N° 405

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 avril 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux entreprises (1) relatif à l' accompagnement du cycle de vie des entreprises ,

Par M. Olivier CADIC,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : Mme Élisabeth Lamure, présidente ; MM. Gilbert Bouchet, Olivier Cadic, Emmanuel Capus, Fabien Gay, Xavier Iacovelli, Joël Labbé, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Richard Yung, vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Catherine Fournier, Pascale Gruny, M. Jackie Pierre, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Guillaume Arnell, Mmes Martine Berthet, Annick Billon, M. Martial Bourquin, Mme Agnès Canayer, M. Michel Canevet, Mmes Anne Chain-Larché, Laurence Cohen, M. René Danesi, Mme Jacky Deromedi, M. Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Michel Forissier, Jean-Marc Gabouty, Éric Jeansannetas, Antoine Karam, Guy-Dominique Kennel, Daniel Laurent, Jacques Le Nay, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Sébastien Meurant, Claude Nougein, Philippe Paul, Rachid Temal, Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe.

SYNTHÈSE

I - LIBERER LA CREATION D'ENTREPRISE

591 000 entreprises ont été créées en 2017, soit deux fois plus qu'il y a dix ans.

Pourtant le rapport Doing Business de 2018, qui évalue la facilité à faire des affaires, fait reculer la France de deux places en un an, au 31 ème rang sur 190. Paris n'occupe que la 11 ème place des villes les plus dynamiques du monde pour les start up que notre écosystème peut produire mais qui peuvent être rapidement revendues à l'étranger.

Jamais le dynamisme entrepreneurial n'a été aussi fort, surtout chez les jeunes et 40 % des créateurs d'entreprise sont des créatrices. Or, des intentions aux actes, des freins demeurent, à commencer par la complexité administrative , comme le constatait dès 2008 le rapport Attali.

Créer son entreprise est un parcours du combattant qui commence dès lors que l'on souhaite se renseigner, et plus encore dans le choix du statut juridique de l'entreprise pour lequel Infogreffe recense 87 catégories différentes de sociétés . La différence entre une entreprise individuelle, qui est un statut, et la micro-entreprise, qui est un régime fiscal et social n'est pas évidente. Surtout que, depuis la création de ce dernier régime en 2009, les contraintes administratives se sont alourdies, comme l'obligation de posséder un logiciel de facturation. La proposition du rapport Grandguillaume de 2013 de simplification du statut juridique de l'entreprise, reprise par le Conseil de simplification pour les entreprises en 2014, n'a jamais été mise en oeuvre. Mieux, le rapprochement des régimes micro-social et micro-fiscal a été repoussé à 2020 et le doublement des seuils d'imposition risque de se révéler une mauvaise affaire pour les micro-entrepreneurs, les seuils de TVA n'ayant pas changé.

Si les Centres de formalités des entreprises se présentent comme un « guichet unique », ce qu'ils ne sont pas (il y en a 7 !), Infogreffe est l'interface la plus accessible et la plus rapide. Une fois l'entreprise créée, la publication effectuée par les annonces légales et le « Kbis » obtenu, l'entreprise doit enregistrer les « bénéficiaires effectifs », se voit attribuer un numéro SIREN, un SIRET par établissement, un code APE, lequel peut lui rendre applicable la convention collective de branche. Elle peut également faire protéger sa marque par l'INPI.

Dans leurs relations avec l'administration fiscale , les PME peuvent bénéficier de l'assistance d'un centre de gestion agréée, onéreuse, peu efficiente globalement comme l'a constaté la Cour des comptes en 2014. Les déclarations sociales, particulièrement complexes, font l'objet d'une « simplification » applicable aux entreprises depuis 2016. Son application aux personnes publiques a été repoussée en 2022, exemple caractérisé où l'État s'exonère des exigences qu'il impose aux entreprises privées .

Trois exemples de complexité du régime social de l'entreprise peuvent être mis en lumière : la généralisation des complémentaires santé, des exonérations et allègements de charges sociales, l'assujettissement des dividendes et stock-options à cotisations sociales.

Il conviendrait de regrouper les différents statuts de l'entreprise en deux grandes catégories, l'entreprise individuelle et la société anonyme (outre le régime des sociétés cotées), ce qui suppose une « remise à plat » d'ampleur.

Pour simplifier, il importe de créer un portail unique regroupant l'ensemble des sites publics fournissant de l'information sur la création d'entreprise, de faire d'Infogreffe un guichet unique des formalités de création des entreprises , d'étendre l'obligation d'immatriculation au RCS aux associations ayant une activité économique et employant plus de 10 salariés, de créer un identifiant unique afin d'éviter les démarches successives d'inscription auprès de différents « guichets » de l'administration. Toutes les déclarations relatives à la vie de l'entreprise seraient regroupées dans une déclaration annuelle . L'objectif de dématérialisation totale, déjà avancé en 2011, devrait conduire à mettre un terme à l'obligation de publication papier des annonces légales, ce qui représenterait pour les entreprises une économie de 250 millions d'euros par an.

La micro-entreprise, écosystème fragile, ne nécessite cependant pas de créer un statut du travailleur indépendant mais davantage de sécuriser les entreprises dans leurs relations avec ces entrepreneurs individuels en limitant les possibilités de leur requalification en salariés .

En revanche, il paraît utile de développer l'accompagnement de la création d'entreprise qui permet d'améliorer la réussite et la pérennité des jeunes entreprises, en le considérant comme du mécénat d'entreprise.

Pour alléger les charges pesant sur les PME, il faudrait aligner les seuils de certification des comptes par des commissaires aux comptes sur les normes européennes, revenant ainsi sur une surtransposition, tout en maintenant le rôle des centres de gestion agréés qui concourent à la lutte contre la fraude fiscale et jouent un rôle utile de pré-contrôle fiscal, voire d'alerte des difficultés de l'entreprise.

II - SOUTENIR LA CROISSANCE DE L'ENTREPRISE

Entre 2009 et 2016, le nombre des micro-entreprises a été multiplié par trois, mais sur le million déclaré, seules 2/3 (670 000) sont économiquement actives. Leur pérennité est faible, contribuant à une perception négative de l'aventure entrepreneuriale. Les TPE sont essentiellement tournées vers le marché local : elles représentent 19 % des emplois mais seulement 13 % du chiffre d'affaires total des entreprises et 3 % des exportations. La France compte deux fois moins de PME que l'Allemagne et manque singulièrement de « gazelles », entreprises en croissance rapide.

La France ne manque pas d'épargne . Mais elle est mal orientée et les épargnants délaissent les actions. Le nombre d'entreprises cotées a été divisé par deux en 8 ans, et le nombre de PME cotées a baissé de 10 %. Les ménages privilégient l'assurance-vie et l'investissement locatif. Le fonds pour l'innovation de rupture, alimenté par les privatisations, suffira-t-il à assurer le financement des entreprises ? Quoi qu'en dise le Gouvernement, qui ne souhaite pas créer de nouvelle niche fiscale, il manque un instrument dédié à cet objectif notamment pour créer un outil adapté au capital-risque afin de permettre le décollage des PME.

La France ne manque pas d'investissement, mais celui-ci est mal orienté et trop concentré , étant plus faible dans les ETI et plus encore dans les PME. La France manque d'investisseurs de long terme et la French Tech n'est pas à l'abri d'un retournement brutal de conjoncture. Il faut donc mener une bataille culturelle pour faire revenir l'épargne des ménages vers les actions , une bataille de simplification pour dissuader les entreprises de quitter les marchés sur-réglementés pour aller vers le private equity non régulé. D'autant que la France ignore les fonds de pensions, sauf pour les fonctionnaires, alors que ce financement est nécessaire pour compléter la retraite par répartition.

Pour renforcer l'investissement dans les entreprises, il faut doubler le mécanisme de l'IR-PME par analogie avec le dispositif britannique de l'Enterprise Investment Scheme , lequel vient d'être porté de 1 à 2 millions de livres sterling.

Le crédit bancaire envers les entreprises et singulièrement les TPE-PME reste frileux. Malgré un code de bonnes pratiques, une amélioration de la lisibilité des tarifs de financement, un engagement actif de la Médiation du crédit, une forte auto-censure de demande de crédit freine le développement des entreprises. L'intervention de Bpifrance n'est pas décisive sauf dans le segment des entreprises innovantes où elle comble la défaillance de l'investissement privé. Cette surexposition de la banque publique risque à terme de fausser l'allocation des ressources.

La France est bien placée dans la Fintech et la blockchain , qui devraient permettre une meilleure appréhension du risque financier à même de sécuriser les épargnants et diminuer les coûts de transaction des marchés, « ubérisation » du financement de l'économie dont les PME pourraient bénéficier. Il sera cependant nécessaire d' aider les TPE et les PME à s'approprier les nouveaux usages numériques et à intégrer ces technologies afin d'améliorer leur compétitivité.

La France manque en revanche d'ETI, lesquelles prennent une part essentielle à l'économie nationale comme l'avait relevé le rapport Retailleau de 2010, et qui sont les champions français sur les marchés mondiaux. Le marché du capital-investissement leur est particulièrement adapté. Toutefois, et alors même que les pouvoirs publics conviennent de la faiblesse des ETI françaises par rapport à leurs concurrents européens, ils leur imposent un empilement de mesures administratives, sans articulation, qui soumettent les ETI, à partir d'un certain seuil, aux mêmes obligations que les sociétés cotées et qui entravent leur transmission.

Au choc de simplification annoncé et tenté en 2012-2014 avec des résultats mitigés, a succédé en 2016-2017 un choc de complexité pour les ETI, résultant soit de la transposition de directives européennes, soit de lois qui ont accru les obligations d'information que cette catégorie d'entreprise doit recenser et rendre publiques : publication d'informations extra-financières (RSE), loi Sapin 2 etc... L'alourdissement de cette information est devenu indigeste pour l'actionnaire, l'investisseur et le public. L'ordonnance du 17 juillet 2017 a allégé certaines contraintes, notamment en mettant fin opportunément à la surtransposition de la directive comptable.

De nombreux dispositifs publics d'aide aux entreprises ont été développés, mais le logiciel permettant de se repérer dans les 1 654 aides publiques ne doit pas dispenser d'une rationalisation réclamée par la Cour des comptes en 2007, le rapport Guillaume de 2011 ou encore le rapport Queyranne de 2013 qui recensait 365 aides d'État représentant chacune moins de 5 millions d'euros. Ce foisonnement d'aides contraste avec un faible accès des PME, notamment innovantes, à la commande publique , déjà soulignée par le rapport Bourquin d'octobre 2015, qu'il conviendrait de faciliter en priorité. Il faut par ailleurs sécuriser les entreprises innovantes, susceptibles de se voir opérer un redressement fiscal en cas de recours au crédit d'impôt recherche et au crédit d'impôt en faveur de l'innovation .

Pour aider à la croissance des entreprises, il convient de réduire la complexité du droit de l'entreprise . La prise de conscience date de 2008 au niveau européen et la création de la Délégation sénatoriale aux entreprises en 2014 à l'initiative du Président Larcher en est le reflet. L'accumulation des formalités exigées a rendu le droit des sociétés formel. Les entreprises françaises doivent produire chaque année 10,7 millions de pièces justificatives demandées par l'administration, à l'occasion de 4,1 millions de démarches . Cette complexité administrative coûte chaque année 60 milliards d'euros à l'économie française. L'OCDE estime que 15 milliards pourraient être dégagés par une réduction de cette complexité. La loi pour un État au service d'une société de confiance est cependant un rendez-vous manqué . Le texte est davantage une incitation pour l'administration à s'adapter, dans le temps long (17 expérimentations et 12 habilitations à légiférer par ordonnance), qu'un allégement immédiat du fardeau administratif de nos entreprises pour conduire la bataille économique. Il vaudrait mieux mener rapidement à terme la simplification pragmatique du code de commerce initiée par le Sénat depuis août 2014 et discutée en séance publique le 8 mars dernier, élément contribuant à l'action que mène le Sénat en faveur de la simplification pour les entreprises.

L'entreprise n'a jamais été définie en droit . Créer un code des entreprises permettrait de rassembler les dispositions éparses qui traitent des entreprises, quelle que soit leur forme juridique. À cette occasion, une remise à plat serait effectuée, à l'instar de ce qui a été fait en Allemagne en 2009. De même, comme l'a proposé le Sénat le 24 octobre 2017 dans la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, conviendrait-il de créer un tribunal des affaires économiques pour unifier le contentieux du droit des entreprises en difficultés.

Contrairement aux normes obligatoires, la normalisation volontaire favorise le développement de l'entreprise. L es entreprises qui s'investissent dans l'élaboration de normes volontaires et les appliquent ont connu un surcroît de croissance annuelle de leur chiffre d'affaires de 20 % et autant pour l'exportation. Les entreprises allemandes l'ont bien compris et sont les plus engagées dans le monde dans le processus de normalisation de l'ISO.

Il faut donc encourager les entreprises françaises à s'engager dans le processus de normalisation, leur permettant de co-créer des normes qui améliorent leur performances et leur permettent de bénéficier d'avantages comparatifs par rapport à leurs concurrents.

L'entreprise est également collectrice d'impôts.

À compter du 1 er janvier 2019, les entreprises seront même désormais des tiers collecteurs de l'impôt à la source , ce qui aura un coût élevé de gestion pour elles.

Les entreprises étaient redevables de 233 prélèvements en 2016, collectant 773 milliards de recettes fiscales pour l'État , mais huit concentraient 85 % des recettes et 96 autres n'en représentaient que 0,3 %. Outre les quatre taux de TVA, la collecte de ces taxes par les entreprises est source de complexité pour les entreprises. L'administration fiscale fait en outre subir aux entreprises un « yalta administratif » entre la DGFiP et la DGDD, alors que plusieurs déclarations pourraient être réunies au sein d'un même document avec un même interlocuteur. Les contrôles fiscaux aléatoires sur les entreprises devront être remplacés à terme par un ciblage utilisant les outils de la Fintech , permettant à des algorithmes de procéder à une analyse des bilans des entreprises afin de détecter d'éventuelles fraudes. Mieux ciblé, le contrôle fiscal sera ainsi mieux accepté. Le temps ainsi gagné pourra être consacré par l'administration fiscale à des fonctions de conseil aux entreprises.

De même, les déclarations sociales pourraient être simplifiées ; l'assujettissement aux cotisations sociales des dividendes et stock-options, singularité de la France en Europe, pourrait être supprimé . Enfin, la simplification, pour l'entreprise, du bulletin de paie reste à entreprendre. Pourquoi ne pas créer un organisme interface entre les salariés et les organismes sociaux, afin de créer un taux de cotisation sociale unique pour les salariés et les entreprises en fonction du salaire distribué à charge pour cet organisme de répartir les cotisations sociales entre tous les organismes sociaux ?

La France est un pays de seuils . Elle compte 2,4 fois plus d'entreprises de 49 que de 51 salariés et 1,8 fois plus d'entreprises de 48 et 49 salariés qu'en Allemagne. Le gel des seuils, préconisé par le Sénat depuis la discussion de la loi Macron en 2015, devrait être une étape vers leur alignement sur un nouveau seuil unique de 250 salariés.

Pour orienter l'épargne des ménages vers les entreprises, le rapport recommande d'assouplir au préalable les contraintes de la directive Solvabilité II et de renforcer l'éducation financière .

Outre la réforme de l'eurocroissance et le développement de nouveaux contrats en euros bonifiés, il faut encourager la portabilité et la transférabilité totales des produits d'assurance-vie au cours de la vie professionnelle et faire de l'épargne retraite un instrument d'attractivité de la France pour tous les entrepreneurs européens, en garantissant sa portabilité européenne, favorisant ainsi la mobilité internationale des salariés. Cela permettrait à la nouvelle génération d'entrepreneurs, notamment de start upers de se lancer dans une aventure entrepreneuriale à l'échelle européenne en étant garantis d'une épargne-retraite constituée indépendamment de leur lieux d'activité successifs, laquelle concourrait au financement de l'économie, en renforçant l'investissement en fonds propres.

Pour le financement des PME par les marchés, le préalable est d'assouplir la directive Prospectus , mais également d'endiguer la sur-règlementation du droit souple de la part des autorités de régulation (on dénombre un stock de 790 recommandations pour l'Autorité des marchés financiers) ou d'expérimenter des circuits courts de financement.

Dans la bataille de l'exportation, les PME françaises exportatrices (de 125 000 à 360 000) considèrent que le soutien public à l'export est peu efficace. Le plan d'action annoncé le 23 février 2018 ne semble pas à la hauteur du déficit de 63 milliards de notre balance commerciale.

Pour permettre aux entreprises exportatrices de se battre à armes égales à l'international avec leurs concurrents internationaux et rapatrier en France la marge bénéficiaire réalisée actuellement à l'étranger par des entreprises françaises, il faut moduler le taux de l'IS en fonction de la part des exportations dans le chiffre d'affaires de l'entreprise, l'avantage fiscal étant plafonné à 200 000 euros (règle de minimis ).

III - TRANSMETTRE, REBONDIR OU DISPARAITRE,

LA FIN DE VIE DES ENTREPRISES

Avec 55 000 défaillances d'entreprises par an, un nombre en diminution, la France se situe dans la moyenne européenne pour la durée de ses procédures (composées à 70  % de liquidation judiciaire, 27 % de règlement judiciaire et 2 % de sauvegarde). L'activité économique préservée par ces procédures varie entre 3 et 5 milliards.

Depuis quelques années, le regard sur l'échec change . Alors qu'aux États-Unis, un échec entrepreneurial est une expérience , c'est en France toujours une défaillance de l'entrepreneur. Cependant, les notions de rebond et de seconde chance progressent, notamment avec la suppression en 2013 d'une mesure pénalisante et stigmatisante des entrepreneurs passés par une liquidation judiciaire, et grâce aux associations d'aide au rebond. Cependant, l'extension de l'assurance-chômage des entrepreneurs, promise lors de la campagne présidentielle, et susceptible de dédramatiser l'échec, se réduit pour l'instant aux seuls travailleurs indépendants ayant connu une liquidation judiciaire.

Le droit français des entreprises en difficulté met l'accent sur la prévention. Il est particulièrement complexe , que ce soit pour ses procédures préventives ou pour ses procédures judiciaires. Depuis une quinzaine d'années, le législateur a créé de nouvelles procédures, sans cesse plus ciblées, pour s'adapter à toutes les situations en créant un continuum rendant parfois difficile l'appréciation de l'adéquation de la procédure applicable à la situation économique de l'entreprise, notamment pour les PME.

Le Président de la République ayant, en septembre 2017, ouvert une perspective d'unification du droit franco-allemand de la faillite, le rapport s'attache à une comparaison avec le droit allemand .

Deux divergences (soulignées par des études d'Oseo en 2008 et de la COFACE en 2012) essentielles dominent :

1/ alors que le droit français a développé une grande variété de procédures amiables (mandat ad hoc , conciliation) ou judiciaires (redressement judiciaire, liquidation judiciaire, liquidation judiciaire simplifiée, sauvegarde, sauvegarde financière accélérée), le droit allemand se fonde sur une seule procédure ;

2/ alors que le droit français offre une protection faible aux créanciers par rapport aux autres parties, notamment les actionnaires, le droit allemand se situe dans une position intermédiaire en termes de protection des créanciers. En France, le débiteur a le monopole de la présentation du plan de sauvegarde et les créanciers sont seulement invités à formuler un avis, non liant, sur ce plan. En Allemagne, un juge dirige la procédure collective mais doit obtenir l'accord des créanciers pour toute restructuration du passif.

Cette convergence franco-allemande d'un droit de la faillite supposerait de combiner les droits les plus performants :

- le droit français pour le traitement précoce des difficultés des entreprises, qui est un modèle en Europe, a fait ses preuves lors de la crise financière de 2008 et repose sur la procédure de conciliation, confidentielle, dont le taux de réussite avoisine les 70 % ;

- le droit allemand pour la liquidation, qui est beaucoup plus favorable aux créanciers, lesquels sont regroupés en classes et qui permet de passer outre la résistance des actionnaires par un cross-class cram-down inspiré du Chapter 11 américain.

Le droit européen étant en cours d'harmonisation, pour mettre l'accent sur la rapidité des procédures afin de faciliter le rebond, la future transposition du la directive, qui sera adoptée sur le fondement de la proposition du 22 novembre 2016, devra opérer la première étape de ce rapprochement franco-allemand du droit de la faillite.

Pour anticiper les défaillances d'entreprise, il convient de poursuivre les efforts en matière de délais de paiement, source chronique de menace sur la pérennité des entreprises (32 % des PME subissent des retards de paiement, pour un coût de 635 milliards d'euros). L'État, qui a amélioré ses propres délais de paiement, pratique la remise de prix pour les « bons élèves » et le « name and shame » pour les mauvais élèves. Il pourrait être utile de différencier les délais de paiement en fonction de la taille des entreprises afin de prendre en considération leur plus fort impact sur les PME.

Lorsqu'une entreprise rencontre des difficultés et se met en défaut à l'égard de ses obligations fiscales ou sociales, les pénalités et intérêts de retard ont tendance à aggraver la situation. En lieu et place de pénalités linéaires, leur progressivité permettrait un redressement plus rapide de la situation des entreprises confrontées à des difficultés temporaires.

Pour la transmission des entreprises , il est préconisé une exonération totale de droits de succession en contrepartie d'un allongement des délais de détention des parts de l'entreprise, lesquels seraient au total portés à huit ans. Pour faciliter les fusions-acquisitions et la croissance de certaines entreprises, il préconise de créer un abattement fiscal sur les plus-values de cession sur la cession des fonds de commerce réalisées au cours d'une vie professionnelle et pas seulement à l'occasion d'un départ à la retraite .

Il est également envisagé par ailleurs de supprimer les stigmatisations des entrepreneurs ayant connu l'échec (suppression des cotations 050 et 040 de la Banque de France) pour faciliter leur rebond.

Enfin, pour fermer rapidement une entreprise , perspective non aboutie malgré une habilitation législative de 2014, il conviendrait de s'inspirer de la procédure de turbo-dissolution aux Pays-Bas pour permettre un rebond rapide de l'entrepreneur.

Ces orientations, présentées lors de la 3 ème journée des entreprises au Sénat, jeudi 29 mars 2018 ont été adoptées par la Délégation aux entreprises du Sénat le jeudi 5 avril 2018.

Page mise à jour le

Partager cette page