II. LA DPR A ASSURÉ UN SUIVI DE L'ACTUALITÉ DU RENSEIGNEMENT

Outre ces travaux menés en continu la délégation a suivi l'actualité des services de renseignement.

C'est ainsi qu'elle s'est fait présenter, le 19 juillet 2019, par M. Pierre Bousquet de Florian, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, la nouvelle stratégie nationale du renseignement adoptée en conseil national du renseignement et qu'elle a été informée, le 19 novembre 2019 par Mme Claire Legras, directrice des affaires juridiques du ministère des armées, de la position française sur le contentieux pendant devant la Cour de justice de l'Union européenne relatif à la conservation des données de connexion par les opérateurs de télécommunications suite à un premier arrêt du 21 décembre 2016 ( Télé2 Sverige AB contre Post-och telestyrelsen ).

C'est ainsi également qu'elle a tenu au lendemain de l'attentat perpétré le 3 octobre 2019 à la préfecture de police de Paris à entendre, dès le 8 octobre, le ministre de l'intérieur, M. Christophe Castaner, et le secrétaire d'État, M. Laurent Nunez.

Les travaux de la délégation
suite à l'attentat du 3 octobre à la préfecture de police de Paris

Le ministre a répondu aux questions des membres de la délégation qui portaient sur la sécurité des services de renseignement et plus particulièrement de la DRPP, face aux risques éventuels de radicalisation de certains de leurs agents :

- la mise en oeuvre des procédures d'habilitation des agents ;

- les conditions d'accès des agents aux informations sensibles à l'intérieur du service et notamment aux données numérisées et les modalités de cloisonnement mises en place pour éviter les intrusions de personnes qui n'auraient pas vocation à en connaitre ;

- les règles applicables en matière d'accès aux locaux du service et leur mise en oeuvre ;

- les procédures mises en place par ce service pour détecter d'éventuels signes de radicalisation de ses agents et les procédures de transfert de signalement entre services dans les cas où la détection de signes est réalisée par un autre service, à raison d'activités en dehors du service ou de son ressort territorial, et leur mise en oeuvre.

Ces questionnements ont orienté les travaux des missions confiées par le Premier ministre à l'inspection des services de renseignement, le 5 octobre, la première pour vérifier si, au cours des années que l'auteur des faits a passées à la DRPP, et en particulier celles qui auraient été concernées par un processus de radicalisation, les outils et procédures de détection et de signalement étaient en place, s'ils ont été convenablement mis en oeuvre au regard des éléments perceptibles de cette radicalisation et s'ils ont donné lieu à des réactions appropriées.

La seconde qui porte sur l'ensemble des services de renseignement spécialement impliqués dans la lutte contre le terrorisme pour superviser un processus de réévaluation des situations individuelles le justifiant, vérifier les outils et les procédures de détection, de signalement et de traitement.

La délégation a reçu communication de ces rapports et elle a entendu les membres de l'inspection des services de renseignement qui les ont rédigés, le 16 janvier 2020.

Une procédure judiciaire étant en cours, la délégation n'a pas souhaité poursuivre au-delà ses investigations, mais elle a réorienté son thème de travail sur la maitrise des risques (dispositifs de contrôle interne et déontologie) et abordé systématiquement les questions évoquées lors des auditions et déplacements dans les services.

Au titre de ses activités internationales, la DPR a reçu au Sénat, le 2 mai 2019, la visite d'une délégation parlementaire autrichienne de la sous-commission des affaires intérieures du Conseil national, accompagnée, entre autres, du directeur du BvT ( Bundesamt für Verfassungsschutz und Terrorismusbekämpfung , équivalent de la DGSI). Dans un contexte de réforme du service de sécurité intérieure autrichien, cette sous-commission a effectué plusieurs déplacements à l'étranger afin de nourrir sa réflexion sur l'organisation et le fonctionnement de son instance de contrôle parlementaire du renseignement, en la comparant avec ses homologues étrangères.

Enfin, comme chaque année, la délégation a accueilli les auditeurs du cycle supérieur de l'académie du renseignement au cours d'une session organisée le 17 octobre 2019, à l'Assemblée nationale.

Pour conclure ses travaux, la délégation avait prévu d'entendre les ministres ayant autorité sur des services de renseignement du premier cercle. Outre l'audition susmentionnée avec le ministre de l'intérieur, une audition a pu être organisée du ministre de l'action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin. Des auditions du Premier ministre et de la ministre des armées étaient en cours de programmation lorsque les mesures de confinement consécutives à l'épidémie de Covid-19 sont intervenues. Ne disposant pas des locaux adaptés permettant la réalisation de ces auditions dans des conditions satisfaisant aux règles de distanciation physique et de protection du secret de la défense nationale, la délégation a renoncé à leur organisation. Elle devra se préoccuper à l'avenir des modalités qui lui permettraient, en cas d'urgence, de poursuivre ses travaux dans des conditions satisfaisant ses exigences.

Cette situation l'invitera probablement à aborder dans ses prochains travaux les modalités et conditions selon lesquelles les services de renseignement ont pu assurer la continuité de leurs missions pendant cette période, mais aussi leurs capacités à apporter aux autorités politiques les informations nécessaires à la prise de décisions en cas de crise sanitaire grave. Les livres blancs sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et de 2013, comme la revue stratégique de 2017, citent les pandémies comme des risques et menaces majeures, mais la stratégie nationale du renseignement est muette sur l'orientation de nos capteurs afin de connaître et anticiper ses risques et menaces.

Au cours de ses travaux, la DPR a trouvé, en général, une écoute attentive des différents services et interlocuteurs qui ont pu répondre à ses questions. Elle tient néanmoins à signaler l'impossibilité qui a été la sienne de prendre connaissance du rapport de l'inspection des services judiciaires suite à l'attentat perpétré à la prison de Condé-sur-Sarthe le 5 mars 2019. Une demande de communication a été adressée à Mme Nicole Belloubet, ministre de la justice, garde des sceaux, par le président de la délégation par une lettre en date du 20 septembre 2019 qui n'a obtenu aucune réponse. Cette demande a été réitérée par courriel en date du 24 février restée une nouvelle fois sans réponse et formulée au Premier ministre, par une lettre en date du 4 mars 2020, restée sans réponse également.

Aux termes de l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958, « la délégation peut solliciter du Premier ministre, communication de tout ou partie des rapport de l'inspection des services de renseignement ainsi que des rapports des services d'inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence ».

Si un refus de communication motivé aurait pu constituer une réponse acceptable, ce long silence n'a pas permis à la délégation parlementaire au renseignement d'accomplir pleinement la mission de contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière de renseignement et d'évaluation de la politique publique en ce domaine que lui a confiée le législateur. Cette situation justifie la disposition adoptée par le Sénat par un amendement lors de l'examen au projet de loi de programmation militaire 2019-2025, issue d'une proposition de loi déposée le 11 mai 2018 3 ( * ) par MM. Philippe Bas, Christian Cambon et François-Noël Buffet, tous trois membres de la DPR, qui visait à autoriser l'accès à certains documents, tout en préservant la capacité de l'exécutif à restreindre ce droit d'accès pour certaines informations, sous réserve d'en motiver le refus.

Enfin la délégation a pris connaissance avec satisfaction du taux de mise en oeuvre des recommandations de son rapport pour l'année 2018 qui s'élèvent à 22 sur 42, 7 étant réalisées partiellement, 11 étant en cours d'études et 2 non réalisées.

Nonobstant leur souci de répondre aux légitimes attentes de transparence des citoyens, les membres de la DPR ont également conscience que certaines informations portées à leur connaissance doivent être soustraites à la curiosité de nos rivaux comme de nos adversaires. C'est pour parvenir à concilier ces deux impératifs antagonistes qu'il a été décidé de masquer quelques passages sensibles au moyen d'un signe typographique (*****), invariable quelle que soit l'ampleur des informations rendues ainsi illisibles.

Employé par le parlement britannique, ce procédé permet une synthèse entre des logiques ambivalentes. Nos concitoyens pourront ainsi apprécier le raisonnement déployé, sa cohérence, ses principales conclusions, tandis que certains détails resteront protégés sans que l'on puisse critiquer la vacuité du propos ou un « caviardage » excessif.

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Réunie le jeudi 11 juin 2020 sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la délégation parlementaire au renseignement a adopté le présent rapport relatif à son activité pour l'année 2019-2020 et l'ensemble des recommandations formulées. M. Michel Boutant a émis une réserve sur la recommandation n° 14, et M. Loïc Kervran sur les recommandations portant sur le bilan des lois de 2015 qui seraient en contradiction avec celles de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur l'évaluation de la loi renseignement, dont il était le co-rapporteur.


* 3 Proposition de loi n° 470 (2019-2020) présentée par MM. Philippe Bas, Christian Cambon, François-Noël Buffet, Marc-Philippe Daubresse et Mme Martine Berthet, tendant à renforcer le contrôle parlementaire du renseignement.

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