ANNEXE XI - LE DIALOGUE SOCIAL EN EUROPE

I. LE DIALOGUE SOCIAL AU NIVEAU DE L'UNION EUROPÉENNE

Le 31 octobre 1991, l'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe (UNICE), la Confédération européenne des syndicats (CES) et le Centre européen des employeurs et entreprises fournissant des services publics (CEEP) ont signé, dans le cadre du programme législatif de Jacques Delors, un accord sur le dialogue social européen, repris et annexé au traité de Maastricht sous la forme d'un protocole social.

Ces dispositions figurent actuellement aux articles 154 et 155 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Après avoir rappelé l'obligation pour la Commission européenne de promouvoir le dialogue social au niveau de l'Union européenne, y compris en veillant à un soutien équilibré des parties, l'article 154 définit deux mécanismes de consultation préalable des partenaires sociaux.

Tout d'abord, avant toute présentation d'une proposition de directive dans le domaine de la politique sociale telle que définie à l'article 153 du TFUE, la Commission européenne doit consulter les partenaires sociaux sur l'orientation possible d'une action de l'Union européenne.

Ensuite, si la Commission estime, à l'issue de cette première consultation, qu'une action de l'Union européenne est souhaitable, elle doit à nouveau consulter les partenaires sociaux sur le contenu de la proposition envisagée, ces derniers élaborant alors un avis ou une recommandation.

Lors d'une consultation, les partenaires sociaux ont la faculté d'engager des négociations en vue de conclure un accord. Ces négociations ne peuvent dépasser neuf mois, sauf accord des partenaires sociaux et de la Commission européenne.

Comme le prévoit l'article 155 du TFUE, si un accord est signé par les partenaires sociaux au niveau européen, sa mise en oeuvre peut prendre deux voies : soit l'accord est décliné par des accords nationaux dans chaque État membre, soit les partenaires sociaux européens demandent au Conseil de prendre une décision, préparée par la Commission. En pratique, l'accord est repris sans modification sous la forme d'une directive, conformément aux dispositions de la communication du 14 décembre 1993 .

Si aucun accord n'est signé dans le délai fixé, la Commission peut enclencher les procédures législatives habituelles.

Lors de son audition, M. David Pascal Dion, directeur du service « Dialogue social » à la direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion de la Commission européenne, a indiqué qu'une trentaine de sujets environ avaient été soumis aux consultations prévues à l'article 154 du TFUE depuis 1992.

En pratique, la Commission accorde six semaines aux 87 organisations recensées (dont 65 organisations patronales, la plupart sectorielles, et 22 organisations syndicales) pour faire part de leurs observations lors de la première, puis de la seconde consultation. Chaque consultation donne lieu à des réponses dont le nombre oscille entre 6 et 15 selon le thème abordé.

Parallèlement, les partenaires sociaux européens ont conclu 14 accords depuis 1992 (10 sectoriels et 4 interprofessionnels), portant sur des sujets aussi divers que le télétravail, le harcèlement, la violence au travail ou encore l'inclusion sociale sur le marché du travail. Une dizaine d'accords environ est issue de négociations autonomes, hors procédure de consultation prévue à l'article 154.

La représentativité des partenaires sociaux est appréciée au cas par cas selon un faisceau d'indices, comme l'implantation dans plusieurs États membres, leur nombre d'adhérents ou leur capacité à négocier. Dans un arrêt du 17 juin 1998, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a été amené à se prononcer sur un recours en annulation présenté par l'Union européenne de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises (UEAPME) contre la directive 96/34 concernant l'accord-cadre sur le congé parental, conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES. Après avoir rappelé qu'il incombait à la Commission et au Conseil de vérifier la représentativité des partenaires sociaux concernés eu égard au « respect du principe de la démocratie, sur lequel l'Union est fondée », le tribunal a jugé que les critères retenus permettaient de conclure que les partenaires sociaux signataires de l'accord disposaient d'une « représentativité cumulée suffisante » 411 ( * ) .

M. David Pascal Dion a indiqué qu'à ses yeux le mécanisme prévu aux articles 154 et 155 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) n'avait pas de véritable équivalent dans les États de l'Union européenne, à l'exception de l'article L. 1 du code du travail français, dont la philosophie est très proche.

II. LE DIALOGUE SOCIAL DANS QUELQUES ÉTATS MEMBRES

Aujourd'hui, six pays disposent d'institutions dans lesquelles les partenaires sociaux participent à des négociations obligatoires portant sur des mesures législatives ou sur l'élaboration des politiques publiques : la Bulgarie, le Danemark, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal et la Slovaquie 412 ( * ) .

Deux autres pays ont mis en place des dispositifs assez proches de celui prévu par l'article L. 1 du code du travail applicable en France pour les réformes législatives portant sur le même code. En Autriche, les partenaires sociaux ont le droit de faire des propositions législatives portant sur le fonctionnement du marché du travail, que le Gouvernement est libre de reprendre ou non. Un dispositif plus complexe existe également en Hongrie, impliquant le Conseil national économique et social 413 ( * ) .

L'Allemagne ne dispose pas de dispositifs similaires à l'article L. 1 du code du travail. En revanche, l'article 9-3 de sa Loi fondamentale implique, selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, le droit pour les partenaires sociaux de déterminer librement, sans intervention de l'État, les rémunérations et les conditions de travail à travers des accords collectifs 414 ( * ) . En outre, les signataires d'un accord de branche peuvent demander au ministère, sous certaines conditions, qu'il soit étendu à toutes les entreprises relevant du secteur concerné.

Enfin, aux Pays-Bas, le Conseil économique et social, composé de représentants de partenaires sociaux et de membres nommés par la Couronne, joue un rôle clef tant dans la négociation que dans la programmation de l'activité gouvernementale 415 ( * ) . Il a ainsi défini les règles de représentativité des partenaires sociaux et donne des avis sur la politique économique et sociale du Gouvernement, ainsi que sur plusieurs autres politiques publiques.


* 411 Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre élargie) du 17 juin 1998, Union Européenne de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises (UEAPME) contre Conseil de l'Union européenne, affaire T-135/96 .

* 412 Employment and Social Development in Europe 2016, Commission européenne, p. 196.

* 413 Id., p. 202.

* 414 L'article 9-3 de la Loi fondamentale dispose que « Le droit de fonder des associations pour la sauvegarde et l'amélioration des conditions de travail et des conditions économiques est garanti à tous et dans toutes les professions. Les conventions qui limitent ou tendent à entraver ce droit sont nulles et les mesures prises en ce sens sont illégales. »

* 415 Pour une modernisation du dialogue social , rapport de Dominique-Jean Chertier au Premier ministre, 31 mars 2006, pp. 51-52.

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