B. UN CHAMP D'APPLICATION ENCORE RESTREINT QUI LIMITE L'ADOPTION DU DISPOSITIF PAR DE NOMBREUSES PLATEFORMES

La loi est fondée sur le compromis suivant : un impôt moins élevé (10 % au lieu de 33 %), mais mieux collecté.

Bien accueillie par les acteurs de l'économie collaborative en Belgique, la proposition de loi a initialement suscité de fortes réserves de la part des taxis, des hôteliers et des professions indépendantes, qui craignent une concurrence déloyale de « faux particuliers ». Ces oppositions semblent toutefois s'être apaisées depuis l'année dernière.

La première plateforme à avoir mis en oeuvre le système est la plateforme Listminut , qui met en relation des particuliers pour des services tels que le bricolage, le jardinage, l'aide aux personnes, les cours à domicile ou encore le babysitting. Fondée en 2013, elle est l'équivalent de Stootie en France ou de TaskRabbit aux États-Unis. Lors de son entretien avec les membres du groupe de travail, son fondateur, Jonathan Schockaert, a souligné qu'un taux de 10 % serait certes toujours moins avantageux qu'une poursuite de l'activité informelle, mais que son niveau relativement bas devrait tout de même convaincre nombre de particuliers de régulariser leur activité . En d'autres termes, les utilisateurs qui appliquaient déjà les règles fiscales gagnent un avantage financier à passer par une plateforme participante, et les autres y gagnent au minimum un service (l'allègement des démarches) et la garantie d'être en conformité avec la loi .

Jonathan Stockaert a également précisé que l'une des autres grandes vertus du système était de constituer un « tremplin vers l'entrepreneuriat », citant l'exemple d'une personne souhaitant « tester » ses capacités en matière de petits travaux à domicile avant de se lancer pleinement en tant que professionnel. C'est le cas de plusieurs utilisateurs de Lisminut , qui compte aujourd'hui environ 15 % de professionnels 111 ( * ) .

L'avantage de ce dispositif, qui vaut également pour celui que propose le groupe de travail, est particulièrement sensible dans le cas de la Belgique, qui ne dispose pas d'un statut de micro-entrepreneur . Aussi y a-t-il un passage brusque du statut de simple particulier à celui de travailleur indépendant « de plein exercice », avec toutes les obligations qu'un tel statut implique (notamment le paiement des cotisations sociales y compris en cas d'activité déficitaire). Cet effet de seuil, qui ne peut que favoriser le travail non déclaré s'agissant des petits services occasionnels, se trouve sensiblement atténué par la nouvelle mesure. Lors des entretiens menés par le groupe de travail à l'étranger, le statut de micro-entrepreneur a souvent été cité comme un avantage comparatif important de la France , ce que rappelle également l'étude du cabinet PwC sur l'économie collaborative en Europe 112 ( * ) .

Toutefois, au-delà des questions techniques dont toutes ne semblent pas encore résolues à ce stade (périodicité des versements au Trésor public, format des données transmises, contrôle du franchissement du seuil etc.), la nouvelle loi belge présente des faiblesses qui, pour l'instant, en limitent encore la portée .

Ainsi, la plupart des grandes plateformes internationales n'ont pas à ce jour exprimé la volonté d'appliquer cette mesure 113 ( * ) - qui est volontaire.

Le principal obstacle semble être le champ relativement restreint des revenus éligibles à l'avantage fiscal, c'est-à-dire les « revenus divers » issus d'activités de services exercées par des particuliers.

Le principal « point faible » du dispositif, de l'aveu même de l'administration belge, est l'exclusion des revenus immobiliers, et en particulier les revenus de plateformes de location comme Airbnb - qui ne participe donc pas au système. Plus précisément, l'administration a clarifié la qualification des revenus de plateformes de type Airbnb , en appliquant la clé de répartition forfaitaire suivante : 48 % de revenus immobiliers, 32 % de revenus mobiliers (au titre des meubles et équipements du logement), et 20 % de revenus divers (au titre des services tels que l'accueil ou la fourniture de draps). Seuls ces derniers 20 % pourraient donc bénéficier de la mesure, un avantage qui a paru trop modeste pour justifier une participation au dispositif .

En outre, le seuil de 5 100 euros, exprimé en recettes brutes, peut sembler peu incitatif s'agissant de la location de logements meublés , qui peut rapidement produire des recettes supérieures 114 ( * ) .

Sont également exclus de la catégorie des « revenus divers », et donc du dispositif dans sa forme actuelle les revenus mobiliers , issus de la location d'une voiture ou encore d'une perceuse entre particuliers, ainsi que les revenus issus de la vente d'objets sur une place de marché virtuelle, tels que des créations personnelles ou des biens meubles.


* 111 C'est-à-dire qu'ils disposent d'un statut de travailleur indépendant et qu'ils indiquent leur numéro de TVA.

* 112 Source : Robert Vaughan et Raphael Daverio, PwC UK, « Assessing the size and presence of the collaborative economy in Europe », étude pour la Commission européenne, avril 2016.

* 113 Certaines plateformes, qui proposent des services effectués exclusivement par des professionnels, ne peuvent par définition pas bénéficier de l'avantage. C'est notamment le cas d' Uber , dont tous les chauffeurs ont un statut professionnel (le service UberPop ayant aussi été interdit en Belgique).

* 114 Si le groupe de travail propose quant à lui d'appliquer également le seuil de 3 000 euros aux locations de logements meublés de courte durée de type Airbnb , il ne remet pas pour autant en cause le seuil de 23 000 applicable en matière sociale pour l'affiliation au régime social des travailleurs indépendant (RSI) ou au régime général, pour les mêmes raisons.