B. LA COMPÉTENCE CULTURELLE PARTAGÉE : « LE PIRE DES SYSTÈMES À L'EXCEPTION DE TOUS LES AUTRES »

1. Une formule adaptée à un domaine dans lequel la volonté politique joue un rôle primordial

Le législateur a fait le choix de maintenir la compétence partagée en matière culturelle dans le cadre de la loi NOTRe pour tenir compte de l'enjeu économique et social que constituent les politiques culturelles pour l'ensemble des niveaux de collectivités territoriales. L'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales résultant de la loi NOTRe prévoit que « les compétences en matière [...] de culture [...] sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier ».

Les élus locaux que vos rapporteurs ont auditionnés se sont montrés très attachés à cette disposition en raison de la marge d'initiative qu'elle leur donne pour intervenir en matière culturelle et ainsi valoriser leur territoire et son identité. De leur côté, les acteurs culturels soulignent son intérêt pour le financement de leurs projets. La réalisation de la plupart des projets culturels repose aujourd'hui sur des financements croisés et nécessite le partenariat de plusieurs collectivités publiques, éventuellement associées à des acteurs privés. La compétence culturelle partagée apparaît donc favorable au dynamisme et à l'effervescence de la vie culturelle locale en facilitant l'addition des initiatives et des financements.

Le partage de la compétence culturelle offre par ailleurs une réelle souplesse qui permet d' adapter l'organisation de l'action culturelle aux spécificités de chaque territoire , mais aussi de faire varier la configuration des coopérations territoriales selon les disciplines artistiques et culturelles, en fonction des intérêts propres à chaque échelon territorial. Elle se justifie d'autant plus que l'intervention des collectivités en matière culturelle repose très largement sur la volonté politique des élus .

La compétence culturelle partagée permet en effet de diluer le risque lié au désengagement d'une collectivité . Elle laisse aujourd'hui la possibilité à un autre échelon territorial de prendre le relais de celui à qui les moyens financiers auraient manqué ou à qui la volonté politique aurait fait défaut. Particulièrement vive au moment de l'adoption de la loi NOTRe en 2015 au regard des difficultés budgétaires rencontrées par les collectivités territoriales, la crainte du retrait d'une collectivité reste encore très présente aujourd'hui. La croissance des dépenses de fonctionnement d'une grande partie des collectivités territoriales est en effet limitée à 1,2 % par le nouveau pacte financier, dit « dispositif de Cahors », qui les lie à l'État pour la période 2018-2022.

Préconisation : maintenir le principe de la compétence partagée dans le domaine de la culture , tel qu'il a été réaffirmé par la loi NOTRe du 7 août 2015 à l'article L. 1111-4 du code général de collectivités territoriales.

2. La difficulté à répartir la compétence culturelle entre les différents échelons territoriaux

Le principe de la compétence culturelle partagée soulève néanmoins des craintes en matière de lisibilité de l'action publique. Elle présente en effet le risque d'un manque de cohérence entre les interventions des différentes collectivités publiques et d'un empilement des dispositifs contractuels, peu lisibles et coûteux en temps et en moyens pour les acteurs culturels. Par rapport à d'autres domaines dans lesquels la compétence partagée a également été maintenue, comme le sport, la culture est sans doute celui dans lequel existe le plus de superpositions.

Il apparaît cependant délicat de fixer un cadre national pour répartir les responsabilités des différents échelons territoriaux en matière culturelle . Cette répartition serait nécessairement arbitraire et pourrait déstabiliser l'action culturelle dans certains territoires en imposant un schéma qui viendrait bouleverser celui en place et qui se montre efficace.

Même si chaque échelon territorial privilégie généralement certains champs d'intervention, tels les industries culturelles et créatives pour les régions, le patrimoine et l'éducation artistique et culturelle pour les départements, l'expression artistique et les activités culturelles pour le bloc communal, les spécificités locales restent nombreuses en matière culturelle et pourraient encore s'accroître sous l'effet des délégations de compétences, dont le régime a été renforcé par les lois MAPTAM et NOTRe précitées, et de l'ouverture éventuelle d'un droit à différenciation dans une loi future.

Attribuer des compétences exclusives dans tel ou tel secteur de l'action culturelle à l'un des échelons en particulier pourrait par ailleurs nuire à la réalisation de projets importants pour lesquels le partenariat entre les différents niveaux de collectivités territoriales se révèle indispensable.

Compte tenu de l'importance de la volonté politique en matière d'intervention des collectivités territoriales dans le domaine culturel, une répartition des compétences ferait en outre courir le risque de voir disparaître des pans entiers de la culture dans les territoires dans lesquels les élus ne seraient pas convaincus de la nécessité d'intervenir dans le champ de compétence culturelle que la loi leur aurait attribué, puisque les autres collectivités n'auraient pas la possibilité d'exercer la compétence à sa place.

En revanche, rien n'empêche les différents niveaux de collectivités territoriales de se mettre d'accord, par le biais de conventions conclues au niveau local, sur des modalités de répartition de la compétence culturelle selon leurs spécificités organisationnelles. Cette répartition permettrait notamment de partager davantage le coût des dépenses culturelles, qui repose aujourd'hui principalement sur les communes, tout en garantissant une meilleure égalité d'accès à la culture des habitants du territoire concerné.

Préconisation : ne pas prévoir au niveau national de répartition de la compétence culturelle entre les différents échelons territoriaux, mais laisser les collectivités territoriales libres de pouvoir se répartir entre elles l'exercice de la compétence culturelle par expérimentation ou différenciation.

Il existe aujourd'hui une forte attente pour que l'ensemble des échelons territoriaux s'investissent , aux côté des communes, en matière culturelle.

Les régions constitueraient un échelon stratégique pour traiter du développement économique des filières de la culture, aider les acteurs culturels locaux à atteindre une taille critique et favoriser un aménagement équilibré du territoire .

Même si les départements ont, à quelques exceptions, réduit leur engagement en faveur de la culture - la part de la culture dans leurs budgets est aujourd'hui la plus faible de tous les échelons territoriaux - pour se replier sur leurs compétences obligatoires, ils conservent toute leur pertinence pour veiller à la coordination dans les zones rurales et à l'équité de l'accès à la culture en tous lieux du département , ce rôle pouvant difficilement être assumé par les intercommunalités en raison, soit de leur taille trop réduite, soit de la faiblesse de leurs moyens financiers. Ils peuvent également jouer un rôle d'interface entre les intercommunalités et la région. Plusieurs départements ont d'ores et déjà fait le choix de contractualiser avec des intercommunalités de leur territoire pour accompagner le développement de leurs politiques culturelles. Cette formule se révèle efficace pour renforcer l'engagement du conseil départemental et accroître l'égalité d'accès à la culture sur le territoire du département.

Les intercommunalités et les métropoles apparaissent enfin adaptées pour la mise en place de projets de territoire dans le domaine culturel (patrimoine, livre et lecture publique, enseignements artistiques...), qui permettraient de mutualiser les dépenses, tout en conservant une offre de proximité, suffisamment accessible par tous. Leur exercice de la compétence culturelle s'est jusqu'ici trop limité à la gestion de grands équipements, au risque d'accroître l'éloignement des zones rurales et périurbaines vis-à-vis de l'offre culturelle. Pour garantir leur mise en oeuvre, ces projets de territoire nécessiteraient d'être formalisés par le biais de conventions ou contrats de territoire, permettant d'inscrire des objectifs pluriannuels dans les différents champs de la politique culturelle couverte, en facilitant la mise en commun, pour une certaine durée, des différents dispositifs mis en place, ainsi que des établissements financés par les communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale.

Préconisation : élaborer au niveau des intercommunalités et des métropoles de vrais projets de territoire , formalisés dans le cadre de contrats de territoire , qui ne se limitent pas exclusivement à la gestion de grands équipements.

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