B. AMÉLIORER LA PRISE EN COMPTE DES DÉPENSES D'ENTRETIEN DES PONTS DANS LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE

Au cours de ses travaux, la mission a constaté que les ponts sont insuffisamment considérés comme un patrimoine qui, au même titre que les biens immobiliers ou les biens meubles, doit faire l'objet de provisions pour renouvellement et d'actions d'entretien préventives.

Or, le sous-entretien chronique des ouvrages oblige par la suite à engager des dépenses de réparation beaucoup plus importantes . La mise en place d'actions préventives permet a contrario de réaliser des économies importantes. L'audit externe indique ainsi que « sur un cycle de 100 ans, l'introduction d'un entretien préventif systématique pourrait faire économiser jusqu'à 23 % de la valeur neuf de l'ouvrage et pérenniser l'état des ouvrages d'art. »

De même, à l'occasion de la table ronde organisée par le Sénat sur l'état des infrastructures de transport en 2017, Pierre Calvin, représentant de l'Union des syndicats de l'industrie routière française avait souligné : « Quand on n'a pas les moyens d'investir un euro pour l'entretien, il faudra, pour atteindre le même résultat, en dépenser dix, dix ans plus tard » 98 ( * ) .

C'est pourquoi, compte tenu de l'importance d'augmenter les moyens consacrés à l'entretien des ponts, la mission recommande d'intégrer dans la section « investissement » des budgets des collectivités les dépenses de maintenance des ouvrages d'art , qui sont actuellement considérées comme des dépenses de fonctionnement mais qui permettent d'accroître la durée de vie des ouvrages.

Il s'agit d'une demande forte portée par les associations de collectivités territoriales . Comme l'a indiqué le représentant de l'Assemblée des départements de France lors de son audition, « tout ce qui concerne le contrôle des ouvrages, les audits, etc., est comptabilisé au titre du fonctionnement, lui-même plafonné dans le cas des pactes financiers à 1,2 %. Nous pensons que toutes ces actions de fonctionnement qui contribuent à la pérennisation de l'ouvrage devraient pouvoir être comptabilisées au titre de l'investissement et ne fassent pas l'objet de restrictions » 99 ( * ) .

Afin de créer un effet incitatif , la mission propose que ce changement comptable soit ouvert aux collectivités pendant une période transitoire de dix ans .

Le basculement des dépenses d'entretien des ouvrages d'art dans la section « investissement » permettrait aux collectivités territoriales de récupérer partiellement la TVA acquittée à l'occasion des travaux . Les dépenses de fonctionnement étant soumises à contrainte budgétaire dans le cadre des pactes financiers, ce basculement inciterait les collectivités à procéder à la maintenance de leurs ouvrages .

Au-delà, la mission propose que soit lancée une concertation avec les collectivités territoriales pour adapter leurs outils de comptabilité publique afin d'envisager l'amortissement des ouvrages d'art et le provisionnement de sommes nécessaires à leur entretien. À cet égard, comme l'a rappelé le cabinet de conseil en gestion d'infrastructures suisse IMDM lors de son audition, l'absence d'amortissements prévus dans la comptabilité publique pour entretenir ces ouvrages est problématique , car elle ne permet pas la mise en place d'une politique de gestion basée sur un entretien régulier.

Ces évolutions devraient permettre aux gestionnaires de tendre vers une programmation pluriannuelle des dépenses d'entretien et de réparation des ponts , sur la base de la connaissance de l'état du patrimoine et de son évolution.

L'amélioration de la politique de gestion des ponts passe aussi par le déploiement de nouvelles technologies comme la mise en place de capteurs permettant de surveiller en temps réel l'évolution des structures et des matériaux 100 ( * ) , ou l'utilisation de drones pour réaliser des inspections visuelles.

En résumé : afin d'améliorer structurellement la politique de gestion des ponts et de sortir d'une culture de l'urgence au profit d'une gestion patrimoniale, la mission recommande de :

1. mettre en place un système d'information géographique (SIG) national afin de référencer tous les ouvrages d'art en France, qui pourra être utilisé par les opérateurs de GPS pour mieux orienter le trafic routier, et créer un coffre-fort numérique permettant aux gestionnaires de voirie qui le souhaitent de conserver les documents techniques relatifs aux ponts ;

2. mettre en place un « carnet de santé » pour chaque pont permettant de suivre l'évolution de son état et de programmer les actions de surveillance et d'entretien nécessaires ;

3. intégrer dans la section « investissements » des budgets des collectivités territoriales les dépenses de maintenance des ouvrages d'art pour les inciter à accroître ces dépenses pendant une période transitoire de dix ans ;

4. lancer une concertation avec les collectivités territoriales afin d'envisager la prise en compte de l'amortissement des ponts dans les outils de comptabilité publique.


* 98 Rapport n° 458 (2016-2017) « Infrastructures routières et autoroutières : un réseau en danger » , fait par M. Hervé Maurey, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : https://www.senat.fr/rap/r16-458/r16-458.html .

* 99 Voir le compte rendu de la table ronde du 30 janvier 2019 (Chapitre- Travaux en commission).

* 100 Cette instrumentation est toutefois onéreuse et n'a vocation à être mise en oeuvre que pour les ponts importants ou qui présentent des pathologies particulières.

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