N° 209

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) à la suite du colloque organisé le 13 novembre 2019
sur la
couverture numérique du territoire ,

Par MM. Hervé MAUREY et Patrick CHAIZE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; M. Claude Bérit-Débat, Mme Pascale Bories, MM. Patrick Chaize, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, MM. Guillaume Chevrollier, Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Hervé Gillé, Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Pascal Martin, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Perrot, M. Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Mmes Françoise Ramond, Esther Sittler, Nadia Sollogoub, Michèle Vullien .

RÉSUMÉ

L' accès au numérique constitue un enjeu majeur de l'aménagement du territoire : garantir la couverture numérique répond autant à une exigence d'égalité que de développement et d'attractivité économiques.

Pour relever ce défi, en matière de déploiement des réseaux fixes, les pouvoirs publics ont mis en place le plan France très haut débit . Lancé en 2013, il vise la couverture intégrale de la population en très haut débit d'ici fin 2022 , dont 80 % en fibre optique jusqu'au domicile ( FttH ), technologie ayant vocation à être généralisée sur l'ensemble du territoire en 2025 . Il prévoit en parallèle un plan d'investissements de 20 milliards d'euros , dont 14 milliards pour le développement des réseaux d'initiative publique et 3,3 milliards de soutien de l'État à ces réseaux publics via un « guichet » France très haut débit.

Quant au déploiement des réseaux mobiles , le New Deal a pris le relais, en 2018, d'initiatives antérieures infructueuses, comme le programme « zones blanches centres-bourgs ». Au prix d'un renoncement à des redevances maximisées des autorisations d'utilisation de fréquences, l'État a assigné des objectifs aux opérateurs , parmi lesquels la généralisation de la 4G sur l'ensemble des sites existants pour 2020 et la couverture ciblée de 5 000 nouvelles zones par opérateur grâce à l'identification pour 2025 de nouveaux sites d'installation de pylônes.

Un an après le début du mouvement des « Gilets Jaunes », par lequel de nombreux Français ont exprimé dans la rue leur peur et leur colère face à une fracture territoriale croissante , des doutes peuvent apparaître quant à l'atteinte de ces différents objectifs. Pourtant, un nouvel échec en matière d'aménagement numérique du territoire ne peut être envisagé . Plus que jamais, il est impératif que les objectifs du plan France très haut débit et du New Deal soient tenus . Face à ce constat, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a organisé un colloque pour dresser un état des lieux de la couverture fixe et mobile et de la conformité des trajectoires de déploiements aux objectifs . Cet événement s'inscrit dans la continuité de ses rapports d'information de 2015 1 ( * ) et 2017 2 ( * ) , et de ses travaux législatifs, en particulier lors de la loi ELAN de novembre 2018 3 ( * ) .

OUVERTURE

M. Gérard Larcher, président du Sénat . - Monsieur le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, cher Hervé Maurey, Monsieur le président du groupe d'études « Numérique », cher Patrick Chaize, Chers sénateurs et présidents des conseils départementaux, Monsieur le président de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), Mesdames et Messieurs, tout d'abord, je souhaite vous exprimer le plaisir que j'ai à partager ce moment avec vous dans le cadre de ce colloque organisé par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat et ayant pour thème la couverture numérique du territoire, notamment du territoire rural.

La question que vous avez souhaité poser m'apparaît vitale pour l'avenir de nos territoires et de nos concitoyens. Les objectifs de la couverture numérique du territoire seront-ils tenus ? À quelle échéance le seront-ils ? Cette question est régulièrement posée au Sénat. Ce colloque s'inscrit donc dans la continuité des travaux de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je salue particulièrement les représentants des collectivités territoriales aujourd'hui présents. Je souhaite également remercier nos collègues spécialistes des enjeux de la couverture fixe et mobile. Hervé Maurey et Patrick Chaize jouent à ce titre un rôle particulièrement important. En novembre 2015, vous exhortiez les pouvoirs publics à « veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions » . Deux ans plus tard, vous réitériez, en intitulant votre rapport d'information : « Le très haut débit pour tous en 2022, un cap à tenir » . Deux ans après la parution de ce rapport, vous proposez de dresser un état des lieux du déploiement des réseaux fixe et mobile sur l'ensemble du territoire. En effet, le rôle constitutionnel du Sénat est d'exercer un contrôle des politiques publiques.

Les Français demandent que l'accès aux services et aux infrastructures soit identique en tout point du territoire. Ils veulent bénéficier d'un même accès à la révolution numérique. Il ne peut y avoir de laissés-pour-compte dans ce domaine. Disposer de réseaux de qualité sur l'ensemble du territoire apparaît ainsi comme un enjeu essentiel, non seulement de communication, mais également démocratique. En effet, l'équilibre des territoires et la place de la ruralité en dépendent. Nous ne pouvons accepter que des ruptures d'égalité se prolongent dans le temps. Pour ma part, j'ai assisté au cours des 21 derniers mois à 72 assemblées générales de maires, et cette question a été systématiquement abordée.

La couverture numérique du territoire apparaît ainsi aussi vitale que l'a été le déploiement de l'électricité et du téléphone par le passé. Elle constitue un élément déterminant du quotidien, mais également de l'attractivité de nos territoires. La fracture numérique est en effet particulièrement ressentie par certains de nos concitoyens qui se sentent oubliés par l'aménagement du territoire et les progrès technologiques. Ils en éprouvent ainsi un sentiment de relégation.

En 1995, dans un rapport intitulé « La nation, un héritage en partage » , j'avais évoqué cette « France d'à côté » , que le géographe Christophe Guilluy qualifie de « France périphérique » . Ce sentiment ne procède pas uniquement de cette fracture numérique. Néanmoins, entre mondialisation, financiarisation et métropolisation, un certain nombre de Français se sentent oubliés, comme le démontrent du reste leurs votes. La cartographie électorale, et notamment celle de l'abstention, coïncide en effet largement avec ces territoires. Notre responsabilité dans l'équipement du territoire est donc démocratique, en plus d'être technologique.

Le numérique apparaît ainsi comme un puissant facteur d'inégalités. Par conséquent, en menant à bien la couverture du numérique sur l'ensemble du pays, il deviendra au contraire un facteur d'égalité. Le numérique joue un rôle central tant dans notre vie quotidienne que nos relations sociales, ou nos démarches administratives. La déclaration d'impôts en ligne requiert par exemple un accès à internet.

Le déploiement des réseaux mobiles est également un enjeu essentiel pour répondre aux nouveaux défis portés par le monde de demain, mais aussi pour penser autrement l'aménagement du territoire. La 5G, notamment, ouvre des perspectives considérables, par exemple pour le télétravail, l'e-commerce, ou encore la télémédecine. Évoquée par le Président de la République au cours du Grand débat, la santé est ainsi aujourd'hui un enjeu essentiel. Elle apparaît en effet comme un potentiel puissant facteur d'iniquité sur notre territoire.

Cette couverture intégrale du territoire est attendue par tous nos concitoyens, mais également par nos entreprises, qui en ont besoin pour s'implanter et se maintenir dans l'ensemble du pays. Je suis ainsi souvent interpellé sur la persistance de zones blanches et grises en matière de téléphonie mobile. J'en fais, du reste, l'expérience dans mon propre véhicule. Le New Deal Mobile a ainsi été mis en oeuvre pour assurer la couverture de l'ensemble du territoire en 4G, tout particulièrement dans les zones rurales. Votre deuxième table ronde abordera l'effectivité de ce dispositif.

Le Gouvernement a pris des engagements tant pour le fixe que pour le mobile. Au début de l'année, ils ont été répétés avec force par le Président de la République. Le Sénat demeure attentif à leur mise en oeuvre. L'ensemble du territoire devrait être couvert en très haut débit d'ici 2022, et par la fibre optique d'ici 2025. Chacun sait que les derniers kilomètres seront les plus difficiles à exécuter. Le Président de la République s'est à ce titre engagé à mettre la pression sur les quatre opérateurs télécoms pour atteindre ces objectifs. Nous avons toujours, au Sénat, contribué à mettre cette pression indispensable, car nous sommes garants de la cohésion territoriale de notre pays, ainsi que du développement équilibré de notre territoire. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que figurent au sein du collège de l'Arcep les plus brillants esprits issus des territoires, ainsi que des élus territoriaux.

Je souhaite de tout coeur que nous atteignions les objectifs annoncés par le Président de la République. Je partage l'approche volontariste de l'État, mais il convient de faire attention aux espoirs déçus. Ceux-ci ont en effet des conséquences sociales et politiques. La question de la fracture numérique apparaît ainsi comme un enjeu de cohésion, mais également de liberté, d'égalité, et de fraternité. Je ne dis pas cela pour être emphatique, mais en raison de la prégnance de cette question pour l'ensemble de notre pays. Dans sa fonction d'initiative et de contrôle, le Sénat sera, par conséquent, toujours attentif à cette question majeure pour l'aménagement du territoire, à travers la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et le groupe d'études « Numérique ».

Je vous remercie.


* 1 Rapport d'information n° 193 (2015-2016) du 25 novembre 2015 de MM. Hervé Maurey et Patrick Chaize, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable « Couverture numérique des territoires : veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions ».

* 2 Rapport d'information n° 712 (2016-2017) du 7 septembre 2017 de MM. Hervé Maurey et Patrick Chaize, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable « Le très haut débit pour tous en 2022 : un cap à tenir ».

* 3 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

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