B. LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES ENVIRONNEMENTALES DOIT CONCILIER CÉLÉRITÉ ET NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER LA COMPÉTITIVITÉ FRANÇAISE

Les auditions menées au cours de cette mission de contrôle ont fait apparaître deux éléments, en dépit du constat par la Commission européenne d'une dégradation conjoncturelle des résultats français en matière de transposition :

- l'appréciation satisfaisante portée par les services de la Commission européenne sur le respect par la France de ses obligations de transposition en matière environnementale ;

- la nécessité, reconnue tant par le MEEM que par le SGAE, de maintenir une vigilance constante en la matière afin que les progrès français dans la transposition des directives soient durables.

1. Un exercice de transposition largement contraint
a) Une mobilisation intense des services chargés de la transposition des directives, au risque d'un travail réalisé dans l'urgence

Le MEEM est confronté à d'importantes contraintes en matière de transposition de directives, découlant de plusieurs facteurs.

D'abord, la diversité des secteurs relevant du MEEM - environnement, énergie, transports -, secteurs fortement concernés par le droit européen, entraîne une mobilisation intense et continue des services chargés de la transposition des directives , confrontés à l'accumulation des directives à transposer. Alors qu'une soixantaine de directives sont transposées annuellement tous domaines confondus 40 ( * ) , le stock de directives restant à transposer pour le MEEM au 1 er mars 2017 s'élevait à 22 directives.

La volonté de la Commission Juncker de concentrer son action législative sur un petit nombre de sujets prioritaires, limitant la production normative de l'Union Européenne, ne devrait pas entraîner de réduction de la contrainte pesant sur les services de MEEM. En effet, si un programme de travail « allégé » a été proposé en 2017, 21 initiatives nouvelles restent prévues, dont 2 en matière de protection de l'environnement 41 ( * ) .

Ainsi, malgré les recommandations d'anticipation de la transposition des directives formulées dans la circulaire du Premier ministre du 27 septembre 2004 et dans le « guide des bonnes pratiques concernant la transposition des directives européennes » du SGAE, les services disposent en pratique de moyens limités, complexifiant la tenue des échéances fixées pour la préparation des textes de transposition.

L'urgence dans laquelle peut parfois s'effectuer le travail d'anticipation de la transposition dénature les outils dont dispose l'administration, initialement destinés à anticiper et à faciliter l'exercice de transposition . Alors que les fiches d'impact stratégiques sont destinées à informer les négociateurs sur les incidences d'une proposition de directive sur le droit national, elles peinent à identifier clairement les enjeux de la transposition et à en identifier les points d'impacts : les premières (FIS 1), interviennent assez tôt 42 ( * ) , tandis que les secondes (FIS 2), qui doivent comporter un « tableau de correspondance précoce, article par article, entre l'acte en cours de négociation et les dispositions de droit interne appelées à faire l'objet de modifications lors de la transposition », ne sont très souvent pas réalisées, les services n'ayant pas commencé la rédaction des textes de transposition à ce stade. Pourtant, elles constituent un élément d'information précieux pour les négociateurs, pour le Parlement, mais surtout pour les services eux-mêmes : elles ont en effet pour objectif principal d'estimer, en amont de l'adoption de la directive, les normes à adopter en vue de sa transposition, et d'éviter la rédaction des textes dans l'urgence .

Par ailleurs, le délai entre la publication de la directive et l'achèvement total de la transposition de la directive est parfois tel 43 ( * ) - plusieurs mois, voire années - qu'il se heurte aux mobilités rencontrées au sein des services. Autrement dit, le caractère tardif de la transposition conduit parfois à perdre la « mémoire » des éléments présentés au cours de la négociation. Ce phénomène met en lumière le caractère perfectible des liens unissant les directions menant les négociations, insuffisamment informées des difficultés liées à l'exercice de transposition, et les services ministériels chargés de rédiger les textes de transposition, laissés parfois sans connaissance des arbitrages effectués lors de la négociation européenne.

b) Ancrer la transposition des directives dans un cycle long de mobilisation des ministères et du Parlement

Il y a lieu de considérer que les recommandations formulées par l'étude du Conseil d'État « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer » (2015) afin d'anticiper la transposition dès la phase de négociation font l'objet d'un début de mise en oeuvre. À ce titre, comme le recommandait le Conseil d'État :

- l'élaboration des fiches d'impact stratégiques (FIS 2) est reportée, et désormais amorcée non plus trois mois après la présentation de la proposition législative par la Commission européenne mais une fois le texte stabilisé au niveau européen , lorsque les trilogues sont terminés et qu'un accord politique a pu intervenir entre le Conseil et le Parlement européen. Ainsi, les administrations chargées de la transposition peuvent réaliser un tableau de concordance et engager les travaux de transposition à partir d'un texte qui n'évoluera plus ou à la marge. Cette fiche, désormais transmise au Parlement, permet d'identifier les dispositions législatives qui devraient être modifiées pour tenir compte du projet de directive ;

- les travaux du Groupe à haut niveau (GHN) ne sont plus seulement consacrés aux directives déjà publiées au JOUE mais ont été étendus aux directives dont la négociation est quasi-achevée. Ceci permet d'anticiper les travaux de transposition et contribue à déterminer le véhicule législatif adéquat en amont de l'adoption de la directive.

Pour autant, d'autres propositions intéressantes n'ont pas été mises en oeuvre à ce jour, et pourraient l'être utilement, notamment afin de rapprocher les équipes responsables de la transposition de celles chargées de la négociation des projets de directive. Voici les principales :

- l'identification dès le stade de la négociation , au sein des directions des ministères compétents, des services voire des agents qui auront à rédiger les textes de transposition ; il serait utile d'associer ces services à la négociation, lorsqu'elle est assurée par les directions chargées des affaires européennes ou internationales des ministères - comme pour le MEEM ;

- la désignation systématique d'une « équipe projet », dont la constitution est pourtant déjà recommandée par le guide des bonnes pratiques du SGAE ; celle-ci pourrait, dès la publication d'une proposition de directive, suivre sa négociation et coordonner la rédaction des textes assurant sa transposition, ainsi qu'en évaluer l'impact en droit interne 44 ( * ) ;

- la mise à disposition des ministères chargés de la rédaction des textes de transposition de la « mémoire » de la négociation, c'est-à-dire des notes à destination du représentant permanent, lorsqu'ils le demandent, par le SGAE ;

- la sensibilisation des négociateurs aux enjeux spécifiques de la transposition de la directive en cours de négociation , afin de mieux les informer des contraintes liées à la phase de transposition.

Recommandation n° 1 : favoriser la transmission d'information entre les équipes responsables de la transposition de celles chargées de la négociation des projets de directive afin d'anticiper les difficultés liées à l'exercice de transposition et de renforcer la connaissance des arbitrages effectués lors de la négociation européenne sur la directive par les services chargés de la rédaction des textes de transposition.

Au regard de l'annonce d'une plus grande fermeté de la Commission européenne dans le contrôle et la sanction du non-respect des délais de transposition, il apparaît opportun que le Gouvernement et le Parlement travaillent plus étroitement au renforcement de l'appropriation politique de l'exercice de transposition .

Lorsqu'elle n'est pas suffisamment anticipée, la transposition de directives se heurte en effet aux contraintes de l'agenda parlementaire. Si le choix a été fait de transposer via un véhicule législatif dédié, l'inscription à l'ordre du jour parlementaire du projet de loi nécessite d'être proposée suffisamment en amont par le Gouvernement. À ce titre, le Gouvernement pourrait envisager de programmer, dans l'ordre du jour qui lui est réservé, des créneaux qui seraient consacrés aux textes d'adaptation au droit de l'Union européenne.

2. Un exercice de transposition fréquemment alourdi
a) Un dépassement des exigences de la transposition d'une directive fréquent en matière environnementale, alourdissant l'exercice de transposition et susceptible de pénaliser l'activité économique française

La surtransposition consiste à transposer une directive en ajoutant des dispositions allant au-delà de ce qu'elle prévoit expressément. Si la surtransposition recouvre une grande diversité de situations, schématiquement, deux catégories de surtransposition se dégagent :

- la surtransposition dite « verticale » consiste à retenir une valeur haute lorsqu'une directive impose une fourchette de valeurs aux États membres, ou impose un seuil minimal, en laissant aux États membres la possibilité de le dépasser ;

- la surtransposition dite « horizontale » permet d'étendre le champ d'application des dispositions prévues par la directive à un domaine plus large, soit pour garantir la cohérence d'un régime juridique existant et modifié par la directive, soit par volonté de réformer un secteur de manière plus large que ce que propose la directive, en modifiant des pans du droit existant non concernés par son champ d'application.

Exemples d'écarts préjudiciables à l'activité économique
dans le secteur environnemental

La mission de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'économie, de l'industrie et des technologies a présenté de nombreux cas d'écarts réglementaires entre la France et d'autres pays de l'Union Européenne défavorables à l'économie française, découlant de la surtransposition de directives européennes, dont la plupart relève du secteur environnemental 45 ( * ) .

L'exemple de la réglementation française concernant les produits phytosanitaires est particulièrement révélateur des conséquences de la surtransposition. « L'interprétation du principe de précaution a conduit en France à l'adoption de règles particulièrement strictes sur les produits phytosanitaires ». Ainsi, la réglementation européenne n'est pas appliquée de façon homogène entre les États de l'Union Européenne. Il peut en résulter un désavantage compétitif pour les agriculteurs français : conformément aux principes de libre circulation et de reconnaissance mutuelle, les fruits et légumes traités à l'étranger avec des produits interdits en France sont commercialisés en France, sans indications spécifiques.

Deux cas illustrent la problématique de la superposition de normes européennes et nationales .

- celui des étiquetages en émission : aux étiquetages par symbole de risque s'ajoute depuis 2007, en application d'une directive de 2004, un étiquetage indiquant le niveau d'émission en composés organiques volatils (COV). Lors du réexamen de la directive en 2011, la Commission européenne a choisi de ne pas faire évoluer la directive, estimant qu'une modification n'aurait entraîné qu'une faible réduction des émissions potentielles mais des coûts administratifs importants. Par un décret du 1 er janvier 2012 et un arrêté du 1 er septembre 2013, la France a mis en place son propre étiquetage en émission.

L'étude d'impact réalisée accompagnant la notification de la mesure à la Commission européenne évalue le coût à 3 000 euros pour un produit, susceptible d'être réduit à 1 500 euros dans un marché concurrentiel. Comme l'indique la mission, « l'incohérence entre les étiquetages français et européen interdit d'exporter, même vers d'autres marchés francophones de l'espace européen, les produits réalisés pour le marché français ».

- celui de la filière Responsabilité élargie du producteur (REP) en matière de déchets , qui illustre plus particulièrement la complexité de l'identification du producteur de la norme : les contributions versées aux « éco-organismes » par les producteurs, importateurs et distributeurs de produits relevant de filières de déchets concernés par la REP augmentent régulièrement. En 2014, le MEEM les estimait à 800 millions d'euros. En 2015, le Cercle national du recyclage a réalisé un classement d'une partie des filières selon leur origine, nationale, ou européenne. Parmi les filières étudiées, qui ne constituent pas l'intégralité des filières REP en France, il ressort que 2 filières REP instaurée en France résultent d'une directive européenne et mobilisent 18,6 % des contributions ; 2 filières sont des « réponses à une directive européenne ou un règlement communautaire n'impliquant pas la REP » et mobilisent 68 % des contributions ; 6 sont des réglementations nationales.

Source : « Les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables », rapport au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, Julien Dubertret, Philippe Schil et Serge Catoire, mars 2016

Le choix à opérer dans le cadre de la transposition revêt une nature politique, qu'il s'agisse de maintenir une cohérence juridique ou de tirer parti d'un véhicule législatif destiné à la transposition pour mener une réforme d'ampleur. Mais ce choix se traduit par une double contrainte :

- d'une part, il est susceptible d'entraîner un alourdissement de la charge normative lors de la transposition. En effet, le véhicule législatif ainsi que le temps parlementaire nécessaire diffèrent selon que l'exercice de transposition se limite à une transposition des prescriptions minimales fixées par une directive ou consiste à mener une réforme d'ampleur d'un pan du droit existant non couvert par le champ d'application d'une directive ;

- d'autre part, de la surtransposition de normes européennes découle une complexité et un alourdissement normatif préjudiciable à l'activité économique , comme l'illustrent les exemples ci-dessus.

Par ailleurs, la Commission européenne regrette que les États membres aillent au-delà de ce qui est requis par la législation européenne en surtransposant les directives, entraînant « des coûts supplémentaires inutiles imputés, à tort, à la législation européenne » 46 ( * ) . Tout en reconnaissant que la surtransposition peut constituer un moyen de remplir plus facilement les objectifs d'une directive, ou qu'elle peut « maximiser les effets positifs générés », elle invite les États membres à justifier toute surréglementation, voire à l'éviter lorsqu'elle est injustifiée : ainsi, l'accord institutionnel « Mieux légiférer » 47 ( * ) invite les États membres à identifier clairement dans l'acte national de transposition ou dans les documents qui y sont associés les éléments ajoutés qui ne sont aucunement liés à la législation concernée 48 ( * ) .

La surtransposition apparaît comme une exception française . Les auditions menées par votre rapporteur spécial ont permis d'identifier l'une des causes de la surtransposition : la France entend faire figure de « bonne élève », voire inspirer la législation européenne, en s'imposant des normes plus élevées que celles prévues au niveau européen. Semble par ailleurs exister une « tendance systématique de la négociation (française) à se préserver des marges aux fins de préserver une réglementation française existante, de maintenir des possibilités de réglementation française autonome pour l'avenir, ou encore de se ménager des options de transposition. Un tel comportement ne prend pas en compte le fait que toutes ces spécificités nationales seront potentiellement des handicaps de compétitivité, alors qu'une règle unique bien négociée contribue au contraire à éviter ce type de difficult é » 49 ( * ) .

À l'inverse, au Royaume-Uni, selon une étude sur la surtransposition réalisée par le ministère des entreprises, de l'innovation et des compétences ( Department for Business innovation and skills ), aucun coût supplémentaire sur les entreprises n'a été ajouté par une transposition dans 85 % des transpositions réalisées entre le 1 er juillet 2011 et le 31 décembre 2012 (88 directives ont été transposées sur cette période). Par ailleurs, 72 % des dossiers ont donné lieu à une transcription à l'identique de la directive lors de la transposition.

Répartition des transpositions réalisées entre le 1 er juillet 2011
et le 31 décembre 2012 au Royaume-Uni selon leur impact sur les entreprises

(en %)

Source : « La surtransposition des directives européennes : Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Suède », division de la Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations du Sénat, note réalisée à la demande de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes

b) Vers un encadrement du dépassement des exigences minimales de transposition des directives

Les progrès constatés en matière de transposition des directives depuis le milieu des années 2000 visaient principalement à garantir la célérité de l'exercice, afin d'atteindre un taux de déficit de transposition proche de 1 %, conforme à l'objectif fixé au niveau européen.

Ces dernières années, la nécessité de limiter les surtranspositions a fait l'objet d'une préoccupation croissante de la part des pouvoirs publics . On relèvera notamment :

- le Guide des bonnes pratiques concernant la transposition des directives européennes du SGAE, qui préconise d'écarter toute mesure allant au-delà des exigences minimales d'une directive : « sous réserve de l'appréciation d'opportunité appartenant au Gouvernement et au Parlement, toute mesure allant au-delà de ce qu'implique strictement la mise en oeuvre de la directive est écartée. La transposition d'une directive ne devrait pas être l'occasion d'une remise en chantier du droit national, en dehors de ce qui est nécessaire pour la transposition » ;

- la circulaire du 17 février 2011 relative à la simplification des normes concernant les entreprises et les collectivités territoriales, qui recommande à l'administration d' « écarter, dans la conception des mesures de transposition des directives européennes ou d'application des lois, toute mesure allant au-delà de ce qu'implique strictement la mise en oeuvre de la norme de rang supérieur » 50 ( * ) ;

- la proposition du Conseil de simplification pour les entreprises, organisé par le Gouvernement le 1 er juin 2015 : il recommande que lorsque des dispositions plus exigeantes que celles contenues dans la directive sont proposées, le Gouvernement les identifie, les justifie et en évalue l'impact. De surcroît, il préconise la réalisation de ce travail dès le début des négociations sur le projet de directive, « afin de pouvoir les infléchir, et aboutir à un texte européen dont les exigences minimales seraient plus acceptables » 51 ( * ) ;

- la proposition de loi constitutionnelle sénatoriale 52 ( * ) proposant d'ajouter un article 88-8 à la Constitution ainsi rédigé : « les mesures assurant la transposition d'un acte législatif européen n'excèdent pas les objectifs poursuivis par cet acte ». L'exposé des motifs de la proposition de loi précise que « sans brider le législateur, il convient d'introduire une distinction entre les textes de transposition des directives - qui doivent s'en tenir au contenu de celles-ci - et les éventuelles mesures d'accompagnement de la transposition, qui doivent être examinées séparément, afin d'assurer la clarté et la sincérité du débat » ;

- plus récemment, une communication en Conseil des ministres, le 14 juin 2017, sur la méthode de travail européen, qui assure que « la bonne transposition des textes adoptés est un enjeu autant politique que juridique. Une transposition menée efficacement, dans les délais impartis, signale que les règles adoptées en commun sont assumées, permet aux acteurs d'évoluer dans un cadre juridique stable et prévisible, et écarte le risque de contentieux préjudiciable à la France. L'inscription dans l'ordre juridique français de dispositions communautaires doit en même temps se faire en évitant toute surtransposition, qui est un facteur de lourdeur administrative pour les citoyens et les entreprises, de charges financières et de défiance à l'égard de l'Union européenne » 53 ( * ) .

En effet, au regard de l'alourdissement de l'exercice de transposition qu'elles entraînent et des impacts sur la compétitivité qu'elles peuvent induire, il est crucial, lorsque la transposition s'effectue par voie législative, que les parlementaires puissent non seulement identifier facilement les dispositions allant au-delà des exigences minimales de transposition des directives, mais aussi avoir connaissance des raisons qui les justifient . Cette identification permettrait au législateur national de s'exprimer en toute connaissance de cause lors du vote sur un projet de loi de transposition d'une directive.

D'ailleurs, en amont du dépôt du projet de loi de transposition, le Parlement pourrait utilement être informé, lorsque le Gouvernement souhaite proposer des dispositions allant au-delà de ce qui est strictement nécessaire à la transposition, ou lorsqu'il souhaite profiter de la transposition d'une directive pour mener une réforme plus large d'un secteur.

Un enrichissement de l'étude d'impact accompagnant les projets de loi de transposition de directives pourrait être envisagé, en y ajoutant une analyse en termes de compétitivité au regard des conditions de transposition dans les autres États membres de l'Union européenne , comme le recommande la commission des affaires européennes du Sénat 54 ( * ) .

Recommandation n° 2 : identifier et justifier, dans le projet de loi de transposition, par exemple dans le tableau de concordance qui y est annexé, les éléments étendant les prescriptions de la directive au-delà de ce qui est expressément prévu par celle-ci et les justifier, afin d'améliorer l'information du Parlement sur les arbitrages politiques opérés en amont par le Gouvernement.

Recommandation n° 3 : enrichir l'étude d'impact annexée au projet de loi de transposition de directive d'une analyse des conditions de transposition dans les autres États membres, afin de mettre en lumière les éventuels écarts de compétitivité susceptibles d'en découler.

Exemples étrangers de lutte contre la surtransposition de directives

Certains pays ont ainsi choisi d'interdire la surtransposition pour les projets préparés par le Gouvernement (actes législatifs ou réglementaires), comme l'Italie ou la Suède, par la voie réglementaire ou législative 55 ( * ) , tout en instaurant des possibilités de dérogations, notamment en Italie, en cas de circonstances exceptionnelles justifiant le dépassement du « niveau minimal de réglementation ». Dans ce cas, l'administration doit évaluer ces circonstances exceptionnelles dans l'analyse d'impact de la réglementation (AIR).

D'autres pays ont fixé des principes directeurs de transposition , comme le Royaume-Uni. Ces principes sont définis dans le guide « Comment transposer efficacement les directives européennes ». Par exemple, le principe de « copy out » prévoit une transposition mot pour mot, sauf pour les cas où l'application de ce principe porterait préjudice aux intérêts du pays ; une clause de réexamen quinquennal doit figurer dans tous les textes de transposition ; le Gouvernement doit garantir que les entreprises britanniques ne subissent pas un désavantage compétitif par rapport aux autres États membres.

En Allemagne, le ministère responsable doit indiquer et quantifier la mesure dans laquelle la transposition va au-delà de ce qui est nécessaire.

Le contrôle de la surtransposition peut être confié :

- à un organe spécialisé , comme le conseil fédéral des normes en Allemagne ( Normenkontrollrat ), la commission de réduction de la réglementation au Royaume-Uni ( Reducing Regulation Committee, RRC ) ou le conseil des règles ( Regelrâdet ) en Suède, où la surtransposition est abordée dans l'étude d'impact ;

- à l'auteur de la norme : en Italie, l'analyse d'impact de la réglementation (AIR) présentée par le Gouvernement comporte une partie dédie à la surtransposition ; le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur la méthode adoptée pour l'AIR.

En pratique, l'avis du conseil fédéral des normes, comportant une partie relative à la surtransposition, est par exemple annexé au projet de loi, et précise d'une part les coûts pour les citoyens, l'économie, l'administration et d'autre part, si la transposition mot pour mot est possible ou si un risque de surtransposition existe. En Italie et en Suède, le contrôle se matérialise quant à lui par la publication d'une étude d'impact.

Source : « La surtransposition des directives européennes : Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Suède », division de la Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations du Sénat, note réalisée à la demande de M. Jean Bizet, président de la comm ission des affaires européennes


* 40 D'après les données du SGAE, entre le 1 er janvier et le 1 er décembre 2016, la transposition de 60 directives a pu être achevée.

* 41 La première relative à la mise en oeuvre du plan d'action en faveur de l'économie circulaire, la seconde relative aux déplacements et à la mobilité à faible taux d'émissions. En outre, la Commission européenne a présenté le 30 novembre 2016 un paquet « Énergie ». Les propositions législatives portent sur l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, l'organisation du marché de l'électricité, la sécurité d'approvisionnement électrique et les règles de gouvernance pour l'union de l'énergie.

* 42 Pour rappel, elles doivent être transmises au SGAE ans les trois semaines suivant la transmission aux assemblées d'une proposition d'acte européen, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 88-4 de la Constitution.

* 43 L'accord interinstitutionnel « mieux légiférer », adopté le 9 octobre 2003, et non modifié sur ce point en 2016, prévoit un délai de transposition de deux ans.

* 44 Le MEEM a d'ailleurs mis en place des équipes projet associant la direction des affaires juridiques et les directions métier concernées dédiées à la résolution de contentieux sensibles (celui relatif au Grand Hamster d'Alsace par exemple).

* 45 Certains de ces exemples ont été signalés à la Commission simplification du Conseil national de l'Industrie, et au Conseil de la Simplification.

* 46 Communication de la Commission « Améliorer la réglementation pour obtenir de meilleurs résultats : un enjeu prioritaire pour l'UE », COM (2015) 215 final du 19 mai 2015.

* 47 Accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil de l'Union Européenne et la Commission Européenne, « Mieux légiférer », 13 avril 2016.

* 48 Le Sénat s'est opposé, par une résolution européenne adoptée en novembre 2015 en réponse à la proposition d'accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » à ce que toute mesure supplémentaire du ressort du législateur national doive être motivée et son impact évalué lors de la notification à la Commission européenne des mesures de transposition.

* 49 « Les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables », rapport au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, Julien Dubertret, Philippe Schil et Serge Catoire, mars 2016.

* 50 Ce principe d'interdiction de la surtransposition est rappelé par la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en oeuvre du gel de la réglementation.

* 51 http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2015/06/dossier_de_presse_-_simplification_pour_les_entreprises.pdf

* 52 Proposition de loi constitutionnelle n° 3390 (2015-2016) tendant à favoriser la simplification du droit pour les collectivités territoriales et à encadrer la transposition des directives européennes de M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues, adoptée en première lecture par le Sénat le 12 janvier 2016 et transmise à l'Assemblée nationale le 13 janvier 2016.

* 53 http://www.elysee.fr/conseils-des-ministres/article/compte-rendu-du-conseil-des-ministres-du-mercredi-14-juin-201/

* 54 Rapport d'information n° 387 (2016-2017) fait au nom de la commission des affaires européennes sur la simplification du droit européen par MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, Philippe Bonnecarrère, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, Claude Kern, Didier Marie, Daniel Raoul et Simon Sutour, 9 février 2017.

* 55 « En Italie, la règle résulte de deux lois générales, adoptées en 2005 et 2012 (...) complétées par une instruction du Président du Conseil des ministres de 2013 (...). En Suède, l'interdiction résulte de l'article 6-6 du règlement n° 1244 de 2007 sur les études d'impact relatives à une norme réglementaire (...). »

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