I. AUDITION DE MME MARIE-PIERRE MESCAM, PRÉSIDENTE DE LA FILIÈRE MÉTAL DE LA FÉDÉRATION PROFESSIONNELLE DES ENTREPRISES DU RECYCLAGE (FEDEREC) (29 MAI 2019)

M. Franck Menonville , président . - Mme Marie-Pierre Mescam, que nous accueillons, préside la filière métal de la Federec, fédération professionnelle créée en 1945, qui regroupe l 100 entreprises, des multinationales aux PME, dont l'activité consiste principalement en la collecte, le tri et la valorisation matière de la ferraille.

Nous souhaitons connaître cette filière, ses potentialités, ses marges de développement et de valorisation, qui sont intimement liées à la filière métallurgique électro-intensive. De ce point de vue, les enjeux climatiques sont majeurs. Nous souhaitons également connaître la structuration de cette organisation professionnelle.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Pouvez-vous nous présenter brièvement la Federec et ses relations avec les entreprises sidérurgiques et ses homologues des pays membres de l'Union européenne, afin de savoir si le recyclage de l'acier est pensé à l'échelle européenne ? Quel est le poids du recyclage dans la filière sidérurgique ?

Que pensez-vous du contrat stratégique de filière (CSF) « Mines et métallurgie », pour son volet relatif à l'approvisionnement responsable, la transition écologique et l'économie circulaire ? Quelles sont vos propositions, notamment financières, pour développer le recyclage au sein de la filière sidérurgique ? À cet égard, quel regard portez-vous sur les marchés du carbone, en particulier sur le marché du carbone européen ? Que pensez-vous de l'idée d'une taxe carbone aux frontières ?

Je terminerai par une dernière question plus technique : que pensez-vous du procédé développé notamment en Australie, qui consiste à ajouter des pneus au coke métallurgique afin d'obtenir un meilleur rendement des fours à arc électrique ? Cette méthode est-elle utilisée en France ?

Mme Marie-Pierre Mescam, présidente de la filière métal de la Federec . -Sur ce dernier point, je ne pourrai pas vous répondre, car cela concerne nos consommateurs. La Federec est la fédération des entreprises du recyclage.

Mme Marie-Ange Badin, responsable des relations institutionnelles de la Federec . - Elle regroupe douze filières.

Mme Marie-Pierre Mescam . - Environ 800 établissements travaillent sur les métaux ferreux et non ferreux : 40 % sont des grands groupes, 60 %, des PME. En effet, ce qui compte, c'est la proximité, notamment pour les approvisionnements.

En 2017, 12,8 millions de tonnes ont été collectées, soit une augmentation de 5,7 % par rapport à 2016, et 12,3 millions de tonnes de métaux ferreux ont été vendues. L'Union européenne a importé 1,14 million de tonnes d'acier et en a exporté 12,9 millions.

Federec entretient des liens très étroits avec les consommateurs, par le biais d'A3M, notamment pour ce qui concerne le projet du recyclage de demain et le contrat spécifique de filière « Mines et métallurgie ». Elle s'intéresse aussi aux véhicules hors d'usage (VHU). Nous cherchons à quantifier les futurs flux d'acier, d'aluminium et de cuivre issus des VHU, la nature et la qualité des futurs alliages à l'avenir, pour savoir ce qu'il faudra récupérer dans dix ans. On cherche à développer des actions visant à rendre le recyclage plus efficient, avec des possibilités de tri avant déconstruction ou broyage : il s'agit d'améliorer la qualité, notamment pour revenir à la première fusion.

M. Franck Menonville , président . - N'est-ce pas envisagé dès la construction ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Ce le sera dans les années à venir, mais ce n'est pas encore le cas. Un véhicule hors d'usage a été construit 10 à 15 ans plus tôt.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - En d'autres termes, le recyclage est encore balbutiant avec les consommateurs. La filière automobile travaille-t-elle avec vous sur de tels procédés afin d'élaborer un process de fabrication permettant un démontage plus facile, lorsque le véhicule arrive en fin de vie ? Est-ce encore marginal ou une pratique régulière et intégrée ?

Mme Marie-Ange Badin . - Nous touchons là au sujet de l'écoconception et en sommes encore au démarrage. Pour notre part, nous nous trouvons en bout de chaîne. Les acteurs travaillent encore en silos : certes, l'écoconception se fait en laboratoire, mais cela ne correspond pas à la recyclabilité réelle, technique et économique, dans nos sites.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Il n'y a donc pas de coopération entre les consommateurs et ceux qui sont amenés à recycler les produits sur la façon de concevoir ses produits.

Mme Marie-Ange Badin . - Sans dire qu'il n'y a pas du tout de corrélation avec les techniques de recyclage, on pourrait largement faire mieux ! La coopération entre les filières est malheureusement insuffisante. Le développer fait partie de l'une des réflexions que nous menons. Il faut en effet une concertation dès la mise en marché. Ce message est tout sauf un frein à l'innovation : il peut y avoir des innovations, mais il faut que les recycleurs puissent les anticiper et les intégrer pour mieux prévoir la fin de vie de certains produits.

Mme Marie-Pierre Mescam . - Pour notre part, nous parlons d'« éco-recyclabilité ». Ce n'est pas parce qu'un produit est éco-conçu qu'il est facilement recyclable.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Oui, il faut bien distinguer les deux.

Mme Marie-Ange Badin . -La difficulté, c'est que cette définition est évolutive : elle dépend des conditions économiques et techniques du moment. Le recyclage ne se réduit pas à la collecte et au traitement : il faut que la matière puisse être réutilisée et revendue. Sans cet équilibre économique, le recyclage est impossible.

Mme Marie-Pierre Mescam . - Dans la filière des ferreux, le modèle existe depuis longtemps. Notre inquiétude porte sur la disparition de consommateurs. Ainsi, Ascoval fonctionne à 100 % à partir de ferraille recyclée, ce qui n'est pas le cas d'autres usines du groupe ArcelorMittal par exemple. Lorsque le prix du produit recyclé est supérieur au prix du minerai, le pourcentage de ferraille utilisée baisse. Le débouché n'est alors pas du tout le même.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Le marché de la ferraille est-il en évolution ? Quel est le coût de la ferraille ? Quelle est la tendance en matière d'évolution des prix ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Une usine qui consomme de la ferraille peut avoir un coût de matières premières et un coût de produits finis supérieurs à celui des usines qui fabriquent de l'acier à partir de minerai de fer. Ces dernières années, le prix de l'acier est plutôt à la hausse, car sa production devient de plus en plus technique. Les procédés de récupération et de tri sont plus capitalistiques et plus coûteuses. Par ailleurs, c'est un produit qui a tendance à se raréfier. L'industrie du recyclage des métaux ferreux forme une boucle. Si les ménages ne consomment pas et changent leurs machines à laver ou leur portail moins fréquemment, la quantité de ferraille diminuera ; si l'industrie automobile ou les entreprises du bâtiment ne produisent pas, la récupération de l'acier usagé est moindre. Il faut que le coût de démolition d'un bâtiment soit compensé par l'achat de la ferraille. Quand les prix baissent et que la main-d'oeuvre augmente, cela devient compliqué.

La tendance sur les cinq dernières années est plutôt à la hausse. Dans les hauts fourneaux, une variation de 3 % ou 4 % du prix de coke de charbon ou de minerai de fer peut avoir des incidences fortes.

M. Jean-Pierre Vial . - Je Pouvez-vous préciser les volumes et les prix. Ce qui est intéressant, c'est de connaître le différentiel entre le prix de la matière primaire et le prix de la même matière recyclée. La question est de savoir si le delta est insurmontable ou si, grâce à quelques mesures incitatives, il serait possible de favoriser le recyclage.

M. Franck Menonville , président . - La compétitivité de la valorisation de la ferraille dans la filière classique est-elle différente de la filière 100  % électrique ? Cela compense-t-il l'augmentation du coût ? L'incorporation de la ferraille dans les hauts fourneaux pourrait-elle être moins compétitive que l'utilisation de la ferraille dans des filières intégrées électro-intensives ?

Mme Marie-Pierre Mescam . -Ce ne sont pas du tout les mêmes marchés. Les aciéries 100 % électriques ne fabriquent pas le même type de produits. Pour les petites fonderies, qui ont une forte valeur ajoutée, ou les petites aciéries, les autres entrants sont tellement nombreux que le prix de la ferraille n'a pas le même impact. En revanche, d'autres usines, comme Celsa France, sont en concurrence directe avec les usines d'autres pays, comme la Turquie ou la Chine : leur valeur ajoutée est moindre et elles n'ont d'autre choix que de consommer de la ferraille 100 % recyclée. À partir du moment où il y a une trop forte corrélation entre le prix de la ferraille et celui du minerai, elles deviennent difficilement compétitives sur leurs marchés et ont du mal à remplir leurs carnets de commandes.

Mme Valérie Létard , rapporteuree . - Une partie significative de la ferraille est vendue à l'étranger. Pourquoi ? Est-ce parce qu'elle ne trouve pas preneur sur le territoire national ? Est-ce une question de qualité de la ferraille ? Qu'est-ce qui motive cette exportation ?

Mme Marie-Pierre Mescam . -Aujourd'hui, le coût du transport est déterminant. Si le consommateur français se trouve trop loin, ce n'est pas rentable. Si les chutes d'acier produites dans l'industrie sont consommées sur le territoire français, la ferraille de démolition est beaucoup plus compliquée à travailler, tout simplement parce qu'aujourd'hui on ne construit plus les mêmes bâtiments qu'il y a 50 ans et que les produits issus de ces démolitions ne conviennent pas nécessairement. Certes, on peut transformer la ferraille, mais cela suppose que le consommateur soit en mesure de payer le surcoût de préparation.

M. Jean-Pierre Vial . - Pourtant, il y a bien un marché à l'export ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Certaines ferrailles ne peuvent pas être consommées en France. Les usines utilisent des produits à haute valeur ajoutée pour lesquels la ferraille n'est pas adaptée en termes de densité, de pureté, de propriétés. Certaines d'entre elles ne veulent pas utiliser de la ferraille peinte. Or le décapage de la peinture coûte cinq fois le prix de la ferraille.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Si j'ai bien compris, le volume de ferraille produit est globalement identique au volume de produits semi-finis qui entrent. C'est étonnant. À terme, cette ferraille exportée a-t-elle vocation, dans une logique d'économie circulaire, à trouver son marché en France ou en Europe ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Oui, pour des raisons de coût de production. Aujourd'hui, 40 % des métaux ferreux partent à l'export ; au moins 20 % pourraient être conservés en France, mais, pour des raisons de coût de production, une usine française ne pourra pas les acheter au même prix qu'une usine en Turquie.

M. Jean-Pierre Vial . - Quel est le taux de besoin d'énergie primaire pour le recyclage des matières ferreuses ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Je l'estime à environ 50 %.

Mme Angèle Préville . - L'acier fabriqué à partir de minerai de fer est parfois plus compétitif que l'acier fabriqué à partir de recyclages. Est-ce une question de qualité ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Ce ne sont pas toujours les mêmes produits et ce ne sont pas les mêmes propriétés. En fonction du cours du minerai, une usine en France peut faire évoluer le taux d'incorporation de matières premières recyclées secondaires. Une usine qui produit uniquement à partir de ferraille n'a pas le choix. En revanche, elle pourra être concurrencée par des usines espagnoles.

Mme Angèle Préville . - Y a-t-il des marges d'évolution sur la façon dont on recycle ? Peut-on envisager une limitation du coût du recyclage ?

Mme Marie-Pierre Mescam . -C'est le contraire ! Plus on recyclera, plus le coût du recyclage augmentera. Certes, on peut vouloir séparer aujourd'hui pièce par pièce une voiture, mais il faut démonter chaque pare-chocs à la main, sauf à inventer une machine : il faut alors que tous les constructeurs se regroupent pour définir des standards communs, car aucun constructeur automobile n'attache son pare-chocs de la même façon.

Mme Marie-Ange Badin. -Vous touchez là un problème fondamental de notre industrie, à savoir la concurrence avec l'acier comme matière vierge, dont le cours varie. Cette situation a une incidence sur la demande en produits recyclés. Les deux sont extrêmement liés. Dans une logique d'économie circulaire et de pérennité de la demande en ferraille recyclée, c'est un sujet important. Il faut tenter de décorréler cette dépendance.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - La variation avec le prix de la matière brute peut-elle être très importante ?

Mme Marie-Pierre Mescam . -Quand le prix de la ferraille est de plus de trois fois supérieur au prix du produit brut, il existe une incidence sur la rentabilité. Cela arrive régulièrement. Qui plus est, cela peut durer plusieurs mois. Nous venons de traverser une période difficile. Certes, la rupture du barrage minier au Brésil a récemment fait s'envoler le cours du minerai de fer.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Un travail partenarial renforcé entre le mode de fabrication des grands consommateurs - filière automobile -et la filière de recyclage en amont, c'est-à-dire une écoconception partagée, permettrait-il des gains de production suffisants ?

Mme Marie-Pierre Mescam . -Non, mais cela permettrait d'avoir moins de mélanges dans les matières et des matières plus nobles. Ainsi, les constructeurs automobiles voudraient ne plus acheter de l'aluminium de première fusion, mais de l'aluminium recyclé, à condition qu'il soit plus pur. Cela représente une faible part des volumes du recyclage.

Mme Marie-Ange Badin . - Sur ce sujet, nous travaillons avec la région Hauts-de-France sur un mécanisme de marché inspiré des mécanismes certificats d'économie d'énergie ou les produits phytosanitaires. Dans le cadre de Rev3, des programmes tels que NER300 ( New Entrant Reserve 300) permettraient de mettre en place des mécanismes de marché. Ainsi, pour une industrie consommatrice, acheter telle quantité de produits recyclés lui fait bénéficier de certificats qu'elle peut ensuite revendre sur un marché. C'est une incitation économique, qui ne crée pas de fiscalité supplémentaire et pas de dépenses pour l'État. C'est un système vertueux.

M. Jean-Pierre Vial . - Vous voulez dire un système identique à celui des certificats carbone ?

Mme Marie-Ange Badin . - On donnerait à une industrie donnée le droit à un certain nombre de certificats par an. Dans le cas où elle en aurait trop, elle pourrait en revendre à une autre industrie.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - L'expérimentation concerne combien d'entreprises ?

Mme Marie-Ange Badin . - Elle en est à son tout début. Nous travaillons avec Philippe Vasseur sur la manière de la faire démarrer à l'été 2019 dans le programme Rev3.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Pourriez-vous nous transmettre plus d'informations sur l'appel à projet européen NER300 ?

Mme Marie-Ange Badin . - Je vous enverrai ces éléments.

Mme Angèle Préville . - Quel est le différentiel de consommation d'énergie entre une tonne d'acier issue du recyclage et une tonne d'acier issue de minerai ?

Mme Marie-Ange Badin . - Le recyclage économise 40 % de la consommation d'énergie et 57 % des émissions de CO 2 . Nous menons aussi des discussions à Bruxelles pour intégrer les économies de CO 2 du recyclage du métal dans le système ETS ( Emission Trading Scheme ) de l'Union européenne. Ce n'est pas le cas aujourd'hui

Mme Valérie Létard , rapporteure . - C'est dommage !

Mme Marie-Ange Badin . - La Commission est à l'écoute, mais c'est un gros paquebot qui manoeuvre difficilement... Il faut respecter le cycle triennal du système ETS. La Commission nous a donc dit de revenir quand le nouveau cycle serait en préparation.

Mme Marie-Pierre Mescam . - L'EuRIC, équivalent de la Federec au niveau européen, a parfois des difficultés à se faire entrendre.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Pour vous, quels sont les points les plus bloquants pour le recyclage de la ferraille ? Quelles seraient vos préconisations ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Le premier besoin est d'avoir des consommateurs.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Qui sont-ils ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Arcelor, le groupe Riva en région parisienne, de petites fonderies qui travaillent pour l'automobile, mais aussi l'aéronautique et les produits du bâtiment.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Le BTP fait partie de votre clientèle ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - En effet. Il faut gérer le post-recyclage : plus on fait de la qualité, plus le déchet final est un déchet ultime. Plus les méthodes de tri, comme le post-broyage pour les voitures, sont avancées, plus le déchet ultime est difficilement ré-employable. Avec la saturation des installations de stockage des déchets dans certains départements, nous avons pu être amenés à fermer provisoirement pendant un mois ou deux nos capacités de recyclage.

Mme Marie-Ange Badin . - Nous connaissons en effet une crise majeure depuis fin 2018. Nous produisons un déchet ultime que nous ne pouvons qu'enfouir. Mais la loi fixe l'objectif de diviser par deux le volume des quantités enfouies d'ici à 2025. En tant qu'entreprises du recyclage, nous ne pouvons que saluer un tel objectif, mais il ne dit rien de ce que nous devons faire des 8 millions de tonnes qui ne devraient pas être enfouies. Nous sommes à la croisée des chemins sur ce point.

M. Franck Menonville , président . - Que pourrait-on en faire ?

Mme Marie-Ange Badin . - Nous pourrions développer l'incorporation des déchets et l'utilisation du combustible solide de récupération (CSR). Ce dernier est composé de plusieurs déchets ultimes : plastique, textile, résidu de broyage. Son pouvoir calorifique est très important. En France, il n'y a que les cimenteries qui l'utilisent.

Mme Marie-Pierre Mescam . - À l'étranger, c'est différent.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Mais cette combustion produit du CO 2 et des particules ?

Mme Marie-Ange Badin . - Certes, mais elle est réalisée dans des installations classées.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Existerait-il des procédés pour faire cela sans émission excessive de CO 2 et sans risque sanitaire ?

Mme Marie-Ange Badin . - Il y a toujours un risque. Mais le CSR est conforme à la règlementation européenne.

Mme Angèle Préville . - L'émission de CO 2 due à la combustion est-elle comptabilisée dans l'empreinte carbone de l'acier recyclé ?

Mme Marie-Ange Badin . - Non, mais l'utilisation de ce produit fait baisser la consommation d'hydrocarbures.

Mme Angèle Préville . - Mais l'émission de CO 2 est identique.

Mme Marie-Pierre Mescam . - De toutes manières, nous avons besoin d'énergie...

Mme Valérie Létard , rapporteure . -Le recyclage de la ferraille produit une part de déchets ultimes et deux solutions s'offrent à nous pour le traiter : soit on l'enfouit, soit on le brûle. Chacune des solutions a des inconvénients, mais la question est : quelle solution faut-il préconiser pour traiter une matière qui existe de toute façon ? Le sujet est devant nous.

Mme Marie-Pierre Mescam . - Il y a des appels à projet pour créer des usines de CSR.

M. Jean-Pierre Vial . - Vous nous dites que ce sont les cimentiers qui brûlent ce combustible - et en effet, ils savent tout bruler. Ils produisent une tonne de CO 2 pour une tonne de ciment pur. Il pourrait être intéressant de rencontrer des cimentiers pour connaître les ratios carbone des différentes sources d'énergie.

Mme Marie-Pierre Mescam . - S'ils utilisent ce combustible, c'est qu'ils y trouvent un intérêt.

Mme Marie-Ange Badin . - Aujourd'hui, 300 000 tonnes de CSR sont consommées, mais nous sommes capables d'en produire 900 000 tonnes. Il y a donc un réel besoin de consommation pour réduire l'enfouissement.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - ...qui est un sérieux problème.

Mme Marie-Ange Badin . - Les sites sont fermés.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Vos consommateurs, donc vos clients, nous disent qu'ils ont besoin de plus en plus de pureté de l'acier. Cette évolution vous amènera à vouloir vendre de plus en plus de ferraille à l'extérieur. Plus on recycle la ferraille et plus elle change de propriétés. Peut-on craindre une séparation entre votre production et les besoins des clients ? Mesurez-vous ce décalage ? Serez-vous contraints à vendre à l'extérieur ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - C'est une très bonne question. La tendance pourrait en effet nous conduire à nous tourner vers l'extérieur. Mais pourquoi nos consommateurs veulent-ils des aciers de plus en plus purs ? Parce qu'on y ajoute de plus en plus de choses. La fabrication de l'acier devient de plus en plus compliquée. C'est pour cela qu'il faut garder chez nous des entreprises capables de faire de l'acier selon des procédés spécifiques et pas seulement des sidérurgistes qui produisent de l'acier affecté au nucléaire, par exemple. Nous avons besoin de conserver des usines produisant de l'acier à moindre valeur ajoutée. Mais il leur faudra des incitations pour qu'elles puissent concurrencer les aciers turcs ou chinois.

M. Franck Menonville , président . - Y a-t-il des recherches sur les conséquences du recyclage multiple ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Il faudrait travailler sur le déconstruction avec la filière automobile. Selon l'un de mes interlocuteurs chez Renault toutefois, le producteur d'automobile ne sera pas mobilisé sur cet aspect avant vingt ans. Non ! La rupture d'innovation ne se fait pas en claquant des doigts.

M. Franck Menonville , président . - Ce n'est donc pas suffisamment anticipé.

Mme Marie-Pierre Mescam . - Exactement. Nous voulons des voitures qui ne rouillent plus, qui durent cent cinquante ans... Tout cela est moins facile à recycler. Plus vous rajouter du manganèse, ou de la fibre carbone pour alléger votre voiture, plus le recyclage est difficile. Nos process de tri sont de plus en plus fins. Mais le petit bout d'aluminium de moins d'un millimètre, personne ne sait le récupérer. Plus on avance, et plus c'est compliqué.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Ce qui est choquant, c'est qu'on ne soit pas plus avancé dans un mode de fabrication qui prenne cela en compte. Lors du Grenelle de l'environnement de 2007, nous avions mis ces sujets sur la table. J'aurais cru que nous aurions avancé depuis. On pourrait imaginer davantage de partenariat...

M. Jean-Pierre Vial . - La ferraille recyclée est un produit à très faible valeur ajoutée. Mais le secteur automobile demande de plus en plus d'aluminium recyclé. Est-ce pour une question de coût ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Oui. Un autre problème est que, même si nous sommes la fédération du recyclage, nous sommes souvent oubliés. Les grands groupes comme Peugeot ou Arcelor sont consultés, mais ce n'est pas eux qui vont chercher la ferraille à recycler et la travailler. Nous, nous prenons tout ce qu'il y a, nous ne choisissons pas !

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Arcelor a-t-il besoin de la ferraille dans son process de fabrication, ou ne l'utilise-t-il que pour réduire ses coûts ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Il en a besoin pour protéger certaines parties de ses produits. Certaines de ses usines, comme Industeel par exemple, consomment 100 % de ferraille recyclée.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Y compris les hauts-fourneaux ? Est-ce pour des raisons techniques ou financières ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - Pour des raisons essentiellement techniques. Il leur faut entre 8 et 15 % de ferraille recyclée.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Auriez-vous un autre message prioritaire ?

Mme Marie-Ange Badin . - Nos priorités sont l'écoconception et les débouchés. Un projet de loi sur l'économie circulaire est annoncé. La version à laquelle nous avons eu accès ne fait pas preuve d'une très grande ambition sur ces deux sujets...

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Sur les débouchés, que faudrait-il proposer ?

Mme Marie-Ange Badin . - Il pourrait y avoir un taux minimum de recyclé. Mais cela pourrait constituer un frein à la compétitivité ; pour l'éviter, le mieux serait une incitation économique à incorporer de l'acier recyclé.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Le recyclage ne doit pas devenir une punition.

M. Franck Menonville , président . - Et en termes de réglementation ou de législation, quelles sont vos préconisations ?

Mme Marie-Pierre Mescam . - La limitation des capacités de stockage nous inquiète beaucoup, sachant qu'une grande partie de ces capacités ne sont pas utilisées pour des déchets issus du recyclage. Nous travaillons sur un projet de labellisation des centres de tris performants pour que de tels centres qui apportent des déchets ultimes puissent avoir un droit prioritaire au stockage sur les autres déchets.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Nous avons vu dans une aciérie des déchets accumulés alors qu'ils pourraient être utilisés comme sous couche dans les routes. On extrait du matériau dans les carrières, alors que ce matériau est disponible ; c'est dommage !

Mme Marie-Ange Badin . - Les régions les plus touchées sont Provence-Alpes Côte d'Azur (Paca) et le Grand Est. À moyen terme, nous plaidons pour l'incorporation et le CSR. Mais dans l'urgence, il faudrait que les capacités de stockage soient...

Mme Marie-Pierre Mescam . - ...bien pensées.

Mme Marie-Ange Badin . - ... oui, et dans l'urgence, augmentées pour les déchets ultimes. Ceux issus du refus de tri des déchets ménagers font l'objet de marchés publics à qui les centres d'enfouissement donnent la priorité. Les plans régionaux uniques de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) engendrent un cloisonnement régional. On n'envoie pas son déchet n'importe où mais il peut être très compliqué, dans les zones tendues, de en pas aller dans la région limitrophe. Ces règles manquent de pragmatisme.

Mme Marie-Ange Badin . - Un dernier exemple sur les emballages : Citeo vous dira que les fabricants se sont dotés d'une structure qui valide les processus d'écoconception, le Cotrep, centre de ressources et d'expertise sur la recyclabilité des emballages ménagers en plastiques. Mais les recycleurs n'y sont pas représentés ! Or ce Cotrep a confirmé que les bouteilles en PET opaque étaient éco-conçues, alors qu'elles ne le sont pas. Elles perturbent le recyclage des autres, et ne sont donc pas recyclables.

Mme Marie-Pierre Mescam . - Elles sont peut-être conçues avec des produits peut-être plus écologiques que d'autres, mais il faut prendre en compte toute la vie de l'objet.

M. Jean-Pierre Vial . - Vous pouvez recycler le bouchon, mais pas la bouteille !

Mme Valérie Létard , rapporteure . - C'est incroyable. Nous voyons bien là la nécessité que les différentes filières doivent se parler !

Mme Marie-Ange Badin . - À côté du CSF « Mines et métallurgie », existe un autre CSF « Transformation et valorisation des déchets », ayant six projets structurants, dont l'écoconception : un Centre d'expertise du recyclage devrait être créé pour rassembler toutes les parties prenantes sur ce thème.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Merci de cette rencontre très intéressante.

M. Franck Menonville , président . - Très riche, très complète.

Mme Marie-Ange Badin . - Si vous souhaitez visiter des sites, sachez que Mme Mescam est à la direction de Derichebourg, qui possède un site à Gennevilliers.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Nous retenons votre invitation.

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