Rapport d'information n° 490 (2019-2020) de M. Simon SUTOUR , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 4 juin 2020

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N° 490

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juin 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur les relations entre la Grèce et l' Union européenne ,

Par M. Simon SUTOUR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet , président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, Mme Véronique Guillotin, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-François Rapin , vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, René Danesi , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Claude Haut, Olivier Henno, Mmes Sophie Joissains, Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Jean-Jacques Panunzi, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert .

L'ESSENTIEL

En juin 2015, cinq ans après le déclenchement d'une crise sans précédent, provoquant un appauvrissement inédit, le rapporteur avait effectué un déplacement en Grèce dans un contexte marqué à la fois par de fortes turbulences politiques et la menace, faute d'accord avec ses bailleurs de fonds, d'un défaut du pays et de sa sortie de la zone euro 1 ( * ) . La France a joué un rôle déterminant dans les discussions de l'été 2015 sur le 3 e programme d'aide financière, et la Grèce a toujours pu compter sur le soutien du Président de la République de l'époque, comme aiment à le rappeler les responsables grecs. Cette proximité politique est durable. Ainsi, lors du déplacement du nouveau Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, à Paris, le 29 janvier dernier, Emmanuel Macron et lui sont convenus de conclure un partenariat stratégique entre les deux pays d'ici le mois de juin 2020.

La situation du pays dans lequel le rapporteur s'est de nouveau rendu, près de cinq ans plus tard, a sensiblement évolué : la Grèce , tout en continuant à faire l'objet d'une « surveillance renforcée », est sortie du plan d'aide financière à l'été 2018 . L'ambiance générale s'est également améliorée : les indicateurs sont plus flatteurs et le gouvernement Mitsotakis, issu des élections législatives de juillet 2019, a orienté sa politique économique sur la croissance et l'investissement. Il conviendra de rester vigilant sur les conséquences économiques en Grèce , pourtant peu touchée sur le plan sanitaire, de la pandémie de Covid-19 , en formant le voeu que ces effets n'inversement pas durablement le trend positif observé auparavant.

Par ailleurs, la « sortie de crise » observable en Grèce risque d'être rendue plus délicate par les difficultés qui réapparaissent sur le dossier migratoire. Il est certain que la Grèce, qui compte 2 000 îles et îlots et dont le littoral d'environ 13 700 kms est le plus long d'Europe, rencontre des obstacles objectifs pour gérer ses frontières.

Mais, depuis 2019, le pays connaît une hausse importante - presque 60 000 - des arrivées de migrants sur les îles . En outre, à la fin février 2020, la Turquie a exercé une forte pression sur la Grèce en « ouvrant » ses frontières et laissant ainsi passer plusieurs milliers de migrants, contrevenant à l'accord de mars 2016 qui la lie à l'Union européenne .

Cet épisode illustre une fois encore le fait que la protection des frontières extérieures de l'Union européenne appelle des solutions européennes, alliant solidarité et responsabilité .

Pour autant, la Grèce a beaucoup souffert au cours de ces longues années de crise - elle est « un pays blessé », a-t-on dit au rapporteur, à Athènes. De même, nombre des problèmes structurels du pays demeurent , en particulier le niveau de la dette publique, la faiblesse des investissements, le manque de performance du secteur public ou encore le retard des transitions numérique et écologique.

Enfin, il faudra rester vigilant sur les conséquences en Grèce de la pandémie de Covid-19 . Le pays a certes bien géré cette crise sanitaire , avec un nombre de décès très limité, mais ses effets économiques sont potentiellement très inquiétants , d'autant plus que son économie dépend fortement du tourisme, très affecté par le confinement et la fermeture des frontières.

GRÈCE - PRINCIPALES DONNÉES

Nom officiel : République hellénique

Nature du régime : République parlementaire

Président de la République : Mme Ekaterini Sakellaropoulou (depuis le 13 mars 2020, élue le 22 janvier)

Chef du gouvernement (formé le 9 juillet 2019) : M. Kyriakos Mitsotakis

Superficie : 131 957 km 2

Capitale : Athènes

Villes principales : Athènes (4 millions d'habitants), Thessalonique (1 million d'habitants)

Langue officielle : grec

Monnaie : euro

Fête nationale : 25 mars (insurrection de 1821) ; le 28 octobre est « fête nationale », en souvenir du jour où le général Metaxás s'est opposé au passage des troupes italiennes (1940)

Population : 10 740 000 habitants (2018)

Densité : 81,3 habitants/km 2 (2018)

Croissance démographique : 0,28 % (2018)

Espérance de vie : 83,4 ans pour les femmes, 78 ans pour les hommes (2017)

Taux d'alphabétisation : 97,5 % (2017)

Religion : Orthodoxe (98 %)

Indice de développement humain : 0,87 (2016)

PIB : 182,959 Md€ (2018)

PIB/hab : 17 035 € (2018)

Taux de croissance : 1,9 % (2018)

Taux de chômage : 18,2 % (2018)

Taux d'inflation : 0,6 % (2018)

Dette publique : 183,1 % du PIB (2018)

Solde budgétaire : 4,3% (2018)

Balance commerciale : - 21 712 Md€ (2018)

Principaux clients : Italie (10,4 %), Allemagne (6,4 %), Turquie (6,2 %)

Principaux fournisseurs : Allemagne (10,3%), Irak (8,3%), Italie (7,7%) et Russie (7,7%)

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB (2018) : agriculture (3,5 %), industrie (14 %), services (82,5 %)

Exportations de la France vers la Grèce (2018) : 2 224 Mds€ (10,6 %)

Importations françaises depuis la Grèce (2018) : 9 996 M€ (+ 37,3 %)

Solde commercial bilatéral (2018) : 1,229 Md€ (- 4,47 %)

I. UN CONTEXTE POLITIQUE RENOUVELÉ

Les élections législatives de juillet 2019 ont ramené la Nouvelle Démocratie au pouvoir en Grèce en lui donnant une large majorité lui permettant de gouverner, sans pour autant laminer l'opposition de gauche. Plusieurs observateurs ont ainsi considéré que les résultats de ces élections étaient « sages ».

Le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis, élu sur un programme de réformes, a réussi à créer un climat positif dans le pays. Il conserve d'ailleurs à ce stade une bonne cote de popularité - « l'état de grâce » des nouvelles majorités durerait habituellement un an en Grèce 2 ( * ) .

Quant à l'opinion publique grecque, elle reste, malgré ses déceptions bien compréhensibles, majoritairement favorable à la construction européenne.

A. L'ALTERNANCE EN GRÈCE : DE TSIPRAS À MITSOTAKIS

La Grèce a connu plusieurs scrutins électoraux en 2019 : le 26 mai, les élections européennes, concomitantes du premier tour des élections régionales et municipales - dont le second tour a eu lieu le 2 juin -, puis, le 7 juillet, les élections législatives.

Ce cycle électoral a été complété, le 22 janvier 2020, par l'élection à la Présidence de la République par le parlement grec, la Vouli , à la majorité qualifiée des deux tiers 3 ( * ) - elle a obtenu 87 % des suffrages -, de Mme Ekaterini Sakellaropoulou, présidente du Conseil d'État nommée à ce poste par le gouvernement Tsipras, première femme à occuper cette fonction essentiellement protocolaire.

À l'issue de ces différentes élections, le paysage grec est profondément recomposé : la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA) que menait le Premier ministre Alexis Tsipras, au pouvoir depuis 2015, laisse la place au parti de droite Nouvelle Démocratie (ND), dirigé par Kyriakos Mitsotakis , ancien ministre de la réforme de l'administration et de la gouvernance (2013-2015) dans le gouvernement d'Antonis Samaras. La participation à ces scrutins, obligatoire en Grèce, a été plus élevée que prévue 4 ( * ) .

Aux élections européennes, ND a remporté 33,12 % des suffrages, devant SYRIZA (23,76 %). Le Mouvement pour le changement (KINAL), parti d'opposition de gauche regroupant le parti socialiste (PASOK), le Mouvement des socialistes démocrates (KIDISO), La Rivière (To Potami) et la Gauche démocrate (DIMAR), est arrivé en troisième position, avec 7,72 % des suffrages, suivi du Parti communiste grec (KKE) qui a obtenu 5,35 %.

Après les élections locales, ND a conquis douze des treize régions du pays, à l'exception de la Crète qui reste dirigée par la gauche. Costas Bakoyannis, petit-fils de l'ancien Premier ministre (1990-1993) Constantin Mitsotakis, fils de Dora Bakoyannis, ancienne ministre de la culture puis des affaires étrangères et ancienne maire d'Athènes, et neveu de Kyriakos Mitsotakis, a été élu nouveau maire ND d'Athènes.

Dans ce contexte, les enquêtes d'opinion laissaient présager la victoire de ND aux élections législatives, SYRIZA n'ayant pas toujours su rechercher des alliances, notamment avec KINAL, qui est la troisième force politique du pays, et apparaissant parfois comme une formation politique plus social-démocrate que par le passé.

De fait, les élections législatives 5 ( * ) du 7 juillet 2019 , anticipées de trois mois, ont été largement remportées par ND . Le résultat de cette dernière, qui s'établissait à 28,09 % des suffrages exprimés et 75 députés en septembre 2015, atteint 39,85 % des suffrages et 158 sièges , obtenant la majorité absolue à elle seule , et plus que SYRIZA lors des législatives précédentes, soit 35,46 % des suffrages et 145 sièges. La formation du Premier ministre sortant a obtenu 31,53 % des suffrages et 86 sièges. KINAL arrive en troisième position, avec 8,10 % des suffrages et 22 sièges. La quatrième place est occupée par KKE, avec 5,30 % des suffrages et 15 sièges. Avec 2,9 % des suffrages, soit moins que le seuil requis de 3 %, le parti d'extrême droite néo-nazie Aube dorée , qui avait encore obtenu 4,88 % aux élections européennes du mois de mai, est exclu de la Vouli - il avait obtenu 21 sièges en 2012 et encore 18 aux élections législatives de septembre 2015, constituant à l'époque le troisième groupe parlementaire.

Au cours de la campagne électorale, Kyriakos Mitsotakis avait axé son programme sur le redémarrage de l'économie grecque grâce à l'attraction des investisseurs et la réforme du système fiscal. Il avait ainsi annoncé vouloir baisser le taux de l'impôt sur les sociétés de 28 % à 20 %, réduire la TVA en encadrant ses taux entre 11 % et 22 % et diminuer de 30 points l'impôt prélevé sur les biens immobiliers des particuliers et des personnes morales et sur les terrains. Il avait aussi pris l'engagement de ne procéder à aucun licenciement dans la fonction publique.

Par ailleurs, le candidat Mitsotakis avait pris des engagements clairement pro-européens , y compris celui de ne pas remettre en cause l'accord de Prespa relatif au nom de la Macédoine du Nord .

L'accord de Prespa sur la Macédoine du Nord

Le 12 juin 2018, Alexis Tsipras et son homologue macédonien Zoran Zaev ont signé l'accord de Prespa sur la question de la dénomination de l'Ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM), qui sera désormais officiellement appelée Macédoine du Nord.

Cet accord, « bon pour le pays, pour la région et pour l'Europe » comme l'avait estimé le Président Emmanuel Macron, peut être qualifié d'historique car il a permis de mettre fin à un différend bilatéral vieux de plus d'un quart de siècle.

Pour autant, la majorité des Grecs l'a très mal accepté, en particulier dans le Nord du pays. La quasi-totalité des partis politiques l'ont critiqué, y compris jusque dans la majorité et le Parti des Grecs indépendants (ANEL), alors en coalition avec SYRIZA, a quitté le gouvernement à l'occasion du vote de confiance sollicité par Alexis Tsipras sur cet accord, le 16 janvier 2019. L'accord est entré en vigueur le 12 février 2019 et bénéficie d'un délai de cinq ans pour sa mise en oeuvre. Kyriakos Mitsotakis était également très critique sur l'accord de Prespa, même s'il a pris l'engagement, réitéré depuis sa victoire électorale, de ne pas le remettre en cause.

B. L'OPINION PUBLIQUE GRECQUE ET L'UNION EUROPÉENNE : SORTIE DE L'EURO-AMERTUME ET ASPIRATION PERSISTANTE À UNE EUROPE FORTE ET UNIE

En 1981, lorsque leur pays adhéra à la CEE, les citoyens grecs paraissaient plus réservés que la moyenne européenne sur leur appréciation de leur appartenance à l'Europe : 42 % y voyaient une bonne chose, alors que la moyenne était de 50 %, et 22 % une mauvaise chose, pour une moyenne de 17 % 6 ( * ) . Il faut attendre 1988 pour que l'appréciation grecque rattrape la moyenne européenne de 66 %, puis la dépasse en 1991 , atteignant un pic de 76 % d'opinions favorables , la moyenne européenne s'établissant alors à 71 %. Jusqu'en 2007, les Grecs se sont régulièrement montrés plus euro-enthousiastes que la moyenne européenne , qui avait, quant à elle, reculé.

La crise financière de 2008 marque une césure. Si le taux moyen européen de bonnes opinions diminue, il s'effondre en Grèce entre 2013 et le début de 2017 , au point que les opinions favorables (31 % à l'automne 2016) ont pu être quasiment égalées par les opinions négatives (29 %). La grave crise économique à laquelle les Grecs ont dû faire face a entraîné un profond scepticisme. L'Union est apparue comme insuffisamment solidaire, lors de la crise migratoire en particulier, voire comme la source de difficultés, au moment de la crise financière. Les plans d'assistance financière se sont accompagnés de conditions drastiques aux conséquences sociales très difficiles. L'Union a alors paru froide, insensible et bureaucratique.

Au cours des deux dernières années, la courbe des opinions positives s'est redressée, mais reste en-deçà de la moyenne européenne.

L'évolution générale a été globalement la même pour ce qui concerne l'opinion grecque sur le bénéfice retiré par le pays de son appartenance à l'Union européenne. Des avis positifs inférieurs à 50 % ont été mesurés à partir de 2011. Ici aussi, un redressement notable est observé depuis 2017 : au printemps 2019, 60 % des Grecs jugeaient que leur pays tirait bénéfice de son appartenance à l'Union, soit un niveau encore inférieur à la moyenne européenne de 68 %.

Sur le plan qualitatif , il ressort des enquêtes conduites que l'apport des fonds européens , qui avaient beaucoup augmenté lorsque Jacques Delors présidait la Commission européenne, explique en grande partie l'attachement des Grecs à l'appartenance de leur pays à l'Union européenne . Sur une période longue, leurs attentes sont en effet très grandes, liées à la fois à l'identité historique et culturelle européenne - la Grèce antique, berceau de la démocratie - et aux perspectives de développement induites par la construction du marché unique, même si des inquiétudes ont pu persister sur leur capacité d'adaptation à la concurrence européenne. Ainsi les Grecs sont-ils traditionnellement favorables à l'approfondissement des politiques européennes intégrées. Ce sentiment général d'approbation mêlé d'appréhensions était bien visible lors de l'adoption puis de l'introduction de l'euro.

Du reste, il convient de garder à l'esprit que les Grecs sont traditionnellement peu confiants dans leurs propres institutions pour régler les problèmes du pays, ce qui peut contribuer aussi à expliquer leur euro-optimisme, voire à relever son niveau.

Les Grecs continuent d'être pessimistes sur la situation de leur pays. À l'automne 2019, seuls 17 % d'entre eux la jugeaient bonne, et ce pourcentage baissait même à 8 % pour l'appréciation de la situation économique, et à 7 % pour celle de l'emploi. Il s'agit des scores les plus faibles de l'Union européenne sur ces aspects. Les Grecs sont également les citoyens européens les moins nombreux à considérer que les choses vont actuellement dans la bonne direction dans leur pays, soit 26 %, en dépit d'une amélioration depuis fin 2016 (4 %).

Dans ce contexte, 34 % des Grecs ont confiance dans l'Union européenne, contre 62 %, soit un taux minoritaire et inférieur à la moyenne européenne (46 %), mais néanmoins supérieur au taux de confiance dans le gouvernement (26 %), pourtant très récemment arrivé aux affaires. 27 % des Grecs estiment que les intérêts de leur pays sont bien pris en compte dans l'Union européenne, pour une moyenne européenne de 52 %, et autant que leur voix compte dans l'Union (la moyenne européenne est de 45 %). Néanmoins, seuls 33 % d'entre eux, contre 63 %, jugent que la Grèce serait mieux en mesure de faire face à l'avenir en dehors de l'Union européenne.

Ces chiffres illustrent l' ambivalence de l'opinion publique grecque, amère vis-à-vis de l'Union européenne, mais pas eurosceptique. En effet, les Grecs estiment que plus de décisions devraient être prises au niveau européen (52 %) et que la construction européenne devrait être plus rapide (59 %). Ils se disent également majoritairement favorables aux grandes politiques européennes, et davantage que la moyenne européenne : l'Union monétaire et l'euro (70 %, contre 62 % de moyenne européenne), la politique commerciale commune (75 %, contre 71 %), la politique étrangère commune (76 %, contre 68 %), la politique commune en matière de migration (78 %, contre 72 %), la politique de sécurité et de défense commune (81 %, contre 75 %) ou la liberté de circulation (87 %, contre 82 %).

II. LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE : UN CLIMAT PLUS FAVORABLE, MAIS LA POPULATION GRECQUE À LA PEINE

À partir de la fin 2009, la Grèce a connu une longue et profonde récession économique due à la crise financière de 2007-2008 et à la crise de la dette souveraine. Huit années consécutives de récession ont entraîné une contraction de 25 % de son PIB , qui a retrouvé en 2017 son niveau de 2003.

Sous la pression de ses créanciers, la Grèce a dû accepter trois plans d'aide successifs de la Troïka , constituée de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI), en 2010, 2012 et 2015. Il s'agissait d' éviter une faillite de l'État grec qui l'aurait contraint à sortir de la zone euro et à abandonner la monnaie unique .

Ces trois plans d'aide sont les suivants :

- entre mai 2010 et décembre 2011 , la Grèce a reçu, pour soutenir la mise en oeuvre du premier programme d'ajustement macroéconomique , 52,9 milliards d'euros de prêts bilatéraux accordés par les États membres dont la monnaie est l'euro, mis en commun par la Commission dans le cadre du mécanisme de prêt à la Grèce ;

- entre mars 2012 et février 2015 , pour soutenir la mise en oeuvre du deuxième programme d'ajustement macroéconomique , elle a bénéficié de prêts supplémentaires fournis par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) pour un montant de 130,9 milliards d'euros ;

- entre août 2015 et juin 2018 , elle a reçu un montant supplémentaire de 59,9 milliards d'euros sous la forme de prêts du Mécanisme européen de stabilité (MES).

Au total , l'encours des dettes de la Grèce envers les États membres de la zone euro, le FESF et le MES se monte à 243,7 milliards d'euros . En outre, la Grèce a reçu une assistance financière du FMI au titre du soutien aux premier et deuxième programmes d'ajustement économique, à hauteur de 32,1 milliards d'euros.

Le dernier plan d'aide a été conclu en juillet 2015, au terme de plusieurs mois d'âpres négociations et malgré son rejet, à 61,31 %, lors du référendum du 5 juillet 2015. Conformément aux modalités de ce 3 e plan d'aide, la Grèce a dû engager de nouvelles et profondes réformes structurelles et prendre des mesures supplémentaires pour contrôler son déficit, qui ont provoqué un profond mécontentement et de vives protestations au sein de la population.

Au cours de son déplacement, le rapporteur a néanmoins pu observer une situation de « sortie de crise » en Grèce , qui pourrait être remise en cause par la pandémie de Covid-19.

A. UNE INDÉNIABLE EMBELLIE ÉCONOMIQUE

L'ensemble des personnalités rencontrées par le rapporteur lors de son déplacement à Athènes ont insisté sur ce point : la Grèce va mieux.

1. La Grèce depuis sa sortie du plan d'aide à l'été 2018

Lors de la réunion de l'Eurogroupe du 22 juin 2018 , la Grèce a affirmé son engagement à poursuivre et achever les réformes adoptées dans le cadre du programme du MES et à veiller à préserver les objectifs des réformes adoptées dans le cadre des programmes d'assistance financière. Elle a ainsi achevé avec succès son programme de soutien à la stabilité au titre du MES, le 20 août 2018. À l'issue de ce programme, la Grèce a été intégrée dans le cadre de surveillance économique régulier des États membres de la zone euro au titre du semestre européen de la coordination des politiques économiques.

Néanmoins, l'évolution de la situation économique et les politiques économiques conduites en Grèce font l'objet d'une surveillance spécifique. En vertu d'un règlement de 2013 7 ( * ) , la Commission peut décider de soumettre à une surveillance renforcée un État membre qui connaît ou risque de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de sa stabilité financière étant susceptibles d'avoir des retombées négatives sur d'autres États membres de la zone euro. Tel est le cas de la Grèce, à compter du 21 août 2018 8 ( * ) , cette décision d'activation de la surveillance renforcée, valable six mois, ayant été à plusieurs reprises prolongée, à chaque fois pour la même durée.

La mise en oeuvre de la surveillance renforcée pour la Grèce signifie qu'à moyen terme, le pays doit continuer à adopter des mesures destinées à remédier aux causes avérées ou potentielles de ses difficultés économiques et financières et à mettre en oeuvre des réformes structurelles pour permettre une croissance économique solide et durable.

La surveillance renforcée permet d'évaluer régulièrement les évolutions économiques et financières récentes de la Grèce, de suivre les conditions de financement de la dette souveraine et d'actualiser l'analyse de la soutenabilité de la dette. Elle constitue également le cadre pour apprécier le respect par la Grèce, d'ici à la mi-2022, des engagements pris envers l'Eurogroupe, le 22 juin 2018 , et exposés en annexe de la déclaration adoptée par l'Eurogroupe, lors de cette réunion, dans six domaines : i) les politiques budgétaires, y compris structurelles, ii) la protection sociale, iii) la stabilité financière, iv) les marchés du travail et des produits, v) les privatisations et vi) la modernisation de l'administration publique .

Dans ce cadre, la Commission publie des rapports trimestriels, selon un calendrier aligné sur les principales étapes du semestre européen. Ainsi a-t-elle publié plusieurs rapports relatifs à la surveillance renforcée de la Grèce depuis novembre 2018 9 ( * ) . Elle effectue également, en liaison avec la BCE et, le cas échéant, le FMI, des missions d'évaluation afin de vérifier les progrès accomplis. Le MES est aussi appelé à intervenir.

Le 26 février dernier, la Commission a adopté son 5 e rapport au titre de la surveillance renforcée de la Grèce 10 ( * ) , publié parallèlement au rapport 2020 sur la Grèce dans le cadre du semestre européen. Dans ce 5 e rapport, la Commission conclut que « la Grèce a bien progressé dans la mise en oeuvre des engagements spécifiques de réforme qu'elle avait pris pour la fin 2019. Grâce aux mesures supplémentaires en cours de mise en oeuvre ou annoncées par le gouvernement, les engagements en question devraient être remplis en temps voulu pour le sixième rapport de surveillance renforcée prévu pour mai 2020. Les autorités grecques devront faire preuve d'un engagement constant à cet effet, en particulier dans le secteur financier où des mesures supplémentaires fortes sont requises ».

Principales conclusions de la Commission européenne

au titre de la surveillance renforcée de la Grèce (extraits)

Le rapport de la Commission passe en revue la situation de la Grèce au regard de neuf rubriques :

1) Perspectives économiques et budgétaires : La reprise économique s'est poursuivie en 2019 et devrait se renforcer. La croissance économique devrait atteindre 2,2 % en 2019, soit un niveau nettement supérieur à la moyenne de 1,2 % pour la zone euro, principalement grâce aux bons résultats à l'exportation. Une saison touristique remarquable a stimulé les exportations de services, mais les exportations de biens ont également bien résisté, malgré la croissance plus faible dans la zone euro. La croissance économique devrait augmenter pour atteindre 2,4 % en 2020 , grâce à l'essor escompté de la demande intérieure [...]. La reprise du marché du travail devrait se poursuivre et le chômage diminuer jusqu'à 15,2 % en 2020, tandis que l'inflation devrait rester modérée à court terme. La Grèce, en 2019, devrait aller au-delà de l'objectif d'un excédent primaire de 3,5 % du PIB, surpassant ainsi ses objectifs budgétaires pour la cinquième année consécutive. L'excédent primaire devrait atteindre environ 4 % en 2019.

Cela correspond à un excédent nominal d'environ 1,6 % du PIB, contre un déficit de 0,8 % projeté pour la zone euro. Les autorités ont commencé à exécuter le budget 2020, qui a été jugé conforme à l'objectif budgétaire de 3,5 % du PIB dans le rapport précédent, et elles s'attendent à ce qu'une marge de manoeuvre budgétaire se fasse jour au printemps pour financer des mesures supplémentaires. Dans l'ensemble, les perspectives budgétaires et économiques de la Grèce se sont améliorées. Le maintien d'une évolution budgétaire favorable et le programme d'action propice à la croissance ont eu des effets positifs sur le climat économique , avec des indicateurs de confiance qui approchent les niveaux d'avant la crise. La Grèce a réussi son retour sur les marchés d'obligations souveraines, en obtenant des taux historiquement bas . Les écarts de rendement se sont considérablement réduits au cours de l'année écoulée et l'amélioration des perspectives de l'économie grecque a entraîné un relèvement progressif de la notation de crédit de la Grèce ;

2) Financement de la dette souveraine et soutenabilité de la dette : La Grèce a renforcé sa présence sur le marché des obligations souveraines en émettant de nouvelles obligations en janvier 2020, notamment une obligation à 15 ans, 84 % de l'émission ayant été adjugée à des investisseurs étrangers. C'est la première fois que la Grèce émet un emprunt obligataire avec une durée aussi longue par adjudication depuis la crise [...]. C'est un signe que les investisseurs jugent le risque de refinancement limité, même à un tel horizon. Les taux obligataires grecs ont continué à diminuer, l'écart avec le taux d'emprunt allemand à 10 ans atteignant environ 140 points de base à la mi-février [...]. L'État grec conserve des réserves de liquidités importantes, estimées à quelque 23,5 milliards d'EUR à la fin de 2019, soit un montant suffisant pour couvrir les besoins de financement pendant plus de deux ans si les objectifs de solde primaire sont atteints. La dette resterait sur une trajectoire descendante, mais supérieure à 100 % du PIB jusqu'en 2040 ;

3) Fiscalité et gestion des finances publiques : Des progrès considérables ont été accomplis en vue d'élargir la base d'imposition pour l'exercice 2020 de l'impôt foncier (ENFIA), portant de 85 % à 98 % la part de la population couverte par le système zonal. Un nouvel exercice de réévaluation à l'échelle nationale devrait se terminer au printemps 2020, en vue d'aligner les valeurs retenues aux fins de l'impôt foncier sur les prix du marché d'ici la mi-2020. Les effectifs de l'Autorité indépendante chargée des recettes publiques ont augmenté en 2019, de 264 unités, pour atteindre 11 902 personnes, un niveau toutefois inférieur à l'objectif initial de 12 500. Le renouvellement du mandat du gouverneur de l'Autorité indépendante est un gage de continuité et facilitera sa transformation en une autorité fiscale efficace et efficiente, se conformant aux bonnes pratiques. [...]. La mise en oeuvre globale de la comptabilité unifiée progresse, mais son déploiement dans tous les secteurs de l'administration centrale, y compris le budget d'investissement public, reste problématique ;

4) Protection sociale : La situation sociale reste certes difficile, mais elle devrait continuer à s'améliorer sous l'effet conjugué de la reprise économique et des réformes de la sécurité sociale entreprises ces dernières années. Des mesures importantes ont été prises pour améliorer l'efficience, l'efficacité et l'adéquation du système de protection sociale, à savoir l'instauration d'un régime de revenu minimum garanti et l'allocation de logement.

D'après les dernières données disponibles, la proportion de personnes exposées au risque de pauvreté ou d'exclusion sociale a diminué entre 2017 et 2018, passant de 34,8 % à 31,8 %, et le taux de privation matérielle aiguë a également diminué, passant de 21,1 % à 16,7 %. L'achèvement de la réforme du système de pensions d'invalidité et le réexamen du système de subventions aux transports publics locaux pourraient rendre le système de protection sociale encore plus efficient. Les autorités préparent actuellement des adaptations de la législation sur les retraites [...]. Ces adaptations incluront des taux d'accumulation de droits à retraite plus élevés pour les carrières de plus de 30 ans, un nouveau système de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants et le rétablissement des niveaux antérieurs à 2014 pour les pensions complémentaires, dont la réduction a été jugée inconstitutionnelle ;

5) Politique financière : À la suite de la levée des contrôles sur les capitaux en septembre 2019, le secteur bancaire a continué de se renforcer, mais les difficultés et les risques hérités du passé demeurent importants . Les dépôts nationaux ont poursuivi leur tendance à la hausse, continuant à renforcer la liquidité des banques grecques. La rentabilité des banques montre des signes de reprise, mais reste faible. Les banques se conforment aux exigences de fonds propres qui leur sont applicables, mais la structure de leur capital dépend fortement d'actifs liés à l'État, notamment en raison du montant élevé des passifs d'impôts différés. [...] Le rythme de réduction de l'encours des prêts non performants (PNP) s'est accéléré en 2019, mais leur ratio demeure très élevé. L'encours des PNP est redescendu à 71,2 milliards d'euros fin septembre 2019, soit une diminution de 36 milliards par rapport à son niveau record de mars 2016, et représente 42,1 % du total des prêts à la clientèle. Si, jusqu'à présent, la réduction de l'encours des PNP a été opérée principalement au moyen de ventes et d'abandons de créances, la capacité interne des banques à résorber les prêts non performants reste très faible . La mise en oeuvre prompte et réussie du dispositif « Hercules » de protection des actifs pourrait accélérer la réduction de l'encours des PNP des quatre banques d'importance systémique. Les autorités travaillent à réformer le cadre d'insolvabilité en place, qui est fragmenté, d'une manière qui contribue dans un proche avenir à réduire durablement l'endettement public et privé, tout en accélérant la mise en oeuvre des instruments existants de résolution des PNP et en rendant ces instruments plus efficaces. Différentes mesures font l'objet d'un suivi spécifique : harmonisation du cadre d'insolvabilité, résorption des dossiers d'insolvabilité des ménages en souffrance, résorption de l'arriéré des garanties d'État appelées, protection de la résidence principale, enchères électroniques, etc. ;

6) Marchés du travail et des produits et compétitivité : Les autorités préparent une nouvelle stratégie nationale pour la croissance, qui devrait définir un ensemble complet et réalisable de priorités de réforme à moyen terme, en vue de dynamiser les exportations et l'investissement. Elles se sont engagées à préserver la compétitivité lors de l'actualisation annuelle du salaire minimum, en gardant également à l'esprit l'exigence de préservation du pouvoir d'achat inscrite dans la législation grecque. Le gouvernement devrait fixer le nouveau niveau du salaire minimum en juin 2020, sur la base d'une analyse des fondamentaux économiques et d'un véritable dialogue avec les partenaires sociaux.

Les autorités ont achevé de mettre en oeuvre le plan d'action 2017-2019 de lutte contre le travail non déclaré. Les autorités se sont engagées dans un ambitieux programme de réforme globale de l'enseignement, qui vise notamment à remédier à l'inadéquation des compétences. Une nouvelle loi sur l'enseignement supérieur vise à relever le niveau des exigences pour l'évaluation et l'accréditation des établissements d'enseignement supérieur et à lier le financement des universités à leurs résultats. Le projet de cadastre avance bien dans l'ensemble, mais les délais ont dû être adaptés, compte tenu des retards accumulés précédemment. Le problème des retards dans les déclarations de propriété, qui avait ralenti le processus de cartographie cadastrale, a été surmonté en grande partie et, dans la plupart des régions, la phase suivante de la cartographie peut être lancée. Toutefois, le délai d'achèvement du plan cadastral a été reporté de la mi-2021 à mai 2022 , avec des échéances intermédiaires. [...] La Grèce a continué à progresser dans la réalisation de ses engagements relatifs au marché de l'énergie, avec la présentation initiale de propositions révisées pour tenter de répondre, jusqu'à l'élimination définitive du lignite, aux préoccupations concernant l'existence de pratiques anticoncurrentielles, parallèlement à la formulation d'une stratégie globale en matière d'énergie et de climat (démantèlement des centrales au lignite, augmentation de la production d'énergie renouvelable, accroissement de l'efficacité énergétique et réduction des émissions de CO 2 ) ;

7) Société hellénique des actifs et participations : Les travaux de la Société hellénique des actifs et participations portant sur les principaux aspects couverts par les engagements pris envers l'Eurogroupe se poursuivent. La gouvernance des entreprises publiques a été améliorée. L'un des principaux défis sera de remédier efficacement aux importantes difficultés opérationnelles et financières de La Poste grecque [...]. Les autorités ont maintenu la dynamique du processus de privatisation, comme en attestent les progrès satisfaisants réalisés sur plusieurs opérations. La poursuite des efforts sera essentielle pour mener à bien les projets ;

8) Administration publique : Les autorités prennent actuellement des mesures pour faire progresser la gouvernance numérique, domaine dans lequel la Grèce est l'un des pays de l'UE les moins avancés. On note des progrès sur des projets importants : création d'une plate-forme unifiée (gov.gr) pour les services électroniques, amélioration de l'interopérabilité des systèmes publics, simplification et numérisation de procédures concernant les citoyens. La poursuite de la simplification des procédures qui constituent une charge pour les entreprises devrait également être une priorité pour la Grèce. Les autorités ont accompli certains progrès dans la mise en place - censée être achevée d'ici mai 2020 - d'une procédure de sélection ouverte pour les postes d'encadrement supérieur dans les entités du secteur public. Cela contribuera à professionnaliser leur gestion et enverra un message clair en faveur de la poursuite de la dépolitisation de l'administration publique. Les autorités ont continué à progresser dans l'élaboration d'une stratégie de gestion des ressources humaines. Le système de mobilité et l'évaluation des performances ont été solidement établis dans l'ensemble de l'administration publique, et des ajustements sont prévus pour améliorer encore leur efficacité. Les autorités ont confirmé leur intention d'adopter, d'ici la mi-2020, une nouvelle loi de codification du code du travail et des dispositions réglementaires du travail.

Les recrutements d'agents permanents se déroulent conformément au plan de recrutement, tandis que les recrutements d'agents temporaires, qui tendaient à augmenter, ont ralenti et devraient continuer à diminuer en 2020. D'après des données préliminaires, le nombre d'agents permanents recrutés en 2019 était nettement inférieur au nombre des départs (dus principalement à la retraite). Le nombre d'agents temporaires devrait être moindre en 2020, en raison de la transformation prévue de postes temporaires d'enseignants et d'aides à domicile en postes permanents, conformément au plan de recrutement ;

9) Justice : La transition progressive vers le dépôt et le traitement électroniques obligatoires des documents juridiques, qui concerne dans un premier temps les juridictions administratives, se poursuit. [...] L'autorité nationale de la transparence nouvellement créée se met en place progressivement, tandis que la mise en oeuvre du plan national de lutte contre la corruption progresse. La mise en oeuvre de ce cadre, notamment dans les domaines du financement des partis politiques, de la lutte contre la criminalité financière et de l'audit interne, devra absolument faire l'objet d'un suivi étroit. La modification de la loi portant modification du code pénal et du code de procédure pénale est bienvenue, mais des inquiétudes demeurent. En juin 2019, une modification a abaissé le degré de gravité de la corruption active, du statut de délit aggravé à celui de délit simple. Bien que supprimée en novembre 2019, cette modification aura une incidence sur un certain nombre d'affaires en cours.

2. Les principales orientations du gouvernement Mitsotakis

Comme l'a exposé le Secrétaire général à la politique économique au rapporteur, lors de son déplacement à Athènes, le gouvernement Mitsotakis a adopté une politique économique reposant sur trois piliers :

1°) une politique budgétaire favorisant la baisse des impôts : l'objectif est de réduire l'impôt sur les revenus et celui sur les sociétés et de diminuer progressivement l'impôt foncier (de 25 % pour les tranches les plus basses, de 15 % pour les tranches intermédiaires et de 5 à 7 % pour les tranches les plus élevées). Cette politique fiscale doit s'accompagner d'une meilleure gestion des dépenses, mais le gouvernement n'entend pas baisser les dépenses sociales : son objectif est de maintenir leur niveau global, en les ciblant davantage, par exemple sur les personnes handicapées et les chômeurs de longue durée. Il s'agit aussi de réduire le taux de chômage des jeunes , qui s'élève encore à 35 %, après avoir atteint 50 % au plus haut de la crise. Par ailleurs, la Banque de Grèce a indiqué que des études avaient montré que la fixation à 2,1 % de l'excédent primaire, au lieu de l'obligation de 3,5 % faite aujourd'hui au pays, ne compromettrait pas la durabilité de la dette publique grecque . C'est pourquoi elle est d'avis que, pour favoriser l'investissement, il serait souhaitable de déterminer une politique budgétaire davantage expansionniste en desserrant la contrainte européenne des 3,5 % ;

L'impôt foncier grec

Pendant longtemps, il n'existait pas de véritable impôt foncier en Grèce, pays de propriétaires, car la résidence était traditionnellement perçue comme une prestation sociale due par l'État aux citoyens. Afin de moderniser la valeur objective des propriétés foncières, un tel impôt a été institué, dans un climat de large hostilité de la part de l'ensemble des formations politiques, lorsqu'Evangelos Venizélos fut ministre des finances dans le gouvernement Papandreou (2011-2012). Son produit est d'environ 2,5 milliards d'euros - les îles en sont exemptées. Cet impôt a résisté pendant la crise, limitant ainsi les pertes de recettes fiscales.

Néanmoins, faute d'informations fiables sur la valeur foncière objective, 15 % des propriétaires n'acquittaient pas cet impôt, ou un impôt largement sous-évalué. Le gouvernement Mitsotakis a régularisé la situation en quelques mois de telle sorte qu'environ 98 % des propriétaires paient désormais l'impôt foncier. Il a également engagé une réforme de la valeur fiscale, dont l'objectif est d'accroître l'assiette globale de l'impôt de manière à en réduire les taux. Ainsi, cet impôt serait mieux réparti. Le gouvernement a déjà diminué l'impôt foncier et envisage de le réduire encore de 8 %.

Le transfert de son produit de l'État aux collectivités territoriales avait aussi été envisagé. Néanmoins, cette réforme se heurterait à des difficultés de recouvrement des recettes fiscales, faute de transmission complète des données nécessaires par les communes à l'administration compétente. Une loi de 1982 avait ainsi prévu que la valeur foncière fiscale serait déterminée par les communes ; or, celles-ci n'ont jamais vraiment joué le jeu, y compris, le cas échéant, pour des raisons électorales...

2°) la promotion des investissements en faveur de la croissance : l'objectif économique prioritaire du gouvernement Mitsotakis est d'attirer les investissements en Grèce. Les autorités vont porter leurs efforts sur l'offre, qui, selon elles, aurait été négligée au cours des années précédentes. Le déficit d'investissements, estimé à 100 milliards d'euros , a des conséquences sur les capacités de production de l'économie grecque. Le gouvernement cherche à assainir le système bancaire pour mieux financer l'économie, par exemple par la mise en place d'un programme visant à résorber les prêts non performants et par la modernisation de la législation sur l'endettement des ménages et des entreprises. Dans ce contexte, le gouvernement vise un taux de croissance de 2,8 % en 2020, mais cette prévision paraît trop optimiste à de nombreux observateurs. La dégradation de la situation sanitaire mondiale liée à l'épidémie de Covid-19 pourrait en effet changer la donne - c'est un « game changer dans la mondialisation » selon l'expression employée par le ministre français de l'économie et des finances, M. Bruno Le Maire, lors de son déplacement à Athènes, le 25 février - en effet, la crise économique consécutive aux mesures prises pour lutter contre le coronavirus pourrait se traduire par une chute du PIB de 9,7 % cette année , dans un contexte de croissance négative de 7,5 % dans la zone euro ;

3°) la mise en oeuvre de réformes structurelles : de telles réformes porteront sur la gouvernance du numérique, avec la création d'un ministère dédié chargé de traiter ce sujet de façon transversale, la simplification administrative, la valorisation du patrimoine de l'État, les privatisations - le dossier de la transformation de l'ancien aéroport international d'Athènes Hellenikon, en déshérence depuis de longues années, a été relancé en six mois - ou encore la libéralisation de l'économie grecque, encore excessivement administrée.

Le gouvernement considère que cette nouvelle politique économique commence à donner des résultats, comme l'illustrent à la fois plusieurs indicateurs et les réactions des marchés financiers. L'économie grecque a renoué avec la croissance, avec un taux de 2 % en 2018, estimé à 2,2 % pour 2019 et attendu, avant la pandémie de Covid-19, à 2,5 % en 2020 par la Commission européenne, et à 2,4 % par la Banque de Grèce. Athènes a lancé avec succès plusieurs emprunts sur les marchés, dont un le 7 juillet dernier, pour 2,5 milliards d'euros. La Grèce a par ailleurs dégagé un excédent budgétaire primaire - hors charge de la dette - de 4,3 %, c'est-à-dire supérieur aux 3,5 % agréés avec les institutions lors de l'Eurogroupe de juin 2018 pour la période allant jusqu'en 2022. Selon les prévisions économiques les plus pessimistes de la Commission européenne, la Grèce satisfait ses besoins en refinancement d'ici les vingt prochaines années. Le chômage est passé de 26 % de la population active à 16-17 %. L'agence de notation Fitch a relevé la note de la Grèce de BB- à BB+.

B. UNE FRAGILITÉ NÉANMOINS PERSISTANTE

« On ne peut pas dire que la Grèce ne court plus de dangers » a dit une personnalité de haut niveau au rapporteur, lors de sa mission à Athènes. En effet, l'héritage reste lourd, sur le plan tant économique que social.

1. La prégnance de problèmes structurels

Le gouvernement grec est mobilisé, mais sa tâche est ardue.

Il est en effet confronté à des problèmes structurels qui n'ont pas disparu , en particulier le niveau de la dette publique , qui reste très élevé, à 173 % du PIB en 2020, néanmoins en recul de dix points par rapport à 2018, et un système bancaire encore lesté par la mauvaise dette , même si ce stock a beaucoup baissé grâce aux efforts pour purger le bilan. Les prêts non performants représentent ainsi 40 % de l'ensemble des prêts, même si leur encours a diminué de 40 milliards d'euros depuis l'acmé de la crise en juillet 2015.

Par ailleurs, le manque de performance du secteur public grec demeure, lui aussi, un problème structurel. L'environnement des affaires est peu attractif, voire rebutant. Le cadre réglementaire est en effet toujours très complexe - un interlocuteur du rapporteur a parlé de « maquis législatif et réglementaire perturbant ». Par exemple, la réforme du cadastre est lente - la Commission estime qu'elle est réalisée à 40 %. Le système juridictionnel est également complexe et lent : il faut 1 500 jours pour qu'une décision de justice devienne définitive. Aussi les investisseurs sont-ils encore trop souvent découragés par l' insécurité juridique qui caractérise le pays. De même, les entreprises grecques sont fréquemment confrontées à des problèmes de normes : les normes, dont la grande majorité dépend désormais de la réglementation européenne, sont de plus en plus strictes, mais sont loin d'être toujours appliquées par certains pays tiers avec lesquels la Grèce entretient d'importantes relations économiques. Des difficultés avec le ciment turc ont ainsi été signalées au rapporteur.

Les représentants des moyennes et grandes entreprises grecques que le rapporteur a rencontrés, à Athènes, ont estimé que le gouvernement allait dans la bonne voie, mais que beaucoup reste à faire pour accroître les investissements dans leur pays . Aujourd'hui, selon les informations données par la Banque de Grèce, le pays investit l'équivalent de 10 % de son PIB, alors que la moyenne européenne est de 20 %. Pendant le pire moment de la crise, les Chinois ont continué d'investir, par exemple dans les ports du Pirée et de Thessalonique, considérés comme des portes d'entrée des Nouvelles Routes de la soie. Selon les interlocuteurs du rapporteur, le bilan est plutôt bon, car des emplois ont été créés au bénéfice de la population locale et le Pirée est désormais le premier port de Méditerranée. La Grèce constitue indéniablement une priorité pour la Chine sur le plan économique, alors que la Grèce est justement demandeuse d'investissements étrangers. La présence chinoise a d'abord pris la forme d'une pénétration discrète, mais va bientôt atteindre le stade de la visibilité (avec la 5G par exemple).

La Grèce devrait également accroître le volume de ses exportations . À Athènes, il a été indiqué au rapporteur qu'en 2019, la valeur des exportations grecques avait atteint 37 milliards d'euros, soit un niveau similaire à celui de la Slovénie, alors que l'Irlande, qui compte deux fois moins d'habitants que la Grèce, exporte pour 130 milliards d'euros. La marge de progression est donc substantielle. Pour cela, la conquête de nouveaux marchés est indispensable.

Pour l'avenir, deux problèmes majeurs demeurent , dont les conséquences sont potentiellement inquiétantes à moyen et long terme :

- un retard sensible de l'économie numérique , qui ne représenterait en Grèce que moins de 3 % du PIB, pour une moyenne mondiale de 15,5 % ; seuls de sérieux efforts de formation permettront de rattraper ce retard ;

- le caractère tardif de la transition écologique , qui constitue pourtant désormais une priorité de l'agenda européen.

De manière générale, il paraît indispensable de restructurer l'économie grecque dans le sens d'une plus grande diversification . Par exemple, le tourisme est un secteur dynamique en Grèce, même si la situation dans les îles est quelque peu affectée par la crise migratoire, mais il engendre des emplois le plus souvent temporaires, peu qualifiés et faiblement payés. La Grèce doit donc développer son industrie . Celle-ci était traditionnellement très protégée et elle a beaucoup souffert de son entrée dans le marché commun. Néanmoins, l'industrie grecque est désormais rentable et certains secteurs, tels que le textile ou l'aluminium, sont porteurs.

La crise économique qui frappe toute l'Europe à la suite du confinement et des mesures prises pour lutter contre le coronavirus aura

2. Un climat social médiocre

La longue et sévère crise qui a affecté la Grèce a laissé des séquelles sociales. Après une décennie très dure, la population grecque est éprouvée. Les mesures d'austérité avaient provoqué des manifestations anti-austérité et des troubles sociaux dans le pays. En mai 2010, des grèves générales avaient affecté l'ensemble du pays et trois personnes avaient même été tuées pendant une manifestation, parmi les plus importantes depuis 1973. En mai 2011, la Grèce avait connu une deuxième vague de manifestations ayant débuté de façon pacifique avant de sombrer dans la violence. Fin 2012-début 2013, de violentes attaques organisées par des groupes extrémistes avaient visé des responsables politiques, des journalistes ou encore des banques.

Aujourd'hui, la population grecque connaît un sentiment d'impatience. Heureusement, le rôle d'amortisseur social de la famille reste important.

Plusieurs années de récession et d'austérité ont sérieusement affecté le niveau de vie. Le chômage a atteint des niveaux record, la Grèce affichant le taux de chômage global le plus élevé de l'Union européenne. Le recours à des formes d'emploi flexibles dans de mauvaises conditions de travail a augmenté. Les salaires ont chuté - parfois jusqu'à 50 % - et les conditions de travail se sont dégradées. Le système de négociation collective et de conventions collectives a été en grande partie démantelé et les prestations sociales ont fortement baissé, quand elles n'ont pas été supprimées. En 2012, les revenus disponibles des foyers ont baissé de 40 % et plus d'un million de Grecs vivaient dans des foyers privés de quelque revenu que ce soit. En 2014, près de 4 millions de Grecs - soit plus d'un tiers de la population - et près des deux tiers des ressortissants étrangers étaient exposés au risque de pauvreté ou d'exclusion sociale ou vivaient en dessous du seuil de pauvreté. En 2015, près d'un Grec sur cinq n'avait pas les moyens de se nourrir tous les jours et les soupes populaires ont vu le nombre des bénéficiaires exploser, jusqu'à plusieurs centaines de milliers de personnes.

D'autres droits sociaux, notamment le droit à la sécurité sociale et à la protection sociale, ont subi de plein fouet les effets négatifs de la situation économique et de l'austérité. L'assurance sociale, les programmes de protection sociale et les prestations de pension et de retraite ont été sérieusement amputés. Les montants des pensions ont diminué de moitié en dix ans. Les petites retraites ont été réduites 23 fois au cours des huit dernières années. La réforme du système de pensions a aggravé la vulnérabilité et le risque de pauvreté des personnes âgées qui, souvent, perçoivent une pension de retraite dont le montant est souvent inférieur au seuil de pauvreté. Le nombre de sans-abri s'est envolé - quelque 20 000 personnes ont perdu leur logement entre 2011 et 2012. On estime que 2,5 millions de Grecs ne sont pas assurés et que le nombre de personnes dont les besoins de santé ne sont pas satisfaits a fortement augmenté.

En mai 2019, le salaire minimum mensuel a été augmenté pour la première fois depuis dix ans, passant de 586 à 650 euros, tout en restant cependant inférieur à son niveau d'avant la crise, soit 751 euros - et le salaire moyen mensuel s'établit à environ 1 000 euros nets. Pour autant, un tiers de la population active grecque perçoit un salaire inférieur en raison de l'importance de l'économie informelle.

Dans ce contexte très dégradé, environ 500 000 jeunes Grecs ont quitté leur pays pour terminer leurs études ou trouver un emploi, notamment en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas - très peu en France -, ce qui est considérable pour une population de 11 millions d'habitants. Or, cette fuite des cerveaux touche un pays qui connaît un net vieillissement démographique : la population grecque pourrait passer de 11 millions d'habitants à 8 millions en 2050.

C. DES PERSPECTIVES D'APPROFONDISSEMENT DES RELATIONS ÉCONOMIQUES FRANCO-HELLÉNIQUES

La France est un acteur économique modeste en Grèce qui représente son premier excédent commercial dans la zone euro. Elle se situe loin derrière l'Allemagne, l'Italie, la Russie, les Pays-Bas ou la Chine, même si les échanges ont connu une forte croissance en 2018 et 2019 du fait de la reprise de l'activité grecque. Ainsi les exportations françaises vers la Grèce ont-elles crû de 15 % au cours des dix premiers mois de 2019 par rapport à 2018.

Les volumes demeurent toutefois modestes. La France est le 7 e fournisseur de la Grèce, avec une part de marché de 4,2 % en 2019, et représente 0,7 % des exportations vers ce pays, et 0,2 % des importations : la Grèce est un petit marché pour la France. Les échanges portent surtout sur les médicaments, l'agro-alimentaire, la viande bovine, l'huile d'olive ou l'aluminium.

La France se situe en 5 e position pour les investissements en Grèce, avec 1,5 milliard d'euros - 6 milliards venant d'Allemagne. La Grèce est un investisseur marginal en France. Néanmoins, de grands groupes français sont présents en Grèce tels qu'EDF (y compris dans les énergies nouvelles), Vinci, Alstom (pour les lignes 2 et 3 du métro d'Athènes), Safran, Thalès (sur des sujets militaires), Danone, Pernod, CMA-CMG (qui voudrait prendre le contrôle du port de Thessalonique), Renault, PSA, etc. La Grèce est très en retard en matière de gestion des eaux et des déchets. Elle a lancé un appel d'offres, sur lequel le groupe Suez s'est positionné, ce qui lui donnerait l'occasion de revenir dans ce pays. Au total, 120 filiales de groupes et entreprises français ou joint-venture associant des entreprises grecques sont actuellement actives en Grèce ; elles sont à l'origine de la création de 13 000 emplois directs .

Dans ce contexte, on voit tout l'intérêt du Forum économique franco-grec , intitulé « La Grèce, partenaire majeur du Sud-Est européen : la confiance renaît », organisé le 29 janvier 2020, à Paris. Ce Forum a été l'occasion pour les dix ministres et secrétaires d'État grecs présents d'exposer aux investisseurs français les réformes en cours et les opportunités d'investissements liées à la politique de modernisation de l'économie et de privatisation en cours.

Ce Forum a également été l'occasion pour le ministre français de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, et pour les ministres grecs des finances, Christos Staïkouras, et du développement et des investissements, Adonis Georgiadis, de signer une déclaration d'intention sur le Partenariat économique gréco-français, visant à intensifier la coopération entre les deux pays en matière économique en vue de profiter des opportunités de croissance et de promouvoir le développement des investissements croisés.

III. UNE RÉSURGENCE DE LA CRISE MIGRATOIRE ?

A. LA GRÈCE, EN PREMIÈRE LIGNE FACE À LA CRISE MIGRATOIRE DEPUIS UNE DIZAINE D'ANNÉES

Parallèlement à ses lourdes difficultés économiques, la Grèce a été durement touchée par la crise des migrations et des réfugiés dans l'Est du bassin méditerranéen . Depuis plus de dix ans, les îles grecques constituent le point d'entrée principal des migrants dans l'Union européenne . Certains d'entre eux traversent la frontière terrestre gréco-turque, mais la plupart des migrants arrivent par bateau en provenance des côtes proches de la Turquie.

Ainsi, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 850 000 réfugiés et migrants en provenance, principalement, de Syrie, d'Afghanistan et d'Irak - dont près de la moitié sont des femmes et des enfants - ont atteint les côtes grecques en 2015 , avec un pic en octobre, lorsque plus de 210 000 personnes sont arrivées par la mer 11 ( * ) . À ces chiffres, il convient d'ajouter 34 000 autres personnes entrées par la frontière terrestre gréco-turque. Les migrants qui arrivent par bateau risquent leur vie en mer et payent des passeurs. La grande majorité a transité par la Grèce et poursuivi son périple vers d'autres pays européens.

À la suite des mesures unilatérales et de la fermeture des frontières le long de la route migratoire des Balkans occidentaux début 2016, plus de 60 000 réfugiés et migrants se sont retrouvés acculés sur le territoire continental grec et sur les îles de la mer Égée. La Grèce a dû faire face seule à des dizaines de milliers de réfugiés et de migrants vivant dans des conditions indécentes dans des camps ouverts à la hâte 12 ( * ) . Le pays s'est retrouvé devoir supporter une charge disproportionnée du simple fait de sa position géographique.

Dans ce contexte, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) apporte un soutien à la Grèce depuis 2006. Aujourd'hui, ses opérations concernent l'ensemble des frontières terrestres du pays - elles ont été étendues aux frontières avec l'Albanie l'année dernière - et ses frontières maritimes, y compris en Crète. Frontex, compétente en matière de coordination des opérations, mais sans pouvoir décisionnaire, celui-ci continuant de relever des États, s'appuie très largement sur des experts des États membres, y compris français 13 ( * ) , mais il est prévu que l'Agence recrute progressivement 10 000 personnels propres jusqu'en 2024. Cette montée en puissance n'empêchera cependant pas la poursuite des interventions nationales dans les opérations de Frontex. Celle-ci assure une mission de surveillance des frontières extérieures de l'Union européenne, mais apporte aussi une aide aux États membres en mettant ses moyens humains et matériels à leur disposition, par exemple pour des actions en mer, de loin les plus complexes, ou pour des patrouilles terrestres. Frontex participe aussi, dans les hotspots , à l'enregistrement des migrants dans Eurodac, désormais systématique depuis la crise de 2015, qui requiert la prise des empreintes digitales et la vérification de l'authenticité des documents d'identité. Elle forme les agents qui effectuent les entretiens avec les migrants. Elle contribue au démantèlement des réseaux de passeurs, en lien avec Europol. Dans le cadre de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie de mars 2016, Frontex apporte une assistance aux autorités grecques pour les retours vers la Turquie.

Au total, Frontex a acquis, au fil des années, des compétences et défini des procédures normalisées en matière de gestion des frontières et de sensibilisation au respect des droits de l'Homme, qui bénéficient à l'ensemble des États membres. Ainsi Frontex concrétise-t-elle la solidarité européenne et la convergence européenne de pratiques nationales, au niveau des services de police par exemple, qui apprennent à travailler ensemble dans un esprit coopératif.

B. LES DÉFIS PERSISTANTS AUXQUELS LA GRÈCE RESTE CONFRONTÉE

Selon des informations fournies par le représentant du HCR en Grèce, environ 115 600 étrangers arrivés de Turquie à l'été 2015 , surtout des Pakistanais et des Albanais, sont restés dans le pays , dont 74 400 sur le continent et 41 200 dans les îles. Beaucoup d'entre eux se sont bien intégrés et établis dans certains quartiers de la capitale, en particulier des Syriens et des Afghans qui sont hébergés en appartement. Quant aux 700 000 Albanais présents en Grèce du fait de l'émigration, ils sont devenus indispensables à l'économie du pays (hôtellerie, restauration, construction ou encore travaux agricoles).

Entre avril 2016 et fin janvier 2020, 2 054 demandeurs d'asile , dont 36 % de Pakistanais et 18 % de Syriens, des hommes à 91 %, provenant de Turquie sont retournés dans ce pays . Cette tendance diminue toutefois régulièrement avec le temps (801 retours en 2016, 683 en 2017, 322 en 2018 et 195 en 2019). Il convient de rappeler que la Turquie interprète de façon restrictive l'accord avec l'Union européenne de mars 2016, estimant que toute entrée sur le territoire grec continental vaut renonciation au retour en Turquie.

Depuis avril 2017, 166 600 demandeurs d'asile et réfugiés ont reçu une aide en espèces ( cash assistance ) du HCR. Depuis janvier 2015, 64 600 personnes ont bénéficié de l'hébergement en appartements du HCR. Ces différentes aides sont financées en totalité par l'Union européenne. Au total, depuis la crise de 2015, la Commission a déboursé 2,8 milliards d'euros au titre de l'aide européenne à la Grèce pour les migrants et réfugiés.

Les autorités grecques sont critiques envers la déclaration UE-Turquie de mars 2016. Selon plusieurs interlocuteurs rencontrés par le rapporteur, cette déclaration serait responsable du fait que les demandeurs d'asile sont « pris au piège » dans les îles grecques. La Turquie est en effet contrainte de réadmettre les demandeurs d'asile déboutés et les migrants en situation irrégulière, à la fois en application de l'accord bilatéral de réadmission Grèce-Turquie et de la déclaration UE-Turquie. Les autorités grecques sont contraintes de prendre en charge les conditions d'hébergement des demandeurs d'asile dans les îles et en Grèce continentale et de traiter leurs demandes rapidement afin d'éviter qu'ils soient confinés dans des camps dans des conditions précaires.

Même après le pic de la crise, en mars 2016, la Grèce connaît des difficultés pour tenir ses engagements européens.

Le gouvernement grec est en effet confronté à un triple défi :

- le respect de la procédure d'asile - le taux de reconnaissance du statut de réfugié en Grèce est élevé, soit 72 % en moyenne, dont plus de 90 % pour les Syriens -, avec la création d'un service d'asile efficace capable d'instruire de très nombreuses demandes. Environ 54 600 demandes d'asile ont été déposées en 2019, mais 700 personnes seulement sont affectées en permanence au traitement des demandes. Les difficultés demeurent, malgré les aides européennes et internationales reçues : l'examen d'une demande d'asile dure en moyenne un an, et bien plus dans certains cas 14 ( * ) , tandis que les autorités peinent à recruter des interprètes ou des médecins du fait de délais administratifs généralement très longs dans le pays ;

- l'accueil des demandeurs d'asile - le pays disposait de 1 000 places d'accueil avant mars 2016.... L'effort a été important puisqu'il a porté sur 25 500 places dans des appartements, auxquelles il convient d'ajouter 23 000 places dans les îles. Il convient toutefois de relever que la gestion de ces places d'hébergements est essentiellement assurée par le HCR dont l'objectif est d'en transférer la responsabilité à l'État grec d'ici la fin de cette année ;

- l'intégration des réfugiés. L'agriculture étant un secteur délaissé par les Grecs, le nouveau gouvernement a annoncé une réforme de l'emploi saisonnier agricole, qui pourrait favoriser l'activité des réfugiés, et donc leur intégration.

Selon les personnalités rencontrées par le rapporteur, le nouveau gouvernement grec chercherait à parvenir à un équilibre entre la protection légitime des réfugiés et le retour des migrants motivés par des considérations économiques. En 2018, seules 21 % des décisions de retour étaient exécutées, la majorité concernant des ressortissants albanais.

Néanmoins, la situation est plus préoccupante aujourd'hui qu'avant les élections de juillet 2019, en raison de la position moins lisible de la Turquie et de la reprise des flux de migrants.

C. DES FLUX DE MIGRANTS GLOBALEMENT EN HAUSSE DEPUIS L'ÉTÉ 2019

La Grèce est confrontée à des difficultés croissantes sur le dossier migratoire.

En effet, l'année 2019 a été marquée par une hausse significative des arrivées de migrants par mer, depuis la Turquie, dans les îles grecques , soit, selon les chiffres du HCR, 59 726 arrivées , après 32 494 en 2018 (+ 83,8 %) et 29 718 en 2017 (+ 101,0 %), dont plus d'un tiers de mineurs, 60 % d'entre eux ayant moins de 12 ans. Un tiers de ces migrants sont des hommes de 18 à 39 ans. Cet afflux est surtout notable à partir du mois de juin et a connu un pic en septembre (10 551 arrivées en septembre 2019, contre 3 960 un an plus tôt) avant de diminuer légèrement en fin d'année.

Sur le seul mois de janvier 2020, 3 136 arrivées par mer ont été enregistrées (et 850 sur le continent), soit nettement plus qu'au cours des deux années précédentes (1 633 en janvier 2018 et 1 851 en janvier 2019). Les Afghans en constituaient la moitié, les Syriens 21 %, et les ressortissants de la République démocratique du Congo 6 %. Les îles sont les principaux points d'entrée : Lesbos (59 %, dont 73 % viennent d'Afghanistan), Samos (18 %, dont 36 % sont Syriens) et les îles du Dodécanèse (18 % également, dont 31 % sont Syriens). Les migrants arrivant dans l'île de Chios (5 % du total) sont majoritairement Syriens (43 %), et aussi Somaliens (29 %).

Or, comme l'a noté l'ensemble des interlocuteurs du rapporteur au cours de sa mission à Athènes, la situation dans les îles grecques devient intenable , marquée à la fois par la colère et par la « fatigue », notée par le représentant de la Commission européenne en Grèce, que le rapporteur a rencontré. Les cinq hotspots qui y ont été installés, à Lesbos, Chios, Leros, Samos et Kos, connaissent un taux de surpopulation très élevé . Par exemple, à Samos, île comptant peu d'habitants, le camp a été conçu pour accueillir 800 personnes, mais en compte 7 000 ! Celui de Leros reçoit 3 000 personnes, pour 400 places. Au total, les cinq hotspots grecs, prévus pour recevoir 8 000 personnes, en accueillent effectivement 42 000, soit un niveau de surpopulation inédit . Ces conditions se traduisent par des problèmes d'insécurité et d'insalubrité . Le maire de Leros s'est d'ailleurs opposé au transfert vers ce hotspot de migrants depuis le hotspot de Samos.

Le dossier migratoire fait l'objet d'une nouvelle approche de la part du gouvernement de M. Kyriakos Mitsotakis. Celui-ci est en effet décidé à transférer davantage de migrants des hotspots surchargés vers la Grèce continentale, les plus vulnérables en priorité, et à accroître le nombre de retours - l'objectif du gouvernement est de parvenir à 10 000 retours au titre du seul accord de mars 2016 . Il s'agit de désengorger les hotspots actuels, que les autorités grecques ont présentés comme transitoires. Le nouveau gouvernement a ainsi soumis au vote de la Vouli , en urgence en décembre 2019, un projet de loi sur l'asile, mais sa mise en oeuvre est rendue difficile par l'hostilité d'une partie de la population - qui, dans certains cas, prend la forme de véritables échauffourées avec la police -, de l'industrie touristique et des élus locaux et par les défaillances de l'administration grecque.

Les autorités sont d'ailleurs bien conscientes que la procédure sera longue puisqu'elle requiert à la fois une instruction des demandes d'asile et l'épuisement des différentes voies de recours éventuels. D'ailleurs, si la nouvelle loi a permis d'accélérer le délai d'instruction d'une demande d'asile en première instance, qui est passé de 183 jours en 2019 à 24 depuis l'entrée en vigueur de cette loi, elle n'a pas permis de désengorger le service de l'asile qui a encore enregistré plus de 21 000 demandes en janvier et février 2020. La Grèce est le quatrième État membre le plus sollicité , après l'Espagne, l'Allemagne et la France, mais le premier par rapport à sa population . En mars 2020, 120 000 dossiers restaient pendants en première instance, et près de 10 500 en appel.

Les interlocuteurs du rapporteur ont insisté sur les limites du système d'accueil grec , qui seraient atteintes en raison des flux de migrants de nouveau à la hausse, et sur le besoin de solidarité européenne , celle-ci étant encore insuffisante, même si les efforts sont indéniables, par exemple grâce au travail des experts nationaux employés par le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), qui préfigure la future Agence européenne de l'asile, tant sur le continent que dans les îles. À ce titre, ils ont appelé de leurs voeux une réforme des règles européennes de la migration et de l'asile , ainsi que de la gouvernance de l'espace Schengen. Cette réforme devrait également faciliter les retours . Il est pour le moins paradoxal que des États membres plus prospères que la Grèce exigent de cette dernière qu'elle améliore ses taux de retour, alors que cet objectif leur reste inatteignable .

Il est logique que les mesures prises pour faire face à la pandémie de Covid-19 se traduisent par une diminution très sensible des flux de migrants. Au cours des quatre premiers mois de 2020, ces flux ont reculé de 20 % par rapport à la même période de 2019. 8 986 entrées illégales (7 246 à la frontière maritime et 1 740 à la frontière terrestre) sur le territoire grec ont été enregistrées depuis le 1 er janvier 2020, soit une baisse de 18 % par rapport à la même période de l'année précédente - même si cette baisse n'est que de 1 % sur la seule frontière maritime compte tenu de l'importance des arrivées en janvier et février. Il est d'ailleurs fort probable que l'arrêt des flux migratoires ne soit que temporaire.

D. DES RÉCENTS DÉVELOPPEMENTS INQUIÉTANTS À LA FRONTIÈRE GRÉCO-TURQUE

1. Le « chantage » migratoire turc

Lors de son déplacement à Athènes, il a été rappelé au rapporteur que les Grecs disent habituellement que, dans les messages envoyés par la Turquie, « rien n'est anecdotique » . Ankara dispose en effet aujourd'hui de nombreux leviers de la stabilité régionale.

Des tensions en Méditerranée orientale étaient apparues dans le contexte des initiatives de la Turquie pour redéfinir le droit de la mer et développer ses projets gaziers : elle cherche à sécuriser l'acheminement du gaz de la mer Caspienne vers l'Europe. Or, la Grèce voudrait devenir le point d'entrée du gaz en Europe du Sud grâce à un gazoduc passant par les eaux chypriotes, qui est contesté par la Turquie. Mais elle poursuit deux stratégies contradictoires : l'une passe par le gazoduc, et l'autre, plus simple car ne passant pas par les eaux chypriotes, par le GNL à partir de terminaux de liquéfaction du gaz qui se trouvent en Égypte. Tout cela engendre des tensions, entretenues par la Turquie, par exemple avec l' « accord » entre la Turquie et la Libye permettant à un navire turc de pénétrer dans les eaux chypriotes 15 ( * ) .

Surtout, la Turquie a actionné le levier de la pression migratoire. Quelques jours après la fin de la mission du rapporteur en Grèce, la situation migratoire à la frontière gréco-turque s'est brusquement tendue lorsque le Président Erdogan a laissé entendre qu'il pourrait ne plus respecter l'accord de mars 2016, en « ouvrant » la frontière turque vers la Grèce.

En effet, selon cet accord 16 ( * ) , la Turquie, à la suite de la crise migratoire de 2015, s'est engagée à contenir les flux de migrants vers la Grèce et à les prendre en charge. Environ 4 millions de personnes, dont 3,6 millions de Syriens, sont actuellement présentes en Turquie à ce titre. La Turquie doit aussi reprendre sur son sol les personnes malgré tout parvenues jusqu'en Grèce et instruire leur demande d'asile. Néanmoins, ce volet de l'accord n'aurait jamais bien fonctionné. De son côté, l'Union européenne s'est engagée à verser une aide financière de 6 milliards d'euros jusque fin 2020, non pas directement aux autorités turques, ce qu'elles souhaiteraient, mais à des ONG oeuvrant dans le domaine humanitaire - à ce stade, 4,7 milliards d'euros auraient été engagés et 3,2 milliards déboursés -, et à réinstaller sur le territoire des États membres des Syriens ayant obtenu le statut de réfugié en Syrie. Selon des chiffres de la Commission datant d'octobre 2019, l'Union européenne, depuis mars 2016, a réinstallé 25 000 personnes provenant de Turquie, dans 18 États membres.

La décision du Président Erdogan d' « ouvrir » sa frontière est liée au conflit en Syrie. En effet, la Turquie a récemment perdu plusieurs dizaines de militaires dans des opérations menées en Syrie, en particulier dans des frappes aériennes menées par des avions syriens et russes. En représailles, l'opération « Bouclier de printemps » a été engagée par l'armée turque pour récupérer le dernier bastion de la rébellion, à Idlib, appuyée par la Turquie. Le Président Erdogan considère que ni l'OTAN ni l'Union européenne n'apportent à son pays l'aide dont il aurait besoin en Syrie.

Position française sur la situation migratoire

à la frontière entre la Grèce et la Turquie

Le 4 mars 2020, M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement, en réponse à MM. Olivier Cigolotti et Julien Bargeton, a fixé la position française sur la situation migratoire à la frontière entre la Grèce et la Turquie.

Il a ainsi estimé que le conflit en Syrie « entraîne une catastrophe humanitaire, de même qu'un comportement inacceptable de la part de la Turquie , qui, pour satisfaire des objectifs internes et externes, notamment pour faire pression sur l'Union européenne, a décidé d' instrumentaliser les migrants qui se trouvaient depuis longtemps sur son propre territoire . Cette prise d'otages n'est pas acceptable et doit être combattue ».

Le ministre a ajouté que, « dans cette affaire, la France est totalement solidaire de la Grèce . Elle l'est, d'abord, pour des raisons humanitaires, et, ensuite, pour des raisons politiques. Ce qui se passe en Grèce nous concerne tous, puisque nous appartenons ensemble à l'espace Schengen. Je voudrais relever [...] que la pression migratoire qui s'exerce aujourd'hui aux portes de la Grèce et, dans une moindre mesure, de la Bulgarie et de Chypre, c'est-à-dire aux portes de l'Europe, est organisée par le régime du président Erdogan et constitue un élément de chantage à l'égard de l'Union européenne . Je vous le dis, l'Union européenne ne cédera pas à ce chantage ! Nous avons conclu un accord en mars 2016 avec la Turquie : celle-ci reçoit des financements importants en échange d'une gestion - difficile, je l'admets - des réfugiés issus de la crise syrienne antérieure. Quelque 6 milliards d'euros ont été engagés, dont la moitié a déjà été versée. Nous attendons de la Turquie qu'elle soit fidèle à ses engagements ; l'Union européenne a respecté les siens et elle continuera de le faire ».

Le « chantage migratoire » turc n'est pas nouveau. Déjà l'année dernière, le rapport précité de Mme Petra De Sutter au nom de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe relevait que, « étant donné que la quasi-totalité des migrants de la Grèce transitent par la Turquie, les autorités turques sont aussi responsables de la situation dans les îles grecques. Il est assez révélateur que le nombre de migrants arrivant sur le sol grec ait augmenté depuis que les relations bilatérales entre la Grèce et la Turquie se sont dégradées . En juin 2018, la Turquie a dénoncé, unilatéralement et pour des raisons politiques déclarées publiquement, son accord de réadmission avec la Grèce concernant les migrants en situation irrégulière ».

À la suite de la décision du Président Erdogan d'ouvrir la frontière gréco-turque, plusieurs milliers de personnes se sont dirigées vers la Grèce - « bientôt, leur nombre s'exprimera en millions » a déclaré le président turc, dans un discours à Ankara. Les équipes du HCR ont signalé l' arrivée d'environ 1 200 personnes entre le 1 er mars et le matin du 2 mars dans les îles de l'est de la mer Égée (Lesbos, Chios, Samos), ce qui est supérieur aux statistiques quotidiennes les plus récentes. Elles seraient aujourd'hui plus de 1 700. Selon des informations de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) 17 ( * ) , environ 13 000 migrants, essentiellement syriens , des hommes seuls en majorité, mais aussi des familles avec des enfants, se seraient présentés aux postes-frontières de Pazarkule (Kastanies côté grec) et Ipsala , ainsi qu'en de multiples points de passage informels le long des 212 kms de la frontière terrestre entre la Turquie et la Grèce. Leur objectif est de se rendre en Grèce puis, de là, dans d'autres États membres de l'Union européenne. Ces milliers de personnes ont quitté différentes villes turques par bus, minibus et taxi, le plus souvent incitées par les autorités et les médias turcs qui cherchaient à leur faire croire que l'Union européenne avait ouvert ses frontières . Si elles ont pu franchir la frontière turque sans difficultés majeures, elles étaient logiquement refoulées côté grec, dans des conditions parfois tendues, relayées par les réseaux sociaux. Cela a conduit les autorités grecques à conclure que ces déplacements de migrants avaient été organisés par la Turquie.

Un phénomène similaire a pu être observé pendant la pandémie de Covid-19. La Grèce a fait savoir que tout migrant qui atteindrait le sol grec serait automatiquement mis en quarantaine. Le HCR a rappelé le droit de la Grèce de protéger ses frontières et le devoir qui lui incombe de respecter le droit d'asile, ainsi que l'obligation d'accorder la protection aux réfugiés.

Le 1 er mars, la Grèce a demandé l'activation de l'article 78.3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne , selon lequel « au cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation d'urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures provisoires au profit du ou des États membres concernés. Il statue après consultation du Parlement européen ». Les autorités grecques ont également indiqué qu'en raison de cette pression migratoire soudaine à sa frontière terrestre avec la Turquie, les dépôts de demandes d'asile en Grèce seraient suspendus pendant un mois , le temps, selon les autorités grecques, d'examiner le cas des personnes bloquées à la frontière qui auraient besoin d'une protection internationale. Cette décision est controversée, le HCR ayant estimé qu'elle n'est conforme ni au droit international ni au droit de l'Union 18 ( * ) .

2. Les réactions européennes

Les autorités européennes ont annoncé rapidement diverses mesures.

Le 2 mars, Frontex , déjà présente en mer Égée aux côtés des garde-côtes grecs, a répondu favorablement à une demande du gouvernement grec de déclencher une intervention rapide aux frontières maritimes du pays 19 ( * ) . Frontex a demandé une contribution en agents et équipements à l'ensemble des États membres et des pays associés à l'espace Schengen. Ce type d'intervention prend appui sur des pools de réaction rapide de 1 500 personnels que les États membres doivent mettre à disposition de l'Agence dans les cinq jours suivant le lancement de l'appel à contribution ; quant aux équipements, ils doivent être fournis dans un délai de dix jours. Concrètement, Frontex enverra des renforts aux frontières terrestres et maritimes grecques, soit 100 agents supplémentaires, en plus de 350 agents sur place, ainsi que des équipements (trois véhicules équipés d'une caméra thermique, deux hélicoptères, un avion, six patrouilleurs côtiers et un navire de ravitaillement).

Dès le 3 mars suivant, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen, Charles Michel, le président du Parlement européen, David Sassoli, et le Premier ministre croate, Andrej Plenkovic, au titre de la Présidence du Conseil, se sont rendus à la frontière entre la Grèce et la Turquie. La Commission a refusé de considérer que la Turquie violait l'accord de mars 2016, indiquant que des contacts étaient en cours avec les autorités turques pour les convaincre de continuer d'appliquer cet accord.

Lors de ce déplacement, la Présidente von der Leyen a remercié la Grèce d'être le « bouclier » de l'Union européenne et déclaré que le défi auquel la Grèce est confrontée est un « défi européen » . Dans le même temps, à Berlin, Margaritis Schinas, le vice-président de la Commission chargé des migrations et de la promotion du mode de vie européen, a déclaré que « personne ne peut faire chanter ou intimider l'Union européenne ». Ursula von der Leyen a annoncé différentes mesures de soutien à la Grèce, dont une aide financière supplémentaire de 700 millions d'euros, dont 350 millions immédiatement mobilisables . Le mécanisme de protection civile de l'Union a également été activé , ce qui permettra de lui faire parvenir des tentes et des couvertures, ainsi que des équipes médicales et des médicaments.

Le Président Emmanuel Macron a souligné la pleine solidarité de la France avec la Grèce et la Bulgarie et a indiqué que la réaction de la France se ferait dans le cadre d'une opération européenne commune.

Une réunion extraordinaire du Conseil des ministres de l'intérieur de l'Union européenne s'est tenue le 4 mars, à Bruxelles. Deux jours après, une même réunion extraordinaire s'est également tenue, cette fois, à Zagreb, entre les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne. Au cours de ces deux réunions successives, le Conseil a adopté une déclaration concernant la situation aux frontières extérieures de l'UE , puis une seconde , dans lesquelles les ministres européens ont rappelé la solidarité européenne avec la Grèce, la Bulgarie et Chypre , rejeté « fermement l'utilisation par la Turquie de la pression migratoire à des fins politiques » et considéré que « la situation telle qu'elle se présente à la frontière extérieure de l'UE n'est pas acceptable ». Ils ont appelé la Turquie à appliquer pleinement l'accord de mars 2016. Ils ont également considéré que « les franchissements illégaux [de la frontière extérieure] ne seront pas tolérés » et que « l'UE et ses États membres prendront toutes les mesures nécessaires, conformément au droit de l'UE et au droit international ».

Par ailleurs, en marge de ces réunions, plusieurs États membres ont réitéré leur disponibilité à soulager les îles grecques en accueillant sur leur sol des mineurs non accompagnés actuellement bloqués dans des camps grecs , qui seraient au nombre de 5 400 selon les informations fournies au rapporteur par le cabinet du ministre délégué à la migration et à l'asile - 500 continueraient d'arriver chaque mois en Grèce depuis l'été 2019. Ces mineurs non accompagnés sont constitués majoritairement d'adolescents et de post-adolescents entre 14 et 18 ans 20 ( * ) . Cinq États membres se seraient portés volontaires pour en accueillir de 1 000 à 1 500 : l'Allemagne, la Finlande, la France, à hauteur de 400 mineurs, le Luxembourg et le Portugal.

De tels engagements ont continué à être pris pendant la pandémie de Covid-19. Ainsi, le 11 mai, un groupe de 50 réfugiés et demandeurs d'asile, dont 16 mineurs non accompagnés, est parti de Grèce pour le Royaume-Uni au titre de regroupements familiaux. Quelques jours plus tard, la Belgique s'est à son tour engagée à accueillir 18 des mineurs isolés présents dans les camps des îles grecques. De son côté, le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) a fait savoir qu'il avait signé un accord avec la Grèce pour aider à la relocalisation de ces jeunes migrants non accompagnés : l'EASO va aider les États membres à définir le profil des migrants qu'ils accueilleront à partir de critères tels que la langue ou les liens familiaux ou culturels.

Le Président Erdogan s'est rendu à Bruxelles, le 9 mars, pour discuter de la situation migratoire avec la Présidente von der Leyen et le Président Michel ; il s'est également entretenu avec le Secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg. Trois jours auparavant, il avait demandé aux garde-côtes turcs d'empêcher les migrants de traverser la mer Égée. À Bruxelles, le président turc a dit attendre un soutien accru de ses alliés de l'OTAN et de l'Union européenne, à la fois dans le conflit en Syrie et dans la prise en charge des réfugiés engendrés par les combats. Les dirigeants européens ont demandé à leur interlocuteur de respecter les termes de l'accord de mars 2016. Le Haut Représentant de l'Union, Josep Borrell, et son homologue turc ont été chargés de clarifier la mise en oeuvre de cet accord, « qui demeure valide » a dit la Présidente von der Leyen 21 ( * ) , de manière à ce que les deux parties en fassent la même interprétation 22 ( * ) .

Le 12 mars, la commissaire aux affaires intérieures, Mme Ylva Johansson, en déplacement en Grèce, a annoncé la mise en place d'un programme d'assistance spéciale temporaire , valable un mois, permettant aux migrants arrivés en Grèce avant le 1 er janvier 2020, dans la limite de 5 000 personnes, de repartir, sur une base volontaire, vers leur pays d'origine, en recevant 2 000 euros. Ce programme, qui sera conduit par les autorités grecques avec le concours de l'OIM et de Frontex, a pour objectif « de soulager un peu la pression » migratoire en Grèce, selon les mots de la commissaire européenne.

Cette crise reste ponctuelle en comparaison de celle de 2015. Il n'en demeure pas moins qu'elle illustre, une fois de plus, l'urgence d'une révision en profondeur des règles européennes, à commencer par celle du règlement de Dublin, qui déterminent les politiques migratoire et d'asile de l'Union européenne. Les Grecs refusent d'assumer seuls le traitement des demandes d'asile de façon permanente. Ils plaident pour un mécanisme de relocalisation obligatoire des migrants afin de répartir la charge de façon équitable entre l'ensemble des États membres. Ils ne sont pas favorables à ce que certains d'entre eux puissent contribuer seulement de façon financière ou humanitaire. Ils réclament un mécanisme d'urgence permettant de répondre à de futures crises potentielles.

3. La situation difficile dans les centres de migrants pendant la pandémie de Covid-19

Le surpeuplement des camps de migrants dans les îles grecques a rendu le confinement et le respect des mesures de distanciation sociale encore plus délicats qu'ailleurs , tandis que l'accès à l'eau potable est devenu très difficile. La situation s'est tendue, en particulier sur l'île de Lesbos, du fait de l' inquiétude que suscitent parmi les migrants les risques potentiels de propagation du coronavirus , alors que les gestes barrières ne peuvent y être respectés. Des échauffourées ont eu lieu, et des migrants ont été blessés. Dès le 22 mars, dans un communiqué, l'organisation Human Rights Watch avait fait part de ses craintes d' « une crise de santé publique » dans ces camps.

Les premiers cas positifs de Covid-19 ont été détectés, début avril, dans des centres installés sur le continent, à Ritsona (23 cas) et Malakassa (5 cas). Les personnes infectées ont été placées en quarantaine. Le 21 avril, les autorités ont également mis en quarantaine pour deux semaines le village de Kranidi , au sud-ouest d'Athènes, car 148 des 470 migrants hébergés dans un hôtel proche avaient, eux aussi, été testés positifs.

Pour faire face à la pandémie dans les hotspots , le gouvernement a adopté un plan d'urgence prévoyant des mesures telles que le traitement séparé des nouveaux arrivants, des tests ou encore le contrôle des mouvements à l'extérieur des centres. Néanmoins, ces mesures sont délicates à mettre en oeuvre en raison des fortes réticences des autorités locales, du manque d'implication des hôtels dans l'hébergement des personnes vulnérables provenant des centres - 17 hôtels, sur les 150 sollicités, auraient accepté, en dépit du financement européen -, ou encore de l'insuffisance des équipes médicales sur place.

Selon les autorités, les premiers cas de Covid-19 dans un camp de migrants des îles grecques, celui de Lesbos, n'ont été relevés que le 12 mai , lorsque le ministère grec des migrations a annoncé que deux migrants arrivés récemment dans le camp de Lesbos avaient été testés positifs. Ces migrants faisaient partie des 70 personnes ayant débarqué sur l'île quelques jours auparavant. Ils avaient été placés en quarantaine dans un centre distinct afin d'éviter tout contact avec d'autres demandeurs d'asile présents à Lesbos, notamment dans le camp de Moria, le plus peuplé. Selon le ministère, il n'y aurait aucun lien entre ce centre de quarantaine et le camp de Moria ; les deux personnes contaminées n'auraient d'ailleurs pas développé de symptômes. Des tests ont été effectués sur les 68 autres migrants hébergés dans ce camp, mais également sur les personnes entrées en contact avec eux.

Le confinement dans les camps, d'abord prévu jusqu'au 11 mai, a été prolongé jusqu'au 21 mai , sans qu'un motif officiel ne soit apporté. Néanmoins, cette décision viserait à réduire au maximum le risque sanitaire que comporte le transfert de migrants vers le continent, conformément à la politique décidée par le Premier ministre.

IV. LE PARADOXE DE LA PANDÉMIE DE COVID-19 EN GRÈCE : UNE CRISE SANITAIRE MAÎTRISÉE, MAIS DES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES TRÈS DOULOUREUSES

A. LE « BON ÉLÈVE EUROPÉEN »

Dans le témoignage consacré à la Grèce par la Fondation Robert Schuman au titre de sa enquête sur la gestion de la pandémie de Covid-19 par plusieurs États membres 23 ( * ) , la journaliste Alexia Kefalas évoque un « exploit hellène » et considère que la Grèce est passée du statut de « brebis galeuse » à celui de « bon élève européen » .

Alors que la Grèce a perdu le quart de sa richesse en dix ans de crise économique et que son système de santé se trouve dans un état de grande fragilité - le pays compte 6 lits en soins intensifs pour 100 000 habitants, pour une moyenne européenne de 11,5 lits -, et a subi un exode important de médecins vers l'étranger, « le pays d'Hippocrate prend sa revanche » écrit encore Alexia Kefalas, pour qui la Grèce « réunissait tous les ingrédients pour que cette crise du Covid-19 devienne une nouvelle tragédie ». Pourtant, il n'en est rien jusqu'à présent. En effet, la Grèce , qui compte environ 10,5 millions d'habitants, enregistrait, au 20 mai, 165 décès et 2 840 cas , alors que la Belgique, pareillement peuplée, comptait 9 150 décès.

Cette situation s'explique, selon Alexia Kefalas, par différentes facteurs.

D'abord, les autorités grecques , marquées par « l`électrochoc de l'Italie voisine », ont rapidement pris des mesures drastiques , mais circonscrites à la crise, sur le fondement de l'article 44 de la Constitution, qui permet au Président de la République, sous certaines conditions, d'adopter des mesures législatives. La Grèce fait néanmoins partie des neuf États membres de l'Union européenne qui n'ont pas déclaré l'état d'urgence. Les commissions du parlement grec, la Vouli , continuent de fonctionner normalement, des mesures de vote à distance ayant été introduites uniquement pour la séance publique.

Les premières mesures sanitaires et médicales ont été prises dès le 25 février. Sur la base des recommandations de l'Institut de la santé publique et du ministère de la santé, et en fonction d'indicateurs sanitaires, le gouvernement a décidé la fermeture des écoles, des crèches, des universités, le 11 mars - un projet pilote d'enseignement à distance en ligne a été lancé dès le 17 mars dans 16 régions grecques, puis progressivement étendu. Cette fermeture a été suivie par celles des musées, des sites archéologiques et des commerces non-essentiels. Un confinement général a ensuite été imposé à partir du 23 mars ; une attestation de déplacement était nécessaire, disponible aussi sous forme numérique, ainsi qu'une pièce d'identité. Tout contrevenant à ces règles était passible d'une amende de 150 euros pouvant aller jusqu'à 5 000 euros. Les frontières terrestres (avec la Macédoine du Nord et l'Albanie) ont été fermées jusqu'au 15 juin, et les liaisons maritimes avec l'Italie suspendues, sauf pour les marchandises. A également été instaurée une quatorzaine obligatoire dans des hôtels réquisitionnés pour toute personne arrivant en Grèce. Le pays a suspendu l'action de tous ses services administratifs chargés des migrants.

Ensuite, les autorités ont fait le choix d'une communication très active , en diffusant de nombreux messages de prévention dans les médias et en organisant un point de presse quotidien à 18 heures, animé par un infectiologue très réputé et ayant longtemps travaillé à l'université de Harvard, Sotiris Tsiodras, qui dirige le comité de lutte contre le Covid-19. Les autorités ont aussi porté un message insistant sur le durcissement des mesures de confinement en cas de détérioration de la situation. Une ligne téléphonique dédiée (1135) a été ouverte pour répondre à toutes les questions sur la pandémie. Les règles déontologiques ont été rappelées aux organes de presse. Toutefois, des cas isolés de désinformation ont été apportés, mais des procédures disciplinaires ont été engagées contre une chaîne de télévision ayant diffusé une publicité pour un dispositif médical minimisant le coronavirus.

Enfin, les Grecs se sont montrés très disciplinés dans cette épreuve. Selon Alexia Kefalas, « à part quelques exceptions, le pays s'est incroyablement plié aux règles, allant à l'encontre des clichés répandus pendant la crise budgétaire, du « Grec incivique, indiscipliné et insolent » ». Aucun incident de nature xénophobe, aucune agression ni attaque violente directement en lien avec la crise sanitaire n'auraient été rapportés par les autorités compétentes ou ONG. Des gestes de solidarité ont également pu être notés. Ainsi, le 27 mars, le gouvernement a alloué 2,255 millions d'euros à 98 communes pour la fourniture d'équipements médicaux à destination de la communauté Rom. À l'exception du premier décès intervenu en Grèce, le 12 mars, du fait du Covid-19, l'identité des victimes aurait été préservée par les médias.

Présenté comme réversible, le déconfinement progressif a commencé le 4 mai , avec la réouverture des entreprises de vente au détail (librairies, opticiens, équipement sportif, marchés de plein air, coiffeurs, etc.) et des plages publiques, comme tous les espaces publics dédiés à une pratique récréative individuelle. Les églises ont pu rouvrir pour l'exercice individuel du culte. Le port du masque et le respect des règles de distanciation sociale sont imposés dans les transports en commun. Les premières unités mobiles de dépistage ont été mises en place le lendemain. Les lycées ont rouvert pour les classes de terminale le 11 mai. Le 16 mai, 515 plages privées ont rouvert. Les églises ont été autorisées à reprendre la célébration publique des sacrements le 17 mai. Le lendemain, les lycées ont rouvert pour le reste des classes, ainsi que les zoos, jardins botaniques et les sites archéologiques, dont l'Acropole, dans le respect des mesures sanitaires ; les voyages interrégionaux ont été autorisés, et les tournages et répétitions ont pu reprendre. Les centres commerciaux, cafés et restaurants disposant d'une terrasse ont pu rouvrir le 25 mai, une semaine plus tôt qu'initialement annoncé, dans le respect des règles sanitaires. Le 25 mai a également marqué la reprise des rotations des ferries vers l'ensemble des îles, là aussi dans le respect des règles sanitaires. L'ensemble des hôtels devraient avoir repris leurs activités le 15 juin. Jusqu'au 31 mai, une quatorzaine était imposée à tous les voyageurs, après un test obligatoire, à l'arrivée à l'aéroport d'Athènes, seul point d'entrée international jusqu'au 30 juin. Les autres aéroports rouvriront le 1 er juillet.

L'utilisation d'applications de traçage numérique des contacts en vue de lutter contre la pandémie de Covid-19 ne serait pas à l'ordre du jour en Grèce, même de manière prospective.

B. UN COÛT ÉCONOMIQUE TRÈS ÉLEVÉ

Alors que la Grèce sortait à peine d'une longue crise économique et sociale, la pandémie de Covid-19 ruine ses efforts . La question est de savoir si ces conséquences économiques ne seront que passagères ou appelées à durer.

Pour faire face aux effets de cette pandémie, les autorités grecques ont pris, dès le 11 mars, des mesures représentant un coût total de 10 milliards d'euros , qui ont permis de financer les mesures suivantes :

- le versement de 800 euros à tout employé dont l'entreprise a suspendu ses activités ;

- un bonus pour les professionnels de santé ;

- la réduction du taux de TVA de 24 % à 6 % jusqu'à la fin de 2020 pour les biens nécessaires dans la lutte contre la pandémie ;

- l'annulation des pénalités pour paiement tardif des factures ;

- le remboursement immédiat des dettes dues par l'administration fiscale aux contribuables jusqu'à 30 000 euros ;

- le versement d'un prêt bancaire d'un milliard d'euros destiné aux entreprises pour couvrir les coûts salariaux et non salariaux ;

- la suspension jusqu'au 31 juillet du paiement des impôts et taxes pour les entreprises affectées par la crise du coronavirus.

Le 20 mai suivant, le gouvernement grec a annoncé un plan de soutien à l'économie, dont le secteur touristique, d'un montant porté à 24 milliards d'euros , y compris des fonds européens.

L'impact de la crise sur l'économie grecque sera très douloureux. Selon des prévisions de la Commission européenne, le PIB de la zone euro devrait chuter de 7,7 % en 2020. Or, la Grèce serait le pays de la zone euro le plus touché, avec un recul du PIB de 9,7 %, soit davantage que durant 2011 , l'année la plus violente de la crise économique lorsque le PIB avait reculé de 9 %. Dans un premier temps, le ministère grec des finances avait même estimé le coût de la crise entre 10 % et 15 % du PIB.

Par ailleurs, le ratio des prêts non performants , qui avait atteint son niveau historique le plus bas avec une moyenne en zone euro de 3,22 % au quatrième trimestre 2019, est susceptible d'augmenter significativement pour de nombreuses banques européennes, mais toutes n'abordent pas cette période dans la même situation. En effet, selon des statistiques de surveillance de la BCE, publiées le 7 avril dernier, la Grèce présentait avant la crise le ratio le plus élevé à 37,40 % .

Enfin, pour le seul mois de mars 2020, plus d'emplois ont été perdus que pour toute l'année 2012 . Alors que le taux de chômage avait diminué, tout en restant élevé, aux alentours de 16 % de la population active, il devrait augmenter de 6 points en Grèce d'ici la fin de l'année, pour s'établir à 22,3 %, soit le niveau le plus haut de la zone euro (10,4 % en moyenne), devant l'Espagne (20,8 %).

Cette situation s'explique en grande partie par la structure de l'économie grecque. Le tourisme est en effet le deuxième pilier de l'économie grecque derrière la marine marchande et représente 20,6 % du PIB, soit plus du double de la moyenne européenne (10 %), plus encore dans certaines régions - 80 % de l'économie de l'île de Santorin dépend du tourisme - et emploie un actif sur cinq. En 2019, la Grèce avait reçu environ 34 millions de visiteurs, pour des recettes de l'ordre de 18 milliards d'euros.

Or, la lutte contre la pandémie a exigé la fermeture des frontières et s'est traduite par la quasi-paralysie des transports maritimes et aériens. Dans ce contexte, la saison estivale risque d'être désastreuse . Selon le ministère grec du tourisme, la pandémie pourrait se traduire par une baisse des recettes touristiques d'environ 50 % . La perte de recettes des hôtels pourrait atteindre 4,5 milliards d'euros en 2020, tandis que 45 000 emplois seraient directement menacés.

Les autorités ont pris des mesures pour limiter ce risque. Elles valorisent sur la scène européenne leur gestion de la crise sanitaire de manière à rétablir un sentiment de sécurité chez les voyageurs, tout en restant prudentes pour ne pas se trouver confrontées à un afflux massif de touristes dans les îles, sous-équipées sur le plan sanitaire.

L'objectif est de préserver une saison touristique de trois mois (juillet, août et septembre), éventuellement prolongée en cas d'évolution positive de la pandémie. L'accès à la Grèce pourrait être limité aux seuls touristes européens , compte tenu du maintien attendu des restrictions de vols en provenance des pays tiers, et le gouvernement plaide pour une réouverture rapide des frontières intra-européennes. Il est par ailleurs probable que le tourisme intérieur ne compense pas la perte de recettes engendrées ordinairement par les touristes étrangers .

Le premier jour du déconfinement, le 4 mai, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a estimé que, « dans le meilleur des scénarios, la Grèce va pouvoir commencer son activité touristique à partir du 1 er juillet et nous travaillons afin d'atteindre cet objectif ». Il a ajouté : « Supposons que les gens fassent des tests avant de prendre l'avion et qu'ils soient suivis de près, alors l'expérience touristique ne pourrait être que très légèrement différente des précédentes années ». Un calendrier a été présenté pour le secteur hôtelier : les hôtels fonctionnant toute l'année ont rouvert le 1 er juin, et les hôtels saisonniers le feront le 15 juin, alors que la date initialement prévue était le 9 juillet.

Les autorités grecques redoutent que les principaux États européens de provenance des touristes, tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la France, n'adoptent des mesures de quarantaine au retour des voyages, ce qui réduirait les flux. Elles cherchent à convaincre les pays des Balkans de l'intérêt de rouvrir les frontières sur la base de protocoles sanitaires et ont engagé des discussions avec des États tiers non européens, tels qu'Israël, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

C. L'ASSISTANCE EUROPÉENNE À LA GRÈCE PENDANT LA PANDÉMIE

La Grèce, peu touchée sur le plan sanitaire, mais fortement affectée par les conséquences économiques de la pandémie, a été amenée à prendre position sur la réponse économique que l'Union européenne apporté à cette crise.

Avec l'Italie, l'Espagne, la France ou encore le Luxembourg, la Grèce fait partie des États membres ayant réclamé la création d'un fonds de relance européen pouvant être financé par de la dette commune , sous la forme d'euro-obligations, ce que l'on a appelé des « coronabonds », hypothèse constituant une ligne rouge pour La Haye. Début avril, elle a également signé , avec douze autres États membres, dont la France et l'Allemagne, la lettre ouverte diffusée à l'initiative du Danemark, pour faire du Green Deal « la feuille de route face à la crise économique » .

Par ailleurs, la Commission a proposé, lors de la réunion des ministres des transports du 29 avril, un ensemble de mesures de soutien aux activités de transports particulièrement touchées en raison de la suspension de l'essentiel du trafic, afin de réduire temporairement leurs coûts et protéger l'emploi, tout en garantissant des conditions de concurrence équitables : pour le secteur routier, elle accorde une exemption temporaire des règles applicables au temps de conduite et aux périodes de repos. La Grèce fait partie des États membres ayant obtenu ce soutien. Elle compte également parmi les États membres à avoir signé une déclaration commune pour que le futur plan de relance européen comporte un soutien important au tourisme et établisse des règles homogènes pour la mobilité terrestre, aérienne et en mer afin de garantir des voyages sûrs en Europe.

La Grèce a également bénéficié de la solidarité européenne au titre du mécanisme de protection civile de l'Union européenne, RescEU . Le 20 avril dernier, afin d'aider ce pays à prévenir le risque d'une propagation du coronavirus dans les camps surpeuplés de migrants et de réfugiés dans les îles, l'Autriche a offert 181 containers d'hébergement contenant des douches et des toilettes. Le 12 mai, pour répondre à la demande d'assistance introduite par la Grèce auprès du mécanisme de protection civile de l'Union européenne, la République tchèque, le Danemark, la France et les Pays-Bas ont fait un don similaire dans le même objectif. À chaque fois, les coûts de transport aérien sont cofinancés à 75 % par la Commission européenne.

Enfin, le 20 mai, la Commission, dans son 6 e rapport de surveillance renforcée de la Grèce 24 ( * ) , a estimé que, « compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de coronavirus, la Grèce a pris les mesures nécessaires pour respecter ses engagements en matière de réformes ». Ce rapport note qu'au début de la crise, la Grèce bénéficiait d'une position budgétaire favorable caractérisée par des réserves monétaires substantielles à hauteur de 34 milliards d'euros, un excédent budgétaire primaire (hors service de la dette) supérieur à 3,5 % du PIB pour la cinquième année consécutive et de faibles besoins en refinancement sur les marchés à moyen terme. Par ailleurs, le pays bénéficie désormais de l'opération PEPP ( Pandemic Emergency Purchase Programme ) de rachat massif de titres publics, que la Banque centrale européenne a engagée pour faire face à la pandémie. La Commission soutient aussi les engagements supplémentaires pris par le gouvernement grec en matière de réformes, parmi lesquelles une modernisation du marché du travail, une réforme du système judiciaire et une meilleure gestion du parc immobilier public. Le commissaire à l'économie, Paolo Gentiloni, a estimé à l'occasion de la publication de ce rapport que cette situation laissait présumer une décision positive de l'Eurogroupe qui, en juin, devra se prononcer sur le déblocage d'une nouvelle tranche d'aide de 748 millions d'euros, qui permettra d'alléger le service de la dette publique grecque .

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 4 juin 2020 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Simon Sutour, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet , président . - Le travail fait par Alexis Tsipras a été assez remarquable - je le dis d'autant plus clairement que j'étais inquiet de le voir prendre le pouvoir. Lors du colloque organisé à l'initiative de Jean-Yves Leconte sur la réunification de l'Union et les 30 ans de la chute du mur de Berlin, il nous a vraiment impressionnés. La situation actuelle est le reflet du courage politique qui a été le sien et celui de son parti.

M. Jean-François Rapin . - Je remercie Simon Sutour pour son rapport. Le gouvernement grec a-t-il pris des dispositions en matière fiscale ? On sait que le rapport des Grecs à l'impôt est difficile... La TVA est assez élevée, ce qui favorise le travail dissimulé, payé en argent liquide.

M. Jean-Yves Leconte . - Je remercie le rapporteur pour son travail et le président d'avoir évoqué le colloque dont j'ai été à l'initiative. On ne mesure pas assez l'importance des réformes faites par M. Tsipras pour renforcer la présence de la Grèce dans l'Union européenne, dans un contexte économique particulièrement difficile. Les sacrifices demandés au peuple grec étaient justifiés par le principe que le pays était plus fort avec l'Europe.

Sur la question migratoire, la Grèce n'a jamais failli. Il a été difficile de mettre en place une procédure d'asile, mais les demandes ont été correctement et sérieusement traitées. Si l'accord avec la Turquie n'a pas été complètement mis en oeuvre, c'est aussi parce que la Grèce n'a jamais transigé sur ses valeurs et a considéré que de nombreux étrangers méritaient l'asile. Pour autant, on peut se demander, au vu de ce qui s'est passé en février dernier, si le nouveau gouvernement suivra les mêmes principes. Car, si on peut dire beaucoup sur le comportement des policiers turcs, les gardes-frontières grecs ne sont pas non plus à l'abri de toute critique.

La situation doit être vue de manière globale. On ne peut pas considérer que tout relève de la responsabilité de la Turquie lorsque l'on voit la situation interne dans ce pays et la fuite des habitants de la poche d'Idlib, qui ont besoin de protection en raison des interventions russe et syrienne.

M. Didier Marie . - Je remercie Simon Sutour, un passionné de la Grèce, pour son rapport.

Je veux relever la résilience du peuple grec qui, de crise en crise, résiste aux difficultés, tout en étant discipliné. Les bons résultats obtenus dans la lutte contre le Covid-19 tiennent autant aux dispositions prises extrêmement tôt par le gouvernement qu'au comportement des Grecs, conscients de l'état de leur système de santé et respectueux des consignes données.

Les relations de la Grèce avec les autres pays restent très limitées : actuellement, toute personne arrivant de l'extérieur est soumise à un test Covid, placée en semi-quarantaine pendant vingt-quatre heures et confinée une ou deux semaines en fonction des résultats du test. On peut s'inquiéter des conséquences sur la saison touristique, tout en gardant en mémoire que l'économie informelle a encore un poids significatif.

Quand on regarde les dispositions prises par l'Union européenne et les États membres pour faire face à la crise économique et sociale liée au Covid-19, on ne peut que s'interroger sur les mesures imposées à la Grèce après la crise de 2008. Aujourd'hui, la règle relative aux déficits n'est plus la même, l'investissement public peut être massif... Si la Grèce n'avait pas connu les difficultés qui lui ont été imposées, elle n'en serait certainement pas là aujourd'hui. Le gouvernement de M. Tsipras a payé au prix fort son plan de sauvetage...

Les tensions avec la Turquie ne cessent de croître.

D'une part, la question migratoire reste extrêmement sensible, en termes tant de nombre de réfugiés que d'acceptation par la population. Pendant longtemps, les Grecs ont accueilli assez chaleureusement les réfugiés ; ce n'est plus le cas aujourd'hui.

D'autre part, les interventions de la Turquie en mer Égée et aux alentours de Chypre, dans les zones de production éventuelle de gaz, accentuent les tensions entre les deux pays. La France a participé à une déclaration commune condamnant l'activisme diplomatique et militaire de la Turquie. L'Union européenne doit faire preuve d'une plus grande solidarité à l'égard de la Grèce.

Mme Gisèle Jourda . - Je voulais également évoquer le rôle de l'Europe lorsque la Grèce était en crise. La France a joué à cette période un rôle positif : le soutien à la Grèce a été imposé à Mme Merkel par François Hollande.

Je félicite Simon Sutour pour son excellent rapport. S'agissant des réfugiés, quel rôle jouent le Haut-Commissariat aux réfugiés et les associations ? Les organismes internationaux étaient très durs avec les responsables grecs, alors que ceux-ci faisaient le maximum avec fort peu de moyens face à l'afflux des réfugiés sur les îles.

Le rapporteur a évoqué le retour des réfugiés sur le continent. Quel accueil leur est réservé ? Quand je me suis rendue dans les camps situés à Athènes dans le cadre d'une mission d'information, j'ai constaté qu'un accompagnement pédagogique et sanitaire était effectué, l'objectif étant d'intégrer les réfugiés à la vie locale.

M. Jean Bizet , président . - Dans le droit fil des questions de Jean-François Rapin, j'aimerais connaître l'importance des investissements étrangers en Grèce.

M. Simon Sutour , rapporteur . - Les investissements étrangers viennent essentiellement de Chine. La Russie, qui est traditionnellement un pays ami de la Grèce, investit également : c'est ce qu'on appelle la « solidarité orthodoxe ». La France est assez peu présente, même si nos grands groupes sont représentés.

Monsieur Rapin, pour suivre la situation de la Grèce depuis longtemps, je peux vous dire que des progrès ont été faits. La task force de l'Union européenne, qui a aidé l'administration grecque à se remettre en route, a été utile. Le Premier ministre actuel était auparavant le ministre chargé des réformes administratives. On peut prendre l'exemple de l'impôt foncier qui a été instauré par le gouvernement de coalition : il ne produisait pas son plein rendement en raison de problèmes liés au cadastre. Des améliorations ont été apportées, le gouvernement Mitsotakis a augmenté de 15 % le rendement de cet impôt, qui atteint désormais 98 %.

Monsieur Leconte, les choses ne se passent pas toujours bien aux frontières. Des « bavures » ont eu lieu, mais elles sont le fait d'individus, et non le résultat de la politique du gouvernement. En février, les Turcs faisaient croire aux migrants que la frontière vers l'Union européenne était ouverte, alors que ce n'était pas le cas. M. Erdogan a une lourde responsabilité en la matière.

Je retiendrai des propos de Didier Marie sa réflexion sur la dureté de l'Union européenne à l'égard de la Grèce au moment de la crise. Cela fait dix ans, et l'on a exigé de ce pays ce que nous ne nous demandons pas à nous-mêmes aujourd'hui. Cela n'a pas favorisé la reprise de l'activité.

La Grèce et la France entretiennent depuis longtemps des relations étroites. Mme Jourda a évoqué le rôle de François Hollande - on peut aussi citer Pierre Moscovici - lorsque la crise a éclaté. M. Tsipras, qui s'est « social-démocratisé » depuis, avait une position très dure : il avait même organisé un référendum pour refuser les propositions de l'Union européenne...

Nous allons prendre position sur les propositions de relance de la Commission européenne avant le Conseil européen. Un montant de 22,5 milliards d'euros est prévu pour la Grèce.

Mme Jourda m'a interrogé sur les camps. J'en ai visité un à la frontière turque, et je peux vous dire que c'est une épreuve de voir des enfants derrière des grillages... Ces mineurs ne pouvaient sortir du camp que si des places se libéraient à Athènes. Pour l'immense majorité des migrants, la Grèce n'est que la porte d'entrée dans l'Union européenne : ils veulent aller dans les pays scandinaves, en Allemagne, au Royaume-Uni, et éventuellement en France.

La Grèce est un pays important pour l'Union. Il faut se souvenir que nous sommes des héritiers de la culture et de la démocratie grecques.

M. Jean Bizet , président . - Merci pour ce rapport. Nous savons combien vous, comme votre successeur à la présidence du groupe d'amitié, êtes attaché à ce pays.

Je retiendrai de vos propos que nous revenons de loin. La Grèce a fait d'énormes efforts dans une conjoncture difficile avec des règles d'hier qui, aujourd'hui, prennent une autre signification.

À l'issue du débat, la commission a autorisé à l'unanimité la publication du rapport d'information.

DÉPLACEMENT À ATHÈNES DU 24 AU 26 FÉVRIER 2020

Lundi 24 février

M. Philippe Leclerc , Représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en Grèce

M. Dimitris Kairidis , Premier vice-président de la commission des affaires européennes de la Vouli

M. Georgios Kotsiras , Vice-président du groupe d'amitié Grèce-France de la Vouli

Mardi 25 février

M. Konstantinos Bitsios , Vice-président exécutif de la Fédération hellénique des entreprises (SEV)

M. Georgios Markopouliotis , Chef de la représentation de la Commission européenne en Grèce

Déjeuner de travail avec des personnalités francophones : Pr Nikos Alivizatos , professeur de droit constitutionnel, Son Éminence le Métropolite Gavriil de Nea Ionia et Philadelphia, Pr Elias Nicolacopoulos , politologue et expert en sondage, M. Athanase Papandropoulous , journaliste économique, Pr Panagiotis Roumeliotis , professeur d'économie, ancien ministre de l'économie et des finances, ancien député européen, ancien représentant de la Grèce au Fonds monétaire international, et M. Pavlos Tsimas , journaliste

M. Christos Triantopoulos , Secrétaire général à la politique économique

MM. Yannis Stournaras , Gouverneur de la Banque de Grèce, Ilias Plaskovitis , Conseiller du Gouverneur, et George Hondroyiannis , Directeur des affaires fiscales au département des analyses économiques et de la recherche

Mercredi 26 février

Mme Popi Michelogiannaki , Conseillère juridique de M. Georgios Koumoutsakos, ministre délégué à la migration et à l'asile

M. Grigorios Apostolou , Chef du bureau de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) en Grèce


* 1 Rapport d'information (n° 557 ; 2014-2015) du 25 juin 2015 de M. Simon Sutour sur la situation de la Grèce au sein de la zone euro.

* 2 Selon des sondages, stables depuis septembre 2019, Kyriakos Mitsotakis bénéficie de 45 % d'opinons favorables, contre 25 % pour Alexis Tsipras, et Nouvelle-Démocratie de 33 % à 38 %, soit 13 points de plus que SYRIZA.

* 3 L'impossibilité d'élire le Président de la République en décembre 2014 avait conduit, comme le prévoyait alors la Constitution, à convoquer des élections législatives anticipées en janvier 2015, qui avaient été remportées, pour la première fois, par SYRIZA. La révision constitutionnelle de novembre 2019 a supprimé cette disposition.

* 4 Le vote est obligatoire en Grèce jusqu'à l'âge de 70 ans. L'abstention est officiellement punie d'une peine d'emprisonnement d'un mois à un an, ainsi que par le licenciement du contrevenant ; ces sanctions ne sont toutefois pas appliquées.

* 5 Le parlement monocaméral grec, Vouli Ton Ellinon , comporte 300 sièges. Il est élu pour quatre ans au sein de 59 circonscriptions au scrutin proportionnel : 58 circonscriptions, dont 7 ne comptent qu'un seul siège, élisent 288 députés et les 12 sièges restants sont répartis selon les résultats de chacun des partis politiques dans une circonscription représentant l'ensemble du pays - on parle de députés nationaux. Un parti politique doit atteindre 3 % des suffrages exprimés pour être représenté au parlement. Les électeurs votent sur une liste ouverte au sein de laquelle ils peuvent exprimer leurs préférences. Le parti arrivé en tête bénéficie d'un bonus de 50 sièges. Depuis juillet 2016, le droit de vote s'exerce à compter de 17 ans. En vertu d'une loi adoptée sous la précédente majorité, les prochaines élections législatives, en principe en 2023, se dérouleront à la proportionnelle, sans bonus en sièges.

* 6 Sur ce point, on se reportera à l'article « L'opinion publique grecque et l'UE - Entre amertume et permanence d'une aspiration à l'Union » , de Daniel Debomy, en collaboration avec Xenia Kourtoglou et Anna Karadimitriou, Notre Europe - Institut Jacques Delors, janvier 2020.

* 7 Règlement (UE) n° 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière.

* 8 En application de la décision d'exécution (UE) 2018/1192 de la Commission du 11 juillet 2018 relative à l'activation de la surveillance renforcée pour la Grèce.

* 9 Voir les textes COM (2018) 808 final du 21 novembre 2018, COM (2019) 201 final du 27 février 2019 - avec une mise à jour dans le texte COM (2019) 170 final du 3 avril 2019 -, COM (2019) 540 final du 5 juin 2019 et COM (2019) 930 final du 20 novembre 2019.

* 10 Texte COM (2020) 100 final .

* 11 Rien qu'en 2015, la Grèce a secouru plus de 100 000 personnes en mer ; 800 personnes sont mortes ou ont disparu pendant les traversées.

* 12 Voir sur ce point le rapport ( document 14837 ) du 4 mars 2019 sur la situation des migrants et des réfugiés dans les îles grecques, établi, au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, par Mme Petra De Sutter (Belgique - SOC).

* 13 La France participe aux opérations de Frontex en Grèce avec 200 experts. Par ailleurs, elle a déployé 24 experts, 12 de l'OFII et autant de l'OFPRA, sur des missions de trois mois, institué une mission de la police de l'air et des frontières pour l'organisation de vols conjoints de retour et nommé un troisième officier de liaison au sein du service de l'attaché de sécurité intérieure en Grèce.

* 14 Parmi les 58 800 dossiers examinés en 2018, seuls 20 % ont fait l'objet d'un premier entretien.

* 15 Le Conseil Affaires étrangères du 14 octobre 2019 a adopté des conclusions relatives aux activités de forage illégales de la Turquie dans la zone économique exclusive de Chypre, réaffirmant sa solidarité avec Chypre.

* 16 Pour plus d'informations sur cet accord, cf . le rapport (n° 38 ; 2016-2017) établi par M. Michel Billout au nom de la mission d'information sur la position de la France à l'égard de l'accord de mars 2016 entre l'Union européenne et la Turquie relatif à la crise des réfugiés et sur les conditions de mise en oeuvre de cet accord.

* 17 More than 13,000 Migrants Reported Along the Turkish-Greek Border , communiqué de presse de l'OIM du 1 er mars 2020.

* 18 Déclaration du HCR sur la situation à la frontière entre la Turquie et l'UE du 2 mars 2020 : « Ni la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ni le droit européen des réfugiés ne fournissent de base juridique pour la cessation temporaire de la prise en charge des demandes d'asile. L'article 78, paragraphe 3 [du TFUE] ne peut pas remettre en cause le droit internationalement reconnu de demander l'asile ni le principe de non-refoulement - deux notions qui sont également mises en avant dans le droit communautaire. Les personnes entrant irrégulièrement sur le territoire d'un État ne doivent pas non plus être sanctionnées si elles se présentent sans délai aux autorités pour déposer une demande d'asile ».

* 19 Frontex to launch rapid border intervention at Greece's external borders , communiqué de presse de Frontex du 2 mars 2020.

* 20 Actuellement, le Fonds Asile Migration et Intégration (FAMI) de l'Union européenne finance l'accueil des mineurs non accompagnés en Grèce à hauteur de 10 millions d'euros, soit 75 % du coût total, le solde étant financé par le budget national.

* 21 Déclaration 20/429 d'Ursula von der Leyen du 9 mars 2020.

* 22 Observations du Président Charles Michel après sa réunion avec le Président Erdogan du 9 mars 2020.

* 23 Fondation Robert Schuman, « La crise sanitaire vue de... Tour d'Europe du combat contre le virus », avril 2020.

* 24 Texte COM (2020) 529 final .

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