III. PRÉSERVER LES DESSERTES INDISPENSABLES AU MAILLAGE DU TERRITOIRE

A. UN INDISPENSABLE LEVIER D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

L'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs se pose en des termes spécifiques s'agissant des lignes utiles à l'aménagement du territoire . Elle constitue en effet « le moment propice à une réflexion des autorités organisatrices de transport sur leur stratégie en matière de desserte ferroviaire , au regard des priorités d'aménagement du territoire mais aussi de l'usage optimal des deniers publics » 24 ( * ) .

Les lignes de desserte fine du territoire sont un véritable outil d'aménagement du territoire , alors même que de nombreux territoires
- notamment ruraux - sont confrontés à des difficultés d'accès à la mobilité, et plus globalement aux services publics 25 ( * ) . Les lignes de cette catégorie utilisées pour le transport de voyageurs représentent une part importante du réseau ferré national avec environ 9 000 kilomètres de lignes (sur un total de plus de 28 000 kilomètres) 26 ( * ) .

Ces lignes, qui sont d'après Élisabeth Borne « les grandes sacrifiées de notre réseau ferroviaire pendant des décennies » 27 ( * ) forment un ensemble hétérogène et connaissent certaines difficultés. En 2018, le nombre de liaisons ferroviaires domestiques opérées a diminué de 5,3 % par rapport à 2017, notamment sous l'effet de la réduction du nombre de liaisons Intercités. Conjuguées à la fermeture de certaines dessertes ferroviaires 28 ( * ) , ces évolutions inquiètent les populations des territoires concernés. Guillaume Gontard a ainsi évoqué des « nombreuses fermetures de guichets de gares sans concertation, des abandons de dessertes ferroviaires et une absence de visibilité sur les dessertes fines ».

Source : SNCF Réseau, 2019. Les lignes de desserte fine du territoire correspondent aux catégories UIC 7 à 9.

En raison du maillage du territoire qu'elles permettent, le Sénat avait été particulièrement vigilant, à l'occasion de l'examen de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, à la préservation des lignes d'aménagement du territoire . Le Gouvernement s'était quant à lui engagé à remettre un rapport sur les lignes les moins circulées du réseau ferré national un an après la publication de la loi 29 ( * ) . Ce rapport, ainsi que le très attendu rapport du préfet Philizot sur la définition d'une stratégie pour les lignes de desserte fine du territoire, n'ont toutefois toujours pas été publiés.

Il devient désormais urgent de se doter d'une stratégie pour les petites lignes ferroviaires , qui forment un ensemble hétérogène. L'avenir des petites lignes paraît pour l'heure incertain, à l'image des trains Intercités, pour lesquels la gouvernance et le mode de financement ne sont pas encore stabilisés.

Les trains Intercités

Les trains d'équilibre du territoire (TET) - dits « Intercités » depuis 2012 - forment un ensemble hétérogène de lignes créé par la convention d'exploitation du 13 décembre 2010 entre l'État et la SNCF. Il s'agit d'une « catégorie interstitielle » 30 ( * ) entre les TGV et les TER qui permet d'assurer un service de grandes lignes rapides hors réseau TGV. L' État est l' autorité organisatrice compétente pour l'organisation de ces « services de transport ferroviaire de voyageur d'intérêt national » 31 ( * ) .

Dès 2014, la Cour des comptes 32 ( * ) notait que la stratégie en matière de grandes lignes avait progressivement eu tendance à s'identifier, depuis une trentaine d'années, au développement de la grande vitesse. Dans le même temps, l'offre régionale tirait bénéfice de l'implication grandissante des régions. Les trains Intercités n'ont pas bénéficié du même soutien que la grande vitesse d'une part et que le transport régional d'autre part.

Or, sous l'effet de la chute de la fréquentation de ces lignes malgré leur coût, et suite au rapport de la commission « TET : agir pour l'avenir » 33 ( * ) , publié en 2015, l'État a engagé une importante refonte de l'offre , et notamment de son périmètre . Le réseau des TET, qui comptait une quarantaine de lignes en 2014, est aujourd'hui constitué de 16 lignes, dont 2 lignes de nuit .

Depuis janvier 2017, et dans le cadre des protocoles d'accord conclus entre l'État et les régions, ces dernières se sont vues transférer certaines lignes Intercités, avec l'objectif de permettre une meilleure articulation des TET et TER 34 ( * ) . Des engagements de l'État sur le financement ou la fourniture de matériel roulant neuf sont prévus dans le cadre de ces protocoles de reprise. D'après la Cour des comptes toutefois, ils « ne comportent pas d'échéancier de paiement et renvoient leurs modalités d'application à une contractualisation ultérieure des partenaires ».

Au terme des transferts prévus d'ici 2020, le réseau TET ne devrait plus compter que 8 lignes dont 35 ( * ) :

- trois lignes « structurantes », qui s'apparentent à des grandes lignes (Paris-Clermont, Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Bordeaux-Toulouse-Marseille) ;

- trois lignes « d'aménagement du territoire », qui se rapprochent davantage des lignes interrégionales (Nantes-Lyon, Nantes-Bordeaux, Toulouse-Hendaye) ;

- 2 lignes de nuit : Paris-Rodez-Toulouse-Latour de Carol et Paris-Briançon.

L'avenir des trains Intercités reste malgré tout incertain, en raison notamment de leur coût et du fait de la fragilité de leur gouvernance.

Pour Philippe Tabarot, « il faut pouvoir sauver ces lignes » et les régions sont en demande d'un appui méthodologique sur leur avenir, « sans donner l'impression que l'État ou SNCF Réseau se débarrasse du problème ».

Bernard Roman a toutefois indiqué qu'il était nécessaire de prendre davantage en compte « l'intérêt socio-économique des investissements », alors que certaines lignes ne transportent que quelques dizaines de passagers par semaine. À cet égard, et comme l'a indiqué Frédéric Saint-Geours, SNCF Réseau a d'ores et déjà publié un kit méthodologique 36 ( * ) visant à maintenir les lignes de desserte fine à des coûts moindres.


* 24 Arafer, « L'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs en France. Les conditions d'une ouverture à la concurrence efficace des services conventionnés », mars 2018.

* 25 Cour des Comptes, L'accès aux services publics dans les territoires ruraux, mars 2019 .

* 26 Source : SNCF Réseau (données 2017).

* 27 Intervention d'Élisabeth Borne, Examen du projet de loi d'orientation des mobilités au Sénat, 19 mars 2019.

* 28 28 communes ont perdu leur desserte ferroviaire entre 2017 et 2018.

* 29 Article 27 de la loi n° 2018-515 pour un nouveau pacte ferroviaire.

* 30 Cour des comptes, Rapport public annuel, « Les trains Intercités : une réforme à achever », février 2019.

* 31 Article L. 2121-1 du code des transports.

* 32 Cour des comptes, Rapport particulier, « Les trains d'équilibre du territoire », juillet 2014.

* 33 Philippe Duron, « TET : agir pour l'avenir », mai 2015 .

* 34 Convention relative à l'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET) 2016-2020 .

* 35 Cour des comptes, Rapport public annuel, « Les trains Intercités : une réforme à achever », février 2019.

* 36 SNCF Réseau, Lignes de desserte fine du territoire : une nouvelle méthode pour les projets de modernisation, 2019 .

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