CONCLUSION GÉNÉRALE

En conclusion, le projet de contrat d'objectifs et de moyens de Campus France semble davantage conçu comme un outil de bon fonctionnement administratif, que comme la déclinaison d'une stratégie d'attractivité, alors que l'opérateur est confronté à d'importants défis pour l'avenir .

L'accent est mis sur l'amélioration des outils existants, sur le développement de la communication numérique et sur la dématérialisation des procédures, ainsi que sur divers instruments de gestion des ressources humaines et de pilotage de l'établissement. Ces objectifs et les indicateurs qui leur sont associés sont louables et de nature à confirmer Campus France comme acteur central de la politique d'attractivité . La recherche d'une efficience accrue, l'amélioration des outils existants pour mieux répondre aux besoins, et l'adaptation à l'ère numérique sont souhaitables, et de nature à conforter la place de la France dans la concurrence internationale.

Mais ce COM aurait dû être beaucoup plus ambitieux.

Il aurait dû être plus ambitieux dans ses objectifs , en s'inscrivant dans le cadre d'une relance de la politique d'attractivité de l'enseignement supérieur et de la recherche .

Il aurait dû aussi, et surtout, être plus ambitieux dans son volet « moyens » , quasiment inexistant, afin de permettre à l'opérateur de disposer d'une certaine visibilité pour l'avenir. Il est d'ailleurs regrettable que de nombreux COM ne remplissent pas cette fonction qui devrait pourtant être la leur.

La relance de la politique d'attractivité est indispensable puisque - un nombre croissant de pays l'ont aujourd'hui compris - l'attractivité de l'ESR est une composante essentielle de toute politique d'influence dynamique, contribuant au rayonnement tant linguistique que culturel et économique. Cette diplomatie du « soft power » est aujourd'hui essentielle à la « diplomatie globale » que la France souhaite mettre en oeuvre.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 15 novembre 2017, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Robert del Picchia et M. André Vallini.

M. Christian Cambon, président . - La commission a été saisie le 17 octobre 2017 du contrat d'objectifs et de moyens de Campus France, sur lequel nous devons nous prononcer avant le 28 novembre, en application de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État.

M. Robert del Picchia, co-rapporteur . - Je commencerai par rappeler les missions de Campus France, établissement public industriel et commercial, sous la double tutelle des ministères respectivement en charge des affaires étrangères et de l'enseignement supérieur et la recherche.

Campus France est chargé depuis 2012 de la gestion des bourses de mobilité, de l'accueil des étudiants étrangers et de la valorisation et la promotion à l'étranger de l'enseignement supérieur français.

À la différence de son homologue allemand, Campus France ne gère donc que la mobilité entrante sur le territoire, et pas la mobilité sortante, les deux étant pourtant liées, nous y reviendrons.

En 2016, Campus France a géré 31 000 mobilités, dont 22 600 pour le compte du ministère des Affaires étrangères, en baisse de 4 %, et 4 700 pour le compte de partenaires étrangers, en hausse de 5 %.

Le nombre de boursiers du gouvernement français était de 11 800. 21 % de ces boursiers viennent d'Asie et autant d'Afrique (hors Maghreb), 20 % d'Europe, 15 % du Maghreb, 14 % du Moyen-Orient et seulement 8 % d'Amérique.

S'agissant de la promotion de l'enseignement supérieur français à l'international, Campus France a organisé 51 événements en 2016, avec un accent particulier mis sur l'Asie et les Amériques.

L'opérateur contribue à l'animation du réseau des Espaces Campus France, qui n'ont toutefois pas de lien hiérarchique avec lui. Ces Espaces sont au nombre de 252 dans 122 pays, où ils constituent une composante à part entière du réseau culturel des ambassades.

Les recettes issues de la procédure dite « Études en France », de transmission des dossiers vers les établissements, sont intégralement reversées aux établissements à autonomie financière, et non à Campus France.

Le budget de l'opérateur s'élève, en 2017, à 26 millions d'euros, dont 3,8 millions d'euros de subvention du ministère des affaires étrangères et 1,8 million d'euros de subvention du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. 11,2 millions d'euros de ressources propres correspondent, pour l'essentiel, à des frais de gestion prélevés par Campus France sur les enveloppes de bourses gérées pour le compte du MEAE, et d'autres acteurs publics et privés, français ou étrangers 20 ( * ) .

Quels sont les enjeux auxquels Campus France est aujourd'hui confronté ?

Alors que la mobilité internationale a augmenté de 46 % entre 2009 et 2016, la France n'a accueilli que 13 % d'étudiants étrangers supplémentaires. Nous perdons donc des parts de marché.

En 2014, avec 235 000 étudiants internationaux, la France a reculé du 3e au 4e rang des pays d'accueil des étudiants en mobilité, après les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. Elle reste le premier pays non anglophone, mais talonnée de près par la Russie et l'Allemagne, qui devraient, sauf coup de théâtre, passer devant nous.

Les chiffres révèlent que l'accueil d'étudiants étrangers est conçu par plusieurs pays émergents comme une composante essentielle de leur politique d'influence régionale ou mondiale.

Ainsi, entre 2010 et 2015, les effectifs d'étudiants internationaux ont augmenté de 75 % en Russie, de 72 % en Chine, de 172 % en Arabie saoudite et de 179 % en Turquie.

Parmi les pays qui ont beaucoup progressé (+ 208 %), je mentionnerai aussi les Pays-Bas, car leur ascension dans le classement résulte de la diffusion très large de la langue anglaise dans leur système d'enseignement supérieur où 60 % des cours sont dispensés en anglais. Faut-il accepter de telles concessions à l'usage du français pour être plus attractif ? C'est une question que l'on peut se poser.

En Afrique, si la France reste la destination préférée des étudiants, une proportion croissante se tourne vers d'autres destinations : Canada, Italie, Ukraine, Émirats arabes unis et Arabie saoudite, avec notamment le développement de bourses d'études islamiques.

Cette situation est inquiétante.

La situation fragile de la France sur le marché mondial de l'enseignement supérieur et de la recherche est d'autant plus dommageable que l'attractivité de l'enseignement supérieur est un facteur majeur d'influence, les anciens étudiants étant ensuite prescripteurs dans leurs pays d'origines, où ils concourent aux liens économiques avec la France et à la diffusion de nos valeurs.

M. André Vallini, co-rapporteur . - Que propose le contrat d'objectifs et de moyens de Campus France pour répondre à ces enjeux ? Trois objectifs sont assignés à Campus France, s'agissant de la promotion et de la valorisation de l'enseignement supérieur, de son positionnement comme acteur central de la mobilité à l'international, et de l'amélioration de l'efficience de sa gestion. L'accent est mis sur l'amélioration des outils existants, sur le développement de la communication numérique et sur la dématérialisation des procédures, ainsi que sur divers instruments de gestion des ressources humaines et de pilotage de l'établissement.

Ces objectifs et les indicateurs qui leur sont associés, sont bien sûr tout à fait louables. La recherche d'une efficience accrue, l'amélioration des outils existants pour mieux répondre aux besoins, et l'adaptation à l'ère numérique sont bien sûr souhaitables, et de nature à conforter la place de la France dans la concurrence internationale.

Mais ce COM aurait pu être beaucoup plus ambitieux.

Pour cela, encore faudrait-il pouvoir donner une certaine visibilité à Campus France sur ses moyens, ce que ne fait pas le COM, qui mentionne simplement « à titre indicatif » le montant des subventions allouées à Campus France « en PLF 2017 ».

Le texte du COM porte d'ailleurs tantôt sur la période 2017-2020, tantôt sur 2018-2020... ce qui n'aide pas à la lisibilité du document.

Surtout, on aurait pu espérer lire dans ce COM l'expression d'une véritable politique d'attractivité, que le ministère souhaiterait voir Campus France mettre en oeuvre.

Or le COM ne fait aucune mention des objectifs poursuivis par le gouvernement en matière de mobilité et de bourses, qu'il s'agisse de favoriser la mobilité au niveau master et doctorat, de privilégier l'excellence académique, de promouvoir certaines disciplines notamment scientifiques, et d'accueillir davantage d'étudiants issus des pays émergents, en particulier, l'Inde, le Brésil et la Chine. Il nous semble, plus largement, que les échanges avec l'Amérique latine, pourraient être accrus, pour y encourager la francophonie.

Une plus grande synergie avec le réseau AEFE est par ailleurs recherchée, afin d'attirer davantage d'élèves des lycées français vers notre système d'enseignement supérieur. Là encore, on ne trouve rien dans le COM. Or cette synergie doit être accrue. C'est notamment la vocation du programme de bourses « Excellence Major », qui doit être développé.

En juillet 2017, une note commune de Campus France, de la Conférence des présidents d'université (CPU) et de deux Conférences de grandes Écoles, a par ailleurs proposé des mesures pour accroître l'attractivité des établissements français d'enseignement supérieur. Ces orientations sont les suivantes :

- Renforcer les bourses et augmenter les moyens alloués à l'accueil des étudiants et chercheurs ;

- Simplifier les procédures, adapter les formations, simplifier les modalités de séjour des étudiants, notamment l'accès au statut d'étudiant entrepreneur ;

- Organiser une campagne mondiale de communication et un véritable marketing de la destination France, car notre système d'enseignement supérieur et de recherche n'est pas très lisible à l'étranger. Cette orientation aurait dû être reprise dans le COM, à condition de donner à Campus France les moyens nécessaires à une telle campagne.

- Enfin, développer la mobilité sortante des étudiants français, qui est directement liée à la mobilité entrante. Or de fortes inégalités demeurent entre étudiants des universités (qui sont 26 % à connaître une expérience internationale) et étudiants des écoles (qui sont 81 % à faire cette expérience).

Sur ce point, le ministère pourrait par exemple demander à Campus France une concertation accrue avec l'agence « Erasmus plus France ». Plus largement, une réflexion sur le partage des compétences entre ces agences, et avec le Centre National des OEuvres Universitaires et Scolaires (CNOUS), serait nécessaire.

En conclusion, nous ne sommes donc pas défavorables à ce COM. Mais il nous semble qu'il aurait pu être plus ambitieux, et qu'il aurait dû donner à Campus France des perspectives plus claires en termes de moyens. C'est pourquoi notre avis est très réservé. Nous vous proposons donc de faire figurer ces remarques dans un rapport d'information de notre commission, Monsieur le président, que nous enverrons aux deux ministres de tutelle et aux membres du conseil d'administration de Campus France.

M. Olivier Cadic . - Merci pour cette vision d'ensemble des enjeux. La problématique est celle de la compétitivité de notre enseignement supérieur à l'international. Vous avez mentionné l'usage de l'anglais dans les universités aux Pays-Bas. C'est un des facteurs de compétitivité. S'agissant de Campus France, y-a-t-il des études de satisfaction auprès des universités et grandes écoles françaises, sur le fonctionnement de Campus France, qui pourraient comporter des pistes d'amélioration ?

M. Robert del Picchia, co-rapporteur . - L'usage de l'anglais est un facteur important, mais on ne peut pas faire abstraction de la langue française.

S'il y a moins d'étudiants étrangers c'est aussi qu'il y a aussi moins de places disponibles. Communiquer à l'étranger ne suffit pas. Il est nécessaire que l'offre soit suffisante.

La Commission adopte l'avis présenté par les rapporteurs sur le contrat d'objectifs et de moyens 2017-2020 de Campus France et autorise sa publication sous forme d'un rapport d'information.


* 20 Projet annuel de performances de la mission « Action extérieure de l'État », annexé au projet de loi de finances pour 2018.

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