E. ADAPTER LA PRÉSENCE DES SERVICES PUBLICS POUR ASSURER LEUR PÉRENNITÉ

1. La présence territoriale de l'Etat est à adapter dans le cadre d'une approche globale de chaque territoire

Les services au public relèvent de moins en moins de l'action directe de l'État, du fait des privatisations, déjà anciennes dans un certain nombre de secteurs (banque, télécommunications) et des transferts de compétences aux collectivités. Même dans des domaines qui relèvent encore de sa compétence (emploi, éducation), l'État n'a parfois plus les moyens d'assumer certaines missions. À l'opposé, il existe de nombreux doublons entre les services proposés par l'État et ceux proposés par les collectivités territoriales, notamment dans le domaine du sport, de la culture, de la cohésion sociale ou du tourisme. Ces situations ont été dénoncées par la Cour des comptes qui constate, en matière de tourisme par exemple, que « la superposition des services déconcentrés de l'État, des comités régionaux du tourisme (CRT), des comités départementaux du tourisme (CDT) et des offices du tourisme (OT) et syndicats d'initiatives est une source de confusion et de dépenses inutiles » 30 ( * ) .

Les réformes administratives menées au cours de la dernière décennie - réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE), révision générale des politiques publiques (RGPP), modernisation de l'action publique (MAP) - ont surtout eu pour objectif de rationaliser les moyens de l'État, à périmètre d'intervention constant. Il est dommage qu'elles n'aient pas été l'occasion d'une réflexion de plus grande envergure, qui aurait permis de supprimer les services en concurrence avec les missions désormais assurées par des collectivités ou des opérateurs privés, et de redéployer les moyens dans des services assurant des missions relevant exclusivement de l'État (tribunaux, gendarmeries, perceptions, etc.).

Au total, l'affaiblissement de la présence territoriale de l'État alimente l'éloignement de certains territoires, notamment les zones rurales et péri-urbaines, de moins en moins bien accepté par les citoyens. Il est dangereux de refuser de voir les conséquences de cette dégradation en se retranchant derrière les indicateurs favorables de l'INSEE, qui affirme que 90 % de la population accède à 22 services courants en moins de 20 minutes. Ces indicateurs ne rendent pas compte des effets cumulatifs et de la réalité de certains territoires qui ont vu disparaître en peu de temps un nombre important de services publics (perception, hôpital, caserne, tribunal, etc.). La désertification est un processus qui s'autoalimente et nécessite une vision globale de chaque territoire.

TEMPS D'ACCÈS ROUTIER AU « PANIER DE LA VIE COURANTE » 31 ( * ) EN 2015

Source : INSEE.

Comme le souligne le rapporteur de la mission commune d'information sur l' « Avenir de l'organisation décentralisée de la République » 32 ( * ) , « la présence de l'État et l'accès aux services publics sont deux faces d'un même sujet mais qui peuvent être appréhendées et gérées différemment. En effet, si l'égal accès aux services publics est un impératif, la possibilité de moduler la présence de l'État en fonction des spécificités territoriales devra être approfondie ». Il appartient à l'État de garantir, en fonction des spécificités propres à chaque territoire, l'accès des populations à l'ensemble des services publics. Le désenclavement des territoires éloignés doit devenir un réflexe interministériel.

Proposition : Redéployer la présence territoriale de l'État en supprimant les doublons avec les collectivités mais en préservant les territoires fragiles des effets cumulatifs des fermetures de services publics.

2. La mutualisation et la coordination des services de proximité doivent être poursuivies

L'accessibilité de certains services est devenue un enjeu majeur pour un grand nombre de territoires. La plupart des services de proximité peuvent d'ailleurs faire l'objet d'une mutualisation. Depuis la signature de l'accord national « + de services au public » en 2010, la création de points d'accueil mutualisés en zone rurale est devenue le pilier de la politique publique d'accessibilité aux services essentiels. Le dispositif des maisons de services au public (MSAP) incarne cette ambition à travers une offre regroupée de services au public sur un seul et même lieu, permettant leur accès aux citoyens les plus éloignés, notamment à ceux habitant dans les zones rurales ou périurbaines.

Les MSAP regroupent en moyenne 4 opérateurs nationaux et 9 opérateurs locaux. On en dénombre actuellement 1 100 ouvertes ou en cours d'installation, dont près de 500 résultent de la transformation de bureaux de poste, dans lesquelles l'espace, les systèmes d'information et la caisse sont partagés avec d'autres opérateurs, comme la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), Pôle emploi, EDF, ERDF, GRDF, la Mutualité sociale agricole (MSA) ou le Régime social des indépendants (RSI). Dans la majorité des cas, un même agent gère ces différents services, après avoir bénéficié d'une formation par les opérateurs concernés, et joue le rôle d'un médiateur numérique en proposant un accompagnement pour la réalisation de démarches administratives dématérialisées.

RÉPARTITION DES MAISONS DE SERVICES AU PUBLIC AU 1ER OCTOBRE 2016

Source : CGET.

Le groupe de travail considère que le déploiement des MSAP doit être poursuivi, en s'appuyant notamment sur le maillage historique de La Poste. Il rappelle à cet effet que la loi du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales a permis de conforter les missions de service public confiées à l'entreprise, parmi lesquelles figurent la mission d'accessibilité bancaire et la mission de contribution à l'aménagement du territoire. En pratique, La Poste a engagé le développement de son offre de services à domicile, du transport de courses et de plateaux repas au diagnostic énergétique des logements, en passant par la distribution de médicaments ou l'expertise pour les compagnies d'assurance. Depuis 2016, il est même possible de passer l'épreuve théorique du permis de conduire dans certains bureaux de poste.

Du point de vue de nos concitoyens, la question n'est pas tant que le service soit rendu par l'État, un opérateur public ou une entreprise privée, mais qu'il soit répondu de la manière la plus efficace possible aux besoins exprimés. Par conséquent, le groupe de travail encourage l'État et les collectivités à donner de la consistance au souhait du législateur : il n'est pas à exclure d'installer un office du tourisme, un guichet de préfecture ou de centre des finances publiques, dans un bureau de poste.

Parmi les grands sujets de proximité se pose également la question de l'école, particulièrement anxiogène pour les familles. En témoignent les débats récurrents sur la carte scolaire ou l'entrée à l'école maternelle dès deux ans, qui touchent à l'organisation même de notre société, à la vitalité et au dynamisme des communes, à la nécessaire conciliation entre vie professionnelle et familiale, et aux modalités d'accueil et de garde de l'enfant. Compte tenu des enjeux que représente l'école, l'État doit se donner les moyens d'une réelle souplesse, qui permette d'adapter les structures éducatives locales aux situations spécifiques des territoires, et de maintenir des écoles de proximité partout où elles sont nécessaires à la cohésion et à la vitalité de nos territoires.

Proposition : Faciliter la mutualisation entre des opérateurs publics et privés pour garantir l'accessibilité aux services de proximité sur tous les territoires.

Proposition : Maintenir des écoles de proximité, lorsqu'elles sont nécessaires à la cohésion et à la vitalité des territoires.


* 30 Rapport public thématique relatif à l'organisation territoriale de l'État - Cour des comptes, juillet 2013 (p. 198).

* 31 Ce panier regroupe 22 équipements et services considérés comme essentiels dans la vie courante : des commerces (boulangeries, supermarchés...), des établissements d'enseignement (écoles, collèges, lycées), des services de soins de première nécessité, des services pour les personnes âgées ou les jeunes enfants.

* 32 « Des territoires responsables pour une République efficace » - Rapport d'information n° 49 (2013-2014) de M. Yves KRATTINGER, fait au nom de la mission commune d'information sur l' « Avenir de l'organisation décentralisée de la République », déposé le 8 octobre 2013.

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