B. DES RENFORTS PRIS EN CHARGE PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SÉCURITÉ CIVILE ET DE GESTION DES CRISES (DGSCGC)

La DGSCGC prend en charge l'ensemble des moyens terrestres interdépartementaux, intervenant en soutien des sapeurs-pompiers locaux. Il peut s'agir des renforts de sapeurs-pompiers d'un autre département, des sapeurs-sauveteurs des formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) et de certains détachements du ministère des armées.

1. Un remboursement des « colonnes de renfort » faisant l'objet de difficultés dans sa budgétisation

Dans l'exercice de ses pouvoirs de police, il appartient au préfet de mobiliser l'ensemble des moyens publics et privés pour la mise en oeuvre des mesures directes et indirectes nécessaires à la protection générale des personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les sinistres, les catastrophes ou tout autre événement présentant un risque immédiat ou imminent. Les moyens mobilisés sont alors placés sous le commandement d'un SDIS, et font l'objet d'un remboursement de la part de l'État, ainsi qu'en dispose l'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure : « l'État prend à sa charge les dépenses afférentes à l'engagement des moyens publics et privés extérieurs au département lorsqu'ils ont été mobilisés par le représentant de l'État ».

En ce qui concerne les feux de forêts, le ministère de l'intérieur prend à sa charge le coût des renforts mobilisés par les états-majors interministériels de zone ou le COGIC.

Répartition des renforts départementaux et interdépartementaux en 2017

Source : InfoSDIS, ministère de l'intérieur, 2017

Le fonctionnement de la mobilisation des colonnes de renforts

Une circulaire publiée en juin 2005 et deux mémentos diffusés en avril 2013 et juillet 2017 détaillent les modalités d'indemnisation des SDIS concourant à ces opérations de renfort en vue de couvrir les dépenses de personnel, de transits et d'éventuelles réparations de matériel. En application de ces textes, le SDIS bénéficiaire du concours organise localement la prise en charge du soutien des renforts (hébergement, repas).

Outre la possibilité de mobiliser au sein d'une zone des moyens de départements proches, est également organisée la possibilité d'engager des colonnes de renfort provenant d'autres zones.

En 2017, 13 colonnes « feux de forêts », soit un millier d'hommes pouvaient être mobilisés en appui des interventions ayant lieu dans les départements méditerranéens . En cas de risques particulièrement élevés d'incendie, la mise en oeuvre de colonnes peut intervenir à titre prévisionnel sur décision de la DGSCGC. Le volume des moyens mobilisés et le coût de ces opérations dépendent donc de l'activité opérationnelle et du niveau de danger, ainsi que de circonstances particulières telles que l'indisponibilité des moyens aériens, comme ce fut le cas avec l'arrêt de la flotte CL-415 au début du mois d'août 2016.

Source : DGSCGC

La programmation du coût des colonnes de renfort suscite de réelles difficultés , aussi de forts écarts entre la budgétisation et l'exécution sont régulièrement observés . Ces difficultés s'expliquent d'abord par un décalage important entre l'engagement des colonnes de renfort et le paiement au SDIS concerné. Ensuite, ces dépenses sont par nature difficilement prévisibles compte tenu de l'intensité variable des risques naturels. Les renforts ont ainsi été particulièrement importants au cours de l'année 2017, à la fois marquée par une saison des feux de forêt très intense, et les épisodes cycloniques dans les Antilles. Aussi sur les 6,3 millions d'euros des remboursements de la campagne feux de forêts de 2017 , 3,75 millions d'euros ont été reportés en 2018 faute d'AE suffisantes en 2017.

Cependant, ces reports de charges ne sont pas une exception au cours des dernières années, comme le montrent les rapports annuels de performance. Or depuis 2013, la prévision de remboursement global - renforts pour les feux de forêts, les inondations etc. - oscille entre 2 et 2,5 millions d'euros alors que les exécutions des trois dernières années rendent compte d'une consommation moyenne de 5,5 millions d'euros . La budgétisation pourrait ainsi être améliorée en rapprochant la dotation pour les colonnes de renfort des derniers montants exécutés.

Évolution de la mobilisation des colonnes de renfort
dans la lutte contre les feux de forêts

Années

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

(estimés au 15 septembre 2019)

Hommes-jours

4 550

850

1 260

3 250

19 500

28 000

1 100

19 500

Montant du remboursement

(en millions d'euros)

1,33

0,24

0,36

0,81

4,2

6,3

0,35

4

Source : DGSCGC

La mission interministérielle de 2016 signalait par ailleurs que certains renforts interdépartementaux sont déployés en dehors du cadre de mobilisation à la décision du préfet, mais dans le cadre de conventions bilatérales de coopération ou d'assistance mutuelle entre les SDIS de départements voisins ou proches. Ces renforts ne donnent pas systématiquement lieu à un remboursement, aussi la mission considérait qu'il était « souhaitable d'évaluer, sur la base de remontées d'informations des SDIS, le coût effectif de ces renforts interdépartementaux, notamment dans la perspective éventuelle de leur développement au niveau zonal. »

2. L'implication complémentaire des forces militaires

L'engagement de militaires dans les opérations de lutte contre les feux de forêts s'effectue avec l'aide de deux ensembles d'intervenants, l'un étant directement sous la responsabilité de la DSGSCGC, l'autre affecté par les armées dans le cadre d'un protocole.

a) L'intervention des Formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC)

Spécialisés dans la gestion des catastrophes naturelles et technologiques, les militaires des unités d'instruction et d'intervention de la Sécurité civile (UIISC) appartiennent aux formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC), rémunérées par la DGSCGC.

Trois UIISC sont présentes sur le territoire, dont deux dans la zone Sud, à Brignoles dans le Var et à Corte, en Corse, et une à Nogent-le-Rotrou. Leur état-major se situe à Asnières-sur-Seine, au sein de la DGSCGC. De fin juin à fin septembre, les ForMiSC déploient au moins 583 personnels dans le cadre du groupement organique de lutte contre les feux de forêt (GOLFF) . Il convient d'ajouter à cet effectif le personnel militaire d'astreinte qui assure la veille opérationnelle et la coordination de la gestion de crise au sein de l'état-major interministériel de zone de défense et de sécurité (EMIZ) ainsi qu'au COGIC.

Au cours de la campagne estivale, trois groupements sont mobilisés : un groupement d'astreinte nationale, un situé en Corse et un sur le continent. Le groupement du continent comprend trois détachements dont un héliporté (DIH). Les deux autres détachements, les détachements d'intervention « retardant » (DIR), sont situés à Brignoles, dans les Bouches-du-Rhône, et à Lézignan-Corbières, dans l'Aude, dans le cadre d'un prépositionnement. Leur rôle est essentiel, car ils permettent le déploiement par voie terrestre de produit retardant, un produit aux propriétés ignifugeantes qui fait office de barrière anti-feu, également utilisé par les avions. Ces DIR mobilisent 4 camions-citernes « feux de forêts » et 27 intervenants chacun, et peuvent embarquer jusqu'à 62 000 litres de retardant au total. Les détachements sont également renforcés par deux « éléments d'appui » comprenant huit intervenants et des bulldozers permettant de créer des pistes ou des lignes de soutien pour favoriser l'intervention de troupes au sol.

Il faut souligner que les ressources des UIISC ont continuellement diminué entre 2006 et 2017, perdant 103 ETP . Leur effectif est stabilisé à 1 401 ETPT depuis 2017. Une reprise de la déflation des effectifs pourrait compromettre la bonne réalisation des opérations terrestres, qui ne doit pas constituer le parent pauvre du dispositif de lutte contre les feux de forêts. Plusieurs personnes entendues ont en effet défendu l'importance des moyens terrestres, car si la lutte aérienne atténue grandement la propagation des incendies, « le combat contre les flammes se gagne systématiquement au sol » . De plus, la mobilisation des ForMiSC reste particulièrement intense ces dernières années, avec l'équivalent de 30 000 hommes/jour engagés en moyenne.

b) Un plus faible recours aux moyens militaires aéroterrestres, dans le cadre du protocole « Héphaïstos »

En zone Sud, le ministère de l'intérieur pourvoit également au remboursement de l'engagement des forces aéroterrestres du ministère des armées dans la protection des forêts contre l'incendie. Cet engagement s'exerce dans le cadre d'un protocole conclu entre les deux ministères, appelé « Héphaïstos » , permettant la mise à disposition planifiée de ces forces pour des missions spécifiques, et d'en limiter les délais d'engagement.

Les moyens mis à disposition dans le cadre du protocole ont diminué depuis 2011, la réduction des moyens terrestres s'expliquant par la forte implication des armées dans l'opération « Sentinelle » activée à la suite des attentats de janvier 2015. Le ministère des armées a ainsi cessé de mettre à disposition les sections militaires intégrées (SMI), et seuls les détachements spécialisés d'hélicoptères 16 ( * ) et du groupe de génie intégré (GGI) ont été conservés. Deux modules adaptés de surveillance (MAS) sur les douze MAS de départ ont également été maintenus, pour la Corse, l'apport de ces unités étant particulièrement stratégique dans l'île du fait de la forte pression incendiaire.

Une baisse significative des moyens aéroterrestres mis à disposition par le ministère des armées

Protocoles en vigueur

Période 2008-2011

Période 2011-2015

Période à partir de 2016

Moyens terrestres

• 3 SMI comportant chacune une trentaine d'hommes, 3 véhicules de liaison tout-terrain (VLTT) et 3 engins de transport)

• 1 GGI incluant 2 portes chars, 2 tracteurs-niveleurs - 8 hommes)

• 12 MAS comprenant chacun 14 hommes et 7 véhicules)

• 3 SMI (même format qu'en 2008-2011)

• 1 GGI (même format qu'en 2008-2011)

• 9 MAS représentant un effectif de 10 hommes

• 1 GGI (même format qu'en 2008-2011)

• 2 Modules Adaptés de Surveillance (MAS composés de 10 hommes et 5 véhicules)

Moyens aériens

• 2 hélicoptères de manoeuvre et 1 hélicoptère léger

• 2 officiers de l'armée de l'air détachés auprès de l'EMIZ

• 2 hélicoptères de manoeuvre et 1 hélicoptère léger

• 2 officiers de l'armée de l'air détachés auprès de l'EMIZ

• 2 hélicoptères de manoeuvre et 1 hélicoptère léger

• 2 officiers de l'armée de l'air détachés auprès de l'EMIZ

Total

280 intervenants

210 intervenants

45 intervenants

Sources : commission des finances, d'après les données de la DGSCGC

L'enveloppe demandée par le ministère des armées varie sensiblement d'une année à l'autre en fonction du contexte opérationnel et dépend notamment de la nécessité d'engager plus ou moins fréquemment le détachement d'intervention héliporté des ForMiSC. Ainsi, alors que les moyens militaires mis à disposition ont fortement diminué depuis 2015, le montant total du remboursement a fortement augmenté les années 2016 et 2017, marquées par une saison des feux de plus forte intensité.

Remboursements effectués par le programme 161 « Sécurité civile » au titre du protocole « Héphaïstos »

(en millions d'euros)

Protocole à partir de 2016

Protocole pour 2011-2015

Sources : commission des finances, d'après les données de la DGSCGC

Cette évolution paradoxale s'explique par une plus grande mobilisation des hélicoptères . Cette dernière se révèle en effet très coûteuse, même si les armées ne facturent pas de coût d'immobilisation. Le coût de l'heure de vol s'établit néanmoins à 3 187 euros pour les hélicoptères de reconnaissance, et pour les hélicoptères de manoeuvre à 7 682 euros s'il s'agit de Puma, 14 822 euros s'il s'agit de Cougar.


* 16 Si la Sécurité civile dispose de sa propre flotte d'hélicoptères, du type EC-145, la mise à disposition d'hélicoptères de reconnaissance ou de manoeuvre représente un atout majeur du point de vue opérationnel, les modèles d'hélicoptère détenus par les armées étant plus adaptés au transport des ForMiSC et de leurs équipements.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page