B. LA SPOLIATION DES OBJETS D'ART ET DE CULTURE, UNE SPOLIATION LONGTEMPS SOUS-ESTIMÉE

La spoliation d'objets d'art et de culture appartenant à des juifs a été systématique pendant l'Occupation.

Il convient de souligner d'emblée deux caractéristiques majeures de cette spoliation, pour les prolongements qu'ils ont encore aujourd'hui sur la problématique de la réparation.

En premier lieu, la spoliation intervenue dans ce domaine a été dès l'origine une affaire internationale, caractéristique qui reste encore aujourd'hui fondamentale pour résoudre les problèmes particuliers rencontrés par la réparation de ce type de spoliations.

La France n'a pas été la seule, ni même la première en date concernée - avant même l'Occupation, des spoliations ont été systématiquement pratiquées par les nazis en Allemagne, en Autriche et en Tchécoslovaquie 25 ( * ) - mais, étant donné la richesse de son patrimoine artistique et la structuration dynamique de son marché de l'art, elle est généralement considérée comme l'un des pays les plus concernés par la spoliation des objets d'art.

Par ailleurs, la spoliation une fois commise les circuits empruntés par les spoliateurs ont été d'emblée transnationaux.

En second lieu, plus encore que dans le champ de la spoliation financière, les données sûres manquent pour apprécier le phénomène avec une exhaustivité suffisante d'un point de vue global et, plus encore, d'un point de vue individuel.

C'est que la spoliation a mobilisé des voies diversifiées, aux vols purs et simples se superposant des extorsions plus retorses, aux interventions des services officiels s'ajoutant l'action des supplétifs de la spoliation artistique...

Observation n° 8 : si le recensement des spoliations d'objets d'art et de culture manque sans aucun doute d'exhaustivité et fait l'objet d'appréciations très hétéroclites, il est avéré que la spoliation a été massive en ce domaine.

1. Des spoliations massives, mais des estimations incertaines

Aujourd'hui encore, toute estimation relative à l'ampleur des spoliations d'objets d'art et de culture ne saurait prétendre qu'à une valeur indicative et faire l'aveu de son défaut de précision.

Les recensements généraux manquent d'exhaustivité et de précision.

C'est dire a fortiori que l'identification des spoliations au cas par cas, qui est un élément nécessaire, même s'il n'est pas suffisant, à toute politique de réparation effective, qu'elle prenne la forme d'une restitution ou d'une indemnisation, est très loin d'être réalisée.

a) Des estimations très disparates

Un constat général s'impose : dans le domaine des objets d'art et de culture, des chiffres très disparates ont pu être mentionnés dans les travaux publiés.

Le chiffre maximal, issu des archives militaires des États-Unis, de 50 millions d'objets d'art volés (répartis dans 1 400 entrepôts), certes global, semble impliquer, pour la France même, une spoliation très supérieure aux estimations figurant dans les rapports à partir desquels l'on envisage aujourd'hui couramment les spoliations d'objets d'art et de culture en France, qui laissent un bilan de 100 000 objets.

Cette dernière estimation est, au demeurant, des plus incertaines, reposant sur un décompte réalisé à partir du Répertoire des biens spoliés, publié entre 1947 et 1949 par le Groupe français du Conseil de Contrôle à partir des signalements recueillis de sources diverses, dont une partie seulement concernait les oeuvres d'art 26 ( * ) .

Or, selon un décompte proposé très récemment par Johanna Linsler 27 ( * ) , le nombre des oeuvres d'art stricto sensu figurant au répertoire ne s'élèverait en fait qu'à 14 516 (11 712 tableaux et dessins, 2 258 sculptures et 546 tapisseries), le nombre de 100 000 ne pouvant être déduit du répertoire que moyennant la prise en compte d'objets, certes précieux, mais ne relevant pas de la catégorie des oeuvres d'art. L'auteur précise immédiatement que son estimation ne doit pas être interprétée comme devant conduire à « minimiser » le chiffre de 100 000 objets spoliés en France, qui, du fait qu'il ne corresponde qu'aux spoliations effectivement déclarées - ne saurait correspondre aux pertes subies en réalité » .

Il n'appartient évidemment pas à votre rapporteur spécial de réconcilier ces appréciations divergentes.

Cependant, il est nécessaire de les mentionner et justifié de recommander qu'une analyse de leur portée et de leurs déterminants permettent de mieux les expliquer et in fine de les dépasser.

Cette recommandation ne fait qu'exemplifier, sur un point particulier, un besoin plus général d'amélioration des connaissances afin de mieux accomplir l'oeuvre de réparation confiée à la CIVS, besoin apparu tout au long des travaux préparatoires au présent rapport et dont la satisfaction appelle la réunion de conditions aujourd'hui manquantes tant au niveau interne qu'international (voir infra ).

À cet effet, il paraît nécessaire de ne pas continuer à négliger que l'un des apports des travaux réalisés sur ce point a été précisément de souligner la nécessité d'une meilleure connaissance des spoliations, même lorsque ces travaux n'en envisageaient que les formes les mieux repérées alors .

Cette conclusion ressortait déjà du rapport particulier réalisé sur ce point dans le cadre de la mission Mattéoli 28 ( * ) , qui, au demeurant, dans son rapport général, formulait sans ambiguïté une série de recommandations portant précisément sur la recherche des phénomènes de spoliation (voir l'annexe n° 2 au présent rapport).

Quant au rapport particulier sur le pillage des oeuvres d'art, s'il a apporté de nombreux éléments très appréciables, il n'a pu susciter un quelconque sentiment d'achèvement, le manque d'une parfaite exhaustivité des analyses et des recherches alors présentées étant d'ailleurs parfaitement admis par le document alors produit.

b) Les incertitudes du rapport de la mission Mattéoli

De fait, le rapport publié abonde en interrogations et concède bien des incertitudes sur l'ampleur des spoliations.

Une brève présentation des conclusions du rapport permet de faire ressortir que trois sources principales de spoliations d'objets d'art et de culture furent alors mises en évidence :

- la spoliation des oeuvres par l' Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), service allemand créé en septembre 1940 ;

- le pillage des appartements, un service dédié, la Dienstelle Westen , opérant dans le cadre de la Möbel-Aktion étant chargée de ces spoliations ;

- l'aryanisation économique dont le socle législatif fut la loi du 22 juillet 1941 déjà mentionnée qui privait les personnes considérées comme juives de la presque totalité de leurs possessions, parmi lesquelles ont pu se trouver des objets d'art et de culture.

Pour être tout à fait complet, le rapport mentionnait encore une voie de spoliation proprement interne présentée peut-être un peu curieusement comme un fruit de l'imagination des musées français pour tenter de mettre à l'abri des appétits nazis quelques éléments capitaux du patrimoine national, et tout particulièrement ceux des collections Rothschild , à savoir l'utilisation d'un droit de préemption sur des biens placés sous séquestre .

La profusion de chacune de ces sources est plus ou moins précisée.

S'agissant des spoliations réalisées par l'ERR , aucun chiffre n'est proposé.

Le rapport de la Commission Mattéoli qui avait concédé que « le nombre total des oeuvres spoliées par l'ambassade d'Allemagne échappe encore aux investigations » , se basant sur les données quantitatives fournies par les pilleurs eux-mêmes, données évidemment peu sûres, les très certaines imprécisions dues au « coulage » mais aussi aux confusions nécessairement impliquées par « un stock d'une telle ampleur » devant être prises en compte, évoquait, de son côté, quelques éléments d'évaluation, entourés d'une forte probabilité de sous-estimation (voir l'encadré ci-dessous).

Estimation portant sur les objets d'art spoliés par l'ERR

« 16 872 références (oeuvres, objets, mobilier) consignées par l'ERR proviennent de 216 listes qui correspondent à des situations patrimoniales extrêmement contrastées :

- 4 collections d'exception, réunissant plus de 1 000 références chacune, cumulent plus de 10 000 objets : les collections Rothschild, David-Weill, Alphonse Kann et Seligmann ;

- 6 collections considérables correspondent à un patrimoine spolié compris entre 200 et 999 références saisies : les collections ou stocks Lévy de Benzion, Wildenstein, Paul Rosenberg, Kraemer, Pregel Auxente et Walter Strauss. Ces six provenances totalisent près de 2 500 références ;

- 14 collections très importantes sont chacune spoliées de 100 à 199 objets ;

- 37 collections importantes sont chacune spoliées de 99 à 21 objets ;

- 29 collections notables sont chacune spoliées de 10 à 20 objets ;

- 46 petits ensembles de 3 à 9 objets sont spoliés ;

- 60 oeuvres isolées (une ou deux références) sont touchées par les spoliations de l'ERR.

Pour 20 provenances, l'état des dossiers dépouillés ne permet pas de comptabiliser les patrimoines individuels.

Pour 43 provenances (correspondant à 586 oeuvres), il n'a pas été possible, à l'étape actuelle de la recherche, d'identifier, dans les dossiers de la Commission de récupération artistique, de déclarations de spoliés ou de récapitulatifs de restitutions qui leur correspondent.

Ces chiffres révèlent donc que :

- 49 % des collectionneurs spoliés possédaient 2 % des biens saisis ;

- 5 % des collectionneurs spoliés étaient propriétaires de 75 % des biens saisis. »

Source : Mission d'étude sur la spoliation des juifs de France

En ce qui concerne la Möbel-Aktion , 69 619 logements auraient été vidés dont 38 000 à Paris, le sort des très nombreux objets spoliés étant très mal connu , même si, parmi les MNR (voir infra ), dix-huit pièces (dont douze tableaux) ont pu être considérés comme issu de cette modalité de spoliation.

Quant à l'ampleur des effets de l'aryanisation , elle ne fait l'objet que de quelques hypothèses, fondées sur la chronologie des opérations de spoliation (l'aryanisation aurait en pratique démarré après les autres spoliations) ou la capacité des victimes à anticiper ses exactions, hypothèses selon lesquelles cette forme particulière de la spoliation aurait peu touché les objets d'art.

Enfin, en ce qui concerne l'utilisation du droit de préemption , après avoir mentionné que 60 millions de francs de crédits exceptionnels lui furent consacrés , le rapport indique qu'il fut exercé sur des oeuvres d'art provenant de huit collections ajoutant à cette information quelque peu générale une référence correspondant aux objets d'un séquestre particulier 29 ( * ) , sans doute distingué à raison de l'absence de tout règlement financier.

c) Une spoliation très mal connue, les livres

La spoliation des livres est encore beaucoup plus mal appréhendée. Des bibliothèques entières furent confisquées pendant l'Occupation, certains ouvrages étant transférés en Allemagne, d'autres ayant pu être dissipés par des bibliophiles français. Les estimations sont très incertaines, mais les vols semblent avoir été massifs 30 ( * ) : entre 500 000 et 10 millions de volumes, ce dernier chiffre semblant une limite plus plausible que le premier.

d) Les difficultés du rattachement individuel des spoliations

Les recensements concernant les spoliations d'objets d'art et de culture reposent sur des sources diverses, qui, souvent, ne permettent pas d'appréhender finement les patrimoines individuels spoliés.

L'incomplétude des connaissances sur les spoliations d'objets d'art et de culture, conçues comme participant d'un phénomène dont l'appréhension globale est mal connue, est encore plus accusée sous sa dimension singulière, pour laquelle seules certaines situations correspondant notamment à de grands marchands d'art sont à peu près bien documentées. Il convient d'en saisir les effets en termes d'action publique de réparation sur laquelle elle dresse des obstacles qu'il faut abattre. Pour en appréhender les causes, il est nécessaire d'évoquer, en plus des insuffisances multiples que présente le travail d'archives, insuffisances auxquelles il est impératif d'apporter une réponse déterminée, celles du travail historique, qui, trop longtemps est resté incomplet.

2. Certains circuits de spoliations restent à mieux identifier

De fait, un travail résolu d'approfondissement des connaissances sur la spoliation des objets d'art et de culture s'impose d'autant plus que différentes caractéristiques de la spoliation des objets d'art, font obstacle à une détermination satisfaisante des spoliations à partir des approches centrées sur les procédures, et leurs acteurs officiels, sans doute trop exclusivement privilégiées dans les travaux réalisés à la fin des années 1990.

Elles méritent de se voir adjoints des développements complémentaires résultant de la prise de conscience d'une plus grande diversité des modalités prises par la spoliation .

Comme dans d'autres domaines, à côté de la spoliation accompagnée de coercition, des spoliations reposant sur des situations de fait et sur le déséquilibre, pour le moins, dans les pouvoirs de négociation des parties, ont été commises, phénomène qui rend particulièrement fluctuantes les frontières de la spoliation.

Un exemple de la ténuité des frontières de la spoliation dans le domaine de l'urbanisme: l'aménagement de l'îlot 16 par le département de la Seine

Les spoliations ont pu emprunter des voies apparemment légales dans un assez grand nombre d'hypothèses correspondant à des opérations ordinaires, soit de négociations commerciales, soit d'applications ponctuelles de procédures réservées à la puissance publique.

Pour ordinaires que puissent avoir semblé ces opérations, les circonstances extraordinaires dans lesquelles elles sont intervenues induisent une suspicion sur le détournement dont elles ont pu être l'objet.

Cette suspicion a été tôt consacrée par des dispositifs juridiques et est prise en compte dans le cadre des procédures de réparation, en particulier dans celle placée sous l'égide de la CIVS.

Pour les transactions purement privées, la réalité du consentement d'une partie pouvant être soumise à des pressions dolosives est au coeur du problème.

En ce qui concerne les procédures correspondant à l'exercice de prérogatives de puissance publique, on a mentionné un exemple avec la mise en oeuvre du droit de préemption, qui, malgré certaines ambiguïtés, a pu prolonger des spoliations d'objets d'art.

La procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique a également été mise en cause dans le cas particulier de l'aménagement de l'îlot 16 par la préfecture de la Seine.

Un rapport du conseil du patrimoine privé de la Ville de Paris publié en 1998 a permis de montrer que la combinaison de la spoliation immobilière sous le régime de l'administration provisoire et de l'application de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique avait pu aboutir à une spoliation caractérisée par l'insuffisance du prix de cession obtenu.

Or, c'est un second constat qu'il faut particulièrement souligner : sur ce point, l'évolution de l'approche de la spoliation d'objets d'art et de culture a été très lente et demeure encore trop inaboutie.

Il convient de souligner tout particulièrement la reconnaissance lente de la diversité des circuits de spoliation , et, en particulier, que ceux-ci ont pu prendre la forme d'opérations plus ou moins ordinaires, celles correspondant aux échanges sur le marché de l'art, mais aussi emprunter la voie du pillage, plutôt que celle plus bureaucratisée des spoliations effectuées dans le cadre des procédures officielles.

Certaines des étapes franchies par les travaux historiques peuvent être ici rappelées. Elles ont permis de progresser, pas à pas, vers une meilleure connaissance des spoliations d'objets d'art, mais sans que celle-ci ait encore reçu tous les prolongements pratiques qu'elle implique pourtant très clairement (voir infra les développements consacrés à la thématique de la réparation particulièrement dans sa période la plus récente).

Ainsi, le rapport de la mission Mattéoli n'abordait que très allusivement les spoliations ayant pu passer par le fonctionnement du marché de l'art au regard de la question particulière des objets dits « MNR 31 ( * ) » (voir infra ).

Cette lacune n'a pas été que partiellement comblée depuis.

Le « rapport définitif du groupe de travail sur les provenances d'oeuvres récupérées après la seconde guerre mondiale » (voir infra ) de juin 2014, qui prolonge assez largement le travail initial réalisé à la fin des années 1990, n'infléchit que partiellement la manière de présenter les modalités de spoliation.

Dans ces conditions, il faut, en premier lieu, insister sur un soupçon essentiel, celui que les objets identifiés à la Libération comme spoliés, et ayant fait retour en France, peuvent être très loin de recouvrir la totalité de la spoliation. Cette interrogation doit se prolonger par une série de recommandations pratiques visant à resserrer les mailles du filet de la recherche active des objets spoliés par les nazis.

La préconisation d'une attitude plus réaliste et plus systématique quant aux objets d'art ou culturels spoliés en découle.

En le considérant dans toute sa diversité, des négociations passant par les maisons de vente à celles plus directes entre parties, il apparaît indispensable de prendre plus complètement en compte cette modalité de la spoliation.

La grille d'analyse des circuits de la spoliation conditionne en effet l'exhaustivité des recherches de biens spoliés dans la mesure où la négligence de certaines sources de spoliations conduit à limiter sans juste cause le spectre de ces recherches et, par voie de conséquence, la réparation des préjudices subis par les victimes.

Au demeurant, la situation des MNR montre assez les enjeux d'une approche réaliste, c'est-à-dire complète, des processus de spoliation. En ce qui concerne cette catégorie particulière d'objets - 2 143 objets revenus du territoire de l'ex-Grand Reich et demeurant sous la garde des Musées nationaux-, l'étude trop tardive et à ce jour incomplète de la provenance de ces oeuvres illustre assez l'importance prise par cette modalité « astucieuse » de la spoliation que fut la voie du commerce de l'art.

En effet, la mission Mattéoli pouvait proposer les données suivantes sur la répartition des provenances des MNR en indiquant :

« (l)es premiers résultats communiqués par les différentes équipes de recherche permettent de mettre en évidence deux groupes de provenance principaux : d'une part les objets spoliés, principalement par l'ERR, d'autre part les objets achetés sur le marché de l'art parisien.

Les résultats qui figurent ici font le point des résultats acquis au 1 er mars 2000 :

- 10 % environ d'objets spoliés ;

- 65 % d'objets achetés sur le marché parisien ;

- 25 % d'objets dont l'historique est incomplet ou inconnu ».

Cette estimation atteste, pour le moins, qu'outre les voies directes de la spoliation passant par les procédures officielles mettant en jeu l'action de services administratifs suivant peu ou prou - il y eut du « coulage » - les procédures inhérentes à tout éthos bureaucratique, il y a lieu de considérer les actes plus discrets, peut-être également moins réglementés, de transmission d'objets extorqués par le truchement de négociations commerciales plus ou moins publiques en fonction des circuits empruntés par celles-ci.

Au demeurant, les circuits officiels et commerciaux peuvent se rejoindre comme l'a notamment démontré un rapport des services secrets américains de l' Office of strategic services (OSS), qui, rappelant qu'aucune trace de vente officielle par l'ERR n'avait été identifiée, n'en a pas moins mentionné l'existence de 97 tableaux écoulés par l'ERR dans le cadre de négociations avec un certain nombre de marchands énumérés dans le rapport de la mission Mattéoli, qui ajoute n'être pas en mesure de garantir l'exhaustivité de ce recensement.

Il faut ajouter que le pillage des appartements par des officines d'inégale ampleur agissant ou non sous des protections officielles a certainement donné lieu à des spoliations évidemment non enregistrées dans les documents administratifs où se trouvaient dûment mentionnées les spoliations réalisées par les services officiels.

Ainsi donc, sans nullement prétendre à l'exhaustivité, il faut mentionner deux motifs qui conduisent à douter sérieusement de l'exhaustivité des recensements selon lesquels a pu être appréciée l'assiette des biens spoliés, devant par là même faire l'objet de restitutions : l'incomplétude des recensements des « fonds » issus de la spoliation ayant été constitués à un moment ou à un autre par des services officiels ; la voie, dont l'ampleur est encore incertaine, des transactions commerciales, des échanges, dont la destination finale, pas plus que l'origine, n'a encore été identifiée.

*

* *

Recommandation n° 2 : la mesure précise du périmètre des spoliations, en particulier celui des spoliations d'objets d'art et de culture n'est à ce jour pas faite, des circuits importants de la spoliation ayant été trop peu analysés, parmi lesquels doivent être mentionnées les transactions d'apparence commerciales portant sur ces objets. Il est essentiel que cette grave lacune soit comblée et que la recommandation formulée par la mission Mattéoli d'approfondir les connaissances sur les spoliations soit enfin mise en oeuvre.

À ces considérations sur les spoliations réalisées pendant l'Occupation, il convient hélas d'ajouter le poids des erreurs et incertitudes portant sur les effets des procédures de restitution mises en oeuvre dans l'après-guerre, dont certaines ont pu très malencontreusement prolonger les vols commis pendant la guerre.


* 25 Dans ce contexte, l'éventualité de superpositions de spoliations n'est nullement à exclure, compte tenu, en particulier, du peu de dilection des nazis pour certaines oeuvres « dégénérées » qu'ils avaient pu soustraire à leurs premières victimes sans les détruire toutes et dont le sort ultérieur est à ce jour loin d'avoir été identifié.

* 26 Totalisant 6 000 pages, le répertoire enregistre toutes sortes de biens et ne peut être considéré comme autre chose qu'une compilation de témoignages à la fiabilité et à l'exhaustivité relatives.

* 27 « Lumière sur les « MNR » ? Les oeuvres d'art spoliées, les musées de France et la Mission Mattéoli : les limites de l'historiographie officielle. Johanna Linsler. Mars 2018.

* 28 « Le pillage de l'art en France pendant l'Occupation et la situation des 2 000 oeuvres confiées aux musées nationaux ». Contribution de la direction des Musées de France et du Centre Georges-Pompidou aux travaux de la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France.

* 29 Le séquestre May.

* 30 Voir sur ce point « Livres pillés, lectures surveillées : les bibliothèques françaises sous l'Occupation », Martine Poulain.

* 31 Pour « Musées nationaux récupération »

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