B. TABLEAU DE LA RECHERCHE FRANÇAISE EN INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

1. De nombreux organismes publics interviennent dans la recherche en intelligence artificielle

Notre pays dispose, en matière de recherche en intelligence artificielle, d' importants atouts à faire valoir, riches de la compétence de ses enseignants, de ses chercheurs et de ses étudiants, même si la communauté française de l'intelligence artificielle est encore insuffisamment organisée, connue et visible. La reconnaissance internationale des travaux des chercheurs français doit beaucoup à nos universités, au CNRS, à nos grandes écoles (Polytechnique, ENS, Mines-Télécom...) mais aussi plus spécifiquement à deux organismes : le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et ses nombreux centres de recherche (à l'image de l'institut Carnot « CEA-List » spécialisé dans les systèmes numériques intelligents pour l'industrie), et l' Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), créé dès janvier 1967 dans le cadre du Plan Calcul sous le statut d'établissement public à caractère scientifique et technologique.

Les centres de recherche de l' Institut Mines-Télécom , qui regroupe les écoles des mines et les écoles des télécommunications françaises, méritent aussi d'être signalés, notamment le centre de recherche en informatique (CRI), le centre de Bio-informatique (CBIO) et le centre de Robotique (CAOR).

Au total, Inria, le CNRS, le CEA, différentes universités et grandes écoles sont les principaux organismes de recherche publique en intelligence artificielle et produisent des travaux à visibilité internationale .

Cette excellence est reconnue à l'international comme ont pu le constater vos rapporteurs lors de leurs déplacements. Le bon niveau des étudiants et des enseignants est également souvent cité. Il leur a même été demandé à San Francisco de former en France plus d'étudiants pour alimenter en ressources la Silicon Valley .

Les principaux organismes de recherche publique en intelligence artificielle (à visibilité internationale)

Source : ISAI/Paul Strachman

L' excellence de l'école mathématique française contribue à nos succès, avec un nombre de 13 médaillés Fields, soit une place de numéro 2, juste derrière les États-Unis avec 14 médaillés Fields. L'ENS, avec ses 11 médailles, figure en tête de la liste des institutions au niveau mondial. Cinq de nos universités figurent dans le top 30 des universités de mathématiques et une dans le top 5. Nous disposons de plus de 200 écoles d'ingénieurs qui forment chaque année 38 000 nouveaux diplômés. Plusieurs de ces écoles disposent de cursus ou de formations en intelligence artificielle ou en robotique.

L'histoire montre que la recherche française en matière d'intelligence artificielle a toujours été assez forte et s'est placée à une place enviable par rapport à ses concurrents en recherche fondamentale, même si elle court le risque d'un décrochage face aux pays les plus avancés dans la course mondiale en intelligence artificielle, États-Unis, Chine et Royaume-Uni en tête.

Au tournant des années 1970 et 1980, la recherche en intelligence artificielle en France a connu une certaine accélération , avec notamment le groupe de recherche parisien animé par Claude-François Picard appelé « GR 22 ». Jacques Pitrat, Jean-Louis Laurière, Jean-François Perrot et Jean-Charles Pomerol y ont, par exemple, travaillé. En 1987, il a pris le nom de LAboratoire FORmes et Intelligence Artificielle (LAFORIA) puis a rejoint en 1989 l'Institut Blaise Pascal (IBP) avant de fusionner en 1997 au sein du Laboratoire d'Informatique de l'Université Paris 6 dit « LIP6 ». D'autres laboratoires investis dans la recherche en intelligence artificielle ont également marqué les années 1980-1990 en France 124 ( * ) . Beaucoup sont rappelés sous leur nom actuel au paragraphe suivant.

Un inventaire des douze principaux laboratoires du CNRS en matière d'intelligence artificielle ayant été dressé par Gérard Sabah 125 ( * ) , vos rapporteurs ont souhaité les rappeler ici (le nombre de chercheurs par laboratoire n'a pas été actualisé et a pu connaître des variations depuis cet inventaire) :

- le groupe de recherche en informatique, image, automatique et instrumentation (GREYC), spécialisé dans le traitement automatique des langues, la sémantique, et la fouille de données, basé à Caen, compte 20 permanents ;

- l'Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT) est spécialisé dans la communication, les agents intelligents, l'ingénierie des connaissances, l'aide au handicap, et le traitement automatique des langues. Il compte 40 collaborateurs ;

- le laboratoire d'architecture et d'analyse des systèmes (LAAS), situé à Toulouse, dédié au logiciel, à la communication et à la robotique, compte 40 permanents ;

- le laboratoire d'analyse et modélisation de systèmes pour l'aide à la décision (LAMSADE) basé à l'Université Paris-Dauphine, spécialisé dans les agents intelligents et modèles coopératifs ainsi que dans la gestion des connaissances, est composé de 15 chercheurs ;

- le laboratoire des langues, textes, traitements informatique et cognition (LATTICE), établi à Paris, est spécialisé dans le traitement automatique des langues avec 5 permanents ;

- le laboratoire d'informatique fondamentale (LIF), établi à Marseille, est spécialisé dans l'apprentissage et le traitement automatique des langues et regroupe 17 agents ;

- le laboratoire d'informatique de Grenoble (LIG) est spécialisé dans l'environnement pour apprentissage, la traduction automatique, la réalité virtuelle et les agents intelligents, il est composé de 35 permanents ;

- le laboratoire d'informatique pour la mécanique et les sciences de l'ingénieur (LIMSI) basé à Orsay et spécialisé en agents communicants, le traitement automatique des langues et de la parole, ainsi qu'en réalité virtuelle, regroupe 15 chercheurs ;

- le laboratoire d'informatique de Paris-Nord (LIPN) spécialisé dans l'apprentissage, la logique, le calcul, le raisonnement, la représentation des connaissances et le traitement automatique des langues. On y dénombre 25 collaborateurs ;

- le laboratoire d'informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM) spécialisé dans l'apprentissage, les contraintes, la représentation des connaissances, les systèmes multi-agents, le traitement automatique des langues, la visualisation, le web sémantique. Il est composé de 17 permanents ;

- le laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications (LORIA) situé à Nancy, est spécialisé dans la communication multimodale, la représentation et la gestion des connaissances, la reconnaissance de l'écriture, le traitement automatique des langues et de la parole. Il regroupe 30 agents ;

- le laboratoire de recherche en informatique (LRI) établi en région parisienne, est spécialisé dans l'apprentissage et l'optimisation, les systèmes d'inférence. Il compte 24 permanents ;

- le laboratoire « techniques de l'ingénierie médicale et de la complexité » (TIMC) basé à Grenoble, est spécialisé dans l'apprentissage, la sémantique, la gestion et le traitement des connaissances. Il est composé de 12 collaborateurs.

En plus de ces laboratoires publics, de nombreuses entreprises françaises ont établi des laboratoires en partenariat avec des organismes publics de recherche. Il peut être cité les cas des entreprises Thalès, EDF, Engie, PSA, Total ou encore Solvay (entreprise belge mais cotée à la bourse de Paris et faisant partie de l'indice CAC 40). Les entreprises étrangères font aussi de la recherche fondamentale en IA sur le territoire national, à l'instar de Facebook, IBM, Microsoft ou encore Huawei.

Votre rapporteure Dominique Gillot souligne la volonté des organismes de recherche de développer des partenariats avec les entreprises pour soutenir la fécondité des initiatives de type start-up (dont il sera question aux pages suivantes) et surtout d'offrir un cadre de recherche stabilisé au-delà du rythme contractuel souvent dénoncé, soit trois ans.

2. Quelques exemples de centres, de laboratoires et de projets de recherche

Les start-up profitent également des atouts des centres de recherche français en intelligence artificielle . Ainsi, Heuritech s'appuie sur les travaux de recherche de deux laboratoires publics le LIP6 (CNRS) et l'ISIR de l'UPMC (Paris VI) pour proposer sa solution logicielle Hakken d'analyse sémantique, de tagging et classement automatiques de textes, images et vidéos 126 ( * ) , en s'appuyant sur des technologies de machine learning et en particulier de deep learning . Les avancées en matière de robotique en France ont permis à des innovations d'essaimer. Bon exemple, la start-up Angus.AI , créée par d'anciens ingénieurs de l'entreprise Aldebaran ayant développé la partie logicielle des robots Nao et Pepper, a ainsi développé une solution logicielle embarquée dans les robots leur apportant des fonctions de base de reconnaissance vocale et faciale et de détection d'obstacles, qui sont fournies sous la forme d'un kit de développement et d'interfaces de programmation applicative (souvent désignée par le terme API pour Application Programming Interface ), en recourant largement à des solutions open source . Cette entreprise est déjà sous contrat avec la SNCF.

Le Laboratoire d'informatique pour la mécanique et les sciences de l'ingénieur (LIMSI-CNRS), situé à Orsay, sur le campus de l'Université Paris-Sud, au sein de l'Université Paris-Saclay, mène des recherches sur deux grands thèmes : la mécanique et l'énergétique, d'une part, et la communication homme-machine d'autre part. Les recherches en interaction homme-machine portent sur : l'analyse, la compréhension et la modélisation des interactions entre humains et systèmes artificiels dans des contextes et selon des modalités les plus variées, les interactions haptiques, tangibles, gestuelles et ambiantes, la psychologie des interactions affectives non verbales et collectives chez l'humain ainsi que sur la conception d'interfaces homme-machine les faisant intervenir, ou, enfin, sur les dispositifs de réalité virtuelle et augmentée.

Le Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications (LORIA-CNRS et Université de Lorraine), basé à Nancy est un autre exemple de centre qui mérite d'être cité. Un grand nombre de projets de recherche fondamentale en intelligence artificielle référencés sur son site font appel aux technologies de l'intelligence artificielle, même s'ils ne sont pas forcément labellisés intelligence artificielle, machine learning ou réseaux neuronaux. C'est ainsi le cas du projet Orpailleur 127 ( * ) mené à Nancy en lien avec Inria et dédié à la représentation des connaissances et au raisonnement. L'équipe travaille sur l'extraction de données dans les bases de connaissances non structurées, et notamment dans le domaine de la santé, le même que celui qui est investi par IBM Watson et de nombreuses start-up.

3. Une reconnaissance internationale de la recherche française et qui s'accompagne d'un phénomène de rachat de start-up et de fuite des cerveaux lié aux conditions attractives offertes à l'étranger

Outre le départ de Yann LeCun, pour l'Université de New York puis pour Facebook, vos rapporteurs ont constaté un phénomène de rachat de start-up et de « fuite des cerveaux » lié aux conditions attractives offertes à l'étranger. Lors de son audition, Stéphane Mallat a fait valoir que depuis plusieurs années la quasi-totalité des étudiants issus des masters spécialisés de l'ENS quittaient la France aussitôt effectuée leur formation.

La reconnaissance des talents français est donc certaine. Mais cela conduit à un pillage de nos talents qui résulte de conditions attractives , à commencer par les salaires, qui conduisent à une aspiration des jeunes diplômés français spécialisés par les entreprises, le plus souvent des entreprises américaines. Le mirage de la Silicon Valley fait sans doute rêver beaucoup de jeunes esprits brillants mais cette caractéristique n'est pas propre à la France.

Votre rapporteure Dominique Gillot relève que les salaires sont beaucoup plus élevés à San Francisco qu'à Paris, mais les conditions de vie n'y sont pas toujours meilleures même avec un salaire bien supérieur (vie plus chère, infrastructures de transports, de santé, présence d'écoles pour les enfants etc.) : l'équilibre avantages/inconvénients est donc plus complexe qu'il n'y paraît à première vue, surtout que la France - et Paris en particulier - représente un écosystème de qualité, avec une vie sociale et culturelle très riche, un environnement intellectuel stimulant, des lieux de formation performants et des chercheurs de très bon niveau.

Il faut permettre à ces jeunes génies, qui sont autant d'entrepreneurs en devenir, de disposer d'opportunités en France et permettre aux start-up de se développer sans être rachetées par les géants américains, chinois ou japonais dès qu'elles présentent un profil viable. Le cas d'Aldebaran, racheté par le japonais SoftBank, illustre le fait que nos talents ne sont pas chassés que par les firmes américaines du numérique mais aussi par les géants chinois ou japonais.

4. Une communauté française de l'intelligence artificielle encore insuffisamment organisée et visible

La communauté française de l'intelligence artificielle se constitue surtout en dehors des institutions - de l' association française pour l'intelligence artificielle (AFIA) en particulier - à travers les meetups . Le principal d'entre eux, le « Paris Machine learning Meetup » 128 ( * ) , auquel ont été invités vos rapporteurs, représentent 5 205 membres au 1 er mars 2017.

Ses animateurs Igor Carron, Franck Bardol, Frédéric Dembak et Isabelle Guyon jouent maintenant un rôle clé dans la communauté française de l'intelligence artificielle. Les réunions sont en général mensuelles et réunissent des centaines de participants. Il peut, par exemple, s'agir d'échanges entre développeurs utilisant TensorFlow, la technologie de Google mise en open source.

D'autres meetups peuvent être cités : « Paris.AI Meetup », « Big Data Paris Meetup », « Deep Learning Meetup Paris », « Big Data et Machine learning Paris Meetup » .

D'après les chiffres provisoires du Gouvernement dans le cadre de la cartographie réalisée pour France IA il existerait 230 équipes de recherche publique réparties sur toute la France, dont 50 en région parisienne, ce qui représenterait 5 300 chercheurs en France , ce nombre de chercheurs travaillant sur l'intelligence artificielle pouvant varier de façon significative selon qu'on y inclut ou pas la recherche SHS portant sur l'intelligence artificielle. La compétence de nos chercheurs est reconnue.

Vos rapporteurs ont relevé, par ailleurs, l'existence d'une association française pour l'intelligence artificielle (AFIA). Société savante composée d'environ 300 membres , l'AFIA semble souffrir d'une certaine fermeture sur elle-même. Elle a été créée en 1993 en vue de l'organisation de la conférence internationale en intelligence artificielle, ce qui était une nécessité pour gérer l'organisation, mais c'est donc sous l'effet de la structuration internationale de ce champ de recherche plus que de la mobilisation des chercheurs français que l'AFIA a été créée. L'association s'assume comme société savante d'un sous-secteur de l'informatique. Elle aurait tout intérêt à transcender ses propres limites pour relever le défi d'une intelligence artificielle française ouverte, visible et conquérante .

Tableau de la communauté française de l'intelligence artificielle
à la fin de l'année 2016

Source : ISAI/Paul Strachman

La communauté française de l'intelligence artificielle reste encore insuffisamment organisée et visible. Et la question du lien avec les institutions publiques doit être posée.

Votre rapporteure Dominique Gillot fait état de l'expérience des groupements de recherche interdisciplinaires dans lesquels il y a aussi des entrepreneurs. Les groupements de recherche (GdR) ont pour missions l'animation de la diffusion des connaissances dans une communauté thématique , l'effort de rapprochement entre plusieurs types de partenaires (institutionnels, industriels ou prestataires), le développement d'échanges de chercheurs, de doctorants ainsi que de faciliter la mise en place de bourses doctorales ou postdoctorales. Les GdR poursuivent l'objectif d'accompagner la recherche dans un domaine spécifique et ses applications, de fédérer une communauté pluridisciplinaire et de diffuser les fruits des réflexions menées , des avancées tant théoriques que technologiques et des résultats opérationnels obtenus. Un GdR est une structure originale mise en place par le CNRS afin d'encourager la coopération des chercheurs des laboratoires qu'il rassemble avec des industriels et des organismes de R&D sur des objectifs fixés à l'avance. Son rôle consiste à coordonner, rapprocher et évaluer les travaux des équipes concernées.

5. La sous-estimation des atouts considérables de la France et le risque de « décrochage » par rapport à la recherche internationale en intelligence artificielle

La France se situe à un stade intermédiaire en matière de publications dans le domaine de l'intelligence artificielle tout en disposant d'un réseau de chercheurs très compétents et d'un tissu de start-up très dynamique . Les atouts considérables du système d'enseignement supérieur et de recherche français sont connus : excellence de l'école mathématique française, qualité de la recherche et des dipômés...

On dénombre un total de 240 start-up spécialisées en intelligence artificielle (comme, en France, Partnering Robotics, Bayes Impact, Yseop, Prestashop, Adomik, Gorgias, Owkin, Search'XPR, Placemeter, Otosense, Wit.ai, Wca Robotics, Rhythm, Intuitive surgical, Lore.ai, ou au Royaume-Uni BigRobots et en Russie Brainify).

Le tissu de start-up, que l'initiative French Tech vise à renforcer, est très riche et, selon l'investisseur en intelligence artificielle, Paul Strachman, que vos rapporteurs ont auditionné : « La France est l'un des écosystèmes les plus vibrants en ce qui concerne l'intelligence artificielle. Malheureusement, cela n'est pas très su en dehors de la France. Et parfois même en-dedans ». Il convient de noter qu'il a tenu ces propos lors d'une conférence « France is AI » qu'il a organisée à Paris du 16 au 18 septembre 2016. Depuis, cette connaissance s'est améliorée, la prise en compte de cet atout est notamment visible du côté des pouvoirs publics dans la stratégie « France IA ».

Les start-up françaises en intelligence artificielle et robotique

Source : ISAI/Paul Strachman

Plusieurs signes positifs peuvent être relevés, dont le succès et l'ambition internationale d'entreprises françaises, comme BlaBlaCar, Criteo ou Drivy, et l'ouverture de formations « alternatives » dans le secteur du numérique (l'école 42 de Xavier Niel par exemple).

Selon les données de Stack Overflow, l'Europe compte désormais 4,7 millions de développeurs (contre 4,1 millions aux États-Unis). Et Paris est l'une des capitales européennes qui comptent le plus grand nombre de ces profils très recherchés sur le marché.

Pour Mark Zuckerberg, le Président de Facebook, « la France dispose de l'une des communautés de chercheurs en intelligence artificielle la plus forte du monde ». De même Mike Schroepfer, le directeur technique de Facebook, estimait en 2015 que Paris avait « la plus grande concentration de toute l'Europe en matière d'intelligence artificielle » .

Une déclaration qui s'est accompagnée de l'ouverture en juin 2015 d'un laboratoire de recherche consacrée à l'intelligence artificielle à Paris, justement préférée à Londres, sachant que les travaux de Facebook dans ce domaine sont, au niveau mondial, pilotés par le chercheur Yann LeCun, rencontré à plusieurs reprises par vos rapporteurs.

Niklas Zennström, P-DG d'Atomico et cofondateur de Skype, explique dans une tribune au journal Les Échos que la capitale française pourrait devenir « le creuset des grands leaders qui révolutionneront le secteur high-tech dans les dix ans qui viennent ».

Mais, comme le précise un article de Venture Beat 129 ( * ) , utilisant des données collectées par Paul Strachman, entre janvier 2014 et mi-octobre 2016, une trentaine de start-up françaises spécialisées en intelligence artificielle levaient 108 millions de dollars (98 millions d'euros), quand dans le même temps, outre-Manche, huit start-up amassaient à elles seules 900 millions de dollars (814 millions d'euros). Londres possède donc une avance indéniable sur Paris en la matière.

La France, qui est à ce stade encore distancée par le Royaume-Uni, serait par ailleurs très en avance par rapport aux autres États européens . Le niveau de financement reste encore en-deçà des besoins.

Selon votre rapporteure Dominique Gillot, la disponibilité des données et des articles auxquels se référer ne rend pas réellement compte de la réalité nationale dans une démarche où les choses évoluent très vite : chaque jour des start-up naissent de la rencontre et de la volonté de jeunes (ou de moins jeunes) diplômés qui découvrent les opportunités de lier l'emploi et la valeur. Même si tous ces créateurs de start-up ne rêvent pas d'être cotés en bourse et d'être rachetés par de grands groupes, l'intérêt de ces derniers existe : ils voient dans cette effervescence un moyen d'expérimenter de nouvelles pratiques, des découvertes qui pourront se révéler fructueuses, dans un cadre beaucoup plus souple et réactif que celui contraint par des règles du droit du travail et de la législation vécue comme un carcan. Les structures qui investissent dans des secteurs peu identifiés garantissent la plasticité et la réactivité de ces initiatives dont il faudra analyser la longévité.

Les start-up françaises en intelligence artificielle par domaine d'application

Source : Gouvernement

L'exemple de Snips

Snips.ai est une start-up connue du secteur de l'intelligence artificielle, créée en 2013, par Rand Hindi (prix du MIT 30 en 2015), Mael Primet et Michael Fester. Leur dernière levée de fonds de 5,7 millions d'euros en juin 2015 présente la particularité d'associer Bpifrance avec des investisseurs américains, en plus de business angels tels que Brent Hoberman et Xavier Niel. L'équipe comprend 35 personnes : des data-scientists, des développeurs, designers et quelques marketeurs. Leur positionnement est large et un peu vague : rendre la technologie invisible et les usages intuitifs via de l'intelligence artificielle.

À ce titre, la start-up a développé des applications expérimentales telles que : snips (un ensemble d'applications de recherche pour iOS dont un clavier virtuel intelligent pour la recherche d'adresses), Tranquilien (qui prédit les places disponibles dans les trains de banlieue), Parkr (la même chose pour prédire les places de parking), Flux (qui identifie le trafic mobile en s'appuyant sur les données des smartphones), RiskContext et SafeSignal (identification de risques d'accidents sur la route). Elle travaille aussi sur des applications verticales : pour les véhicules connectés, dans l'hôtellerie, la maison connectée et les loisirs numériques. Elle s'appuie sur du deep learning , des modèles probabilistiques, du traitement du langage, de la gestion de graphes et du cryptage de données pour garantir le respect de la vie privée.

CardioLogs Technologies a été créée en 2014 une solution d'interprétation automatique des électrocardiogrammes (ECG) en temps réel s'appuyant sur du machine learning . Il ne s'agit pas à ce stade d'une « ubérisation » des actes des cardiologues mais bien de permettre un suivi plus régulier des patients à risques ou atteints de maladies chroniques.

L'attractivité française peut également être relevée avec les cas des entreprises étrangères ayant fait le choix de conduire une part de leur recherche en intelligence artificielle en France.

Exemples d'entreprises étrangères ayant fait le choix de
conduire une part de leur recherche en intelligence artificielle en France

Source : ISAI/Paul Strachman

Il convient en outre de relever l'existence à l'étranger d'une importante diaspora des chercheurs français en intelligence artificielle . Elle pourrait sans doute être davantage connue, animée, considérée et mise à contribution.

Au final, vos rapporteurs déplorent la sous-estimation des atouts considérables de la France mais ils appellent l'attention sur la nécessité d'une vigilance forte sur le risque de « décrochage » par rapport à la recherche internationale en intelligence artificielle.


* 124 Le Laboratoire d'Informatique pour la Mécanique et les Sciences de l'Ingénieur (LIMSI) à Orsay, l'Institut de recherche en informatique et en automatique (IRIA) et en particulier le Laboria (autour de Gérard Huet) à Rocquencourt, le GIA (autour d'Alain Colmerauer) à Marseille, le CRIN à Nancy ou, encore, le CERFIA à Toulouse.

* 125 Cet inventaire est présenté dans la brochure de l'Académie des Sciences déjà citée.

* 126 Ils proposent aussi HeuritechDIP qui permet d'améliorer sa connaissance des clients et d'anticiper leurs besoins, évidemment, surtout dans les applications de commerce en ligne.

* 127 Le projet vise la découverte de connaissances dans les bases de données (KDD pour Knowledge Discovery in Databases) et utilise l'ingénierie des connaissances (KE pour Knowledge Engineering). Le processus de KDD consiste à traiter de grands volumes de données pour y découvrir des motifs qui sont signifiants et réutilisables. En considérant les motifs comme des pépites d'or et les bases de données comme des régions à explorer, le processus de KDD peut être comparé à la recherche d'or. Cette analogie explique le nom de l'équipe, où l'orpailleur désigne le chercheur d'or. Le processus de KDD est interactif et itératif et s'appuie sur trois opérations principales : la préparation des données, la fouille de données et l'interprétation des motifs extraits. Les connaissances du domaine peuvent être prises en compte pour guide et améliorer le processus de KDD, conduisant à la découverte de connaissances guidée par les connaissances du domaine (KDDK pour Knowledge Discovery guided by Domain Knowledge). Les motifs découverts peuvent être représentés comme des éléments de connaissances en utilisant un langage de représentation des connaissances et servir en résolution de problèmes. La découverte de connaissances et l'ingénierie des connaissances sont deux processus complémentaires qui servent de support aux recherches menées dans l'EPI Orpailleur. Les domaines d'application traités par l'EPI Orpailleur sont liés aux sciences de la vie et comprennent l'agronomie, la biologie, la chimie et la médecine. La cuisine, la culture et l'héritage culturel , la sécurité et la qualité des réseaux de télécommunications sont aussi des domaines d'intérêt pour l'équipe. https://www.inria.fr/equipes/orpailleur

* 128 Voir le site https://www.meetup.com/fr-FR/Paris-Machine-learning-applications-group/ et le site d'Igor Carron http://nuit-blanche.blogspot.fr/

* 129 http://venturebeat.com/2016/11/06/france-makes-its-bid-to-be-recognized-as-a-global-ai-hub/

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