de secteur d'activité. Un dispositif ciblé aurait été pertinent afin de garantir une allocation optimale des montants engagés sur l'objectif retenu de compétitivité. Ainsi, cibler uniquement le secteur industriel pour un même coût budgétaire aurait permis des effets de levier bien plus importants. Dans une logique équivalente, il est possible de considérer que les sommes allouées aux secteurs non soumis à des exigences de compétitivité auraient pu être économisées sur le budget de l'État. Ce constat est d'autant plus significatif dans une période de restrictions budgétaires pour les administrations publiques, et notamment les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales.

La forme retenue pour le CICE s'explique sans doute par la faible possibilité donnée aux États par les textes européens pour cibler les aides qu'ils accordent aux entreprises . Ces restrictions sont notamment issues des stipulations des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatifs aux aides d'États.

Recommandation n° 1 : Engager un débat sur le cadre juridique européen et les règles applicables en matière d'aides publiques aux entreprises, afin qu'elles puissent être ciblées en fonction d'objectifs définis par l'État.


* 1 Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012.

* 2 Source : Bulletin officiel des Finances publiques.

* 3 Celles-ci peuvent demander le remboursement immédiat des créances de crédit d'impôt constatées au titre de l'année de création et des quatre années suivantes.

* 4 Ces entreprises peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date de la décision ou du jugement qui a ouvert ces procédures.

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