ANNEXE

Cour des comptes - rapport public annuel, février 2017.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 décembre 2018, la commission a entendu la communication de Michel Vaspart sur la proposition de résolution européenne relative à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement n° 1316/2013 en ce qui concerne le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, avant de débattre au cours d' une table ronde sur la compétitivité des ports maritimes, à laquelle participaient : MM. Michel Neugnot , président de la commission Transports et mobilité de Régions de France, Hervé Martel , président de l'Union des ports de France (UPF), Jean-Marc Roué , président d'Armateurs de France et Nicolas Trift , sous-directeur des ports et du transport fluvial au ministère de la transition écologique et solidaire.

I. PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE N° 172 PRÉSENTÉE AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 QUATER DU RÈGLEMENT, SUR LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL MODIFIANT LE RÈGLEMENT (CE) N° 1316/2013 EN CE QUI CONCERNE LE RETRAIT DU ROYAUME-UNI DE L'UNION EUROPÉENNE

M. Hervé Maurey, président. - Nous avons été saisis d'une proposition de résolution européenne, adoptée par la commission des affaires européennes, portant sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant l'annexe du règlement régissant le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe.

Cette proposition de règlement, publiée pendant l'été, a été présentée comme une préparation des conséquences, pour les ports européens, d'un retrait du Royaume-Uni de l'Union sans accord, autrement appelé « hard Brexit ». Il s'agit en réalité d'un texte mal conçu sur le plan technique pour traiter la question des corridors maritimes et qui traduit surtout l'influence des pays du Benelux.

La proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes demande le retrait de ce texte. Le Gouvernement est également sur cette ligne.

En l'absence de modification de notre part, cette proposition de résolution européenne sera considérée comme adoptée le 30 décembre prochain et deviendra résolution du Sénat.

Je remercie Michel Vaspart d'avoir bien voulu travailler sur cette question dans des délais très courts ; il est vrai que sa maîtrise du sujet a dû lui simplifier la tâche.

M. Michel Vaspart . - La commission des affaires européennes a adopté, le 29 novembre dernier, un rapport d'information sur l'adaptation des corridors maritimes de transport dans l'Union européenne, ainsi qu'une proposition de résolution européenne portant sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement n° 1316/2013 du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe, le MIE, en ce qui concerne le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer ce sujet devant notre commission, lors de l'audition de la ministre Élisabeth Borne le 21 novembre dernier et lors de la présentation de mon rapport pour avis sur les crédits des affaires maritimes et portuaires.

Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, nous prie de l'excuser de ne pouvoir être parmi nous ; il est aujourd'hui en réunion avec des ambassadeurs.

Je commencerai par présenter le contexte dans lequel s'inscrit cette proposition de résolution européenne, puis j'en détaillerai le dispositif et vous ferai part des dernières informations que j'ai obtenues auprès du cabinet de la ministre.

Les questions des transports et de l'interconnexion des réseaux nationaux s'inscrivent dans un double cadre juridique adopté le 11 décembre 2013.

D'une part, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 sur les orientations de l'Union européenne pour le développement du réseau transeuropéen de transport, dit règlement RTE-T, distingue deux réseaux : le réseau central, qui constitue la colonne vertébrale du réseau de transport multimodal européen et concentre les infrastructures et liaisons les plus stratégiques, et le réseau global, visant à garantir l'accessibilité et la connectivité de toutes les régions de l'Union européenne, y compris les régions périphériques, insulaires et ultrapériphériques.

Le règlement RTE-T mentionne également un outil technique et financier complémentaire : les corridors, destinés à permettre la coordination des projets de transport et à faciliter l'interopérabilité, l'intégration modale et la coopération internationale. Parmi les neuf corridors existants, deux nous intéressent particulièrement ce matin : le corridor Mer du Nord - Méditerranée et le corridor Atlantique.

En outre, le RTE-T et les corridors sont complétés dans leur dimension maritime par les autoroutes de la mer, des tracés maritimes à courte distance reliant des ports, des infrastructures et les équipements maritimes associés.

D'autre part, le volet financier des réseaux transeuropéens de transport est régi par un autre règlement du Parlement européen et du Conseil, établissant le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe. L'annexe de ce règlement énumère les corridors du réseau central conformément aux tracés du RTE-T et fixe une série de tronçons dits présélectionnés, formés autour de projets identifiés comme prioritaires pour l'interconnexion des réseaux de transport européens et pouvant bénéficier du soutien financier de l'Union européenne.

Pour la période 2014-2020, l'enveloppe du MIE est fixée à 33 milliards d'euros, dont 26 milliards de dotation pour les transports ; le reste concerne les secteurs des télécommunications et de l'énergie. Pour la période 2021-2027, les discussions sont actuellement en cours autour du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne.

Le MIE est ainsi mobilisé pour financer des projets essentiels au développement des transports européens. Il doit susciter un important effet de levier, chaque million investi par l'Union européenne devant être complété par 5 millions d'investissements des États membres et 20 millions provenant du secteur privé.

Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni a notifié son intention de se retirer de l'Union européenne. En l'absence d'accord de retrait ratifié, le droit primaire et dérivé de l'Union européenne cessera, le 30 mars prochain, de s'appliquer dans ce pays désormais tiers.

Or, à l'heure actuelle, le Royaume-Uni constitue un point de passage essentiel pour l'Irlande, du fait de la situation géographique périphérique de ce pays. Les marchandises irlandaises traversent la mer d'Irlande jusqu'à Liverpool, puis suivent le long bridge , le réseau ferroviaire et routier anglais, jusqu'à Douvres, avant de rejoindre le continent européen via Calais ou Dunkerque. En outre, l'Irlande s'appuie largement sur les transports maritimes pour ses échanges commerciaux avec l'Europe continentale.

Dans la mesure où le Brexit rendra cet itinéraire caduc, une révision du tracé du corridor maritime Mer du Nord - Méditerranée s'impose.

Dans ce contexte, la Commission européenne a publié le 1 er août dernier, à la stupéfaction générale, une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à modifier le règlement MIE pour identifier un nouveau tronçon entre les ports irlandais du réseau central - Dublin et Cork - et les ports du Benelux du réseau central
- Zeebrugge, Anvers et Rotterdam -, ignorant les ports français de ce réseau - Calais et Dunkerque -, de même que ceux de Nantes-Saint-Nazaire, Le Havre et Rouen, situés sur le corridor Atlantique. Point de salut pour les ports français !

Outre que cette proposition démontre la puissance des ports hollandais et belges et des gouvernements de ces pays, qui se sont fortement mobilisés, elle témoigne d'une vision très partielle, voire partiale, des conséquences du Brexit dans le domaine des transports.

En effet, il aurait fallu intégrer ces évolutions dans le cadre plus global d'une révision du RTE-T et de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le MIE pour la période 2021-2027, actuellement discutée au Parlement européen.

En outre, l'utilisation des fonds du MIE restants pour la période 2014-2020 serait possible sans la modification proposée par la Commission européenne. À cet égard, la ministre des transports m'a indiqué qu'un appel à projets sera ouvert jusqu'à la fin du mois de mars pour les ports du réseau global, afin d'attribuer 65 millions d'euros pour l'adaptation des infrastructures portuaires en lien avec le Brexit. L'État doit rassurer l'Union européenne sur sa volonté et sa capacité à apporter le complément de ce financement.

Dans cette affaire, les bonnes questions n'ont pas encore été posées. Point n'est besoin d'être expert en géographie pour constater la proximité entre les ports irlandais du réseau central et les ports français du réseau global - Brest, Roscoff, Saint-Malo, Lorient, Caen et Dieppe. Ceux-ci devraient être les destinations privilégiées des navires irlandais pour leurs échanges avec l'Europe continentale.

Avec cela, la Commission européenne présente sa proposition comme une évidence, et la consultation des parties intéressées a duré à peine deux semaines, du 28 juin au 12 juillet...

La France, à travers son gouvernement, n'est pas suffisamment présente à Bruxelles. Ce n'est pas nouveau, mais nous en voyons aujourd'hui une conséquence concrète.

J'en viens maintenant au dispositif de la proposition de résolution européenne.

Après avoir reconnu la nécessité d'anticiper les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, ce texte regrette le manque de consultation des parties prenantes, notamment des États directement concernés, avant l'élaboration de la proposition de règlement par la Commission européenne.

Il insiste sur l'absence d'urgence justifiant le dépôt de la proposition de règlement sans étude d'impact comme sur l'absence d'isolement de la République d'Irlande en Europe même en cas de Brexit, les opérateurs demeurant libres de choisir leur itinéraire pour les liaisons commerciales maritimes.

Il constate l'impréparation de la Commission européenne en ce qui concerne la révision des corridors et des critères permettant de décider qu'une infrastructure relève tantôt du réseau central, tantôt du global.

Enfin, la proposition de résolution européenne demande le retrait pur et simple de la proposition de règlement.

Le Gouvernement m'a assuré partager cette position, mais, à défaut d'un retrait, il soutiendra la mention des ports de Calais et Dunkerque dans la liaison entre l'Irlande et la partie continentale de l'Union européenne, à défaut de pouvoir juridiquement soutenir l'inclusion des ports français du réseau global.

Je salue au passage le travail de la rapporteure de la commission des transports du Parlement européen, Karima Delli, qui s'est mobilisée fortement sur le sujet. Je l'ai rencontrée à Brest à l'occasion des Assises de la mer, auxquelles, je tiens à le souligner, aucun sénateur n'a été invité, pas même ceux du Finistère. Invité par Armateurs de France, je me suis refusé à débattre avec les parlementaires présents - uniquement des députés de la majorité -, parce que le Sénat n'avait pas été invité.

M. Pierre Médevielle . - Vous avez bien fait.

M. Michel Vaspart . - J'ai demandé aux organisateurs - le cluster et Ouest France , notamment - que cette situation ne se reproduise pas l'année prochaine.

En conclusion, plusieurs orientations générales ont été arrêtées lors du conseil des ministres européens des transports du 3 décembre.

D'abord, les ports maritimes du réseau global devraient explicitement être éligibles à un financement par le MIE, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ce financement devrait concerner notamment la numérisation des procédures de sûreté, de contrôle des navires et, plus généralement, de contrôle des marchandises aux frontières, conformément aux besoins des ports liés au Brexit. Les 65 millions d'euros dont j'ai parlé il y a quelques instants permettront de financer ces projets.

Je rappelle au passage qu'il y a un gros trafic de voyageurs et de marchandises au sein du réseau global, par exemple entre les ports bretons et les ports bas-normands.

Second point, les études seront cofinançables à hauteur de 50 % par l'Union européenne et les travaux d'infrastructures à hauteur de 30 %, sauf pour les infrastructures liées à la sûreté, à la sécurité et aux contrôles, qui devraient bénéficier d'un cofinancement à hauteur de 50 %. S'agissant des ports normands, en plus de Cherbourg et Caen-Ouistreham, le port de Dieppe pourra bénéficier de ces avancées. S'agissant des ports bretons, en plus de Brest, Roscoff et Saint-Malo, le port de Lorient y sera éligible.

Enfin, la Commission européenne s'est engagée à proposer un texte global de révision du règlement RTE-T, qui définit les corridors du réseau central, à la fin de 2021, et non plus en 2023. Ce texte permettra notamment de réexaminer le découpage entre réseau central et réseau global d'infrastructures.

La présidence autrichienne de l'Union européenne n'a témoigné aucune volonté de réinscrire le texte de la Commission européenne à l'ordre du jour des groupes de travail. La piste de son abandon pur et simple, qui prendrait sans doute la forme d'un retrait de la proposition de règlement par la Commission européenne, se confirme donc. Si l'examen du texte devait malgré tout être relancé, ce qui est très peu probable, le Gouvernement défendrait la réintégration des ports français du réseau central - Dunkerque, Calais et sans doute Le Havre, même si ce dernier est situé sur le corridor Atlantique - dans le corridor Mer du Nord - Méditerranée.

En tout état de cause, cet examen aurait lieu sous présidence roumaine et à la condition qu'un « Brexit dur » soit confirmé. Sur ce dernier point, le vote qui s'est tenu voilà quelques jours au Parlement britannique montre que l'accord négocié par le gouvernement de Theresa May pourrait in fine être entériné, mais rien n'est sûr aujourd'hui...

Dans ce contexte, mes chers collègues, je vous propose d'apporter le soutien de notre commission à la proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes.

M. Hervé Maurey, président. - La proposition de résolution européenne serait tacitement acceptée si nous ne nous en saisissions pas, mais il me paraît important que nous prenions officiellement position sur ce sujet qui relève de notre champ de compétences.

M. Benoît Huré . - Les ports sont un enjeu de taille pour notre pays, et la démarche de notre commission donnera plus de poids à la proposition de résolution européenne.

Il y a quelques semaines, devant la commission des affaires européennes, Mme la ministre des affaires européennes a avoué que les administrations françaises étaient trop peu présentes à Bruxelles, là où les choses se décident. Quand on se réveille, on surtranspose imbécilement les normes, pour montrer qu'on joue un rôle...

Les autorités néerlandaises, reçues par la commission des affaires européennes l'hiver dernier, nous avaient exposé les inquiétudes des responsables du port de Rotterdam liées au Brexit. Eux travaillent depuis longtemps sur ces questions. D'où vient que nous n'ayons pas su nous en saisir et que nous ayons été, une fois de plus, absents des débats au niveau européen ?

Dans un contexte d' euro-bashing , les pouvoirs publics ont une responsabilité collective : avant de critiquer l'Europe, critiquons-nous nous-mêmes. L'Europe est ce que nous voulons bien en faire !

M. Michel Vaspart . - Mon cher collègue, je partage tout à fait votre avis.

Lors des Assises de la mer, la députée européenne Isabelle Thomas comme la rapporteure du texte à l'Assemble nationale l'ont dit très clairement : la France n'est pas suffisamment présente à Bruxelles. Les Allemands, eux, y sont excessivement présents, ce qui accroît leur influence. Si l'on brille par son absence, d'autres prennent votre place...

Alors qu'il y a des enjeux d'intérêt national, non seulement en matière maritime et portuaire, mais dans tous les domaines d'activité, il est inacceptable que le Gouvernement français ne prévoie pas les moyens nécessaires pour faire les pressions suffisantes sur les fonctionnaires de Bruxelles.

M. Benoît Huré . - Il s'agit d'enjeux d'intérêt national, mais aussi européen. Nous sommes donc doublement fautifs.

M. Pierre Médevielle . - Je ne puis, hélas, que confirmer le diagnostic de nos collègues : pour des missions de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ou de la commission des affaires européennes, j'ai rencontré plusieurs commissaires, qui se sont plaints devant moi de l'absence des Français, parlementaires et fonctionnaires, à Bruxelles. Cette situation est assez désolante.

Les prochaines élections européennes seront le scrutin de tous les dangers. Dans le contexte consécutif à la crise des Gilets jaunes, on ne sait pas quelle sera l'attitude des Français, mais, au vu des sondages actuels, j'ai peur qu'on envoie encore à Bruxelles des antieuropéens. Il faut une prise de conscience de nos formations politiques : envoyons à Bruxelles non plus des bêtes de réforme, mais des Européens convaincus, et nous intéresserons à nouveau les Français au débat européen !

M. Jean-Michel Houllegatte . - Je me félicite que notre commission se saisisse de la question des ports, importante pour l'aménagement du territoire national.

Il est bon de remettre les pendules à l'heure avec cette proposition de résolution européenne, mais il faut aussi préparer le coup d'après, c'est-à-dire la réintégration de nos ports dans le dispositif, s'agissant notamment du financement.

Dans le domaine portuaire, deux grandes enceintes se font souvent concurrence : le comité interministériel à la mer (CIMer), et les Assises de l'économie de la mer. L'année dernière, toutes les annonces ont été réservées aux secondes, parce qu'elles avaient lieu au Havre, dont le Premier ministre est un ancien maire... Cette année, c'est le contraire qui s'est produit : les Assises de l'économie de la mer ont été un peu vidées de leur substance, et le Premier ministre n'y est pas même venu, alors que le CIMer a pris plus de quatre-vingt résolutions.

Il conviendrait que notre commission, et plus largement le Sénat, soient mieux associés à la préparation du CIMer, où les grandes décisions se prennent. Nous pourrions ainsi être les acteurs d'une codécision. Peut-être faut-il en parler au secrétaire général de la mer.

Bien évidemment, nous soutenons la proposition de résolution européenne.

M. Michel Vaspart . - En effet, nous devons saisir le secrétaire général de la mer. Nous avons tenté d'obtenir au moins le programme du CIMer, mais aucune information ne nous a été communiquée. Le secrétaire général de la mer a très bien reçu le groupe d'études Mer et littoral, mais nous devons obtenir, concrètement, plus d'écoute et des échanges.

M. Hervé Maurey, présiden t. - Nous pourrions envisager de l'auditionner, pour lui montrer l'engagement du Sénat sur ces questions.

Mes chers collègues, je constate que nous sommes unanimes à soutenir la proposition de résolution européenne.

Mme Françoise Cartron . - Monsieur le président, je remercie l'ensemble des membres de notre commission, notamment Michel Vaspart et Nelly Tocqueville , car, cette nuit, l'Assemblée nationale a confirmé la disposition prévoyant l'indemnisation des propriétaires du Signal. Ce résultat est le fruit de notre ténacité et de notre solidarité !

M. Hervé Maurey, président. - Voilà une très bonne nouvelle !

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